Catena Aurea 13724

vv. 24-26

13724 Jn 17,24-26

S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean). Après avoir prédit qu'un grand nombre croiraient par le ministère, des Apôtres, et qu'ils jouiraient d'une gloire extraordinaire, il les entretient de la couronne qui leur est réservée: «Mon Père, je veux que, là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi». - S. Aug. (Traité 110 sur S. Jean). Il veut parler de ceux que son Père lui a donnés, de ceux qu'il a choisis du milieu du monde, car comme il le dit au commencement de sa prière: «Dieu lui a donné puissance sur toute chair, c'est-à-dire, sur tous les hommes, pour leur donner la vie éternelle, preuve évidente du pouvoir qu'il a reçu sur tout homme pour sauver ceux qu'il veut et laisser qui il veut dans la damnation éternelle. Telle est donc la récompense qu'il a promise à tous ses membres, c'est que là où il est, nous serons avec lui. Or, il est impossible que le Père tout-puissant n'accomplisse pas la volonté exprimée par son Fils tout-puissant (Traité 111); et notre piété doit croire sans difficulté ce que notre faiblesse ne nous permet pas de comprendre que le Père et le Fils n'ont qu'une seule et même volonté. A ne voir en Jésus-Christ que la nature humaine, selon laquelle il est né de la race de David; il a pu dire: «Là où je suis», en se considérant comme étant déjà là où il devait bientôt aller. Il nous promet donc que nous serons un jour dans les cieux, car cette nature humaine qu'il a prise dans le sein d'une Vierge, il l'a élevée jusque dans les cieux et l'a placée à la droite de son Père. - S. Grég. (Moral., 27, 8). Mais alors que signifient ces paroles que la vérité nous dit dans un autre endroit: «Personne n'est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel ?» Nous répondons que la vérité n'est point eu contradiction avec elle-même, car le Seigneur étant le chef de ses membres, il est seul avec nous après qu'il a rejeté loin de lui la multitude des réprouvés, et puisque nous ne faisons plus qu'un avec lui, on peut dire qu'il retourne seul en nous au ciel d'où il est descendu seul en lui-même.

S. Aug. (Traité 111 sur S. Jean). Si nous considérons au contraire la nature divine par laquelle il est égal à Dieu son Père, et que nous voulions comprendre à ce point de vue le sens de ces paroles: «Là où je suis, je veux qu'ils soient avec moi», il nous faut éloigner de notre esprit toute image des choses sensibles, et ne pas rechercher où est le Fils égal à son Père, parce qu'on ne peut trouver un lieu où il ne soit pas. Remarquons encore que Notre-Seigneur ne se contente pas de dire: «Je veux que là où je suis, ils y soient eux-mêmes»; mais il ajoute: «Avec moi». En effet, être avec lui, c'est le plus grand des biens, car si l'on peut être malheureux en étant là où il est, on est nécessairement heureux lorsqu'on est av ec lui. Ainsi, pour prendre un exemple dans les choses sensibles, quoique d'un ordre bien différent, de même qu'un aveugle qui se trouve là où brille la lumière, n'est cependant pas avec la lumière, mais en est séparé même en présence de la lumière, ainsi, bien que non-seulement l'infidèle, mais encore le fidèle ne puisse jamais être où n'est pas le Christ, il n'est cependant pas avec le Christ contemplé dans sa nature. Nul doute que le chrétien fidèle soit avec Jésus-Christ par la foi, mais le Sauveur voulait parler ici de la claire vue qui nous le fera voir tel qu'il est: c'est pour cela qu'il ajoute: «Afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée». Remarquez: «Afin qu'ils voient», et non: Afin qu'ils croient; c'est la récompense de la foi, et non la foi elle-même. - S. Chrys. Il ne dit pas non plus: Afin qu'ils entrent en participation de ma gloire, mais: «Afin qu'ils voient ma gloire», nous indiquant ainsi en termes couverts que le souverain repos consiste dans les cieux à voir le Fils de Dieu. Or, le Père a donné cette gloire à son Fils lorsqu'il l'a engendré.

