Catena Aurea 12841

vv. 41-43

12841 Jn 8,41-43

S. Aug. (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs avaient commencé à comprendre que Jésus ne leur parlait pas de la génération ou de la parenté selon la chair, mais qu'il s'agissait de la sage direction de toute la vie. Et comme les saintes Écritures donnent le nom de fornication spirituelle au culte, que l'âme, semblable à une prostituée, rend à une multitude de fausses divinités, ils se hâtent de répondre: «Nous ne sommes pas nés de la fornication, nous avons un seul père qui est Dieu». - Théophyl. Ils lui font entendre par là qu'ils demandent vengeance à Dieu, et qu'ils invoquent son appui dans les desseins qu'ils forment contre lui.

Orig. (Traité 22 sur S. Jean). Ou bien encore, comme Jésus leur a reproché de n'être pas les enfants d'Abraham, ils lui répondent par un outrage personnel, et veulent insinuer à mots couverts que le Sauveur est le fruit de l'adultère. Il me parait cependant plus vraisemblable que cette réponse fait suite à la discussion. Ils ont commencé par dire: «Notre père est Abraham», et Jésus leur a répondu: «Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham», ils déclarent maintenant qu'ils ont un père plus grand qu'Abraham, c'est-à-dire Dieu, et qu'ils ne sont point enfants de la fornication. Car ce n'est point d'une épouse légitime, mais de la matière comme d'une prostituée, que le démon qui ne fait rien de lui-même, produit ceux qui, plongés dans les jouissances charnelles, sont esclaves de la matière. - S. Chrys. (hom. 54) Mais que dites-vous? Vous avez Dieu pour père, et vous faites un crime au Christ de tenir celangage? Et cependant un grand nombre d'entre eux étaient nés de la fornication, car les unions illicites étaient fréquentes chez les Juifs. Le Sauveur, toutefois, ne leur en fait point un reproche, mais il s'attache à leur prouver qu'ils ne sont point de Dieu: «Jésus leur dit donc: Si Dieu était votre père, vous m'aimeriez certainement, parce que je suis sorti de Dieu, et que je viens de sa part». - S. Hil. (De la Trin., 6) Le Fils de Dieu ne défend pas que cet auguste nom soit porté par ceux qui, faisant profession d'être les enfants de Dieu, reconnaissent Dieu pour leur père; mais il blâme la téméraire présomption des Juifs qui prétendaient que Dieu était leur père, et qui n'avaient pour lui, son Fils, aucun amour. On ne peut dire que sortir de Dieu et venir de Dieu soient deux termes identiques, mais comme il déclare que ceux qui proclament Dieu leur père, devraient l'aimer par ce seul motif qu'il est sorti de Dieu, il donne donc pour motif de cet amour le motif de sa naissance, car sortir de Dieu est la même chose que naître, incorporellement de lui. On n'est donc vraiment digne de la religion, par laquelle on reconnaît Dieu pour père, qu'en aimant Jésus-Christ qui a été engendré du Père, et il est impossible d'être vraim ent religieux envers le Père, sans aimer le Fils, puisque l'unique cause d'aimer le Fils, c'est qu'il est sorti de Dieu. Le Fils virait donc du Père, non par avènement, mais par naissance, et la plus grande marque d'amour envers le Père sera toujours de croire que le Fils est venu de lui.

S. Aug. (Traité 42) Le Verbe procède donc de Dieu, et il en procède éternellement, car il en procède comme le Verbe du Père, et il est venu jusqu'à nous, parce que le Verbe s'est fait chair. Son avènement c'est doncson humanité, et sa demeure, sa divinité. Vous dites que Dieu est votre Père, reconnaissez-moi au moins pour votre frère. - S. Hil. Notre-Seigneur enseigne clairement qu'il ne tire point son origine de lui-même en ajoutant: «Je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé». - Orig. Je pense que le Sauveur s'exprime de la sorte pour blâmer la conduite de ceux qui venaient de leur propre autorité, sans être envoyés par le Père, et dont Jérémie disait: «Je ne les envoyais point, et ils couraient d'eux-mêmes». (Jr 21, 23). Mais comme les partisans des deux natures appuient leur erreur sur ces paroles, nous pouvons leur demander sous forme d'objection: Paul, sans doute, haïssait Jésus, lorsqu'il persécutait l'Eglise de Dieu? Et voilà pourquoi le Seigneur lui disait: «Pourquoi me persécutez-vous ?» Si donc nous devons admettre la vérité de cette proposition: «Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez certainement», il faut admettre également la vérité de cette autre proposition: «Si vous ne m'aimiez pas, Dieu ne serait pas votre Père». Il fut donc un temps où Paul n'aimait pas Jésus, il fut un temps où Dieu n'était pas le père de Paul, Paul ne fut donc jamais enfant de Dieu par nature, mais il est devenu par la suite enfant de Dieu. Or, quand devient-on le fils de Dieu, si ce n'est quand on observe ses commandements ?

