Catena Aurea 12825
12825 Jn 8,25-27
S. Aug. (Traité 39). Le Sauveur venait de leur dire: «Si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans votre péché»; ils lui demandent maintenant en qui ils doivent croire pour éviter cette mort dans le péché: «Ils lui dirent donc: Qui êtes-vous ?» (Traité 38) Vous nous avez bien dit: Si vous ne croyez pas que je suis; mais vous ne nous avez pas appris qui vous étiez. Il savait que quelques-uns d'entre eux devaient croire en lui, aussi à cette question: Qui êtes-vous? Il leur répond: «Le Principe, moi-même qui vous parle», pour leur apprendre ce qu'ils devaient croire de lui. Il ne leur dit point: Je suis le Principe, mais: «Croyez que je suis le Principe»; ce qui parait clairement dans le texte grec où le mot Principe est du genre féminin. Croyez donc que je suis le Principe, pour éviter de mourir dans vos péchés, car le Principe est immuable, il demeure toujours le même, en renouvelant toute chose. (Traité 39). Il serait absurde de dire que le Fils est le Principe en refusant cette dénomination au Père, cependant il n'y a pas plus deux principes qu'il n'y a deux Dieux. L'Esprit saint est l'Esprit du Père et du Fils, mais il n'est ni le Père, ni le Fils. Cependant le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un seul Dieu, une seule lumière, un seul Principe. Il ajoute: «Qui vous parle», c'est-à-dire, je me suis humilié pour vous, et je m'abaisse jusqu'à vous tenir ce langage. Croyez donc que je suis le Principe, car pour justifier et appuyer votre foi, non-seulement je suis en effet le Princi pe, mais je vous parle. En effet, supposez que le Principe fut resté tel qu'il est dans le Père, sans prendre la forme de l'esclave, comment les hommes pourraient-ils croire en lui, puisque leur esprit si faible ne peut recevoir l'idée d'une chose intellectuelle sans l'intermédiaire de la voix extérieure? - Bède. On lit dans quelques exemplaires: «Moi qui vous parle», mais il est plus convenable de lire: «Car je vous parle», de manière à offrir ce sens: Croyez que je suis le Principe, car pour vous je me suis abaissé jusqu'à vous tenir ce langage.
S. Chrys. (hom. 53) On peut encore considérer à un autre point de vue la coupable folie des Juifs qui, depuis si longtemps qu'ils sont témoins des miracles de Jésus-Christ, et reçoivent ses divins enseigne ments, osent encore lui faire cette question: «Qui êtes-vous ?» Aussi que leur répond le Sauveur? «Je ne cesse de vous le dire depuis le commencement». C'est-à-dire, vous êtes indignes d'entendre mes paroles, bien loin de mériter que je vous dise qui je suis, vous ne m'interrogez que pour me tenter, et vous ne faites aucune attention à ce que je vous dis; aussi serais-je en droit de vous condamner et de vous punir: «J'ai beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous». - S. Aug. (Traité 39). Il a déclaré plus haut qu'il ne jugeait personne; mais autre chose est de dire: «Je ne juge point», et: «J'ai à juger», «je ne juge point», doit s'entendre du présent, tandis que ces paroles: «J'ai beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous», sont des paroles prophétiques du jugement futur. Or, la vérité réglera mon jugement, parce que je suis le Fils de celui qui est véridique, et que je suis la vérité même: «Et celui qui m'a envoyé est véridique». Le Père est véridique, non pas en participant à la vérité, mais en engendrant la vérité. Dirons-nous qu'ici celui qui est la vérité est supérieur à celui qui est véridique? Mais alors ce serait reconnaître que le Fils est plus grand que le Père. - S. Chrys. (hom. 53) Il leur parle de la sorte pour leur faire comprendre que s'il ne les punit pas de tant d'outrages qu'il reçoit d'eux, ce n'est point par faiblesse, ou parce qu'il ne connaît ni leurs pensées, ni les injures qu'ils lui font. - Théophyl. Ou peut encore donner cette explication: «En leur disant: J'ai beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous», il renvoyait, pour ainsi dire, l'exercice du jugement à l'autre vie, il ajoute donc: «Mais celui qui m'a envoyé est véridique, c'est-à-dire, si vous êtes infidèles, mon Père ne laisse pas d'être véridique», et il a établi un jour on vous recevrez ce que vous méritez. - S. Chrys. (hom. 53). Ou bien encore: Si mon Père m'a envoyé, non pour juger le monde, mais pour sauver le monde, comme mon Père est véridique je ne dois juger personne, et mes paroles ont pour objet votre salut, et non votre jugement et votre condamnation: «Et ce que j'ai entendu de lui je le dis au monde». - Alcuin. Entendre du Père pour le Fils, c'est la même chose qu'exister par le Père, car celui qui lui donne d'entendre est aussi celui qui lui donne son essence. - S. Aug. (Traité 39). Le Fils égal et consubstantiel à son Père, rend gloire à son Père, comme s'il disait: Je rends gloire à celui dont je suis le Fils, comment pouvez-vous affecter de l'orgueil devant celui dont vous n'êtes que le serviteur? - Alcuin. Mais ils ne comprirent point de qui Jésus voulait parler en disant: «Celui qui m'a envoyé est véridique». C'est ce qu'ajouté l'Évangéliste: «Et ils ne comprirent point», qu'il disait que Dieu était son Père, car ils n'avaient pas encore ouvert ces yeux du coeur, qui auraient pu leur faire comprendre l'égalité du Père et du Fils.