S. Aug. Lors donc que nous verrons la gloire que le Père a donnée à son Fils, quand même nous entendrions ici, non pas la gloire que le P'ère donne à son Fils qui lui est égal, en l'engendrant, mais celle qu'il a donnée à son Fils fait homme après la mort de la croix; lorsque nous verrons cette gloire du Fils, c'est alors qu'aura lieu le jugement, et que l'impie disparaîtra pour ne pas être témoin de la gloire du Seigneur. Quelle est cette gloire? Celle qui lui est propre comme Dieu. En admettant donc que c'est comme Fils de Dieu et Dieu lui-même que le Sauveur dit: «Je veux que là où je suis ils y soient avec moi», nous serons alors dans le Père avec Jésus-Christ, qui après ces paroles: «Afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée», ajoute aussitôt: «Parce que vous m'avez aimé avant la création du monde». C'est en Jésus-Christ, en effet, qu'il nous a aimés avant la création du monde, et c'est alors qu'il a réglé dans sa prédestination ce qu'il devait accomplir à la fin du monde. - Bède. Il donne le nom de gloire à l'amour dont son Père l'a aimé avant la création du monde, et c'est dans cette gloire qu'il nous aime nous-mêmes avant l'établissement du monde.

Théophyl. Après avoir prié pour les fidèles et leur avoir fait de si magnifiques promesses, Notre-Seigneur place une considération pleine de piété et digne de la mansuétude dont il faisait profession: «Père juste, le monde ne vous a pas connu», c'est-à-dire, mon désir eût été de voir tous les hommes en possession des biens que j'ai demandés dans cette prière; mais ils ne vous ont point connu, et ne pourront obtenir ni la gloire, ni les couronnes que je leur ai promises. - S. Chrys. Le langage du Sauveur paraît ici empreint d'un profond sentiment de tristesse, de ce que les hommes n'ont point voulu connaître l'auteur de toute bonté et de toute justice. Les Juifs sont donc dans l'erreur quand ils prétendent vous connaître, et qu'ils me reprochent à moi de ne point vous connaître; c'est le contraire qui est vrai: Pour moi, je vous ai connu, et ceux-ci ont connu que vous m'avez envoyé, et je leur ai fait connaître votre nom et le leur ferai connaître, en leur donnant par l'Esprit saint une connaissance parfaite. Or, quand ils auront appris ce que vous êtes, ils sauront que je ne suis point séparé de vous, mais que vous m'avez aimé d'un amour extraordinaire, que je suis votre propre Fils, et que je vous suis uni par les liens les plus étroits. C'est ce que je leur ai enseigné, afin que je demeure en eux, et c'est ainsi qu'ils conserveront infailliblement lafoi qu'ils ont en moi, et l'amour qui doit en être le fruit: «Afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux». Comme s'il disait: C'est l'amour qu'ils au ront pour moi, qui leur méritera que je demeure en eux.

S. Aug. Ou bien encore: Qu'est-ce que la connaissance de Dieu, si ce n'est la vie éternelle, qu'il n'a point donnée au monde réprouvé, mais au monde réconcilié? Le monde ne vous a donc point connu, parce que vous êtes juste, et qu'il a mérité, que vous lui refusiez la grâce de vous connaître; au contraire, le monde réconcilié vous a connu, parce que vous êtes miséricordieux, et que ce n'est point à ses mérites, mais à votre grâce qu'il doit de vous connaître. Il ajoute: «Pour moi je vous ai connu». En tant que Dieu, il est par nature la source de la grâce, et en tant qu'homme, né du Saint-Esprit et de la vierge Marie, il l'est devenu par une grâce ineffable. Enfin, comme la grâce de Dieu nous est donnée par Jésus-Christ, il termine en disant: «Et ceux-ci (c'est-à-dire, le monde réconcilié) ont connu, mais parce que vous m'avez envoyé; cette connaissance leur est donc venue par la grâce. Et je leur ai fait connaître votre nom (par la foi), et je le leur ferai connaître (par la claire vue), afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux». L'Apôtre s'est servi d'une locution semblable lorsqu'il a dit: «J'ai combattu un bon combat». (1Tm 1,4). Il ne dit pas: J'ai combattu d'un bon combat, ce qui serait plus conforme au langage ordinaire. Or, comment l'amour dont le Père a aimé le Fils est-il en nous, si ce n'est parce que nous sommes ses membres, et que Dieu nous aime dans son Fils, qu'il aime tout entier, c'est-à-dire, le chef et les membres, c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Et moi en eux». Il est, eneffet, en nous comme dans son temple, et nous sommes en lui en tant qu'il est notre chef.


