Catena Aurea 13838
13901 Jn 19,1-5
S. Aug. (Traité 116 sur S. Jean). Les Juifs ayant demandé à grands cris qu'à l'occasion de la fêle de Pâques, Pilate leur délivrât non pas Jésus, mais Barabbas, «alors, dit l'Évangéliste, Pilate prit Jésus et le fit flageller». Il est vraisemblable que Pilate n'eut en cela d'autre pensée que de rassasier la cruauté des Juifs, par la vue de ce châtiment ignominieux, et de les empêcher de pousser la fureur jusqu'à demander la mort de Jésus. C'est dans le même dessein qu'il permit, ou peut-être même qu'il ordonna aux soldats de sa cohorte de faire ce que rapporte l'Évangéliste. Il raconte, en effet, ce que firent les soldats, mais il ne dit point que ce fut par l'ordre de Pilate: «Et les soldats, ayant tressé une couronne d'épines, la mirent sur sa tête, et le revêtirent d'un manteau d'écarlate. Puis ils venaient, à lui, et disaient: Je vous salue, roi des Juifs». - S. Chrys. Comme pour répondre à ce que Pilate vient de dire, que Jésus était roi des Juifs, ils le revêtent des insignes dérisoires de la royauté. - Bède. Pour diadème, ils lui mettent sur la tête une couronne d'épines, et pour la pourpre dont se servaient autrefois les rois, ils lui jettent sur les épaules un lambeau de pourpre. Le récit de saint Jean n'est point ici en contradiction avec ce que dit saint Matthieu, qu'on jeta sur lui un manteau d'écarlate; car, selon la remarque d'Origène, l'écarlate et la pourpre ont une même origine; les excroissances qui contiennent la cochenille laissent couler, par les incisions qu'on leur fait, des gouttes de sang, qui servent à teindre à la fois la pourpre et l'écarlate. Bien que ce fût par dérision que les soldats traitent ainsi le Sauveur, ils accomplissaient pour nous des actions pleines de mystères. La couronne d'épines signifiait que Jésus se chargeait de nos péchés, que la terre de notre corps produit comme autant d'épines; le manteau de pourpre est la figure de la chair, esclave de ses passions. Notre-Seigneur est encore revêtu de pourpre, lorsqu'il se glorifie des triomphes remportés par les martyrs.
S. Chrys. Ce n'était point pour obéir aux ordres du gouverneur que les soldats en agissaient ainsi, mais pour plaire aux Juifs. Ce n'était point sur son ordre qu'ils étaient venus pendant la nuit se saisir de Jésus, mais ils se portaient à tous les excès pour être agréables aux Juifs, qui leur avaient promis de fortes sommes d'argent. Cependant, au milieu de tant et de si cruels outrages, Jésus garde le silence. Pour vous, ne vous contentez pas d'entendre le récit d'un tel spectacle, mais qu'il soit toujours présent à votre esprit, et imitez le Roi de l'univers et le Seigneur des anges, souffrant avec patience de semblables outrages, et les supportant sans ouvrir la bouche. - S. Aug. C'est ainsi que Jésus-Christ accomplissait ce qu'il avait prédit de lui-même; c'est ainsi qu'il enseignait les martyrs à supporter tout ce que la cruauté des persécuteurs pourrait inventer contre eux; c'est ainsi que le royaume qui n'était pas de ce monde triomphait de ce monde superbe, non pas en livrant des combats sanglants, mais en souffrant avec patience et humilité.
S. Chrys. Pilate, dans l'espérance que la vue de ces sanglants outrages mettrait un terme à la fureur des Juifs, leur présente Jésus couronné d'épines: «Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs: Voici que je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucune cause de mort». - S. Aug. Nous avons ici une preuve que ce ne fut pas à l'insu de Pilate que les soldats exercèrent ces actes de cruauté, soit qu'il les ait ordonnés, soit qu'il les ait simplement permis, pour le motif que nous avons indiqué plus haut, afin que ses ennemis pussent boire à longs traits ces sanglants outrages, et éteindre ainsi la soif qu'ils avaient de son sang, «Jésus sortit donc portant une couronne d'épines et un manteau d'écarlate». Il parait, non pas dans l'éclat de la royauté, mais au milieu des opprobres dont il est rassasié. «Et Pilate leur dit: Voilà l'homme»; c'est-à-dire, si vous portez envie au roi, épargnez du moins celui que vous voyez si profondément humilié, et que toute votre envie s'apaise et tombe devant cet excès d'ignominie.
