Catena Aurea 13412

vv. 12-14

13412 Jn 14,12-14

S. Chrys. (hom. 74 sur S. Jean). Notre-Seigneur venait de dire à ses disciples: «Croyez du moins à cause de mes oeuvres»; il veut leur apprendre maintenant que non-seulement il peut faire des oeuvres semblables, mais qu'il peut en faire de plus grandes et (ce qui est encore plus admirable), qu'il peut communiquer à d'autres ce pouvoir: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera lui-même les oeuvres que je fais, et en fera encore de plus grandes».

S. Aug. (Traité 71 sur S. Jean). Mais quelles sont ces oeuvres plus grandes? Est-ce d'avoir guéri les malades par l'ombre seule de son corps lorsqu'ils passaient? (Ac 5, 15). Car c'est une action plus merveilleuse de guérir par l'ombre seule de son corps que par la frange de son vêtement. Toutefois en s'exprimant de la sorte, le Sauveur avait en vue les faits et les oeuvres de ses paroles; en effet, lorsqu'il dit: «Mon Père qui demeure en moi, opère lui-même les oeuvres»; de quelles oeuvres voulait-il parler? évidemment des paroles qu'il disait. Et le fruit de ces paroles, c'était la foi de ses disciples; mais lorsque ses disciples eux-mêmes prêchèrent l'Évangile, ceux qui se convertirent furent beaucoup plus nombreux qu'ils n'étaient eux-mêmes, puisque les nations elles-mêmes embrassèrent la foi (Traité 72). Ne voyons-nous pas ce jeune homme riche se retirer de Jésus plein de tristesse après l'avoir entendu? (Mt 19) Et cependant le conseil qu'un seul ne put se décider à pratiquer sur la recommandation du Sauveur, un grand nombre l'embrassèrent avec ardeur à la prédication des Apôtres. Il a donc fait de plus grandes oeuvres lorsqu'il a été prêché par ceux qui croyaient, que lorsqu'il parlait lui-même à ceux qui recrutaient. Mais voici une autre difficulté, ces oeu vres plus grandes n'ont été faites que par les Apôtres; or, ce n'est pas seulement d'eux que le Sauveur veut parler, lorsqu'il dit: «Celui qui croit en moi». Ou bien ne doit-on compter parmi ceux qui croient en Jésus-Christ que ceux qui auraient fait des oeuvres plus grandes que les siennes? Cette conséquence serait dure, elle serait même absurde, si on ne comprenait bien ces paroles. L'Apôtre dit: «Lorsqu'un homme, sans faire des oeuvres, croit en celui qui justifie le pécheur, sa foi lui est imputée à justice (Rm 4, 5). En cela nous faisons les oeuvres de Jésus-Christ, car c'est faire l'oeuvre de Jésus-Christ que de croire en lui; c'est une oeuvre qu'il fait en nous, non toutefois sans notre concours. Entendez donc bien le sens de ces paroles: Celui qui croit en moi, fera aussi les oeuvres que je fais; je les fais le premier, et il les fera après moi, parce que je ne les fais le premier que pour qu'il les fasse à mon exemple. Or, quelles sont ces oeuvres? la justification du pécheur, c'est ce que le Chr ist opère dans le pécheur, mais avec le concours de sa volonté. Or, c'est là une oeuvre plus grande que la création du ciel et de la terre, car le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification des prédestinés demeureront à jamais. Les anges dans les cieux, sont aussi l'oeuvre de Jésus-Christ, pouvons-nous dire que celui qui coopère à la grâce de Jésus-Christ pour sa justification, fait une oeuvre plus grande que la création des anges? Que celui qui en est capable, juge si la création des justes est une oeuvre plus grande que la justification des pécheurs, si l'une et l'autre de ces deux oeuvres annoncent une puissance égale, la seconde exige une plus grande miséricorde. D'ailleurs il n'est nullement nécessaire d'entendre de toutes les oeuvres de Jésus-Christ ces paroles: «Il fera de plus grandes oeuvres que les miennes». Peut-être n'a-t-il voulu parler que des oeuvres qu'il opérait alors, et en ce moment il ne faisait qu'enseigner la doctrine de la foi; or, enseigner la doctrine de la justice (ce que Jésus a fait sans nous), c'est faire moins que de justifier les pécheurs, ce qu'il a fait en nous avec le concours de notre volonté.

Notre-Seigneur donne ensuite un grand sujet d'espérance à ceux qui lui adresseront leurs prières, lorsqu'il ajoute: «Parce que je vais à mon Père». - S. Chrys. C'est-à-dire, je ne dois point périr, mais je resterai dans la puissance qui m'est propre, et je demeurerai dans les cieux. Ou bien tel est le sens de ces paroles: C'est à vous maintenant de faire des miracles, pour moi je m'en vais à mon Père. - S. Aug. Et afin que personne ne fût tenté de s'attribuer le mérite de ces oeuvres plus grandes, il leur fait voir que c'est lui-même qui en sera l'auteur: «Et tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, je le ferai». Il venait de dire: «Il fera», il dit maintenant: «Je le ferai», et voici l'explication de cette parole: Ne regardez pas ce que je vous dis comme impossible, celui qui croit en moi ne peut être plus grand que moi; c'est moi-même qui ferai alors des oeuvres plus éclatantes que celles que je fais maintenant, je ferai par celui qui croit en moi ces oeuvres plus grandes que celles que je fais actuellement par moi-même, ce qui n'accuse point un défaut de puissance, mais un sentiment de condescendance.