12828 Jn 8,28-30
S. Aug. (Traité 40 sur S. Jean). Les Juifs ne comprirent donc pas que le Sauveur parlait de son Père, lorsqu'il disait: «Celui qui m'a envoyé est véridique». Mais comme il en voyait quelques-uns parmi eux qu'il prévoyait devoir croire en lui après sa passion, il leur dit: «Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez que je suis». Rappelez-vous ces paroles: «Je suis celui qui suis», (Ex 3) et vous comprendrez ce que signifie cette parole: «Je suis». Je diffère le moment où vous me connaîtrez pour rendre possible ma passion, et vous connaîtrez en votre temps qui je suis, lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme. Il veut parler ici de son élévation sur la croix, parce qu'il fut élevé en réalité lorsqu'il fut suspendu à l'arbre de la croix; or, il fallait que sa mort sur la croix s'accomplît par les mains de ceux qui devaient par la suite croire en lui. Mais dans quel dessein leur adresse-t-il ces paroles? C'est afin que personne ne se laisse aller au désespoir, sa conscience lui reprochât-elle les plus grands crimes, lorsqu'il voit ceux qui avaient mis Jésus-Christ à mort, obtenir le pardon de leur homicide.
S. Chrys. (hom. 53). On peut encore établir autrement la suite du discours du Sauveur. Il n'avait pu convertir les Juifs, malgré la multitude de ses miracles et la force de ses divins enseignements; il ne lui reste donc plus qu'à leur parler de sa croix: «Lorsque vous aurez élevé le Fils de l'homme», etc., c'est-à-dire, vous pensez que vous serez délivrés de moi lorsque vous m'aurez mis à mort; mais moi, je vous dis que c'est alors surtout que l'éclat des miracles, ma résurrection, et votre propre captivité, vous feront connaître que je suis le Christ, le Fils de Dieu, et que je ne lui suis point opposé. C'est pour cela qu'il ajoute: «Alors vous reconnaîtrez que je ne fais rien de moi-même, mais qu e je dis ce que mon Père m'a enseigné». C'est ainsi qu'il prouve que le Père et le Fils ont une seule et même nature, et qu'il ne dit rien qui ne soit l'expression de là pensée de son Père. Car si j'étais en opposition avec Dieu, je n'aurais pu exciter une si grande colère contre ceux qui ont refusé de m'écouter.
S. Aug. (Traité 40). Ou bien encore comme il venait de dire: «Alors vous connaîtrez que je suis», et que la Trinité tout entière est le principe et la source de l'être même, le Sauveur prévient l'erreur des Sabelliens, en ajoutant aussitôt: «Et que je ne fais rien de moi-même», c'est-à-dire, je ne viens pas de moi-même; car le Fils, qui est Dieu, vient du Père, qui est Dieu. Si donc il ajoute encore: «Et je dis ce que mon Père m'a enseigné», gardez-vous, à ces paroles, de toute pensée charnelle; ne vous représentez point deux hommes devant les yeux, l'un qui serait le père, l'autre le fils, et le père parlant à son fils comme lorsque vous adressez vous-même la parole à votre fils; car quelles paroles le Père pourrait-il adresser à son Verbe unique? Si Dieu parle à vos coeurs sans l'intermédiaire d'aucune voix extérieure, comment parle-t-il à son Fils? Il lui parle d'une manière incorporelle, parce qu'il l'a engendré d'une manière incorporelle; il ne l'a point enseigné comme s'il l'avait engendré sans aucune science. Pour Dieu le Père, enseigner son Fils, c'est l'engendrer dans toute sa science; car comme la nature de la vérité est simple, être et connaître sont une même chose pour le Fils. Et en l'engendrant, le Père lui a donné la connaissance, de la même manière qu'il lui a donné l'être.