S. Chrys. (hom. 54). Comme ils faisaient sans cesse cette question: Que veut-il dire, quand il nous déclare que là où il va, nous ne pouvons aller? le Sauveur ajoute: «Pourquoi ne reconnaissez-vous point mon langage? parce que vous ne pouvez point entendre ma parole». - S. Aug. (Traité 42). Or, ils ne pouvaient l'entendre, parce qu'ils ne voulaient pas y croire pour réformer leur vie. - Orig. (Traité 22). La première chose est donc d'obtenir la vertu d'écouter le Verbe divin, afin d'être plus fort ensuite pour suivre la doctrine de Jésus dans toute son étendue; car tant que l'homme n'a pas été guéri dans le sens de l'ouïe, par la parole qui a dit au sourd de l'Évangile: «Ouvrez-vous», (Mc 7) il lui est impossible d'en faire usage pour entendre.


vv. 44-47

12844 Jn 8,44-47

S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean). Notre-Seigneur a prouvé aux Juifs qu'ils n'avaient aucun droit à se dire la race d'Abraham, et comme ils élevaient plus haut encore leurs prétentions, en proclamant qu'ils avaient Dieu pour père, ils les confond de nouveau en leur disant: «Vous avez le démon pour père». - S. Aug. (Traité 42) Il faut nous garder ici de l'erreur des Manichéens, qui prétendent qu'il existe un certain principe du mal, une nation de ténèbres avec ses chefs, d'où le démon a tiré son origine, c'est de là aussi que notre chair puiserait la raison de son existence, et c'est pour confirmer cette opinion que le Sauveur dit aux Juifs: «Vous avez le démon pour père», c'est-à-dire qu'ils seraient mauvais par nature, parce qu'ils tiraient leur origine de la nation des ténèbres, en hostilité avec Dieu.

Orig. (Traité 22) Ils sont tombés dans la même erreur que celui qui prétendrait que l'oeil d'un homme qui voit, diffère quant à sa nature de l'oeil de l'aveugle où de celui qui détourne les yeux de la lumière. Non la nature de l'oeil est la même dans ces deux hommes, mais il y a une cause particulière qui empêche l'un de ces deux hommes de voir. Ainsi la nature de l'âme reste la même soit qu'elle se rende à la raison, soit qu'elle y résiste.

S. Aug. (Traité 42). Les Juifs étaient donc les enfants du démon, non par naissance, mais par imitation: «Et vous voulez accomplir les désirs de votre Père». Ce qui vous fait ses enfants, ce n'est pas que vous soyez nés de lui, c'est que vous nourrissez les mêmes désirs. Car vous cherchez à me faire mourir, moi un homme qui vous ai dit la vérité; et le démon a aussi porté envie au premier homme et l'a mis à mort: «Et il était homicide dès le commencement». Il a été homicide à l'égard du premier homme qu'il a pu mettre à mort, puisqu'il n'aurait pu le mettre à mort avant qu'il commençât d'exister. Ce n'est point avec le glaive que le démon s'est présenté pour attaquer l'homme, il lui a suffi de semer dans son âme une mauvaise parole pour lui donner la mort. Ne vous regardez donc pas comme innocent d'homicide, lorsque vous persuadez le mal à votre frère. Mais pour vous, vous voulez exercer votre fureur sur mon corps, parce que v ous ne pouvez rien sur mon âme.

Orig. Remarquez que le démon a mérité ce nom d'homicide dès le commencement, non pour avoir commis un seul homicide, mais pour avoir mis à mort tout le genre humain (en tant que tous les hommes sont morts dans Adam). - S. Chrys. (hom. 54). Jésus ne leur dit pas: Vous faites les oeuvres, mais: «Vous voulez accomplir les désirs de votre père», pour exprimer la violente passion du meurtre qui les domine, à l'exemple du démon; et comme ils lui reprochaient continuellement de ne point venir de Dieu, il leur insinue indirectement que celle pensée vient aussi du démon: «Et il n'est point demeuré dans la vérité». - S. Aug. (Cité de Dieu, 11, 13). Il en est qui prétendent que dès le commencement de son existence, le démon n'est point demeuré dans la vérité, et qu'il n'a jamais eu part à la béatitude des saints anges; car, disent-ils, il a refusé de se soumettre à son Créateur, et il est devenu aussitôt un esprit faux et trompeur, parce qu'au lieu de conserver par une humble soumission ce qu'il était véritablement, il a mieux aimé affecter par un excès d'orgueil, une élévation qui ne lui appartenait pas. Ce sentiment n'a rien de commun avec l'erreur des Manichéens qui enseignent que le démon tient sa nature mauvaise d'un principe essentiellement mauvais et opposé à Dieu. Séduits par la vanité de leurs pensées, ils ne font point attention que Notre-Seigneur n'a pas dit: Il fut étranger à la vérité, mais: «Il n'est pas demeuré dans la vérité», ce qui indique qu'il est tombé des hauteurs de la vérité, (chap. 15) Ils entendent encore ces paroles de saint Jean: «Le démon pèche dès le commencement», (1Jn 3) dans ce sens qu'il n'a jamais été sans péché. Mais comment expliquer alors les témoignages contraires des prophètes? celui d'Isaïe qui, voulant figurer le démon dans la personne du roi de Babylone, lui dit: «Comment est tombe du ciel Lucifer, ce bel astre qui se levait dès le matin ?» (Is 14) et celui d'Ezéchiel: «Vous avez été dans les délices du paradis de Dieu». (Ez 28) Si l'on ne peut donner de ces deux passages une interprétation plus fondée, il faut les entendre dans ce sens que le démon a été dans la vérité, mais qu'il n'y a pas demeuré. Quant à ces paroles de saint Jean: «Le démon pèche dès le commencement», il faut les entendre non point du moment qu'il a été créé, mais de celui où il a commencé à pécher. Car c'est en lui que le péché a commencé, et il a été lui-même le commencement du péché.