S. Chrys. Notre-Seigneur dit: «Tout ce que vous demanderez en mon nom», c'est ce que proclamaient les Apôtres: «Au nom de Jésus-Christ, levez-vous et marchez» (Ac 3, 6; 9, 33); car c'est lui-même qui était l'auteur de tous les miracles qu'ils opéraient, et la main du Seigneur était avec eux. - Théophyl. Il nous fait connaître ici la véritable théorie des miracles, c'est par la prière et par l'invocation de son nom qu'on peut opérer les plus grands prodiges.

S. Aug. Mais que veulent dire ces paroles: «Tout ce que vous demanderez», lorsque nous voyons tant de fidèles demander sans recevoir? N'est-ce point parce qu'ils demandent mal? Dieu refuse dans sa miséricorde ce qu'on ne demande que pour en faire un mauvais usage. Comment donc faut-il entendre ces paroles: «Tout ce que vous demanderez, je le ferai», si Dieu, dans leur intérêt, n'accorde point aux fidèles l'objet de leurs prières? Cette promesse n'a donc été faite qu'aux seuls Apôtres? Non, sans doute, car le Sauveur avait dit précédemment: «Celui qui croit en moi, fera les oeuvres que je fais moi-même». Si nous considérons l'accomplissement de cette promesse dans les Apôtres eux-mêmes, nous voyons que celui qui a travaillé plus qu'eux tous, a prié trois fois le Seigneur d'éloigner de lui l'ange de Satan, sans avoir pu obtenir l'effet de sa prière (2 Co 12, 7-9). Comprenez bien le sens de ces paroles: «En mon nom», (qui est Jésus-Christ). Le mot Christ signifie roi, le mot Jésus veut dire sauveur; donc tout ce que nous demandons contre les véritables intérêts de notre salut, nous ne le demandons pas au nom du sauveur. Cependant il ne laisse pas d'être notre Sauveur, non-seulement quand il nous accorde l'objet de nos prières, mais même quand il refuse de les exaucer, car il se montre justement notre Sauveur, en refusant de nous accorder ce qu'il sait être contraire à notre salut. Le médecin sait bien ce que le malade demande dans l'intérêt ou contre l'intérêt de sa santé, et il refuse d'accorder à ce malade les choses nuisibles qu'il désire, justement pour lui conserver la santé. Disons encore qu'il est des choses que nous demandons en son nom et qu'il ne nous accorde pas au moment même où nous les demandons, mais il les accorde plus tard; il diffère, mais il ne refuse pas d'exaucer nos prières. Il ajoute aussitôt: «Afin que le Père soit glorifié dans le Fils, si vous demandez quelque chose en mon nom je le ferai». Le Fils ne fait donc rien sans le Père, puisqu'il n'agit que pour que le Père soit glorifié en lui. - S. Chrys. En effet, lorsqu'on verra le Fils opérer de grandes choses, la gloire en reviendra à celui qui l'a engendré. Pourquoi répète-t-il de nouveau: «Je le ferai ?» pour confirmer la vérité de ses paroles.
- Théophyl. Remarquez par quels degrés le Père est glorifié: c'est au nom de Jésus que sont opérés les miracles en vertu desquels les peuples croyaient à la prédication des Apôtres, et tandis qu'ils parvenaient ainsi à la connaissance du Père, le Père était glorifié dans le Fils.


vv. 15-17

13415 Jn 14,15-17

S. Chrys. (hom. 74 sur S. Jean). Les paroles que Notre-Seigneur venait de dire: «Tout ce que vous demanderez, je le ferai», pouvaient donner aux Apôtres la pensée que toute prière indistinctement devait être exaucée; il se hâte donc de prévenir cette idée, en ajoutant: «Si vous m'aimez, gardez mes commandements»; comme s'il leur disait: C'est à cette condition que j'exaucerai vos prières. Ou bien encore, comme la nouvelle qu'il venait de leur apprendre, qu'il allait à son Père, devait naturellement les jeter dans le trouble, il leur dit: «L'amour que vous devez avoir pour moi, ne doit point avoir pour effet de troubler votre âme, mais de vous faire accomplir mes commandements; car l'amour consista à obéir et à croire à celui qu'on aime». Il prévoit aussi qu'ils devaient désirer vivement cette présence extérieure et cette consolation sensible dont ils avaient joui jusqu'à présent, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et moi, je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet». - S. Aug. (Traité 74) En parlant ainsi, il fait voir qu'il est lui-même un Paraclet. Le mot Paraclet veut dire, en latin, avocat, et saint Jean dit du Sauveur: «Nous avons pour avocat auprès du Père, Notre-Seigneur Jésus-Christ» (Jn 1). - Alcuin. Ou bien, le mot Paraclet veut dire Consolateur, et les Apôtres, en effet, avaient eu jusqu'alors un Consolateur, qui les animait et les fortifiait par l'éclat de ses miracles et par la douceur de ses enseignements. - Didym. (De l'Eprit saint). Notre-Seigneur appelle l'Esprit saint un autre con solateur, non qu'il ait une nature autre que la sienne, mais parce que son opération est différente. Le Sauveur était venu pour remplir l'office de médiateur et d'ambassadeur, et comme un pontife qui devait prier pour nos péchés, l'Esprit saint reçoit le nom de Paraclet ou de consolateur dans un autre sens, parce que sa mission est de consoler ceux qui sont dans la tristesse. Mais de cette diversité d'opérations, il faut se garder de conclure à la différence de natures, puisque nous voyons dans un autre endroit l'Esprit consolateur remplir près du Père l'office d'ambassadeur. «L'Esprit lui-même, dit saint Paul, demande pour nous par des gémissements inénarrables» (Rm 8, 20). Le Sauveur, de son côté, répand la consolation dans les coeurs affligés, car il est écrit: «Il a consolé tous les humbles de son peuple» (1 M 14, 14).