S. Chrys. (hom. 53). Notre-Seigneur ramène de nouveau son discours à des proportions plus humbles: «Et celui qui m'a envoyé est avec moi». Mais d ans la crainte que ces paroles: «Il m'a envoyé», ne paraissent à leurs yeux un signe d'infériorité, il ajoute: «Il est avec moi». L'une de ces deux choses entrait dans l'économie de l'incarnation, l'autre est une preuve de divinité. - S. Aug. (Traité 40). Tous deux sont ensemble, cependant l'un a été envoyé, l'autre a envoyé, parce que l'incarnation est une véritable mission, le Fils seul s'est incarné, et non le Père. Le Sauveur dit: «Celui qui m'a envoyé», c'est-à-dire celui qui, par son autorité paternelle, a été la cause de mon incarnation. Ainsi le Père a envoyé le Fils, mais il ne s'est point séparé du Fils. Aussi ajoute-t-il: «Et il ne me laisse pas seul». En effet, le Père ne pouvait être absent du lieu où il envoyait le Fils, lui qui nous dit, par son prophète: «Je remplis le ciel et la terre». (Jr 23, 24). Le Sauveur donne ensuite la raison pour laquelle Dieu ne l'abandonne point: «Parce que je fais toujours ce qui lui plaît». Je n'ai pas commencé à le faire, je fais ce qui lui plaît sans commencement comme sans fin, car la génération divine n'a pas de commencement. - S. Chrys. (hom. 53). Ou bien encore Notre-Seigneur répond ici à l'objection qu'ils lui faisaient de ne pas venir de Dieu et de ne pas observer la loi du sabbat, en leur disant: «Je fais toujours ce qui lui plaît», et il leur démontre ainsi qu'il était agréable à Dieu qu'il transgressât la loi du sabbat, car il s'applique en toute circonstance à prouver qu'il ne fait rien de contraire à Dieu son Père. Ces paroles, ce langage moins élevé, en déterminèrent un certain nombre à croire en lui: «Comme il disait ces choses, plusieurs crurent en lui». L'Évangéliste semble dire: Ne soyez pas surpris d'entendre sortir de la bouche du Sauveur une doctrine moins relevée, puisque vous voyez que ceux que la sublimité de ses enseignements n'avaient pu persuader, sont amenés à croire en lui par des paroles en disproportion ce semble avec sa grandeur. Ils crurent donc en lui, mais non pas comme ils le devaient; ils se contentèrent de se reposer avec joie dans les paroles plus humbles qu'ils venaient d'entendre. La suite prouvera bientôt, en effet, toute l'imperfection de leur foi, puisque nous les verrons se laisser aller à de nouveaux outrages contre le Sauveur.
12831 Jn 8,31-36
S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean). Notre-Seigneur voulait appuyer sur de solides fondements la foi de ceux qui avaient cru en lui, pour que cette foi ne fut point purement superficielle. Jésus dit donc à ceux des Juifs qui croyaient en lui: «Si vous demeurez dans ma parole, vous serez vraiment mes disciples». Par ces paroles: «Si vous demeurez», il révèle les dispositions intérieures de leur coeur; il savait bien, en effet, qu'ils avaient cru, mais il savait aussi que leur foi ne persévérerait pas, et pour les affermir dans la foi, il leur fait une magnifique promesse, c'est qu'ils deviendront ses disciples. Il blâme indirectement par là ceux qui s'étaient précédemment séparés de lui; ils l'avaient entendu, ils avaient cru en lui, et ils le quittèrent, parce que leur foi ne fut point persévérante.