13905 Jn 19,5-8
S. Aug. ( Traité 116 sur S. Jean). L'envieuse fureur des Juifs contre Jésus-Christ ne fait que s'enflammer et s'accroître encore davantage: «Les princes des prêtres et leurs satellites ne l'eurent pas plutôt vu, qu'ils crièrent: Crucifiez-le, crucifiez-le». - S. Chrys. (hom. 84 sur S. Jean). Pilate, voyant l'inutilité de ses efforts, leur dit: «Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le». C'est le langage d'un homme qui manifeste son horreur pour une action, et qui semble engager à faire ce qu'il n'a pas voulu accorder; car les Juifs ne lui avaient amené Jésus que pour qu'il fût condamné par le jugement du gouverneur lui-même; or il arriva tout le contraire, c'est-à-dire qu'il est déclaré innocent au tribunal du gouverneur. C'est ce qu'il leur dit en propres termes: «Je ne trouve pas en lui de cause qui mérite la mort». C'est-à-dire qu'il ne cesse de le justifier de toutes les accusations portées contre lui. Il est donc évident que ce n'est que pour satisfaire leur fureur qu'il a livré Jésus à ces premiers et sanglants outrages. Mais rien de tout cela ne fut capable d'émouvoir et de fléchir les Juifs, semblables à des chiens affamés. «Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu». - S. Aug. Voici un sujet d'envie plus grande encore. L'usurpation de la puissance royale, par des moyens illicites, n'était rien auprès du cette ambition sacrilège. Cependant Jésus ne s'était arrogé injustement ni l'un ni l'autre de ces titres, il les possède tous les deux en vérité, il est le Fils unique de Dieu, et Dieu l'a établi roi sur Sion, sa montagne sainte (Ps 2), et il lui serait facile de donner actuellement des preuves de cette double puissance, s'il ne préférait montrer que sa patience est d'autant plus grande que sa puissance est plus étendue. - S. Chrys. Pendant qu'il est ainsi l'objet de leurs disputes, il accomplit cette prophétie: «Il n'a pas ouvert la bouche, et dans son humiliation son jugement a été supprimé». - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 8). Cette accusation des Juifs peut se rattacher à celle que rapporte saint Luc: «Nous l'avons trouvé soulevant notre nation», et à laquelle on peut ajouter: «Parce qu'il s'est fait Fils de Dieu».
S. Chrys. Pilate est effrayé de ce nouveau chef d'accusation; il craint que ce qu'il vient d'entendre dire ne soit vrai, et qu'il ne s'expose à commettre une plus grande injustice: «Pilate ayant entendu ces paroles, dit l'Évangéliste, fut encore plus effrayé». - Bède. Pilate est effrayé, non point parce qu'il entend parler de la loi (puisqu'il était païen), mais parce qu'il craint de mettre à mort le Fils de Dieu. - S. Chrys. Les Juifs, au contraire, n'eurent point horreur de ce qu'ils venaient de dire, et ils mettent à mort le Sauveur pour une cause qui aurait dû les faire tomber tous en adoration devant lui.
13909 Jn 19,9-11
S. Chrys. (hom. 84 sur S. Jean). Pilate, saisi de crainte, adresse à Jésus une nouvelle question: «Et, étant rentré dans le prétoire, il dit à Jésus: D'où êtes-vous ?» Il ne lui demande plus: Qu'avez-vous fait? Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui avait entendu dire qu'il était né, et qu'il était venu pour rendre témoignage à la vérité, et que son royaume n'était pas de ce monde; son devoir était donc de résister courageusement à ses ennemis, et de le délivrer; mais au contraire il se laisse entraîner par les injustes fureurs des Juifs: Jésus ne lui fait donc aucune réponse, parce que les questions de Pilate n'étaient pas sérieuses. D'ailleurs ses oeuvres lui rendaient un témoignage assez éclatant, et il ne voulait point triompher de ses accusateurs par ses discours et par l'habileté de ses moyens de défense pour montrer qu'il était venu volontairement pour souffrir.
S. Aug. Ce silence de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans plusieurs circonstances, est rapporté par tous les évangélistes. Jésus se tait, en effet, devant le prince des prêtres, devant Hérode et devant Pilate lui-même. Il accomplit ainsi pleinement cette prophétie: «Il est demeuré dans le silence, sans ouvrir la bouche, comme un agneau est muet devant celui qui le tond» (Is 53),en ne répondant pas à ceux qui l'interrogent. Il a répondu, sans doute, à plusieurs des questions qui lui étaient faites, cependant la comparaison de l'agneau reste vraie pour les circonstances où il n'a pas voulu répondre; ainsi son silence est une preuve, non de sa culpabilité, mais de son innocence, etil a été devant ses juges, non comme un coupable convaincu de ses crimes, mais comme un innocent, immolé pour les péchés des autres.