S. Chrys. Le Sauveur dit: «Je prierai mon Père» pour rendre ses paroles plus dignes de foi: car s'il avait dit simplement: Je vous enverrai un autre consolateur, ils ne l'auraien t pas cru aussi facilement. - S. Aug. (Cont. le. Serm. Des Ar, 19) Et cependant pour montrer que ses oeuvres ne sont point distinctes de celles du Père, il dit ailleurs: «Lorsque je m'en serai allé, je vous l'enverrai» (Jn 16). - S. Chrys. Qu'aurait-il eu, en effet, de plus que les apôtres, s'il avait dû prier son Père pour qu'il envoyât l'Esprit saint, alors que nous voyons les apôtres eux-mêmes le communiquer aux autres, sans avoir recours à la prière? - Alcuin. Je prierai, comme inférieur par mon humanité, mon Père, à qui je suis égal et consubstantiel par ma nature divine. - S. Chrys. Il leur promet que l'Esprit saint demeurera avec eux éternellement, parce qu'il ne les quittera même pas après leur mort; et il leur enseigne indirectement, par là même, que l'Esprit saint ne doit ni souffrir la mort comme lui, ni se séparer d'eux. Et pour éloigner de leur esprit la pensée d'une nouvelle incarnation qui rendrait le Saint-Esprit visible à leurs yeux, il ajoute: «L'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point». -
S. Aug. Cet Esprit saint est une des personnes de la sainte Trinité, et la foi catholique le proclame consubstantiel et coéternel au Père et au Fils.

S. Chrys. Il l'appelle l'Esprit de vérité, parce que c'est lui qui nous révèle le sens des figures de l'Ancien Testament; le monde ici, ce sont les méchants; et voir, c'est connaître avec certitude, parce que la vue est le plus clair de tous les sens.

Bède. Remarquez encore qu'en appelant l'Esprit saint l'Esprit de vérité, il prouve en même temps qu'il est son Esprit. De même encore lorsqu'il enseigne que cet Esprit est donné par le Père, il déclare par là même qu'il est l'Esprit du Père, et que par conséquent l'Esprit saint procède du Père et du Fils.

S. Grég. (Moral., 5, 19 ou 20, dans les anc. ex. ) Dès que l'Esprit saint remplit un coeur, il excite en lui un ardent désir des biens invisibles. Mais comme les coeurs des mondains n'ont d'amour que pour les biens extérieurs, le monde ne peut recevoir cet Esprit, parce qu'il est incapable de s'élever jusqu'à l'amour des choses invisibles. En effet, plus les âmes mondaines s'étendent et s'élargissent au dehors par leurs désirs, plus elles se resserrent et deviennent étroites pour recevoir ce divin Esprit.

S. Aug. Notre-Seigneur déclare que le monde (c'est-à-dire ceux qui aiment le monde), ne peuvent recevoir l'Esprit saint, comme si nous disions: L'injustice ne peut être juste. Le monde donc, c'est-à-dire ceux qui aiment le monde, ne peuvent recevoir l'Esprit saint, parce qu'il ne le voit point. En effet, l'amour du monde est privé de ces yeux invisibles par lesquels nous ne pouvons voir l'Esprit saint que d'une manière invisible. «Pour vous, vous le connaîtrez, parce qu'il demeurera au milieu de vous». Et afin qu'ils n'entendent pas ces paroles: «Il demeurera au milieu de vous», d'une demeure visible, comme celle d'un hôte à qui l'on donne l'hospitalité, il ajoute: «Et il sera en vous». - S. Chrys. C'est-à-dire il ne demeurera pas au milie u de vous comme j'y suis demeuré moi-même, mais il habitera dans vos âmes.

S. Aug. Il faut d'abord se donner à quelqu'un avant de demeurer en lui, et Notre-Seigneur explique ces paroles: «Au milieu de vous», par ces autres: «En vous»; car s'il n'est pas en vous, vous ne pouvez non plus avoir en vous la connaissance de ce divin Esprit. C'est ainsi que vous voyez en vous-même votre propre conscience.