S. Aug. (serm. 40 sur les par. du Seig). Nous n'avons tous qu'un seul maître, et nous sommes tous également ses disciples. Nous ne portons pas justement le titre de maîtres, parce que nous enseignons d'un lieu plus élevé, le véritable maître de tous les hommes est celui qui habite au dedans de nous. Or, l'important pour le disciple n'est point d'approcher de son maître, il faut que nous demeurions en lui; et si nous ne demeurons pas en lui, notre chute est inévitable. Si vous demeurez, c'est là une oeuvre abrégée en apparence, oui, abrégée dans les termes, mais bien étendue dans l'exécution. Qu'est-ce, en effet, que demeurer dans les paroles du Seigneur, si ce n'est ne succomber à aucune tentation? Si vous agissez sans efforts, vous recevez la récompense sans l'avoir méritée, mais si vous avez de grands obstacles à vaincre, considérez aussi la grande récompense qui vous attend: «Et vous connaîtrez la vérité». - S. Aug. (Traités 40 et 41). C'est-à-dire, vous croyez maintenant, si vous demeurez dans la foi, vous verrez ce qui fait l'objet de votre foi; car remarquez-le bien, la foi ne fut point produite par la connaissance, mais la connaissance a été le fruit de la foi. Qu'est-ce que la foi? croire ce que vous ne voyez pas; qu'est-ce que la vérité? voir ce que vous avez cru. Si donc nous demeurons dans ce que nous croyons, nous parviendrons à la claire vision, c'est-à-dire que nous contemplerons la vérité telle qu'elle est, non plus par l'intermédiaire de paroles qui retentissent à nos oreilles, mais à la splendeur éclatante de la lumière elle-même. Or, la vérité est immuable, c'est un pain véritable qui répare les forces de l'âme, et qui est inépuisable; il change en lui celui qui s'en nourrit, mais il n'est pas changé en celui qu'il nourrit. La vérité c'est le Verbe de Dieu lui-même, cette vérité s'est revêtue d'une chair mortelle; c'est pour nous qu'elle se cachait sous l'enveloppe de la chair, non point dans le dessein de se voir niée, mais elle différait de se faire connaître, afin qu'elle pût ainsi souffrir dans la chair, et racheter par ses souffrances la chair du péché. - S. Chrys. (hom. 53). Ou bien vous connaîtrez la vérité, c'est-à-dire, vous me connaîtrez moi-même, car je suis la vérité, la loi des Juifs ne renfermait que des figures, c'est par moi que vous connaîtrez la vérité.
S. Aug. (serm. sur les par. du Seign). Quelqu'un dira peut-être: Et que me servira-t-il de connaître la vérité? Ecoutez ce qu'ajoute Notre-Seigneur: «Etla vérité vous délivrera». Il semble leur dire: Si la vérité vous touche peu, soyez du moins sensibles au charme de la liberté, car être délivré, c'est être libre, de même qu'être guéri, c'est être rendu à la santé. Cette signification ressort bien plus clairement du texte g rec Ýëåèåñþóç, car dans la langue latine, le mot de livrer (liberari) signifie plutôt échapper au danger, être affranchi de toutes choses pénibles. - Théophyl. Il a menacé plus haut ceux qui persévèrent dans leur infidélité de les laisser mourir dans leurs péchés, ici, au contraire, il promet à ceux qui demeurent dans sa parole l'absolution de leurs péchés. - S. Aug. (de la Trin., 4, 18). Mais de quoi la vérité nous délivrera-t-elle, si ce n'est de la mort, de la corruption, du changement? car la vérité demeure immortelle, incorruptible, immuable, et la véritable immutabilité, c'est l'éternité elle-même.
S. Chrys. (hom. 53). Il était du devoir de ceux qui avaient cru en Jésus-Christ du supporter au moins les reproches qu'il leur adressait; loin de là, ils entrent aussitôt en fureur contre lui. Mais si les paroles du Sauveur avaient dû être pour eux une cause d'agitation et de trouble, c'était plutôt celles qui précèdent: «Et vous connaîtrez la vérité»; et ils auraient eu quelque raison de dire: Nous ne connaissons donc point la vérité, notre loi n'est donc que mensonge, ainsi que notre science. Mais ils n'ont aucun souci de la vérité, et leur mécontentement porte tout entier sur des objets profanes, car ils ne connaissaient d'autre servitude que la servitude extérieure. Les Juifs lui répondirent: «Nous sommes la race d'Abraham, et nous n'avons jamais été esclaves de personne». C'est-à-dire, vous ne devez pas traiter d'esclaves ceux qui sont libres par leur naissance, nous n'avons jamais été esclaves. - S. Aug. (Traité 41). On peut dire aussi que cette réponse fut faite non point par ceux qui avaient cru aux paroles du Sauveur, mais par ceux qui n'avaient pas encore la foi en lui. Mais comment pouvez-vous dire en vérité que vous n'avez jamais été en servitude, si vous l'entendez de la servitude extérieure et publique? Est-ce que Joseph n'a pas été vendu? Est-ce que les saints prophètes n'ont pas été conduits en captivité. O ingrats que vous êtes ! pourquoi donc Dieu vous reproche-t-il continuellement d'oublier qu'il vous a délivrés de la demeure de la servitude, si vous n'avez jamais été esclaves? Mais vous-mêmes qui tenez ce langage, pourquoi payez-vous le tribut aux Romains, si vous n'avez jamais été asservis à personne ?
