Catena Aurea 13924

vv. 24-27

13924 Jn 19,24-27

Théophyl. Pendant que les soldats s'occupaient de leurs misérables intérêts, Jésus étendait sa sollicitude sur sa sainte Mère: «Voilà ce que firent les soldats. Cependant, debout près de la croix de Jésus était sa mère», etc. - S. Ambr. (Lettre à l'Eglise de Verceil). Marie, mère de Jésus se tenait debout au pied de la croix de son Fils, saint Jean est le seul qui nous apprenne cette circonstance. Les autres évangélistes ont décrit le monde ébranlé au moment où le Sauveur fut crucifié, le ciel couvert de ténèbres, le soleil refusant sa lumière, le ciel ouvert au bon larron pieusement repentant. Mais saint Jean nous apprend ce dont les autres n'ont point parlé, les paroles qu'il a, du haut de la croix, adressées à sa mère. Il a estimé qu'il était plus merveilleux que Jésus triomphant de ses douleurs ait donné à sa mère ce témoignage de tendresse, que d'avoir fait don du ciel au bon larron; car si la grâce qu'il accorde au bon larron est une preuve de sa miséricorde, cet hommage public d'affection extraordinaire que le Fils rend à sa mère témoigne une piété filiale bien plus grande et plus admirable. «Femme, lui dit-il, voilà votre Fils», et au disciple: «Voilà votre mère». Jésus-Christ testait du haut de la croix, et son affection se partageait entre sa mère et son disciple. Le Sauveur faisait alors non-seulement son testament pour tous les hommes, mais son testament particulier et domestique, et ce testament recevait la signature de Jean, digne témoin d'un si grand testateur. Testament qui avait pour objet, non une somme d'argent, mais la vie éternelle, qui n'était point écrit avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant (2Co 3,2-3): «Ma langue, disait le Psalmiste, est comme la plume de l'écrivain qui écrit très-vite» (Ps 45,2). Il ne convenait pas non plus que Marie fût au-dessous de ce qu'exigeait la dignité de mère de Dieu; aussi tandis que les Apôtres ont pris la fuite, elle se tient debout au pied de la croix, elle jette des regards pieusement attendris sur les blessures de son Fils, parce qu'elle considère non la mort de ce Fils chéri, mais le salut du monde. Ou bien encore, comme elle savait que la mort de son Fils devait être la rédemption du monde, elle croyait en formant ainsi la cour de ce divin Fils ajouter par sa propre mort au sacrifice qu'il offrait pour tous les hommes: mais Jésus n'avait pas besoin qu'on vînt lui prêter secours pour la rédemption du monde, lui qui a sauvé tous les hommes sans le secours de personne; ce qui lui fait dire par la bouche du Roi-prophète: «J'ai été comme un homme sans aide, libre entre les morts» (Ps 88,6). Il accepte le témoignage d'affection de sa mère, mais il n'implore le secours d'aucune créature. Mères pieuses, imitez cette Vierge sainte qui dans la mort de son Fils unique et bien-aimé vous donne un si grand exemple de vertu maternelle; car jamais vous n'avez eu des enfants plus chéris, et cette divine Vierge ne pouvait avoir, comme vous, l'espérance de donner le jour à un autre fils.

S. Jer. (Contre Helvid). Cette Marie qui est appelée dans saint Marc et dans saint Matthieu la mère de Jacques et de Joseph, fut l'épouse d'Alphée et la soeur de Marie, mère du Seigneur. Saint Jean l'appelle Marie de Cléophas, nom qui lui vient soit de son père, soit de sa famille, soit de quelque autre cause. Si vous étiez tenté de croire que Marie, mère de Jacques le Mineur, et celle qui est ici appelée Marie de Cléophas sont deux personnes différentes, il faut vous rappeler que la coutume de l'Ecriture est de donner différents noms à une seule et même personne. - S. Chrys. Remarquez ici que c'est le sexe le plus faible qui fit paraître le plus de courage; les femmes restent au pied de la croix pendant que les disciples se sont enfuis.