S. Grég. (Moral., 2, 28 ou 41 dans les anc. ex. ) Si l'Esprit saint demeure dans les disciples, comment donner encore comme signe distinctif du médiateur que l'Esprit saint demeure en lui, comme il est dit à Jean-Baptiste: «Celui sur qui vous verrez l'Esprit saint descendre et demeurer, c'est lui qui baptise ?» Cette difficulté disparaîtra bientôt, si nous prenons soin de faire une distinction entre les dons de l'Esprit saint. Quant aux dons sans lesquels il est impossible de parvenir à la vie, l'Esprit saint demeure dans tous les élus; s'il s'agit au contraire des dons qui ont pour objet non de conserver, mais de produire dans les autres la vie surnaturelle, il ne demeure pas toujours; quelquefois, en effet, il suspend le pouvoir d'opérer des miracles, pour que l'humilité garde plus sûrement les vertus qu'il inspire. Jésus-Christ, au contraire, jouit toujours, et en toutes circonstances, de la présence de l'Esprit saint.

S. Chrys. Par ces seules paroles, Notre-Seigneur renverse d'un seul coup deux hérésies contraires. En disant: «Je vous enverrai un autre», il établit la différence de personnes; e t en lui donnant le nom de consolateur, l'identité de nature. - S. Aug. (contr. le serm. des Ar., chap. 19). L'office de consolateur, que les hérétiques abandonnent à l'Esprit saint comme à la dernière personne de la sainte Trinité, l'Apôtre l'attribue à Dieu lui-même, quand il dit: «Dieu qui console les humbles nous a consolés (2 Co 7, 6). L'Esprit saint qui console les humbles, est donc Dieu. Ou s'ils prétendent que saint Paul veut parler ici du Père et du Fils, qu'ils cessent de séparer l'Esprit saint du Père du Fils, en lui attribuant exclusivement l'office de consolateur.

S. Aug. (Traité 64 sur S. Jean). Mais s'il est vrai que la charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5), comment aimer Jésus-Christ et observer ses commandements pour mériter de recevoir l'Esprit saint, puisque nous ne pouvons sans lui ni aimer ni observer les commandements? Peut-on dire que nous avons d'abord en nous la charité qui nous fait aimer Jésus-Christ, et que cet amour de Jésus-Christ et l'observation de ses commandements attirent en nous l'Esprit saint qui répand la charité de Dieu le Père dans nos coeurs? Cette interprétation est tout à fait erronée; celui qui croit aimer le Fils de Dieu, et n'aime pas le Père, n'aime certainement pas le Fils, il aime le produit de son imagination. La seule manière de résoudre cette difficulté est donc de dire que celui qui aime a déjà l'Esprit saint, et qu'en le possédant, il mérite de le posséder encore davantage et d'avoir ainsi un plus grand amour. Les disciples de Jésus avaient déjà en eux l'Esprit saint que le Sauveur leur promettait, mais ils devaient le recevoir d'une manière plus abondante. Ils le possédaient au dedans d'eux-mêmes, il devait leur être donné d'une manière visible, ce n'est donc point sans raison que ce divin Esprit est promis, non-seulement à celui qui ne l'a pas encore, mais à celui qui le possède déjà. Il est promis à celui qui ne l'a pas, pour qu'il le possède, et à celui qui l'a déjà pour qu'il le reçoive plus abondamment. - S. Chrys. Lorsque Jésus eut purifié ses disciples par le sacrifice de sa passion, que leurs péchés furent effacés et que le temps fut venu de les envoyer affronter les dangers et les combats, ils eurent besoin de recevoir l'Esprit saint dans toute sa plénitude. Il ne leur fut point donné aussitôt sa résurrection, afin que leurs désirs plus ardents fussent une préparation à recevoir l'abondance de ses grâces.


vv. 18-21

13418 Jn 14,18-21

S. Aug. (Traité 75 sur S. Jean). Notre-Seigneur ne veut point laisser croire à ses disciples qu'il leur donne l'Esprit saint pour le remplacer, comme s'il ne devait plus être avec eux, et c'est pour cela qu'il leur dit: «Je ne vous laisserai point orphelins». Le mot orphelins signifie la même chose que le mot pupilles, l'un est grec, l'autre latin. Ainsi, bien que le Fils de Dieu nous ait donnés à son Père comme des enfants adoptifs, il veut lui-même nous témoigner une tendresse toute paternelle.

S. Chrys. (hom. 75). Le Sauveur leur avait dit tout d'abord: «Vous viendrez là où je vais»; mais comme il fallait attendre un long espace de temps, il leur promet l'Esprit saint, et parce qu'ils ne comprenaient pas l'excellence de ce don, il leur promet sa présence dont ils étaient si avides, en leur disant: «Je viendrai à vous». Mais il ne veut pas qu'ils recherchent sa présence telle qu'ils en ont joui jusqu'à présent, il exclut indirectement ce genre de présence quand il ajoute: «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus», c'est-à-dire: Je viendrai à vous, mais non pas comme par le passé, en demeurant chaque jour tout entier au milieu de vous. Et pour prévenir cette objection: Pourquoi donc avez-vous dit aux Juifs: «Bientôt vous ne me verrez plus ?» Il leur dit: «C'est vers vous seuls que je viendrai». - S. Aug. Le monde le voyait alors des yeux du corps revêtu d'une chair visible, mais il ne voyait pas le Verbe, qui était caché sous l'enveloppe d'un corps sensible, de même qu'après sa résurrection, il a donné cette chair, non-seulement à voir, mais à toucher à ses disciples, tandis qu'il en a dérobé la vue à ses ennemis; peut-être est-ce pour cela qu'il dit: «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour vous, vous me verrez». Cependant, comme au jour du jugement, le monde, c'est-à-dire, ceux qui sont exclus de son royaume, le verront de leurs yeux, je crois qu'il a surtout voulu désigner ce temps de la fin du monde où il disparaîtra pour toujours des yeux des réprouvés, et ne sera plus vu que de ceux qui l'aiment. Et s'il se sert de cette locution: «Encore un peu de temps», c'est que ce qui parait long aux yeux des hommes, est toujours très-court aux yeux de Dieu.