CHAPITRE XVIII


vv. 1-2

13801 Jn 18,1-2

S. Aug. (Traité 112 sur S. Jean). Le discours que Notre-Seigneur avait adressé à ses disciples après la cène étant terminé, ainsi que la prière qu'il avait faite à son Père, l'évangéliste saint Jean commence ainsi le récit de sa passion: «Après ce discours, Jésus s'en alla avec ses disciples au-delà du torrent de Cédron». Ce ne fut pas immédiatement après avoir achevé cette prière, mais après quelques autres faits intermédiaires que saint Jean passe sous silence, et qui sont rapportés par les autres évangélistes. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 3) Il s'éleva en effet parmi eux une contestation, lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand, ainsi que le raconte saint Luc. Le Sauveur dit encore à Pierre, comme l'ajoute encore le même évangéliste: «Voilà que Satan vous a demandé pour vous cribler, comme le froment», et les paroles qui suivent (Lc 22, 31-38). Et après avoir récité l'hymne de louange, suivant le récit de saint Matthieu et de saint Marc, ils s'en allèrent à la montagne des Oliviers. La liaison du récit de saint Matthieu se trouve donc ainsi établie avec celui de saint Jean: «Alors Jésus vint avec eux à une maison de campagne, qui est appelée Gethsémani, c'est le lieu dont parle ici saint Jean, et où il y avait un jardin dans lequel il entra avec ses disciples.

S. Aug. Ces paroles: «Après qu'il eût dit ces choses», signifient donc simplement que le Sauveur n'est entré dans ce lieu qu'après avoir terminé son discours. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Jean). Mais pourquoi l'Évangéliste ne dit-il pas: Après avoir terminé sa prière, il se rendit dans ce lieu? Parce que celle prière était une instruction à l'adresse de ses disciples. C'est pendant la nuit qu'il sort, qu'il passe le torrent, et qu'il se hâte vers le lieu connu de son traître disciple; épargnant ainsi la fatigue à ses ennemis, et montrant à ses disciples que sa mort est pleinement volontaire. - Alcuin. L'Évangéliste dit: «Au delà du torrent de Cédron», c'est-à-dire des cèdres, le mot Cédron étant comme le génitif grec du mot Ýäñùí. Il traverse le torrent, parce que dans le chemin (c'est-a -dire dans le passage de cette vie), il a bu de l'eau du torrent (de la passion). Il se rend dans un jardin, pour expier le péché qui avait été commis dans un jardin, car le paradis signifie jardin de délices.

S. Chrys. Ne croyez pas qu'en se rendant dans ce jardin, Jésus cherche à se dérober à ses ennemis, car, dit l'Évangéliste, «Judas qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus yvenait fréquemment avec ses disciples». - S. Aug. C'est dans ce lien que le loup couvert de la peau de brebis, et supporté au milieu du troupeau par un conseil profond du père de famille apprit à dresser ses embûches au pasteur, et à disperser pour un moment le troupeau. - S. Chrys. Jésus avait souvent réuni ses disciples à l'écart pour avoir avec eux des entretiens nécessaires et particuliers que d'autres ne devaient pas entendre, qui ne devaient pas être entendus des autres. Il se rend de préférence pour cela sur les montagnes et dans les jardins, parce qu'il cherche un endroit calme et tranquille pour que l'esprit de ses disciples ne soit troublé par aucun sujet de distraction. Judas de son côté vient dans ce jardin, parce que Jésus-Christ y passait très-souvent la nuit; il n'eût pas manqué d'aller chercher dans le Cénacle, s'il eût pensé que le Sauveur s'y livrait au sommeil. - Théophyl. Judas savait aussi qu'aux jours de fête, le Seigneur avait coutume d'adresser à ses disciples des instructions plus relevées, et qu'il choisissait en jardin pour ces entretiens mystérieux; et comme c'était la grande solennité des Juifs, Judas pensa que Jésus se trouvait dans ce lien et qu'il y enseignait à ses disciples ce qui avait rapport à la célébration de la fête.