S. Chrys. (hom. 53). Or comme le Sauveur ne parlait point par un motif de vaine gloire, mais uniquement pour leur salut, il s'abstient de leur prouver qu'ils étaient esclaves des hommes, et il se borne à leur montrer qu'ils sont sous l'esclavage du péché, esclavage le plus dur de tous, et dont Dieu seul peut délivrer: «Jésus leur répartit: En vérité, en vérité, je vous le dis», etc.
S. Aug. (Traité 41) Cette manière de parler dans la bouche du Sauveur, annonce toujours une vérité sur laquelle il veut attirer notre attention, c'est comme une espèce de serment. Amen veut dire vrai, et cependant ni l'interprète grec, ni l'interprète latin n'ont voulu exprimer cette signification du mot amen qui est un mot hébreu; peut-être pour protéger le mystère de ce mot sous le voile du secret, non pas sans doute pour en cacher absolument la signification, mais pour en prévenir la profanation. Sa répétition même prouve son importance: «En vérité je vous le dis», c'est la vérité même qui vous parle, quand bien même elle ne vous préviendrait pas qu'elle dit la vérité, il lui serait absolument impossible de ne point la dire; cependant elle tient à le rappeler, elle réveille pour ainsi dire les âmes endormies, elle veut défendre de tout mépris ses divins enseignements. Tout homme, dit-elle, Juif ou Grec, riche ou pauvre, roi ou mendiant, s'il commet le péché, devient esclave du péché. - S. Grég. (4 Mor., 21 ou 42) Tout homme, en effet, qui se laisse dominer par un désir coupable, abaisse et plie la liberté de son âme sous le joug de la servitude; nous résistons à cette servitude, lorsque nous luttons contre l'iniquité qui veut nous dominer, lorsque nous résistons énergiquement à la tyrannie de l'habitude, lorsque nous détruisons en nous le crime par le repentir, lorsque nous lavons dans nos larmes les souillures de nos fautes.
S. Grég. (Moral., 25, 14 ou 20). Plus on se plonge librement dans tous les excès du crime, et plus on resserre étroitement les chaînes de cet esclavage. - S. Aug. (Traité 41) O misérable servitude ! L'esclave d'un homme, fatigué du joug tyrannique de son maître, cherche son repos dans la fuite, mais où peut fuir l'esclave du péché? Partout où il dirige ses pas, il se porte avec lui; le péché qu'il a commis est nu-dedans de lui-même; la volupté passe, le péché ne passe pas; le plaisir qui flatte passe, le remords qui déchire demeure. Celui-là seul peut nous délivrer du péché qui est venu sur la terre sans aucun péché, et qui s'est offert en sacrifice pour le péché. Car pour l'esclave, ajoute le Sauveur, il ne demeure pas toujours dans la maison. Cette maison, c'est l'Eglise, l'esclave, c'est le pécheur; un grand nombre de pécheurs entrent dans l'Eglise, aussi Notre-Seigneur ne dit pas: L'esclave n'est pas dans la maison, mais: «Il ne demeure pas toujours dans la maison». Mais s'il n'y a point d'esclave dans la maison, qu'y aura-t-il donc? Qui peut se glorifier d'être pur de tout péché? Cette parole du Sauveur est vraiment effrayante, aussi ajoute-t-il: «Mais le Fils y demeure toujours». Est-ce donc que le Christ sera seul dans sa maison? Ou bien, sous le nom de Fils, comprend-il le chef et les membres? Ce n'est pas sans raison qu'il inspire tour à tour la crainte et l'espérance, la crainte pour nous détourner d'aimer le péché, l'espérance pour ne point nous laisser désespérer du pardon de nos péchés. Notre espérance est donc d'être délivré par celui qui est libre; c'est lui qui a payé notre rançon, non point avec de l'argent, mais avec son sang, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Si le Fils vous délivre, vous serez véritablement libres».