«Parce que je vis et que vous vivrez aussi». - Théophyl. C'est-à-dire, bien que je doive souffrir la mort, cependant je ressusciterai: et vous aussi vous vivrez, c'est-à-dire, vous serez dans la joie, lorsque vous me verrez, et dès que j'apparaîtrai, vous ressusciterez comme des morts qui sortent du tombeau. - S. Chrys. Il veut parler ici non de la vie présente, mais de l a vie future, et tel est le sens de ces paroles: La mort de la croix ne me séparera point de vous pour toujours, mais elle ne fera que me cacher un instant à vos yeux.

S. Aug. Pourquoi dit-il de lui au présent: «Parce que je vis», et d'eux au futur: «Et que vous vivrez ?» C'est parce qu'il leur promettait pour l'avenir la vie de la chair ressuscitée, telle qu'il devait bientôt la manifester le premier dans sa personne. En effet, sa résurrection devait suivre presque immédiatement sa mort, et c'est pour cela qu'il dit au présent: «Je vis», pour exprimer le terme prochain de sa résurrection. Mais comme la résurrection des siens devait être différée jusqu'à la fin des siècles, il ne leur dit pas: Vous vivez, mais: «Vous vivrez». Nous vivrons en vertu de sa vie, car si c'est par un homme que la mort est entrée dans le monde, c'est aussi par un homme qu'aura lieu la résurrection des morts. Et dans ce jour (où s'accomplira cette promesse de vie), vous connaîtrez (par intuition, ce dont la foi nous donne ici la connaissance), que je suis dans mon Père, et vous en moi, et moi en vous», parce qu'en effet, lorsque nous vivrons de cette vie qui aura complètement détruit la mort, nous verrons alors s'accomplir ce qu'il a commencé lui-même, c'est-à-dire, qu'il soit en nous et que nous soyons en lui. - S. Chrys. Ou bien encore, au jour de ma résurrection, vous connaîtrez, parce que leur foi devint pleine de certitude lorsqu'ils le virent ressusciter et revenir au milieu d'eux; car la puissance de l'Esprit sa int, qui leur enseignait toutes choses était grande. Quant à ces paroles: «Je suis dans mon Père», c'est le langage de l'humilité, et quand il ajoute: «Et vous en moi, et moi en vous», il veut parler de son humanité, du secours qui vient de Dieu, car l'Ecriture emploie très souvent des mots semblables, mais qu'elle entend dans un sens différent, suivant qu'elle les applique à Dieu ou aux hommes. - S. Hil. (de la Trin., 8) Ou bien en s'exprimant de la sorte, il veut que nous croyions qu'il est dans son Père par sa nature divine, que nous sommes en lui par sa naissance corporelle, et qu'il est encore en nous par le mystère de son sacrement, comme il l'atteste lui-même: «Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui» (Jn 6).

Alcuin. Or, c'est par l'amour et par l'observation de ses commandements que s'accomplira cette union parfaite qu'il a commencée lui-même, et en vertu de laquelle il est en nous, et nous en lui. Et ce n'est pas seulement à ses Apôtres qu'est promis ce bonheur, mais à tous les hommes: «Celui qui a mes commandements et qui les garde», etc. - S. Aug. Celui qui les a dans sa mémoire et les garde dans sa vie; celui qui les a dans ses discours et qui les garde dans ses oeuvres; celui qui les a par son attention à les écouter et qui les garde par sa fidélité à les pratiquer; celui qui les a en les observant et qui les garde par une constante persévérance: voilà celui qui m'aime véritablement, la preuve de l'amour doit être dans les oeuvres, ou alors il n'est plus qu'une dénomination stérile. - Théophyl. Voici, en effet, le vrai sens de ces paroles: vous pensez me donner un témoignage d'amour en vous attristant de ma mort, mais pour moi la preuve de l'amour véritable, c'est l'observation de mes commandements. Or, quelle sera la récompense de cet amour? «Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai aussi». - S. Aug. Mais qu'est-ce à dire: «Je l'aimerai», comme s'il n'avait pas aimé jusque-là? Il répond à cette difficulté en ajoutant: «Et je me manifesterai à lui», c'est-à-dire, je l'aimerai pour me manifester à lui et lui donner la claire vision comme récompense de sa foi. Maintenant Jésus nous aime pour nous amener à la foi, il nous aimera alors pour nous conduire à la vision des cieux; et no us aussi nous aimons maintenant en croyant ce que nous verrons un jour, et nous aimerons alors en voyant ce qui est l'objet de notre foi.