Orig. (Traité 20). Il n'y a qu'une manière uniforme de demeurer dans la vérité, tandis qu'on en sort par des voies nombreuses et variées; les uns dont les genoux sont chancelants, s'efforcent de demeurer dans la vérité, et ne peuvent y réussir; d'autres, sans être aussi faibles, éprouvent la même hésitation au milieu des dangers, selon cette parole du Roi-prophète: «Pour moi, mes pieds ont été ébranlés»; (Ps 71) d'autres enfin tombent et se détachent complètement de la vérité. Or, le Sauveur nous donne la raison pour laquelle le démon n'est pas resté fidèle à la vérité, «c'est que la vérité n'est point en lui», c'est-à-dire qu'il s'est laissé entraîner par la vanité de ses pensées, et qu'il a été son propre séducteur, en cela d'autant plus méchant, que les hommes sont trompés par lui, tandis qu'il est lui-même l'auteur de sa déception. Mais dans quel sens est-il dit que la vérité n'est pas en lui? Faut-il admettre qu'il n'a jamais possédé la véritable doctrine, et que toutes ses pensées ne sont que mensonge? Ou bien ces paroles signifient-elles qu'il n'a jamais été p articipant de Jésus-Christ qui a dit de lui-même: «Je suis la vérité ?» Il est impossible, ce me semble, qu'une nature raisonnable ait des idées fausses sur toutes choses, et n'aperçoive pas, ne fût-ce qu'une petite partie de la vérité, et le démon comprend au moins cette vérité qu'il est lui une nature raisonnable. L'essence de sa nature n'est donc pas contraire à la vérité, elle n'est pas un composé d'erreur et d'impuissance; car alors il ne pourrait jamais connaître la vérité. - S. Aug. (Cité de Dieu, 11, 18). Ou bien encore, Notre-Seigneur en disant: «La vérité n'est point en lui», répond à la question qu'on pourrait lui faire, et donne la raison pour laquelle le démon n'est point demeuré dans la vérité, c'est que la vérité n'était point en lui, et elle eût été en lui, s'il y fût demeuré.

«Lorsqu'il dit le mensonge, il dit ce qu'il trouve en lui-même, parce qu'il est menteur et le père du mensonge». - S. Aug. Ces paroles ont donné lieu à quelques-uns de penser que le démon avait un père, et de rechercher quel était son père, c'est l'erreur des Manichéens. Le Sauveur dit que le démon est le père du mensonge. En effet, tout homme qui ment n'est pas le père de son mensonge; ainsi vous avez entendu un mensonge et vous le répétez; vous avez menti, il est vrai, mais vous n'êtes pas le père de ce mensonge. Le démon, au contraire, n'a point reçu d'ailleurs le mensonge avec lequel il a tué le premier homme, comme un serpent avec son venin; il est donc le père du mensonge, comme Dieu est le père de la vérité. - Théophyl. Il a été tout à la fois l'accusateur de Dieu près des hommes, en disant à Eve que c'était par envie qu'il leur avait défendu de manger du fruit de l'arbre; et l'accusateur des hommes près de Dieu, lorsqu'il dit à Dieu, par exemple: Est-ce donc en vain que Job honore Dieu ?