vv. 3-9

13803 Jn 18,3-9

La Glose. Après nous avoir expliqué comment Judas put savoir le lieu où Jésus-Christ se trouvait, l'Évangéliste raconte comment il s'y rendit: «Judas ayant donc pris une cohorte, et des gens des pontifes et des pharisien», etc. - S. Aug. (Traité 112 sur S. Jean). Cette cohorte était composée non de Juifs, mais de soldats romains. Les ennemis de Jésus l'avaient demandée au gouverneur comme pour s'emparer juridiquement du coupable, au nom de l'autorité légitime, et afin que personne ne cherchât à le délivrer de leurs mains, quoiqu'il y eût d'ailleurs une foule si nombreuse, et si bien armée, qu'elle fut capable d'effrayer et au besoin de repousser celui qui oserait prendre la défense du Sauveur. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Jean). Mais comment purent-ils entraîner celle cohorte dans leurs desseins? Parce qu'ils avaient affaire à des soldats prêts à tout faire pour de l'argent. - Théophyl. Ils portent avec eux des torches et des lanternes afin que Jésus-Christ ne pût leur échapper à la faveur des ténèbres.

S. Chrys. Bien souvent ils avaient envoyé des gens pour se saisir de Jésus, sans qu'ils aient pu s'emparer de sa personne, preuve évidente qu'il se livrait volontairement entre leurs mains. Aussi l'Évangéliste ajoute: Mais Jésus sachant tout ce qui devait lui arriver, s'avança et leur demanda: «Qui cherchez-vous ?» etc. - Théophyl. Il leur fait cette question, non pour connaître leurs desseins, puisqu'il savait parfaitement ce qui devait lui arriver, mais pour leur montrer que tout présent qu'il était à leurs yeux, ils ne pouvaient ni le voir ni le distinguer: «Ils lui répondirent: Jésus de Nazareth, Jésus leur dit; c'est moi». - S. Chrys. Il est au milieu d'eux, et il frappe leurs yeux de cécité, et l'Évangéliste nous fait bien voir que ce ne sont pas les ténèbres de la nuit qui les empêchèrent de reconnaître Jésus on prenant soin de nous dire qu'ils avaient avec eux des torches et des lanternes. Au défaut même de lumières, ils auraient dû le reconnaître à sa voix, et si cette troupe ne connaissait pas Jésus, comment Judas qui avait continuellement été avec lui pouvait-il ne pas le reconnaître? Aussi l'Évangéliste fait-il remarquer que Judas qui le trahissait, était aussi avec eux. Or, Jésus voulait opérer ce prodige pour leur montrer que sans sa permission, non-seulement ils ne pouvaient pas se saisir de sa personne, mais qu'ils ne pouvaient infime le voir quoiqu'il fût présent au milieu d'eux. Lors donc qu'il leur eut dit: C'est moi, ils furent renversés et tombèrent par terre. - S. Aug. Où est maintenant cette cohorte de soldats? où est ce déploiement terrible d'armes menaçantes? Une seule parole, sans qu'il fût besoin d'aucune autre arme, a suffi pour frapper, pour repousser, pour jeter à terre cette troupe nombreuse dont la haine était si ardente et l'appareil armé si effrayant. C'est que Dieu était caché dans ce corps mortel, et le jour éternel était tellement voilé par la nature humaine, que les ténèbres qui voulaient le mettre à mort étaient obligées de le chercher avec des torches et des lanternes. Que fera-t-il donc au jour où il viendra juger le monde, lui qui opère de si grands prodiges au moment où il va lui-même être jugé. Maintenant Jésus-Christ, par son Évangile, fait retentir en tous lieux cette parole: «C'est moi», et cependant les Juifs attendent l'Antéchrist, et se retournent ainsi en arrière pour tomber à la renverse, parce qu'ils sacrifient les biens du ciel aux désirs des choses de la terre.

S. Grég. (hom. 9 sur Ezéch). Mais pourquoi les élus tombent-ils la face contre terre, tandis que les réprouvés tombent à la renverse? C'est que tout homme qui tombe à la renverse, tombe en aveugle, tandis que celui qui tombe le visage contre terre, voit l'endroit où il tombe? Comme les méchants tombent dans un milieu qui est pour eux invisible, on dit qu'ils tombent en arrière, parce qu'ils ne peuvent voir ce qui les suit dans ce milieu où ils sont tombés. Les justes au contraire qui s'humilient d'eux-mêmes au milieu de ces choses visibles pour mériter de s'élever jusqu'aux invisibles, tombent la face contre terre, parce que pénétrés de componction et. de crainte, ils voient leur propre humiliation.