S. Chrys. Jésus, continuant de se taire, «Pilate lui dit: Vous ne me parlez pas, ignorez-vous donc que j'ai le pouvoir de vous crucifier et le pouvoir de vous délivrer ?» Voyez comme Pilate est lui-même ici son propre juge. En effet, si tout dépend de vous, pourquoi ne délivrez-vous pas celui en qui vous ne trouvez aucune cause de mort? Après que Pilate eut ainsi prononcé sa propre condamnation, Jésus lui répondit: «Vous n'auriez sur moi aucun pouvoir, s'il ne vous était donné d'en haut». Il lui apprend ainsi que les événements qui le concernent ne suivent pas la marche ordinaire des choses, et ne découlent pas de causes naturelles, mais de raisons secrètes et surnaturelles; ne croyez pas cependant que le Sauveur justifie entièrement pour cela la conduite de Pilate: «C'est pourquoi, ajoute-t-il, celui qui m'a livré à vous est coupable, d'un plus grand péché». Mais, me direz-vous, si ce pouvoir a été donné d'en haut, ni Pilate, ni les Juifs ne sont coupables d'aucun crime? Vaine objection, car ce pouvoir lui a été donné dans ce sens qu'il lui a été accordé, c'est-à-dire que Dieu a permis to ut ce qui arrivait, mais Pilate, et les Juifs n'en sont pas pour cela moins coupables.
S. Aug. Notre-Seigneur répond ici à la question qui lui était faite; lors donc qu'il ne répondra pas, ce n'est ni par conscience de sa culpabilité, ni par artifice, mais parce qu'il est semblable à l'agneau, qui se tait devant ceux qui le tondent; et, lorsqu'il croit devoir répondre, c'est pour enseigner, comme pasteur. Recueillons donc ici la leçon que Notre-Seigneur nous donne, et qu'il nous enseigne encore par son Apôtre: «Il n'y a point de puissance qui ne soit de Dieu»; (Rm 13, 1) et celui qui, poussé par un noir sentiment d'envie, livre au pouvoir un innocent pour le faire mettre à mort, est plus coupable que le dépositaire du pouvoir lui-même qui condamne cet innocent, parce qu'il craint le pouvoir qui lui est supérieur. En effet, le pouvoir que Dieu avait donné à Pilate était subordonné à celui de César. C'est pour cela que Jésus lui dit: «Vous n'auriez sur moi aucun pouvoir (c'est-à-dire le moindre pouvoi r tel que celui que vous avez), si ce pouvoir, quel qu'il soit, ne vous avait été donné d'en haut». Mais comme je connais l'étendue de ce pouvoir (qui ne va pas jusqu'à être complètement indépendant), je déclare que a celui qui m'a livré entre vos mains est coupable d'un plus grand péché». C'est par un sentiment d'envie qu'il m'a livré à votre pouvoir, tandis que c'est par un sentiment de crainte que vous exercez contre moi ce pouvoir. Jamais on ne doit sacrifier à la crainte la vie d'un innocent, mais c'est un bien plus grand crime de la sacrifier à l'envie. Aussi Notre-Seigneur ne dit pas: Celui qui m'a livré entre vos mains est coupable de péché (comme si Pilate lui-même ne l'était pas), mais: il est coupable d'un plus grand péché»; paroles qui devaient faire comprendre à Pilate qu'il était loin d'être exempt de faute. - Théophylacte. «Celui qui m'a livré», c'est-à-dire Judas, ou la foule. Devant cette réponse si claire de Jésus: «Si je ne me livrais moi-même, et si mon Père ne vous l'accordait, vous n'auriez sur moi aucun pouvoir», Pilate fait de plus grands efforts pour délivrer Jésus. «De ce moment, Pilate cherchait à le délivrer». - S. Aug. Lisez ce qui précède, et vous trouverez que déjà il avait cherché les moyens de mettre Jésus en liberté. L'expression: «Depuis lors, de ce moment, de là», signifie: à cause de cela, pour ce motif, c'est-à-dire pour ne pas se rendre coupable de péché, en condamnant à mort un innocent qui était livré entre ses mains.
13912 Jn 19,12-16
S. Aug. (Tr. 116 sur S. Jean). Les Juifs s'imaginèrent qu'en menaçant Pilate de César, ils lui inspireraient une crainte plus grande encore, et qu'ils obtiendraient de lui la condamnation de Jésus plus efficacement que lorsqu'ils lui avaient dit: «Nous avons une loi, et selon notre loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu». Mais les Juifs criaient: «Si vous le délivrez, vous n'êtes point ami de César, car quiconque se fait roi n'est pas ami de César». - S. Chrys. (Hom. 84 sur S. Jean). Mais comment pouvez-vous prouver qu'il a voulu se faire roi? Par la pourpre dont il était revêtu? par son diadème? par ses chars? par ses soldats? Est-ce qu'il ne marchait pas toujours seul avec ses douze disciples, ne se servant que de ce qu'il y avait de plus commun pour sa nourriture, pour son vêtement, pour son habitation ?