Orig. (Traité 20). Remarquez que ce nom de menteur est donné aussi bien au démon, qui est le père du mensonge, qu'à l'homme, selon ces paroles du Psalmiste: «Tout homme est menteur»; (Ps 115) car celui qui n'est pas coupable de mensonge n'est pas seulement un homme, et ou peut lui appliquer, ainsi qu'à ceux qui lui ressemblent, ces paroles: «Je l'ai dit, vous êtes des dieux» (Ps 81, 6). Lors donc qu'un homme profère un mensonge, il parle de son propre fonds. L'Esprit saint, au contraire, parle d'après le Verbe de la vérité et de la sagesse, d'après ces paroles du Sauveur: «Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera» (Jn 15, 14). - S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 90). Ou bien encore le diable n'est pas ici un nom spécial, mais un nom commun, que vous pouvez donner à tout homme en qui vous trouvez les oeuvres du diable, car c'est un nom qui convient aux actions plutôt qu'à la nature. Notre-Seigneur veut indiquer que les Juifs ont pour père Caïn, parce qu'ils veulent se rendre ses imitateurs en le mettant à mort. C'est Caïn, en effet, qui a donné le premier exemple de fratricide, et le Sauveur dit qu'il puise le mensonge dans son propre fonds, pour nous apprendre qu'on ne peut pécher que par sa propre volonté. Comme Caïn a été lui-même l'imitateur du diable, on lui donne pour père le diable, dont il a imité les oeuvres.

Alcuin. Dieu est la vérité, et le Fils de Dieu, qui est la vérité ne peut dire lui-même que la vérité; mais les Juifs (qui étaient les enfants du démon) avaient la vérité en horreur, comme le Sauveur le leur reproche: «Et moi, si je vous dis la vérité, vous ne me croyez point». - Orig. ( Traité 20. ) Mais comment peut-il faire ce reproche aux Juifs qui ont cru en lui? Il faut remarquer ici qu'on peut croire sous un rapport, et ne pas croire sous un autre, comme ceux par exemple qui croient en Celui qui a été crucifié sous Ponce-Pilate, et qui ne croient pas qu'il soit né de la Vierge Marie; ils croient et tout à la fo is ne croient pas à la même personne. C'est ainsi que les Juifs à qui s'adressait Notre-Seigneur croyaient en lui à la vue des miracles qu'il opérait, et ne croyaient pas aux vérités sublimes qu'il leur enseignait.

S. Chrys. (hom. 54) C'est donc parce que vous êtes les ennemis de la vérité, que sans avoir aucune accusation à formuler contre moi, vous voulez me mettre à mort. C'est pour cela qu'il ajoute: «Quel est celui d'entre vous qui me reprendra de péché ?»
- Théophyl. C'est-à-dire, si vous êtes les enfants de Dieu, vous devez nécessairement haïr ceux qui l'offensent, si donc vous ne pouvez me convaincre de péché, moi, l'objet de votre haine, il est évident que c'est par haine de lavérité que vous me haïssez, parce que je me dis le Fils de Dieu. - Orig. (Traité 20). Ces paroles de Jésus-Christ sont l'expression d'une confiance extraordinaire, et aucun autre homme ne peut porter un semblable défi, si ce n'est Notre-Seigneur, qui n'a jamais connu le péché. (1P 2,22). - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Considérez ici la douceur de Notre-Seigneur, il ne dédaigne point de prouver qu'il n'est point pécheur, lui qui par sa vertu divine pouvait justifier les pécheurs. Il ajoute donc: «Celui qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu, et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu, que vous ne les entendez pas». - S. Aug. (Traité 43). Ne considérez donc pas ici la nature, mais le vice de la nature. Les Juifs étaient de Dieu, et n'étaient pas de Dieu; leur nature venait de Dieu, le vice de leur nature n'en venait point. Or, le Sauveur adresse ce reproche non-seulement à ceux qui étaient coupables de péché, car ils l'étaient tous; mais à ceux qu'il prévoyait devoir repousser la foi, qui seule aurait pu les affranchir des liens de leurs péchés. - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Que chacun se demande s'il écoute les paroles de Dieu avec l'oreille du coeur, et il saura d'où il vient. Il en est, en effet, qui ne veulent même pas écouter les préceptes divins des oreilles du corps; il en est d'autres qui ouvrent ces oreilles pour les entendre, mais qui n'éprouvent pour ces préceptes aucun désir du coeur; il en est d'autres enfin, qui reçoivent volontiers la parole de Dieu, et qui s'en laissent pénétrer jusqu'aux larmes, mais après ce moment consacré aux larmes du repentir, ils retournent à leurs iniquités; et on peut dire qu'ils n'écoutent pas véritablement les paroles de Dieu, parce qu'ils refusent de les traduire dans leurs oeuvres.