S. Chrys. Le Sauveur ne veut pas cependant qu'on puisse penser que c'est lui qui a comme amené les Juifs à le mettre à mort, en se livrant de lui-même à ses ennemis, et il fait tout ce qui était nécessaire pour les détourner de leur criminel dessein. Mais comme ils persévèrent opiniâtrement et qu'ils sont tout à fait sans excuse, il se remet lui-même entre leurs mains: «Il leur demanda encore une fois: Qui cherchez-vous? Ils lui dirent: Jésus de Nazareth».

S. Aug. Ils avaient déjà entendu cette réponse: «C'est moi», et ils ne s'étaient pas emparé de la personne du Sauveur, parce que telle était la volonté de celui qui peut tout ce qu'il veut. Cependant s'il ne leur avait jamais permis de se saisir de lui, cette troupe n'aurait pas rempli la mission qui lui avait été donnée, et lui-même n'aurait pas accompli le dessein qui l'avait fait descendre sur la terre. Maintenant qu'il a donné des preuves suffisantes de sa puissance à ceux qui voulaient s'emparer de lui, mais inutilement, qu'ils se saisissent de sa personne ils ne feront, sans le savoir, qu'obéir à l'ordre de sa volonté: «Si donc c'est moi que vous cherchez, leur dit-il, laissez aller ceux-ci». - S. Chrys. C'est-à-dire, si c'est moi que vous cherchez, vous n'avez rien à démêler avec eux; je me livre moi-même entre vos mains, et c'est ainsi que jusqu'à la dernière heure, il donne à ses disciples des témoignages persévérants de son amour pour eux. - S. Aug. Il commande à ses ennemis, et ses ennemis exécutent ses ordres, et ils laissent aller en liberté ceux qu'il leur défend de faire périr. - S. Chrys. Aussi l'Évangéliste voulant nous montrer que ce n'était point là un acte de leur volonté, mais un effet de la puissance de celui qu'ils venaient d'arrêter, ajoute: «Afin que fût accomplie la parole qu'il avait dite: Je n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés». Notre-Seigneur n'avait pas eu en vue dans ces paroles la mort du corps, mais la mort éternelle; l'Évangéliste les applique à la mort même corporelle. - S. Aug. Est-ce que les Apôtres devaient être pour toujours à l'abri de la mort? Pourquoi donc les perdrait-il, s'ils mouraient alors? C'est qu'ils ne croyaient pas encore, en lui comme il faut croire pour ne point périr.


vv. 10-11

13810 Jn 18,10-11

S. curys. (hom. 83 sur S. Jean). Pierre, plein de confiance dans ce que le Sauveur venait de dire, et dans le prodige qu'il avait opéré, se met en défense contre ceux qui étaient venus pour se saisir de Jésus: «Alors Simon-Pierre qui avait une épée, la tira», etc. Mais comment celui à qui Jésus avait commande de n'avoir ni bourse ni deux vêtements, peut-il avoir un glaive? Je crois qu'il s'était depuis longtemps muni de ce glaive dans la prévision des dangers qu'il redoutait. - Théophyl. Ou bien ce glaive était celui qui avait servi pour découper l'agneau, et que Pierre avait conservé après la cène. -
S. Chrys. Mais comment encore celui à qui le Sauveur avait défendu de donner un soufflet, se rend-il homicide? Jésus lui avait défendu toute vengeance personnelle, mais ici ce n'est point lui, mais son maître qu'il cherche à venger, d'ailleurs les Apôtres n'étaient pas encore parfaits, mais nous verrons plus tard Pierre se laisser frapper sans faire aucune résistance. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste remarque qu'il coupa l'oreille droite de ce serviteur; il fait ainsi ressortir l'impétuosité de l'Apôtre, qui s'attaque tout d'abord à la tête de cet homme.