S. Aug. La crainte de la loi des Juifs n'avait eu aucune influence sur Pilate pour le déterminer à faire mourir Jésus-Christ; il avait craint bien plus de livrer à la mort le Fils de Dieu. Mais il ne put se résoudre à ne pas tenir compte de César, de qui venait son pouvoir, comme il avait fait pour la loi d'un peuple étranger. Aussi, dit l'Évangéliste, «Pilate, ayant entendu ces paroles, fit amener Jésus dehors, et il s'assit sur son tribunal au lieu qui est appelé lithostrotos, en hébreu gabatha». - S. Chrys. Pilate quitte les Juifs pour examiner plus sérieusement encore cette affaire, ce qu'indiquent ces paroles: «Il s'assit sur son tribunal». - La Glose. Le tribunal est pour les juges ce que le trône est pour les rois, ce que la chaire est pour les docteurs. - Bède. Le mot lithostrotos, qui signifie terrain pavé de pierres, était un lieu élevé comme l'indique le mot hébreu.
C'était le jour de la préparation de la Pâque, vers la sixième heure. - Alcuin. Le mot parasceve veut dire préparation. C'est le nom que l'on donnait au sixième jour de la semaine, parce que l'on préparait en ce jour ce qui était nécessaire pour le jour du sabbat, comme Dieu l'avait recommandé pour la manne: «Le sixième jour, vous en recueillerez le double» (Ex 16). L'homme a été créé le sixième jour, et Dieu s'est reposé le septième, c'est pour cela que le Sauveur a voulu souffrir le sixième jour, et reposer le septième jour dans le sépulcre: «C'était vers la sixième heure». - S. Aug. (Traité 117 sur S. Jean). Pourquoi donc saint Marc rapporte-t-il que ce fut à la troisième heure qu'ils le crucifièrent? C'est-à-dire, qu'il fut crucifié à la troisième heure par les langues des Juifs, et qu'il le fut à la sixième heure par les mains des soldats. Il nous faut donc comprendre que la cinquième heure était passée, et la sixième commencée lorsque Pilate s'assit sur son tribunal à la sixième heure, comme le dit saint Jean, et que cette sixième heure s'écoula tout entière, pendan t le trajet du Calvaire, le crucifiement et les différentes circonstances qui se passèrent au pied de la croix. C'est depuis cette heure jusqu'à la neuvième que le soleil s'obscurcit, et que les ténèbres se répandirent sur toute la terre, comme l'affirment les trois évangélistes saint Matthieu, saint Marc et saint Luc. Mais comme les Juifs ont cherché à rejeter sur les Romains (c'est-à-dire sur Pilate et ses soldats), le crime d'avoir mis à mort Jésus-Christ, saint Marc passe sous silence l'heure à laquelle les soldats crucifièrent le Sauveur, et rappelle de préférence la troisième heure, pour nous faire comprendre que ce ne sont pas seulement les soldats qui l'ont crucifié, mais encore les Juifs qui ont demandé à grands cris, à la troisième heure, qu'il fût crucifié. On peut encore expliquer autrement cette difficulté en prenant cette sixième heure comme la sixième heure de la préparation et non la sixième heure du jour. En effet, saint Jean ne dit pas: C'était vers la sixième heure du jour, mais: «C'était vers la sixième heure de la préparation». Le mot parascere signifie eu latin proeparatio, et, comme le dit l'Apôtre: «Jésus-Christ, notre Agneau pascal, a été immolé». (1Co 5) Or, si nous comptons la préparation de cette pâque, depuis la neuvième heure de la nuit, où les princes des prêtres prononcèrent l'arrêt de mort du Sauveur, en disant: «Il est digne de mort», jusqu'à la troisième heure du jour, où l'évangéliste saint Marc rapporte qu'il fut crucifié, nous trouvons six heures, trois heures de nuit et trois heures de jour. - Théophyl. Il en est qui résolvent cette difficulté en rejetant cette variante sur la négligence d'un copiste parmi les Grecs, chez qui les lettres de l'alphabet font l'office de chiffres. En effet, la lettre grec appelée Üììá qui est caracte risée par la, désigne la troisième heure, tandis qu'une autre lettre qui a quelque ressemblance avec la première, c'est-à-dire, la lettre, signifie la sixième heure. Or, il a pu très-bien arriver que, par la négligence des copistes, u n de ces signes ait été employé pour l'autre.