vv. 48-51

12848 Jn 8,48-51

S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean). Toutes les fois que le Sauveur leur enseignait une doctrine plus relevée, les Juifs, aveugles par leur fureur insensée, n'y voyaient qu'un acte de folie. «Les Juifs lui répondirent donc: N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain», etc. - Orig. (Traité 20). C'est une question digne d'intérêt que de savoir comment les Juifs ont osé traiter de Samaritain le Sauveur, lui qui n'a cessé de multiplier ses enseignements sur la résurrection et le jugement, alors que les Samaritains, au contraire, nient la vie future et l'immortalité de l'âme. Mais peut-être est-ce un outrage purement gratuit qu'ils lui font en lui donnant le nom d'une secte dont il ne partage pas les opinions. - Alcuin. Les Samaritains, nation odieuse au peuple juif, occupaient le pays habité autrefois par les dix tribus qui furent emmenées en captivité. - Orig. On peut dire aussi que quelques-uns pensaient que Jésus partageait l'opinion des Samaritains sur l'anéantissement de l'âme après la mort, et que c'était pour plaire aux Juifs, et sans y croire, qu'il leur parlait de la résurrection et de la vie éternelle. Ils l'accusent d'avoir en lui le démon, parce que les grandes vérités qu'il leur enseignait, que Dieu était son Père, qu'il était descendu du ciel et d'autres choses semblables, dépassaient la portée de l'intelligence humaine. Ou bien encore ils adoptaient les soupçons de plusieurs d'entre eux, qui pensaient que c'était par Béelzébub, prince des démons, qu'il chassait lui-même les démons. - Théophyl. Ou bien encore ils le traitaient de Samaritain, comme détruisant les pratiques de la loi des Hébreux, en particulier l'observance du sabbat, car les Samaritains n'observaient point parfaitement toutes les pratiques de la loi juive. Ils soupçonnaient qu'il avait en lui un démon, parce qu'il leur révélait leurs propres pensées. L'Évangéliste ne mentionne pas dans quelles circonstances ils l'avaient appelé Samaritain, preuve que les Évangélistes ont passé beaucoup de choses sous silence.

S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Le Fils de Dieu reçoit ces outrages et n'y répond point par des injures: Jésus repartit: «Il n'y a point en moi de démon»; ainsi nous enseigne-t-il à ne point divulguer les véritables défauts du prochain, lors même que ses outrages n'ont d'autre fondement que la calomnie, de peur que le ministère de la correction fraternelle ne devienne une occasion et un instrument de vengeance. - S. Chrys. (hom. 54) Remarquons aussi que lorsqu'il s'agissait de les instruire et de combattre leur orgueil, Jésus se montrait plus sévère, mais lorsqu'il n'y avait que des outrages à supporter, il faisait preuve de la plus grande douceur, nous apprenant ainsi à venger les injures qui sont faites à Dieu, et à mépriser celles dont nous sommes l'objet. - S. Aug. (Traité 43). Son dessein est encore que l'homme imite d'abord sa patience pour parvenir à la puissance qu'il désire. Notre-Seigneur ne rend donc pas injure pour injure; toutefois il regarde comme un devoir de repousser leur imputation calomnieuse. Ils avaient formulé contre lui deux accusations: «Vous êtes un Samaritain», et: «Vous êtes possédé du démon». Jésus ne nie point qu'il est Samaritain, car le mot Samaritain veut dire gardien, et il savait qu'il était notre gardien par excellence, car s'il avait pour mission de nous racheter, n'avait-il pas aussi celle de nous conserver? - Orig. N'est-il pas d'ailleurs le bon Samaritain, qui s'est approché du voyageur blessé, et a pratiqué à son égard tous les devoirs de la miséricorde? (Lc 18) Disons encore que le Sauveur, bien plus que l'apôtre saint Paul, a voulu se faire tout à tous pour gagner tous les hommes, et c'est pour cela qu'il ne nia point qu'il fût Samaritain. Il n'appartenait du reste qu'à Jésus seul de pouvoir dire: «Il n'y a point de démon en moi», etc.; et encore ces autres paroles: «Le prince de ce monde vient et il n'a rien en moi»; (Jn 14) car les péchés qui sont regardés comme les plus légers, étaient attribués au démon.

S. Aug. (Traité 43 sur S. Jean,) Après avoir reçu un tel outrage, Notre-Seigneur ne dit que ces paroles dans l'intérêt de sa gloire: «Mais j'honore mon Père», c'est-à-dire, je ne m'honore point moi-même, pour ne pas prêter à l'accusation d'arrogance, il eu est un autre que j'honore. - Théophyl. Il a honoré son Père en vengeant sa gloire et en ne permettant pas à des homicides et des menteurs de se proclamer les vrais enfants de Dieu. - Orig. (hom. 20). Jésus-Christ seul a véritablement honoré son Père, car personne ne peut prétendre honorer Dieu, s'il témoigne encore quelque honneur à des choses que Dieu n'a point en estime. - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Mais comme tout homme qui brûle de zèle pour la gloire de Dieu est exposé aux outrages des méchants, le Seigneur a voulu nous donner dans sa personne un exemple de patience, lorsqu'il se contente de répondre aux Juifs: «Et vous, vous me déshonorez». - S. Aug. C'est-à-dire, je fais ce que je dois faire, et vous, vous ne faites pas ce que vous devez faire. - Orig. (Traité 20). Ces paroles ne s'adressent pas seulement aux Juifs, mais à tous ceux qui commettent l'injustice, à ceux qui outragent Jésus-Christ, qui est la justice, comme à ceux qui font outrage à la sagesse, parce que Jésus-Christ est la sagesse, et ainsi des autres vertus. - S. Grég. Mais que devons-nous opposer aux outrages que nous recevons? Le Sauveur nous l'apprend par son exemple: «Pour moi, je glorifie mon Père», etc. - S. Chrys. (hom. 54). C'est-à-dire, l'honneur que je professe pour mon Père m'a porté à vous adresser ces paroles, et c'est pour cela que vous me déshonorez, mais peu m'importent vos outrages, je laisse le soin de les châtier à celui pour l'honneur duquel je les supporte.