S. Aug. (Lett. 112 à Paulin., chap. 10) Or, il a promis de se manifester à ceux qui l'aiment comme un seul Dieu avec son Père, et non corporellement comme il a été vu dans ce monde par les méchants eux-mêmes. - Théophyl. Ou bien encore, comme il devait leur apparaître après sa résurrection dans un corps glorieux et plus rapproché de la divinité, il leur fait cette prédiction afin qu'ils ne le prennent point pour un esprit ou pour un fantôme, et que bannissant tout sentiment de défiance, ils se rappellent qu'il se manifeste à eux pour les récompenser d'avoir observé ses commandements, et qu'ils persévèrent dans cette observance pour jouir toujours de cette manifestation.


vv. 22-27

13422 Jn 14,22-27

S. Aug. (Traité 76 sur S. Jean). Notre-Seigneur venait de dire: «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour vous, vous me verrez». Judas, non pas le traître surnommé Iscariote, mais celui dont l'Epître est au rang des Écritures canoniques, Judas lui demande l'explication de ces paroles: «Judas, non pas l'Iscariote, lui dit: Seigneur, d'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ?» Il lui demande donc la raison pour laquelle il doit se manifester, non pas au monde, mais à ses disciples, le Seigneur lui donne cette raison, c'est qu'il est aimé des uns et qu'il n'est pas aimé des autres. Jésus lui répondit: «Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera», etc. - S. Grég. (hom. 30 sur les Evang). La preuve de l'amour ce sont les oeuvres; l'amour de Dieu ne peut jamais être oisif, dès qu'il existe, il opère de grandes choses, s'il refuse d'agir, ce n'est qu'un simulacre d'amour.

S. Aug. L'amour qui distingue et sépare les saints des partisans du monde, est cet amour qui inspire un même esprit à ceux qui habitent (Ps 68, 7) dans la maison où le Père et le Fils font leur demeure, en répandant leur amour sur ceux à qui ils doivent se manifester un jour. Il y a donc une certaine manifestation intérieure de Dieu, complètement inconnue des impies, à qui Dieu le Père ne se manifeste jamais. Quant au Fils, ils ont pu le voir, mais seulement dans sa chair, cette manifestation ne ressemble nullement à l'autre, elle ne peut d'ailleurs leur être toujours présente, elle ne dure qu'un peu de temps, et loin d'être pour eux une cause de joie et de récompense, elle est bien plutôt un principe de jugement et de condamnation: «Et nous viendrons à lui». Le Père et le Fils viennent à nous, lorsque nous venons nous-mêmes à eux; ils viennent à nous en nous secourant, nous venons à eux en obéissant à leur inspiration, ils viennent à nous en nous comblant de leur lumière, nous venons à eux en la contemplant, ils viennent à nous en nous remplissant de leurs dons, nous venons à eux en les recevant. Cette vision n'a aucun rapport avec les sens extérieurs, elle est tout intérieure, et cette demeure n'est point passagère, elle est éternelle: «Et nous ferons en lui notre demeure». - S. Grég. Dieu vient dans certaines âmes et n'y demeure pas, parce que si le repentir leur fait tourner les regards vers Dieu, elles oublient ce repentir aux approches de la tentation, et retombent dans leurs anciens péchés, comme si elles ne les avaient jamais pleurés. Celui donc qui aime Dieu d'un amour véritable, voit le Seigneur venir en lui et y établir sa demeure, parce qu'il est tellement pénétré de l'amour de Dieu, qu'il lui reste fidèle dans le temps même de la tentation, et il aime véritablement Dieu, parce que le plaisir criminel ne peut triompher de son âme en lui arrachant son consentement.

S. Aug. Mais devons-nous admettre que l'Esprit saint reste étranger à cette demeure que le Père et le Fils font dans l'âme de celui qui les aime? Alors que signifieraient ces paroles que le Sauveur a dites précédemment de l'Esprit saint: «Il demeurera au milieu de vous, et il sera en vous», à moins qu'on ne pousse l'absurdité jusqu'à penser que lorsque le Père et le Fils arrivent, le Saint- Esprit s'éloigne comme pour laisser la place à ceux qui lui sont supérieurs? La sainte Ecriture va du reste au-devant de cette grossière objection, lorsqu'elle dit: «Afin qu'il demeure en vous éternellement». L'Esprit saint sera donc éternellement dans la même demeure avec le Père et le Fils, parce qu'il ne peut venir sans eux, et qu'ils ne peuvent venir sans lui. C'est pour établir la distinction des personnes de la sainte Trinité, que quelques opérations sont attribuées nominativement à chacune des personnes, mais il ne faut jamais en exclure les autres personnes, parce qu'il n'y a qu'une seule et même nature dans la Trinité.