S. Aug. (serm. 48 sur les par. du Seig). Vous serez libres, non point du joug des barbares, mais des chaînes du démon, non point de la captivité du corps, mais de l'iniquité de l'âme. - S. Aug. (Traité 41 sur S. Jean). La liberté qui vient en premier lieu consiste à être exempt de tout crime, mais ce n'est que le commencement de la liberté, ce n'en est point la perfection, parce que la chair ne laisse point de convoiter encore contre l'esprit, de sorte que vous ne fassiez pas ce que vous voulez. (Ga 6) La liberté pleine et parfaite nous sera donnée, lorsque toutes les inimitiés auront cessé, et que la mort, c'est-à-dire, le dernier ennemi, sera détruite. (1 Co 15, 26).
S. Chrys. (hom. 43 sur S. Jean). On peut encore donner cette explication. Les Juifs, à ces paroles du Sauveur: «Celui qui commet le péché est esclave du péché, pouvaient objecter: nous avons des sacrifices qui peuvent nous délivrer du péché; Notre-Seigneur les prévient donc en leur disant: «L'esclave ne demeure pas toujours dans la maison». Sous le nom de maison, il veut désigner le royaume de son Père, et par cette comparaison empruntée aux choses humaines, il leur apprend qu'il a puissance et autorité sur toutes choses, de même que le maître d'une maison sur tout ce qu'elle renferme. En effet, cette expression: «Il ne demeure pas», signifie: Il n'a le pouvoir de rien donner, le Fils, au contraire, qui est le maître de la maison, a ce pouvoir; voilà pourquoi les prêtres de l'ancienne loi n'avaient point le pouvoir de remettre les péchés par les sacrifices de la loi ancienne, «car tous ont péché», (Rm 7,23) même les prêtres, qui ont aussi besoin, comme le dit l'Apôtre, d'offrir des sacrifices pour eux-mêmes (He 7, 27); le Fils, au contraire, a ce pouvoir, c'est pour cela qu'il conclut en disant: «Si le Fils vous délivre, vous serez vraiment libres», leur montrant ainsi que la liberté extérieure dont ils se glorifiaient, n'était pas la vraie liberté. - S. Aug. (Traité 41) Gardez-vous donc d'abuser de cette liberté pour pécher plus librement, mais servez-vous-en, au contraire, pour fuir le péché, car votre volonté sera libre si elle est sincèrement pieuse; vous serez affranchis du péché si vous êtes esclaves de la justice.
12837 Jn 8,37-41
S.Aug. (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs se proclamaient libres, parce qu'ils étaient les enfants d'Abraham. Que répond le Sauveur à cette prétention? «Je sais que vous êtes enfants d'Abraham», c'est-à-dire, je sais que vous êtes les descendants d'Abraham par la chair, mais non par la foi du coeur, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Mais vous cherchez à me faire mourir». - S. Chrys. (hom. 53 sur S. Jean). Notre-Seigneur ajoute ces paroles pour réprimer leur arrogance et les empêcher de dire: «Nous n'avons point de péché». Il s'abstient de relever les autres crimes de leur vie, il les prend sur le fait et leur met sous les yeux l'acte coupable qu'ils voulaient consommer. Il leur enlève peu à peu l'honneur de cette parenté et leur apprend à ne point tant s'en glorifier, car ce sont les oeuvres surtout qui établissent la véritable parenté, de même que ce sont les oeuvres qui font les hommes libres ou esclaves. Et pour leur ôter tonte excuse de dire qu'ils agissaient en cela avec justice, le Sauveur leur fait connaître la cause de leurs desseins coupables: «Parce que ma parole ne prend point en vous». - S. Aug. (Traité 42) C'est-à-dire, elle ne prend point votre coeur, parce qu'il ne la reçoit pas. La parole de Dieu est pour les fidèles ce qu'est l'hameçon pour le poisson, il prend l'hameçon lorsqu'il est pris, et ici aucun mal n'est fait à ceux qui sont pris de la sorte, car c'est pour leur salut et non pour leur, perte qu'on les prend. S. Chrys. (hom. 53). Notre-Seigneur ne dit pas: Vous ne prenez pas ma parole, mais: «Ma parole ne prend point en vous», pour montrer la hauteur des vérités qu'il enseigne. Mais ils pouvaient lui dire: Où est la justice de votre réponse, si vous parlez de vous-même? Il se hâte donc d'ajouter: «Ce que j'ai vu dans mon Père, je le dis», non-seulement j'ai la même nature, mais la même vérité que lui. - S. Aug. (Traité 42). Notre-Seigneur veut leur faire comprendre que son Père est Dieu: J'ai vu la vérité, leur dit-il; je dis la vérité, parce que je suis la vérité. Si donc le Seigneur dit la vérité qu'il a vue dans son Père, il s'est vu lui-même, il s'affirme lui-même, parce qu'il est lui-même la vérité du Père. - Orig. (Traité 20 sur S. Jean). Ces paroles prouvent que le Sauveur a vu par lui-même ce qui était dans le Père, taudis que les hommes à qui la vérité est révélée, ne la voient point par eux-mêmes. - Théophyl. Il ne faut pas entendre ces paroles du Sauveur: «Je dis ce que j'ai vu»; dans le sens d'une vision corporelle, elles expriment une connaissance naturelle, véritable et parfaite, et veulent dire: De même que les yeux en fixant un objet, le voient dans son intégrité et dans sa vérité sans se tromper; ainsi je dis dans toute leur vérité toutes les choses que j'ai vues dans mon Père.