S. Aug. (Traité 112 sur S. Jean). L'évangéliste saint Jean est le seul qui nous ait conservé le nom de cet homme: «Et cet homme s'appelait Malchus»; comme saint Luc est le seul qui rapporte que le Seigneur toucha son oreille et la guérit. - S. Chrys. Jésus fait ici un second miracle, et il nous apprend ainsi à faire du bien à ceux qui nous font du mal, en même temps qu'il donne un nouveau témoignage de sa puissance. L'Évangéliste donne le nom de cet homme, pour permettre à ceux qui liraient son récit, de vérifier si ce fait était vrai. Il ajoute qu'il était le serviteur du grand-prêtre, pour faire ressortir l'excessive bonté du Sauveur, qui guérit cet homme, et un homme qui venait se saisir de lui, et qui devait bientôt lui donner un soufflet. - S. Aug. Malchus veut dire qui doit régner; que signifie donc l'oreille coupée pour la défense du Seigneur, et que le Seigneur guérit lui-même? Elle est la figure du sens de l'ouïe qui est renouvelé après que tout ce qui appartenait au vieil homme a été retranché, afin qu'il serve Dieu dans la nouveauté de l'esprit et non dans la vieillesse de la lettre. (Rm 7, 6). Or, qui peut douter que celui qui a reçu cette grâce de Jésus-Christ, doive un jour régner avec Jésus-Christ? C'est un serviteur qui est l'objet de ce miracle, et il est la figure de l'ancienne loi qui n'engendrait que des esclaves, mais lorsqu'il a été guéri, il devient la ligure de la liberté spirituelle. (Ga 4, 24-26). - Théophyl. L'oreille droite coupée au serviteur du prince des prêtres, est le symbole de la surdité des Juifs, surdité qui régnait surtout dans les princes des prêtres, et la guérison de cette oreille, signifie que l'intelligence sera rendue aux Juifs dans les derniers temps, lors de l'avènement d'Elie.

S. Aug. Le Sauveur désapprouva l'action de son disciple, et lui détendit d'aller plus loin: «Jésus dit à Pierre: Remets ton épée dans le fourreau». Il voulait ainsi lui enseigner la patience, et en même temps que ce fait fût écrit pour notre instruction. - S. Chrys. Ce n'est point seulement en le menaçant que Jésus réprime le zèle de Pierre (comme saint Matthieu le rapporte); mais il lui donne un autre motif plus propre à le consoler: «Ne boirai-je donc point le calice que mon Père m'a donné ?» Nouvelle preuve que ce qui arrivait ne devait pas être attribué à la puissance de ses ennemis, mais à sa permission, et que loin d'être opposé à son Père, il lui obéissait jusqu'à la mort. - Théophyl. Il se sert de la comparaison du calice pour montrer combien la mort qu'il allait souffrir pour le salut des hommes, lui souriait comme l'objet de ses plus vifs désirs. - S. Aug. Il déclare que son Père lui a donné à boire le calice de sa passion dans le sens de ces paroles de l'Apôtre: «Il n'a pas épargné son propre Fils», (Rm 8) mais il l'a livré pour nous tous, cependant celui qui doit boire ce calice en est lui-même l'auteur, suivant ces paroles du même Apôtre: «Jésus-Christ nous a aimés, et s'est livré lui-même peur nous». (Ep 5)