S. Chrys. Pilate était sorti sous le prétexte de procéder à un nouvel interrogatoire, mais au fond il n'en fait rien, et il abandonne Jésus aux Juifs, espérant les fléchir par cette condescendance: «Et il dit aux Juifs: Voilà votre roi». - Théophyl. C'est-à-dire: Voilà cet homme que vous accusez de vouloir usurper la royauté; dans cet étal d'humiliation, il ne peut rien entreprendre de semblable. - S. Chrys. Tout ce que Pilate leur avait déjà dit devait suffire pour apaiser leur fureur, mais ils craignaient qu'une fois délivré, Jésus n'entraînât de nouveau la multitude après lui; car l'ambition est pleine d'artifices, et elle est capable de conduire une âme à sa perte. Aussi les Juifs redoublent-ils leurs instances: «Mais eux criaient: Otez-le, ôtez-le du monde». Ils s'efforcent de le faire mourir de la plus ignominieuse des morts, et c'est pour cela qu'ils ajoutent: «Crucifiez-le», tant ils redoutent que sa renommée survive à sa mort. - S. Aug. Pilate cherche encore à surmonter la terreur que lui a inspiré le nom de César: «Pilate leur demanda: Crucifierai-je votre roi ?» Il veut fléchir par la considération de leur propre ignominie ceux qu'il n'a pu adoucir par le spectacle des ignominies de Jésus-Christ.
«Les pontifes répondirent: Nous n'avons de roi que César». - S. Chrys. Dieu ne les a livrés au châtiment que parce qu'ils l'avaient choisi de leur pleine volonté. Ils ont repoussé unanimement le règne de Dieu, et Dieu les a rendus victimes de leur propre jugement. Ils ont repoussé le règne de Jésus-Christ et ils ont appelé sur eux le règne de César.
S. Aug. Enfin Pilate se laisse vaincre par la crainte: «Alors, il le leur livra pour être crucifié». Il aurait paru, en effet, se déclarer ouvertement contre César en persistant à vouloir donner un autre roi à ceux qui déclaraient n'avoir d'autre roi que César, et en accordant l'impunité à celui dont ils lui demandaient la mort parce qu'il avait osé aspirer à la royauté. L'Évangéliste ne dit pas: Il le leur livra pour qu'ils le crucifiassent, mais: «Afin qu'il fût crucifié», en vertu du jugement et du pouvoir du gouverneur. Mais il dit positivement que Jésus leur fut livré pour montrer qu'ils étaient étroitement associés au crime dont ils s'efforçaient d'éloigner d'eux le soupçon; car jamais Pilate ne serait arrivé à cette extrémité s'il n'avait voulu en cela satisfaire leurs plus vifs désirs.
13916 Jn 19,16-18
La Glose. Sur l'ordre qui leur fut donné par le gouverneur, les soldats se saisirent de Jésus pour le crucifier: «Ils prirent donc Jésus et remmenèrent». - S.Aug. (Traité 110 sur S. Jean). On peut entendre ici que ce furent les soldais qui faisaient partie de la garde du gouverneur, car plus bas l'Évangéliste s'exprime sans ambiguïté :«Lorsque les soldats l'eurent crucifié». Mais quand il attribuerait exclusivement aux Juifs l'exécution tout entière du crime, ce ne serait que justice, car ils sont véritablement les auteurs de la condamnation qu'ils ont arrachée à Pilate.
S. Chrys. (Hom. 83 sur S. Jean). Mais comme aux yeux des Juifs le bois de la croix était un bois souillé qu'ils évitaient avec soin et qu'ils n'auraient jamais consenti à toucher, ils en chargèrent Jésus lui-même comme un criminel condamné à mort: «Et portant sa croix», etc. C'est ce qui déjà avait eu lieu dans celui qui était la figure du Sauveur, Isaac, qui avait porté lui-même le bois de son sacrifice: mais alors le sacrifice figuratif ne s'accomplit que dans la volonté du père, tandis qu'il dut s'accomplir ici en réalité, parce que c'était la vérité. - Théophyl. De même qu'Isaac fut délivré et qu'un bélier fut immolé en sa place, de même la nature divine demeure ici impassible, et il n'y a eu d'immolé que l'humanité, qui fait comparer le Sauveur à un bélier, comme étant le fils d'Adam, semblable à un bélier qui s'est égaré. Mais comment expliquer ce que dit un autre évangéliste, qu'ils forcèrent Simon de porter la croix? - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 10). Les deux choses se sont faites successivement, d'abord ce que dit saint Jean, et ensuite ce que rapportent les trois autres évangélistes; il faut donc admettre qu'il portait lui-même sa croix au moment où il se dirigeait vers le lieu du Calvaire.
S. Aug. (Trait. 117 sur S. Jean). Quel grand spectacle ! Mais aux yeux de l'impiété, quel immense sujet de moquerie ! aux yeux de la piété, quel grand et touchant mystère ! L'impiété tourne en dérision ce Roi qu'elle voit, au lieu de sceptre, porter le bois de son supplice; la piété contemple ce Roi qui porte cette croix où il devait se clouer lui-même avant de la placer sur le front des rois. Cette croix le rendra un objet de mépris pour les impies, mais les coeurs des saints y placeront toute leur gloire. Il relève donc, la croix en la portant sur ses épaules, et il portait ainsi le chandelier de cette lampe qui devait répandre sa lumière et ne point demeurer sous le boisseau.
- S. Chrys. Semblable aux triomphateurs, il portait sur ses épaules le signe de sa victoire.