«Et vous, ce que vous avez vu dans votre père, vous le faites».
- Orig. (Traité 20). Il ne nomme pas encore leur Père, il a parlé plus haut d'Abraham, mais il va leur parler d'un autre père, c'est-à-dire du démon, dont ils sont enfants, non pas en tant qu'hommes, mais en tant qu'ils sont livrés au mal. C'est ce mal qu'ils commettent, que le Seigneur reprend et condamne en eux. - S. Chrys. (hom. 53). Une autre version porte: «Faites ce que vous avez vu dans votre père». C'est-à-dire, de même que je montre mon Père par mes paroles et par la vérité de mes oeuvres, montrez vous-mêmes Abraham par vos oeuvres. - Orig. Une autre version porte encore: Pour vous, faites ce que vous avez entendu de votre père, car ils avaient appris du Père ce qui est écrit dans la loi et les prophètes. Si l'on adopte cette version, on pourra la faire servir à prouver contre ceux qui sont d'une opinion contraire, que le Dieu qui a donné la loi et inspiré les prophètes, n'est autre que le Père de Jésus-Christ. Interrogeons aussi ceux qui soutiennent le système des deux natures, diront-ils qu'ils ont entendu la parole du Père, quoique lui étant étrangers? Cela n'est pas possible; soutiendront-ils qu'ils participaient à la même nature que le Sauveur, comment alors cherchaient-ils à le mettre à mort, et ne pouvaient-ils comprendre sa parole ?
Ils ne purent supporter que le Sauveur prolongeât la discussion sur cette question, quel était leur père, car ils se prétendaient les enfants de celui que Dieu a déclaré le père d'un grand nombre de nations: «Ils lui répondirent: Notre père est Abraham». - S. Aug. Ils semblent lui dire: Quel reproche pouvez-vous faire à Abraham? Et veulent-ils l'exciter à dire du mal d'Abraham pour y trouver eux-mêmes l'occasion d'exécuter leur dessein? - Orig. Mais le Sauveur leur enlève ce moyen de défense comme n'étant point fondé sur la vérité: «Jésus leur dit: Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham». - S. Aug. Et cependant il leur a dit plus haut: Je sais que vous êtes les enfants d'Abraham, il ne met donc poin t en doute leur origine, mais il condamne leur conduite. Leur chair descendait d'Abraham, mais leur vie n'en venait pas. - Orig. (Traité 20). On peut encore donner une autre explication fondée sur le texte grec: «Je sais que vous êtes de la race, ou littéralement de la semence d'Abraham». Pour rendre cette explication plus claire, voyons d'abord la différence qui existe entre la semence destinée à former le corps et l'enfant. Il est évident d'abord que la semence a en elle-même toutes les raisons constitutives de celui dont elle est la semence, bien qu'elles soient encore à l'état d'inaction et de repos. Mais après la transformation de cette semence et son action particulière sur la matière qui lui est présentée par la femme, l'enfant, au moyen de l'alimentation qu'il reçoit, prend lui-même la forme de celui qui l'a engendré. Quant au corps, tout enfant vient nécessairement d'une semence, mais toute semence ne se transforme pas en enfant. Mais puisque c'est par les oeuvres que l'on juge quels sont ceux qui méritent d'être considérés comme la race, comme la semence d'Abraham, voyons si ce ne serait pas au moyen de certaines semences intellectuelles répandues dans les âmes qu'on pourrait reconnaître ceux qui sont de la race d'Abraham. Tous les hommes ne sont donc pas la semence d'Abraham, parce que tous n'ont pas ces semences intellectuelles infuses dans leurs âmes. Il faut que celui qui est la semence d'Abraham, devienne aussi son fils en prenant sa ressemblance. Or, il peut arriver que par suite de sa négligence ou de son inaction, il détruise en lui cette précieuse semence. Quant à ceux à qui Notre-Seigneur s'adressait, toute espérance n'était pas encore détruite, Jésus savait qu'ils étaient encore la semence d'Abraham, et