S. Grég. Plus on se livre aux plaisirs bas et terrestres, plus on s'éloigne de l'amour des biens célestes. «Celui qui ne m'aime pas, poursuit Notre-Seigneur, ne garde point mes commandements». L'amour du Créateur exige donc le concours de la langue, du coeur et de la vie. - S. Chrys. (hom. 75 sur S. Jean). On peut encore donner cette explication: Judas pensait qu'ils ne verraien t le Sauveur que comme nous voyons les morts pendant notre sommeil, et c'est pour cela qu'il lui fait cette question: «D'où vient que vous vous manifesterez à nous et non au monde ?» Langage qui revient à celui-ci: Malheur à nous ! Vous allez mourir, et vous ne nous apparaîtrez plus que comme les morts ont coutume d'apparaître. C'est pour détruire ce soupçon que Notre-Seigneur leur dit: «Mon Père et moi, nous viendrons à lui», c'est-à-dire, je me manifesterai de même que mon Père. «Et nous ferons en lui notre demeure»; ce qui éloigne toute idée de sommeil et de songe; il ajoute: «Et la parole que vous avez entendue n'est pas de moi, mais de mon Père, qui m'a envoyé». C'est-à-dire, celui qui n'écoute pas ma parole, n'aime ni mon Père, ni moi. Le Sauveur s'exprime de la sorte, parce qu'il ne dit rien qui soit en dehors de son Père, ou qui ne soit conforme à son bon plaisir. - S. Aug. Peut-être est-ce pour établir une distinction, que lorsqu'il s'agit de ses propres paroles, le Sauveur parle au pluriel: «Celui qui ne m'aime pas, ne garde pas mes commandements»; tandis que lorsqu'il parle au singulier de sa parole, c'est-à-dire du Verbe du Père, il ne dit point que c'est sa parole, mais celle du Père, c'est-à-dire lui-même. En effet, il n'est point son Verbe, mais le Verbe du Père; de même qu'il n'est point son image, mais l'image du Père; de même qu'il n'est point son Fils, mais le Fils du Père. C'est donc avec raison qu'il attribue à l'auteur de son être ce qu'il fait comme étant son égal, puisque c'est de lui qu'il a reçu ce qui lui donne cette parfaite égalité.

S. Chrys. Parmi les choses que le Sauveur venait de leur dire, les unes étaient claires, les autres étaient restées incomprises; il ajoute donc, pour calmer le trouble de leur âme: «Je vous ai dit ceci, demeurant avec vous». - S. Aug. (Traité 77) Cette demeure qu'il vient de promettre pour l'avenir, est toute différente de celle qu'il déclare exister actuellement. La première est toute spirituelle, et se réalise au dedans de l'âme; l'autre est extérieure et accessible aux yeux du corps comme au sens de l'ouïe. - S. Chrys. Or, pour les préparer à supporter plus patiemment la privation de sa présence corporelle, il leur promet que son départ sera pour eux la cause des biens les plus abondants, car tant qu'il restait au milieu d'eux d'une manière visible, sans que l'Esprit saint vint en eux, ils ne pouvaient comprendre aucune vérité importante. Aussi Notre-Seigneur ajoute: «Mais le Paraclet, l'Esprit saint, que mon Père enverra en mo n nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit». - S. Grég. Le mot grec ðáñÜëçôïò veut dire en latin avocat ou consolateur. L'Esprit saint est appele avocat, parce qu'il intercède auprès de la justice du Père en faveur des pécheurs qui se sont égarés, et en inspirant l'esprit de prière à ceux qu'il remplit de ses dons. On lui donne aussi le nom de consolateur, parce qu'il délivre de l'affliction et de la tristesse les âmes que la pensée de leurs crimes plongent dans une mer d'amertumes, en leur faisant entrevoir l'espérance du pardon. - S. Chrys. Il leur représente encore l'Esprit saint comme consolateur, en vue des tribulations dont ils allaient être assaillis.

Didyme. (De l'Esprit saint, liv. 2) Le Sauveur affirme que l'Esprit saint est envoyé par le Père en son nom, et le nom du Sauveur est celui de Fils, qui exprime à la fois l'unité de nature et la distinction des personnes. En effet, il est exclusivement le propre du Fils de venir au nom du Père, en conservant les relations qui existent du Père le Fils; aussi nul autre n'est venu au nom du Père, mais plusieurs sont venus au nom du Seigneur Dieu tout-puissant. De même donc que les serviteurs qui viennent au nom de leur maître rappellent le souvenir de leur maître, par cela seul qu'ils sont ses serviteurs et ses subordonnés; ainsi le Fils qui vient au nom de son Père porte et rappelle son nom par cela seul qu'il est reconnu pour le Fils unique de Dieu. Par cela donc que l'Esprit saint est envoyé par le Père au nom du Fils, il montre les liens étroits qui l'unissent au Fils; aussi est-il appelé l'Esprit du Fils, et par la grâce de l'adoption, il donne à ceux qui veulent le recevoir le titre et les droits d'enfants de Dieu. Or, ce divin Esprit, qui est envoyé par le Père et qui vient au nom du Fils, enseignera toutes choses à ceux dont la foi eu Jésus-Christ est parfaite, c'est-à-dire tous les mystères et les secrets spirituels de la vérite et de la sagesse, et il les enseignera non comme les hommes enseignent les arts et la sagesse, à force d'étude et d'habilité, mais cet Esprit de vérité les enseignera comme étant lui-même par essence la doctrine et la sagesse, et répandra invisiblement dans les âmes la science des choses divines.