Orig. (Traité 20). Dieu cherche la gloire de Jésus-Christ dans chacun de ceux qui le reçoivent, et il la trouve dans tous ceux qui cultivent avec soin les principes de vertu répandus dans leur âme, mais s'il est trompé dans ses recherches, il punit sévèrement ceux en qui il ne trouve pas la gloire de son Fils. C'est ce que signifient ces paroles: «Il est quelqu'un qui en prendra soin et qui fera justice». - S. Aug. (Traité 43) De qui veut-il parler, si ce n'est de son Père? Or comment dit-il dans un autre endroit: «Le Père ne juge personne, mais il a donné tout pouvoir de juger à son Fils ?» (Jn 5) Il faut se rappeler que le mot jugement se prend quelquefois dans le sens de condamnation, tandis qu'ici il signifie simplement discernement, séparation; Notre-Seigneur leur dit donc: «C'est à mon Père de discerner, de séparer ma gloire de la vôtre»; car vous ne recherchez que la gloire de ce monde, quant à moi, je ne veux point de cette gloire, Dieu distingue et sépare encore la gloire de son Fils de la gloire des hommes, car le mystère de son incarnation ne l'a pas entièrement assimilé à nous; nous sommes des hommes coupables de péché, mais pour lui il est sans péché, même en tant qu'il a pris la forme d'esclave; car qui pourrait dignement redire ces paroles: «Au commencement était le Verbe ?» - Orig. Ou bien encore, s'il faut admettre la vérité de ces paroles du Sauveur à son Père: «Tout ce qui est à vous est à moi», il est évident que le pouvoir de juger qui est propre au Fils appartient au Père.

S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Lorsque les prédicateurs voient s'accroître la perversité des méchants, non-seulement ils ne doivent point s'en laisser abattre, ils doivent au contraire redoubler de zèle. Voyez Notre-Seigneur, les Juifs l'accusent d'avoir en lui le démon, et pour toute vengeance, il leur donne avec plus de profusion les bienfaits de sa divine doctrine: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra point la mort», etc. - S. Aug. (Traité 43) Il ne verra point, c'est-à-dire, il n'éprouvera point la mort. Le Sauveur qui devait mourir parlait à des hommes qui devaient mourir eux-mêmes, que signifient donc ces paroles: «Celui qui gardera ma parole ne verra point la mort ?» C'est qu'il avait en vue une autre mort dont il était venu nous délivrer, la mort éternelle, la mort de la damnation avec le démon et ses anges. Voilà la seule vraie mort, l'autre n'est qu'un passage. - Orig. (Traité 20). Ces paroles: «Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort», doivent être entendues dans ce sens: Si quelqu'un garde fidèlement ma lumière, il ne verra point les ténèbres. Le mot éternellement doit être enten du dans cette signification usuelle: Celui qui gardera éternellement ma parole, ne verra pas éternellement la mort. On ne voit jamais en effet la mort tant qu'on garde la parole de Jésus, mais lorsqu'on se relâche dans l'observance de ses commandements et dans la vigilance sur soi-même, on cesse de garder sa parole, alors on voit la mort qu'on ne trouve nulle part ailleurs qu'en soi-même. Ainsi instruits par le Sauveur, nous pouvons répondre au prophète qui nous demande: «Quel est l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ?» C'est celui qui aura gardé la parole de Jésus-Christ. - S. Chrys. (hom. 54) Celui qui aura gardé, non-seulement par la foi, mais par la pratique d'une vie pure. Notre-Seigneur, en même temps, fait entendre indirectement aux Juifs qu'ils ne peuvent rien contre lui, car si celui qui garde sa parole ne mourra jamais, à plus forte raison ne peut-il mourir lui-même.