qu'ils n'avaient pas encore perdu le pouvoir de devenir enfants d'Abraham. C'est pourquoi il leur dit: «Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham». S'ils avaient voulu laisser croître cette précieuse semence jusqu'à son parfait développement, ils auraient compris la parole de Jésus. Mais comme ils ne sont point parvenus à être les enfants d'Abraham, ils ne peuvent comprendre cette parole, et ils cherchent à la détruire et comme à la briser, parce qu'ils n'en comprennent point la grandeur. Si donc quelqu'un d'entre vous est la semence d'Abraham, et qu'il ne comprenne pas encore le Verbe de Dieu, qu'il se garde bien de chercher à mettre le Verbe à mort, mais qu'il se transforme en fils d'Abraham, et alors il pourra comprendre le Fils de Dieu. Il en est qui se bornent à choisir une seule des oeuvres d'Abraham, celle que l'Apôtre relève en ces termes: «Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice». Mais si, comme ils le prétendent, la foi est la seule oeuvre nécessaire, pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas dit au singulier: «Faites l'oeuvre d'Abraham», mais au pluriel: «Faites les oeuvres d'Abraham»? Ces paroles sont l'équivalent de celles-ci: Faites toutes les oeuvres d'Abraham, en prenant toutefois la vie d'Abraham dans le sens allégorique et ses actions dans un sens spirituel. En effet, celui qui veut devenir le fils d'Abraham, ne doit point, à l'exemple d'Abraham, prendre ses servantes pour épouses, ni après la mort de sa femme en épouser une autre dans sa vieillesse.
«Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité». - S. Chrys. (hom. 53). Quelle vérité? Qu'il est égal au Père, car c'est pour cela que les Juifs cherchaient à le mettre à mort. Et pour leur montrer que cette vérité n'est pas contraire à Dieu, il ajoute: «Que j'ai entendue de Dieu». - Alcuin. C'est qu'en effet, celui qui est la vérité, avait été engendré par le Père, car pour lui entendre du Père, n'est autre qu'être engendré de Dieu le Père. - Orig. «Moi, un homme qui vous ai dit la vérité». Je ne dis pas encore: Moi le Fils de Dieu, je ne dis pas: Moi le Verbe, parce que le Verbe ne meurt pas; je dis ce que vous voyez, parce que vous pouvez mettre à mort ce que vous voyez, et que vous ne pouvez qu'outrager ce que vous ne voyez pas.
«Ce n'est point ce qu'à fait Abraham». - Alcuin. C'est-à-dire, vous prouvez justement que vous n'êtes pas les enfants d'Abraham, parce qui; vous faites des oeuvres contraires à celles qu'a faites Abraham. - Orig. Mais, me dira-t-on, c'est bien in utilement qu'on fait un mérite à Abraham de n'avoir point fait ce qu'il n'aurait pu faire de son temps, car le Christ n'était pas né du temps d'Abraham? Nous répondons qu'au temps même d'Abraham il y avait des hommes qui annonçaient la vérité qu'ils avaient entendue d e Dieu, et que certainement Abraham ne chercha point à les mettre à mort. Il faut se rappeler, en effet, que l'avènement spirituel de Jésus a toujours été présent pour les saints, d'où je conclus que tout homme qui après sa régénération et les grâces célestes qu'il a reçues, retombe dans le péché, crucifie de nouveau le Fils de Dieu par les crimes dans lesquels il retombe. Ce que n'a pas fuit Abraham.
«Vous faites les oeuvres de votre père». - S. Aug. (Traité 42). Il ne leur dit pas encore quel est leur père. - S. Chrys. (hom. 53). Son dessein, en leur parlant de la sorte, est de détruire en eux ces sentiments de vaine gloire, que leur inspire leur parenté avec Abraham, et de bien les persuader de placer l'espérance de leur salut, non point dans une parenté toute naturelle, mais dans la parenté fondée sur l'adoption spirituelle, parce, qu'en effet ce qui les empêchait de venir à Jésus-Christ, c'est qu'ils pensaient que cette parenté avec Abraham suffisait pour le salut.
Catena Aurea 12825