Il en est qui prétendent qu'Adam est mort et enseveli dans cet endroit qui est appelé Calvaire, et que Jésus avait voulu établir le trophée de sa victoire là où la mort avait inauguré son règne.
- S. Jer. (Sur S. Matth). Cette opinion flatte agréablement l'esprit du peuple, mais elle est dénuée de vérité. Car, c'est hors de la ville et au delà des portes que l'on tranchait la tête à ceux que l'on condamnait à mort, d'où ce lieu a pris le nom de Calvaire (ou lieu de ceux qui sont décapités). Quant à Adam, nous lisons dans le livre de Josué, fils de Navé, qu'il a été enseveli entre Ebron et Arbée.
S. Chrys. Or, ils le crucifièrent avec des voleurs, dit l'Évangéliste: «Ils le crucifièrent, et avec lui deux autres, un de chaque côté, et Jésus au milieu», accomplissant ainsi malgré eux la prophétie d'Isaïe: «Il a été mis au nombre des scélérats»; (Is 53) et c'est que ce qu'ils faisaient pour l'outrager servait au triomphe de la vérité. Le démon voulait obscurcir l'éclat de cette mort, mais il ne put y parvenir. Il y avait trois crucifiés, mais personne n'attribua à un autre qu'à Jésus les miracles qui se firent. Tous les efforts du démon furent donc inutiles; et, loin d'obscurcir sa gloire, il la fit briller d'un plus vif éclat, car le miracle que fit Jésus en convertissant un des voleurs et en l ui ouvrant les portes du ciel est bien plus grand que celui d'ébranler et de fendre les rochers.
S. Aug. (Trait. 31 sur S. Jean, vers la fin). Cependant, si vous voulez y faire attention, la croix de Jésus fut un tribunal; le juge était placé au milieu de deux criminels: l'un des deux crut et fut sauvé; l'autre insulta son juge et fut condamné. Il commençait à faire dès lors ce qu'il doit accomplir un jour à l'égard des vivants et des morts, en plaçant les uns à sa droite et les autres à sa gauche.
13919 Jn 19,19-22
S. Chrys. (Hom. 84 sur S. Jean). De même que l'on met sur les trophées des inscriptions qui rappellent les victoires des triomphateurs, ainsi Pilate place une inscription sur la croix de Jésus: «Pilate fit aussi une inscription qu'il fit mettre au haut de la croix». Il veut par là prendre la défense de Jésus-Christ et séparer sa cause de celle des voleurs, et tout à la fois se venger des Juifs, en faisant ainsi connaître publiquement l'excès de leur malice, qui les a portés à s'élever contre leur propre roi: «Il y était écrit: Jésus de Nazareth, roi des Juifs». - Bède. Il était ainsi démontré que le règne de Jésus-Christ, loin d'être détruit comme le pensaient les Juifs, était bien plutôt affermi. - S. Aug. (Traité 118 sur S. Jean). Mais est-ce que Jésus est seulement le roi des Juifs? a'est-il pas aussi le roi des Gentils? Oui sans doute, il l'est aussi des Gentils, car après avoir dit par la bouche du prophète: «J'ai été établi roi par lui sur Sion, sa montagne sainte», il ajoute: «Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage» (Ps 20) Il nous faut donc voir dans cette inscription un grand mystère, c'est-à-dire, que l'olivier sauvage a pris part à la sève et au suc de l'olivier (Rm 11, 17), et que ce n'est pas l'olivier franc qui a pris part à l'amertume de l'olivier sauvage. Jésus-Christ est donc le roi des Juifs, mais des Juifs circoncis de coeur plutôt qu'extérieurement, de cette circoncision qui se fait par l'esprit, et non par la lettre.
«Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était près de la ville». - S. Chrys. Il est vraisemblable qu'un grand nombre de Gentils s'étaient rendus avec les Juifs à Jérusalem pour la fête de Pâque, et afin que tous pussent lire cette inscription, elle fut écrite non dans une seule langue, mais dans trois langues différentes: «Elle était écrite en hébreu, en grec et en latin».
- S. Aug. Ces trois langues étaient alors les plus répandues: la langue hébraïque, qui était celle des justes, qui se glorifiaient de leur loi; la langue grecque, celle des sages parmi les païens; la langue latine, qui était celle des Romains, dont la domination s'étendait alors sur presque toutes les nations de la terre. - Théophyl. Cette inscription en trois langues signifiait que le Christ était le roi des trois sciences, la science pratique, la physique et la théologie. La langue latine figure la science pratique, les Romains ayant déployé, dans leurs expéditions, une puissance et une habileté sans égale; la la ngue grecque est le symbole de la science physique, parce qu'en effet les Grecs ont consacré tous leurs efforts à la découverte des phénomènes de la nature; enfin la langue hébraïque signifie la théologie, parce que c'est aux Juifs qu'a été confiée la connaissance des choses divines.