vv. 52-56

12852 Jn 8,52-56

S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). De même que les bons deviennent meilleurs par les outrages dont ils sont l'objet, ainsi les méchants deviennent pires par les bienfaits qu'ils reçoivent, c'est ainsi que les Juifs, en reconnaissance des enseignements du Sauveur, blasphèment de nouveau contre lui. Les Juifs lui dirent: Nous voyons maintenant qu'un démon est en vous.
- Orig. Ceux qui croient aux saintes Écritures savent que ce que les hommes font de contraire à la droite raison, n'est point étranger à l'action du démon. Les Juifs pensaient donc que c'était sous l'inspiration du démon, que Jésus avait dit: «Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort». Ils tombèrent dans cette erreur, parce qu'ils n'ont point considéré la puissance de Dieu. Le Sauveur veut parler ici de cette mort ennemie de la droite raison et qui frappe tous les pécheurs; les Juifs, au contraire, n'entendent que la mort ordinaire, et tournent en ridicule ses paroles, en lui rappelant qu'Abraham et les prophètes sont morts: «Abraham et les prophètes sont morts, vous dites: Si quelqu'un garde ma parole, il ne goûtera jamais la mort», etc. Il y a une différence entre «goûter la mort et voir la mort», cependant au lieu de: «Il ne verra pas la mort», ils disent: «Ils ne goûtera pas la mort», comme des auditeurs inattentifs qui confondent les paroles du Sauveur. De même, en effet, que le Seigneur, en tant qu'il est le pain vivant, peut être goûté, et qu'il est la beauté visible en tant qu'il est la sagesse de Dieu; de même, la mort qui est son ennemie, peut être goûtée et vue. Tout homme qui se tient dans un milieu spirituel ne goûtera point la mort s'il reste dans cet état, selon ces paroles: «Il en est de ceux qui se tiennent ici qui ne goûteront pas la mort», (Mt 16) mais pour celui qui reçoit et garde la parole de Jésus-Christ, il ne verra jamais la mort.

S. Chrys. (hom. 55). La vaine gloire les fait encore invoquer leur parenté avec Abraham: «Etes-vous plus grand que notre père Abraham, qui est mort ?» Ils auraient pu aussi bien lui dire: «Etes-vous plus grand que Dieu, qui n'a point sauvé de la mort ceux qui ont entendu sa parole ?» Mais ils ne le font pas, parce qu'ils le considèrent comme bien inférieur à Abraham. - Orig. Ils ne comprennent pas que celui qui est né de la Vierge est plus grand, non-seulement qu'Abraham, mais que tous ceux qui sont nés des femmes. D'a illeurs, il est contraire à la vérité de dire comme ils le font, qu'Abraham est mort, car Abraham a entendu la parole du Christ et l'a gardée aussi bion que les prophètes, dont les Juifs ajoutent: «Et que les prophètes qui sont morts». Ils ont gardé, en effet, la parole de Dieu, lorsque cette parole s'est fait entendre par exemple à Osée ou à Jérémie; d'autres ont pu la garder, mais les prophètes l'ont gardée les premiers. Ils mentent donc à la vérité, et lorsqu'ils accusent Jésus-Christ d'être possédé du démon, et lorsqu'ils disent: «Abraham est mort aussi bien que les prophètes». - S. Grég. (hom. 18 sur les Ev). Ils étaient livrés à la mort éternelle, et ils n'apercevaient pas cette mort à laquelle ils s'étaient dévoués, au milieu des ténèbres qui les environnaient, ils ne voyaient que la mort du corps dans les discours de la vérité. Ils lui font ensuite cette question: «Qui êtes-vous ?» - Théophyl. C'est-à-dire, vous qui n'êtes digne d'aucune considération, fils d'un charpentier de la Galilée, vous voulez vous attribuer une gloire qui ne vous appartient pas. - Bède. «Que prétendez-vous être ?» c'est-à-dire, quel mérite, quelle dignité voulez-vous qu'on vous suppose? Abraham était mort de la mort du corps, mais son âme était vivante; or, la mort de l'âme qui doit vivre éternellement, est bien autrement importante que la mort du corps destiné à mourir un jour.

Orig. Cette question suppose un grand aveuglement dans les Juifs, car Jésus ne s'est pas fait ce qu'il est, mais il l'a reçu de son Père: «Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien». - S. Chrys. (hom. 55). Notre-Seigneur en parlant de la sorte, se conforme à leur manière de voir, comme dans ces autres paroles: «Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai».

Bède. Le Sauveur fait ainsi voir le néant de la gloire de ce monde. - S. Aug. (Traité 42). C'est la réponse à la question qu'ils lui ont faite: «Que prétendez-vous être ?» Il rapporte toute sa gloire à Dieu son Père de qui il vient. Il ajoute: «C'est mon Père qui m'a glorifié». Les Ariens accusent ici notre foi et disent: Le Père est donc plus grand que le Fils, puisqu'il le glorifie? Hérétiques que vous êtes, vous n'avez donc pas entendu le Fils, vous dire qu'il glorifie lui-même son Père? - Alcuin. Quant au Père, il a glorifié son Fils lors de son baptême (Mt 3), sur la montagne du Thabor (Mt 16), aux approches de sa passion, lorsqu'une voix du ciel se fit entendre devant le peuple (Jn 12), et après sa passion, lorsque Dieu l'a ressuscité et placé à la droite de sa majesté (Ep 1; He 1). Il ajoute: «Lui que vous dites être votre Dieu». - S. Chrys. Il voulait leur prouver que non-seulement ils ne le connaissaient pas, mais qu'ils ne connaissaient même pas Dieu. - Théophyl. En effet, s'ils connaissaient véritablement le Père, ils honoreraient son Fils. Mais ils méprisent Dieu lui-même qui a défendu l'homicide dans la loi, lorsqu'ils demandent à grands cris la mort du Sauveur: Aussi, ajoute-t-il encore: «Et vous ne le connaissez pas». - Alcuin. C'est-à-dire, vous l'appelez votre Dieu dans un sens tout charnel, vous ne le servez que pour un obtenir les biens de la terre, et vous ne le connaissez pas comme il doit être connu, vous ne lui rendez pas un culte spirituel.