vv. 12-14

13812 Jn 18,12-14

Théophyl. Après avoir épuisé tous les moyens propres à détourner les Juifs de tout criminel dessein, sans avoir pu y parvenir, Notre-Seigneur leur permit de s'emparer de lui et de l'emmener: «Alors la cohorte, le tribun et les satellites des Juifs se saisirent de Jésus», etc. - S. Aug. Ils se saisirent de celui dont ils ne s'étaient point approchés, et ils ne comprirent pas cette invitation du prophète: «Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés» (Ps 33) S'ils s'étaient approchés de lui dans ces dispositions, ils se seraient emparé de lui, non pour le mettre à mort, mais pour le recevoir dans leurs coeurs. En s'emparant de la sorte de sa personne sacrée, ils s'éloignent, beaucoup plus encore de lui, et ils enchaînèrent celui à qui ils auraient bien plutôt demandé de briser leurs propres chaînes; et peut-être s'en trouvait-il parmi eux qui lui dirent plus tard, comme à leur libérateur: «Vous avez rompu mes liens» (Ps 115,6) Après que les ennemis du Sauveur se furent rendus maîtres de sa personne par la trahison de Judas, l'Évangéliste, pour montrer que ce traître n'avait pas agi dans un but louable et utile, mais dans une intention criminelle et condamnable, ajoute: «Et ils l'emmenèrent d'abord chez Anne», etc. - S. Chrys. Ils triomphent de joie du haut fait qu'ils viennent d'accomplir, et promènent Jésus comme un trophée de leur victoire. - S. Aug. (Traité 113 sur S. Jean). L'Évangéliste donne la raison de cette manière d'agir: «Parce qu'il était beau-père deCaïphe, qui était grand-prêtre cette année-là». Saint Matthieu, qui voulait abréger son récit, se contente de dire qu'ils amenèrent Jésus chez Caïphe, car il ne fut conduit chez Anne d'abord, que parce qu'il était le beau-père de Caïphe, et nous pouvons conclure de là que c'est Caïphe qui voulut qu'il en fût ainsi. - Bède. Il voulait, ce semble, faire condamner Jésus par un de ses collègues, pontife comme lui, afin de diminuer le crime dont il allait se rendre coupable. Peut-être aussi la maison d'Anne était située de manière à ce qu'on ne pût passer devant sans entrer, ou bien encore, cela se fit par suite d'un conseil tout divin qui voulait associer dans un même crime ceux qui l'étaient déjà par les liens du sang. Ce que dit ici l'Évangéliste, que Caïphe était grand-prêtre cette année-là, paraît contraire à la loi d'après laquelle il ne devait y avoir qu'un seul grand-prêtre, qui, après sa mort, avait son fils pour successeur, mais il faut se rappeler que le souverain pontificat était alors déshonoré par l'ambition des prétendants. - Alcuin. En effet, Josèphe r apporte que Caïphe avait racheté cette année de pontificat. Il n'y a donc rien d'étonnant qu'un grand-prêtre inique ait été l'auteur d'un jugement inique, car souvent celui qui parvient au sacerdoce par avarice, le conserve par des moyens injustes.

S. Chrys. Mais de peur que l'idée de chaînes et de liens ne jetât le trouble dans notre esprit, l'Évangéliste rappelle une prophétie d'après laquelle la mort de Jésus devint le salut du monde: «Or, Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs: Il est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le peuple». La force de la vérité est si grande, que ses ennemis eux-mêmes sont obligés de lui rendre hommage.


vv. 15-18

13815 Jn 18,15-18

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3. 6) Tous les évangélistes ne racontent pas dans le même ordre le renoncement de Pierre, qui vint s'ajouter aux outrages auxquels le Sauveur fut en butte pendant cette nuit. Saint Matthieu et saint Marc, ne le placent qu'après le récit de ces outrages, saint Luc raconte, tout d'abord le triple renoncement de cet Apôtre. Saint Jean commence le récit de la chute de Pierre, à ces paroles: «Cependant Simon Pierre suivait Jésus, ainsi qu'un autre disciple avec lui». - Alcuin. Il suivait son Maître par amour, quoique la crainte ne le lui faisait suivre que de loin. - S. Aug. Il serait peut-être téméraire d'affirmer quel est ce disciple, puisque l'Évangéliste ne nous dit point son nom, cependant, c'est sous cette dénomination générale que saint Jean a coutume de se désigner, en ajoutant: «Celui qu'aimait Jésus». Peut-être donc est-ce lui-même dont il est ici question. - S. Chrys. Il cache ici son nom par un sentiment d'humilité. L'action qu'il raconte est des plus glorieuses, puisqu'il est le seul qui suive Jésus, et que tous les autres ont pris la fuite. Cependant il donne à Pierre la première place dans son récit, et il semble céder à la nécessité en parlant de lui-même. Il vous apprend en même temps toute la valeur de son récit sur les faits qui se sont passés dans la cour du grand-prêtre, et dont il a été le témoin oculaire. Mais il se dérobe aux éloges qu'il méritait en ajoutant: «Or, ce disciple était connu du grand-prêtre». Il ne cherche donc point à se prévaloir comme d'un acte héroïque d'avoir suivi Jésus seul jusque chez le grand-prêtre, et il en donne la raison pour ne pas laisser supposer qu'il a fait preuve en cela de courage et d'élévation de caractère. Quant à Pierre, l'amour le conduisit jusque-là, mais la crainte le retint à la porte: «Mais Pierre se tenait dehors à la porte». - Alcuin. Celui qui devait renier le Seigneur, se tenait dehors, et il n'était pas en Jésus-Christ, parce qu'il n'osait pas reconnaître et confesser hautement Jésus-Christ.