S. Grég. La parole de celui qui enseigne demeure nécessairement infructueuse si l'Esprit saint n'est présent dans le coeur de celui qui reçoit ses enseignements. Que personne donc n'attribue à celui qui enseigne l'intelligence des vérités qui sortent de ses lèvres, car sans la présence de ce maître intérieur, la langue de celui qui enseigne travaille inutilement à l'extérieur. Le Créateur lui-même ne parle point à l'homme pour son instruction, à moins que l'Esprit saint ne lui parle on même temps par son onction. - S. Aug. Mais est-ce donc que le Fils parle et que l'Esprit saint enseigne, de manière que nous entendions les paroles du Fils, et que l'enseignement de l'Esprit saint nous en donne l'intelligence? C'est donc la Trinité tout entière qui parle et qui enseigne; mais si l'action de chac une des divines personnes ne nous était présentée comme distincte et séparée, la faiblesse humaine ne pourrait en aucune manière la comprendre.

S. Grég. (hom. 30). Examinons encore pourquoi le Sauveur dit de l'Esprit saint: «Il vous suggérera toutes les choses», etc., ce qui parait indiquer un ministère inférieur. Mais il faut nous rappeler que le mot suggérer a quelquefois le sens de fournir, de donner, et on dit de l'Esprit invisible qu'il suggère, non qu'il nous inspire la science puisée dans les régimes inférieurs, mais parce qu'il la tire des profondeurs cachées aux yeux des hommes. - S. Aug. Ou bien encore ces paroles: «Il vous suggérera», c'est-à-dire il vous rappellera, doivent nous faire comprendre que c'est pour nous un devoir de ne jamais oublier que ses salutaires enseignements ont pour objet et pour fin la grâce que l'Esprit nous remet en mémoire. - Théophyl. L'Esprit saint a donc tout ensemble enseigné et remis en mémoire; il a enseigné les vérités que Jésus-Christ n'avait pas voulu faire connaître à ses disciples, parce qu'ils n'étaient pas capables de les comprendre; et il les a fait ressouvenir de celles que le Sauveur leur avait enseignées, mais dont ils avaient perdu la mémoire par suite de l'obscurité des choses elles-mêmes ou de l a lenteur de leur intelligence.

S. Chrys. Ces discours du divin Maître jetaient le trouble dans leur âme, en leur représentant les persécutions elles combats qu'ils auraient à soutenir après que Jésus les aurait quittés; il les console donc le nouveau en leur disant: «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix». - S. Aug. Il nous laisse la paix dans ce monde, afin qu'elle nous serve à vaincre nos ennemis et à nous aimer les uns les autres; il nous donnera sa paix dans le siècle futur, où nous régnerons sans avoir à craindre ni les attaques des ennemis, ni les dissentiments avec nos frères. Or, c'est lui-même qui est notre paix, et lorsque nous croyons qu'il est et lorsque nous le verrons tel qu'il est. Mais pourquoi, lorsqu'il dit à ses disciples: «Je vous laisse la paix», ne dit-il point: Ma paix, tandis que dans la proposition suivante il dit: «Je vous donne ma paix ?» Devons-nous sous-entendre ce pronom ma dans la phrase où il n'est pas exprimé? Ou bien y a-t-il ici quelque vérité cachée? Par sa paix, il veut que nous entendions celle dont il jouit lui-même. Quant à la paix qu'il nous laisse pendant cette vie, c'est plutôt notre paix que la sienne. Le Sauveur n'a en lui aucun élément de guerre intérieure, parce qu'il n'y a en lui aucun péché; tandis que la paix que nous pouvons avoir en ce monde ne nous empêche pas de dire: «Pardonnez-nous nos péchés». De même encore la paix règne entre nous, parce que nous croyons à l'amour mutuel que nous avons les uns pour les autres; mais cette paix n'est point parfaite, parce que nous ne pouvons pénétrer réciproquement les pensées secrètes de nos coeurs. Je sais toutefois que l'on peut entendre ces paroles du Sauveur dans le sens d'une simple répétition de la même pensée. Il ajoute: «Je ne vous la donne pas comme le monde la donne»; c'est-à-dire, je ne la donne pas comme la donnent les hommes qui aiment le monde. Ils s'accordent mutuellement la paix, afin de pouvoir jouir des biens de ce monde sans inquiétude et sans crainte; et s'ils laissent la paix aux justes en ce sens qu'ils ne les persécutent pas, ce ne peut être une paix véritable, parce qu'il ne peut y avoir de véritable entente là où les coeurs sont séparés. - S. Chrys. D'ailleurs, la paix qui n'est qu'extérieure est souvent très-dangereuse, et n'est d'aucune utilité pour ceux qui la possèdent.

S. Aug. (serm. 59 sur les par. du Seign). La paix, c'est la sérénité de l'âme, la tranquillité de l'esprit, la simplicité du coeur, le lien de l'amour, l'union intime de la charité; celui qui n'aura point voulu observer ce divin testament de la paix, ne pourra parvenir à l'héritage du Seigneur, et il ne peut espérer d'être en paix avec Jésus-Christ, s'il est en guerre avec un de ses frères en Jésus-Christ.



Catena Aurea 13412