S. Aug. (Traité 45 sur S. Jean). Il est des hérétiques qui prétendent que le Dieu annoncé dans l'Ancien Testament n'est point le Père de Jésus-Christ, mais je ne sais quel prince des mauvais anges. Notre-Seigneur combat cette erreur, en appelant son Père celui qu'ils disaient être leur Dieu, sans le connaître, car s'ils l'avaient connu, ils auraient reçu son Fils: «Quant à moi, ajoute le Sauveur, je le connais». Cette assertion put paraître téméraire et présomptueuse à ceux qui ne le jugeaient que selon les yeux de la chair, mais s'il faut fuir la présomption, ce ne doit jamais être aux dépens de la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute: «Et si je disais que je ne le connais point, je serais menteur comme vous». - S. Chrys. (hom. 55). C'est-à-dire, de même que vous mentez en disant que vous le connaissez, je mentirais moi-même, si je disais que je ne le connais point. Mais la plus grande preuve que Jésus est envoyé de Dieu, c'est ce qu'il ajoute: «Pour moi je le connais, et je garde sa parole». - Théophyl. Je le connais d'une connaissance naturelle et parfaite, car je suis absolument égal à mon Père, donc je le connais, puisque je me connais moi-même. Et la preuve qu'il le connaît, c'est, ajoute-t-il, «que je garde sa parole», c'est-à-dire ses commandements. Il en est qui l'entendent en ce sens: «Je garde la raison d'être», parce qu'en effet, le Fils a la même raison d'être que le Père. C'est pour cela que je connais mon Père, la particule mais doit être prise ici dans le sens de parce que: «Je connais mon Père, parce que je garde sa parole ou sa raison d'être». - S. Aug. (Traité 45). Comme Fils du Père, il faisait entendre sa parole, et il était lui-même le Verbe de Dieu qui parlait aux hommes.

S. Chrys. (hom. 55) Etes-vous plus grand que notre père Abraham, lui avaient demandé les Juifs? Notre-Seigneur eu leur répondant ne leur dit rien de sa mort, et voici comme il leur montre qu'il est plus grand qu'Abraham: «Abraham, votre père, a tressailli du désir de voir mon jour, il l'a vu, et a été rempli de joie», pour tout le bien qu'il a reçu de moi comme lui étant supérieur. - Théophyl. C'est-à-dire, mon jour a été l'objet de ses désirs les plus ardents, et de sa joie la plus vive, et il ne l'a pas considéré comme quelque chose de fortuit et de peu d'importance. - S. Aug. (Traité 45). Abraham ne craignit pas de voir ce jour, mais il tressaillit du désir de le voir, sa foi le fit aussi tressaillir d'espérance de voir et de comprendre mon jour. On ne peut dire d'une manière certaine si le Sauveur a voulu parler du jour de sa vie mortelle, ou de ce jour qui n'a ni lever ni coucher. Mais pour moi, je ne doute pas qu'Abraham n'ait connu l'un et l'autre de ces deux jours, car lorsqu'il envoie son serviteur demander une épouse pour son fils Isaac, il lui dit: «Mets ta main sous ma cuisse et jure-moi par le Dieu du ciel» (Gn 24). Or, que signifiait ce serment? que c'était de la race d'Abraham que le Dieu du ciel viendrait un jour dans une chair mortelle. - S.Grég. (hom. 18 sur les Evang). Abraham vit encore le jour du Seigneur, lorsqu'il donna l'hospitalité à trois anges qui étaient la figure de la sainte Trinité (Gn 8). Ou bien encore, ce jour, c'est le jour de sa croix, dont Abraham vit la figure dans l'immolation du bélier et d'Isaac (Gn 22). Il leur prouvait ainsi que ce n'était point malgré lui qu'il allait endurer les souffrances de sa passion, et en même temps qu'ils étaient de véritables étrangers pour Abraham, puisqu'ils trouvaient un sujet de douleur dans ce qui l'avait fait tressaillir d'allégresse. - S. Aug. (Traité 45). Quelle joie dut inonder le coeur de celui qui vit le Verbe immuable, brillant d'un éclat resplendissant aux regards de la piété, Dieu restant toujours avec son Père, et qui ne devait point quitter le sein de Dieu, lorsqu'il viendrait sur la terre revêtu d'une chair mortelle ?



Catena Aurea 12841