S. Chrys. L'envie des Juifs poursuit Jésus-Christ jusque sur la croix: «Les princes des prêtres dirent donc à Pilate: N'écrivez point: Le roi des Juifs; mais qu'il s'est dit roi des Juifs». Car cette inscription semble affirmer la proposition qu'elle exprime; mais si l'on ajoute: Qu'il s'est dit roi des Juifs, on y verra une preuve de son audacieuse et criminelle ambition. Mais Pilate persévère dans son premier dessein: «Pilate répondit: Ce qui est écrit est écrit». - S. Aug. O puissance ineffable de l'action de Dieu jusque dans les coeurs de ceux qui la méconnaissent ! Ne semble-t-il pas qu'une voix secrète, un silence qui avait son éloquence faisait retentir aux oreilles de son âme ce qui avait été prédit si longtemps auparavant dans le livre des Psaumes: «Ne changez pas l'inscription du titre ?» Mais que dites-vous, prêtres insensés ! Cette inscription cessera-t-elle d'être vraie, parce que Jésus a dit: «Je suis roi des Juifs ?» Si l'on ne peut changer ce que Pilate a écrit, pourra-t-on changer ce qui est affirmé par la vérité elle-même? Pilate a écrit ce qu'il a écrit, parce que le Seigneur a véritablement dit ce qu'il a dit.
13923 Jn 19,23-24
S. Aug. (Traité 118 sur S. Jean). Sur le jugement rendu par Pilate, les soldats placés sous ses ordres crucifièrent Jésus, comme le dit l'Évangéliste: «Les soldats, après avoir crucifié Jésus», etc. Et cependant si nous considérons les intentions, si nous prêtons l'oreille aux cris qui se font entendre, ce sont bien plutôt les Juifs qui l'ont crucifié. Les trois autres évangélistes ont raconté plus succinctement ce fait et le tirage au sort des vêtements du Sauveur, tandis que saint Jean entre ici dans de plus grands détails: «Ils prirent ses vêtements et ils en firent quatre parts», etc. On voit par là que ce furent quatre soldats qui crucifièrent Jésus par les ordres de Pilate: «Et sa tunique»; sous-entendez: «Ils prirent» pour donner à la phrase ce sens: «Ils prirent aussi sa tunique». L'Évangéliste s'exprime de la sorte pour nous faire comprendre que les soldats partagèrent les autres vêtements sans les tirer au sort, ce qu'ils ne firent que pour la tunique, qu'ils prirent avec ses autres vêtements sans la partager. «Et cette tunique, poursuit-il, était sans couture, d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas». - S. Chrys. (hom. 85 sur S. Jean). Saint Jean nous fait ici une description de la tunique du Sauveur, et comme c'est l'usage dans la Palestine de faire les vêtements avec deux morceaux d'étoffe que l'on réunit ensemble, il veut nous montrer que telle était la tunique de Jésus, pour nous faire comprendre indirectement la pauvreté de ses vêtements. - Théophyl. D'autres disent que dans la Palestine on tisse la toile non comme chez nous en mettant le tissu au-dessous et la chaîne au-dessus de manière que le tissu se dirige vers le haut, mais dans un sens tout contraire.
S. Aug. L'Évangéliste nous apprend ensuite pourquoi cette tunique fut tirée au sort: «Ils se dirent donc entre eux: Ne la divisons point», etc. Ils avaient donc divisé en parties égales les autres vêtements, ce qui avait rendu superflu le tirage au sort; mais pour cette tunique, ils ne pouvaient en avoir chacun une partie qu'en la coupant en quatre lambeaux qui leur eussent été complètement inutiles. Pour éviter cet inconvénient, ils aimèrent mieux que le sort la rendît la part d'un seul. Les oracles des prophètes viennent rendre ici témoignage au récit évangélique: «Afin que s'accomplît cette parole de l'Ecriture: Ils se sont partagé mes vêtements», etc. - S.Chrys. Voyez quelle précision dans sa prophétie; le Prophète ne prédit pas seulement ce que les soldats ont partagé, mais ce qui n'a pu être l'objet d'un partage, en effet, ils ont partagé les vêtements, mais ils ont tiré au sort la tunique qu'ils n'ont pas voulu diviser.