S. Chrys. L'Évangéliste nous fait voir que Pierre lui-même serait entré dans l'intérieur de la maison si on le lui eût permis: «L'autre disciple, qui était connu du grand-prêtre, sortit donc et parla à la portière, et elle fit entrer Pierre». Il ne le fit pas entrer lui-même, parce qu'il suivait Jésus-Christ et se tenait près de lui. «Cette servante qui gardait la porte dit à Pierre: «Etes-vous aussi des disciples de cet homme? Il lui répondit: Je n'en suis point». Que dites-vous là, ô Pierre? n'est-ce pas vous qui avez dit, il y a peu d'instants: «Et s'il le faut, je donnerai ma vie pour vous ?» Qu'est-il donc arrivé, que vous ne puissiez même pas supporter la question d'une simple servante? Ce n'est point un soldat qui vous interroge, c'est une pauvre portière. Et encore ne lui dit-elle pas: Etes-vous le disciple de ce séducteur? mais: «Etes-vous le disciple de cet homme ?» question qui paraissait dictée par un sentiment de compassion. Elle lui dit: «Etes-vous aussi ?» parce que Jean était dans l'intérieur de la cour.

S. Aug. Mais qu'y a-t-il d'étonnant que Dieu ait prédit la vérité, et que l'homme se soit trompé en présumant trop de lui-même? Or, nous devons remarquer, dans cette première négation de Pierre, qu'on renonce Jésus-Christ non-seulement quand on nie qu'il soit le Christ, mais quand on nie que l'on est chrétien. En effet, Notre-Seigneur n'avait pas dit à Pierre: Vous nierez que vous êtes mon disciple, mais: «Vous me renierez moi-même»; Pierre a donc renié Jésus-Christ, en niant qu'il fût son disciple. Et que fit-il autre chose en cela que de nier qu'il fût chrétien? Combien d'enfants et de jeunes filles on a vu, par la suite, mépriser la mort pour confesser hautement le nom de Jésus-Christ, et entrer dans le royaume des cieux en lui faisant violence, ce que ne put faire alors celui qui avait reçu les clefs du royaume des cieux ! Voilà pourquoi Notre-Seigneur avait dit: «Laissez ceux-ci s'en aller, car je n'ai perdu aucun de ceux que vous m'avez donnés». Et si Pierre s'en était allé après avoir renié Jésus-Christ, sa perte était infaillible.

S. Chrys. (Serm. sur Pierre et Elie). C'est donc par un secret dessein que la Providence permit que Pierre tombât le premier, pour que la vue de sa propre chute lui inspirât plus de douceur pour les pécheurs. En effet, Dieu permit que Pierre, qui était le maître et le docteur de l'univers, succombât et obtînt son pardon, pour donner aux juges des consciences la loi et la règle de miséricorde qu'ils devraient suivre à l'égard des pécheurs. C'est pour cela, je pense, que Dieu n'a point confié aux anges la dignité du sacerdoce, parce qu'étant impeccables ils auraient poursuivi sans miséricorde le péché dans ceux qui le commettent. C'est un homme, sujet à toutes les passions, que Dieu établit au-dessus des autres hommes, afin que le souvenir de ses propres faiblesses lui inspire plus de douceur et de bonté pour ses frères.

Théophyl. Il en est qui cherchent, mais vainement, à justifier Pierre, en disant qu'il a renoncé à Jésus-Christ parce qu'il voulait toujours être avec lui, et marcher constamment à sa suite. Il savait, disent-ils, que s'il se donnait pour un des disciples de Jésus, il en serait aussitôt séparé, et qu'il ne lui serait plus permis ni de le suivre ni de le voir; il feint donc d'être du nombre des archers du grand-prêtre, de peur que la tristesse de son visage ne le fit reconnaître et chasser dehors: «Or, les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d'un brasier, parce qu'il faisait froid, et se chauffaient; et Pierre aussi était debout parmi eux, et se chauffait». - S. Aug. On n'était point en hiver, et cependant il faisait froid, comme il arrive d'ordinaire à l'équinoxe du printemps. - S. Grég. (Moral., 2, 2). Déjà Pierre avait laissé refroidir dans son âme le feu de la charité, et il réchauffait la fièvre de sa faiblesse à l'amour de la vie présente, comme au feu des persécuteurs.



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