S. Aug. Le récit de saint Matthieu ainsi conçu: «Ils se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort», a voulu nous faire entendre que ce partage s'étendit à tous les vêtements et à la tunique elle-même qu'ils tirèrent au sort. Saint Luc s'exprime en termes à peu près semblables: «Partageant ensuite ses vêtements, ils les jetèrent au sort», c'est-à-dire qu'en partageant ses vêtements, ils en vinrent à la tunique qu'ils tirèrent au sort. Saint Luc a mis le mot sort au pluriel sortes pour le singulier sortem. Le récit de saint Marc seul paraît faire quelque difficulté: «Ils se partagèrent ses vêtements, les tirant au sort, pour savoir ce que chacun en emporterait». Il semble par là qu'ils aient tiré au sort la totalité des vêtements, et non la tunique seule; mais cette ambiguïté n'est due qu'à la concision du récit. Ces paroles: «Les tirant au sort» équivalent à celles-ci: «Les tirant au sort au moment du partage». Il ajoute: «Pour savoir ce que chacun en emporterait», c'est-à-dire, pour savoir qui emporterait sa tunique, et le sens complet de la phrase serait celui-ci: «Ils tirèrent ses vêtements au sort pour savoir qui emporterait sa tunique qui restait après le partage égal des autres vêtements. Les vêtements du Sauveur partagés en quatre parts représentent l'universalité de l'Eglise qui s'étend aux quatre parties du monde, et qui se trouve également répandue dans chacune d'elles. La tunique tirée au sort figure l'unité de toutes les parties unies entre elles par le lien de la charité. Mais si la charité nous ouvre une voie plus excellente (1Co 12,31), si elle est supérieure à la science (Ep 3,19), si elle est le premier de tous les commandements selon ces paroles de saint Paul: «Par-dessus tout ayez la charité» (Col 3,14), c'est avec raison que le vêtement qui en est le symbole est d'un seul tissu depuis le haut jusqu'en bas. L'Évangéliste ajoute: «Jusqu'en bas», car il faut nécessairement avoir la charité pour appartenir à ce grand tout qui s'appelle l'Eglise catholique. Elle est sans couture pour qu'elle ne puisse se séparer, et elle devient la possession d'un seul, parce qu'elle ramène tous les hommes à l'unité. Le tirage au sort est une figure de la grâce de Dieu, car lorsqu'on règle une chose par le sort on ne tient compte ni de la qualité des personnes ni de leurs mérites, mais on laisse la décision aux dispositions secrètes des jugements de Dieu.
S. Chrys. Ou bien encore, selon l'interprétation de quelques-uns, cette tunique sans couture, d'un seul tissu dans toute son étendue, figure dans le sens allégorique que ce n'est pas seulement un homme mais un Dieu qui est crucifié.
Théophyl. On peut dire encore que cette tunique sans couture est la figure du corps de Jésus-Christ qui est comme tissu dans sa partie supérieure, car l'Esprit saint est survenu dans la Vierge Marie; et la vertu du Très-Haut l'a couverte de son ombre. Le très-saint corps de Jésus-Christ est donc indivisible; car bien qu'il soit distribué à tous pour sanctifier l'âme et le corps de chaque fidèle, cependant il est dans tous en entier et d'une manière indivisible. Comme le monde visible est composé de quatre éléments, on peut voir dans les vêtements du Sauveur partagés en quatre parties égales les créatures visible s que les démons se partagent entre eux, toutes les fois qu'ils mettent à mort le Verbe de Dieu qui habite en nous, et qu'ils s'efforcent de nous entraîner dans leur malheureux sort par les charmes trompeurs des plaisirs du monde.
S. Aug. De ce que cette action est accomplie par des hommes pervers, il ne s'ensuit pas qu'elle ne puisse être la figure d'une bonne chose, car alors que dirons-nous de la croix elle-même qui a été préparée par les impies? Et cependant nous y voyons figurées ces dimensions mystérieuses dont parle l'Apôtre, c'est-à-dire, «la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur» (Ep 3,18). La largeur est dans le bois transversal sur lequel les bras du crucifié sont étendus, elle figure les bonnes oeuvres qui s'accomplissent dans toute l'expansion de la charité. La longueur est dans la partie qui descend jusqu'à terre et signifie la persévérance qui est égale à la longueur du temps. La hauteur est dans le sommet qui s'élève au-dessus de la partie transversale; elle figure la fin surnaturelle à laquelle nous devons rapporter toutes nos oeuvres. La profondeur enfin est dans la partie qui s'enfonce dans la terre; cette partie est cachée, c'est elle cependant qui soutient toutes les parties apparentes de la croix; c'est ainsi que le principe de toutes nos bonnes oeuvres sort des profondeurs de la grâce de Dieu que personne ne peut comprendre. Mais quand même la croix de Jésus-Christ ne figurerait autre chose que ce que l'apôtre saint Paul exprime en ces termes: «Ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec ses passions ni ses désirs déréglés» (Ga 5,24), quel grand bien ce serait déjà ! Enfin qu'est-ce que le signe de Jésus-Christ, si ce n'est sa croix? Si on n'imprime ce signe sur les fronts des fidèles, si on ne le trace sur l'eau qui les régénère, sur l'huile du chrême qui sert à l'onction sainte, sur le sacrifice qui les nourrit, aucun de ces sacrements n'est administré suivant les règles de leur institution divine.
Catena Aurea 13838