S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 21). Si saint Matthieu et saint Luc n'avaient pas désigné nominativement Marie-Madeleine, nous aurions pu dire que parmi ces femmes les unes s'étaient tenues près de la croix, et les autres plus éloignées, car saint Jean seul fait ici mention de la mère du Sauveur. Mais comment entendre que la même Marie-Madeleine s'est tenue loin d e la croix (comme le rapportent saint Matthieu et saint Luc) et qu'elle fût au pied de la croix, suivant le récit de saint Jean? Il faut dire que malgré l'intervalle qui les séparait de la croix, on pouvait dire qu'elles en étaient rapprochées, parce qu'elles en étaient à portée, et en même temps qu'elles en étaient loin en comparaison de la foule qui en était plus rapprochée avec le centurion et les soldats. On peut encore admettre que les pieuses femmes qui étaient présentes avec la mère du Seigneur s'éloignèrent de la croix après que Jésus eut recommandé sa mère à son disciple, pour se dégager de la multitude qui les entourait, et considérer de plus loin le spectacle qu'elles avaient sous les yeux, ce qui fit dire aux autres évangélistes qui ne parlent d'elles qu'après la mort du Sauveur qu'elles se tenaient loin de la croix. Qu'importe d'ailleurs à la vérité du récit que tous les évangélistes donnent les noms de quelques-unes de ces femmes, et que chaque évangéliste fasse mention spéciale de quelques autres ?

S. Chrys. D'autres femmes aussi se tenaient près de la croix, et le Sauveur paraît ne faire attention qu'à sa mère, nous apprenant ainsi que nos mères ont droit à des égards plus particuliers. Lorsque nos parents cherchent à s'opposer à nos intérêts spirituels, nous ne devons pas même les connaître; mais aussi lorsqu'ils n'y mettent aucun obstacle, nous devons leur donner de préférence aux autres tous les témoignages d'affection qu'ils peuvent désirer. C'est ce que fait Jésus. «Jésus ayant donc vu sa mère, et près d'elle le disciple qu'il aimait, il dit à sa mère: Femme, voilà votre Fils». - Bède. Saint Jean se donne à connaître par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas sans doute qu'il en fût aimé à l'exclusion des autres, mais parce qu'il était l'objet d'une affection plus particulière qu'il devait à sa virginité. En effet, il était vierge lorsqu'il fut appelé par Jésus, et il demeura vierge toute sa vie.

S. Chrys. Quel magnifique témoignage d'honneur le Seigneur donne à son disciple ! Mais une sage modestie lui fait garder le silence sur cet honneur dont il est l'objet. Si en effet il avait voulu s'en prévaloir, il eût fait connaître le motif de l'affection que Jésus avait pour lui, motif qui devait se rattacher à une cause d'un ordre supérieur. Le Sauveur ne dit rien autre chose à saint Jean; il ne le console pas dans sa tristesse, parce que ce n'était pas le temps de faire de longs discours de consolation. Sa mère reçoit de lui une marque d'honneur non moins remarquable. Dans la tristesse profonde où elle était plongée, il fallait lui chercher un appui et un soutien pour remplacer Jésus, qui allait la quitter; il la confie donc lui-même à son disciple, afin qu'il en prenne soin; «Ensuite il dit à son disciple: Voici votre mère». - S. Aug. (Traité 119 sur S. Jean). C'était l'heure dont Jésus, avant de changer l'eau eu vin, avait dit à sa mère: «Femme, qu'y a-t-il entre vous et moi? Mon heure n'est pas encore venue». Au moment de faire une oeuvre toute divine, il semble repousser comme lui étant inconnue la mère, non pas de sa divinité, mais de son humanité ou de son infirmité. Maintenant, au contraire qu'il endure des souffrances propres à la nature humaine, il recommande celle dans le sein de laquelle il s'est fait homme avec l'affection qu'inspiré la nature. Il nous donne ainsi un enseignement d'une haute moralité; il nous apprend par son exemple, comme un bon maître, les tendres soins que la piété filiale doit inspirer aux enfants pour leurs parents; et le bois où sont cloués les membres du Sauveur mourant a été aussi comme la chaire du haut de laquelle le divin Maître nous a enseigné.

S. Chrys. C'est ainsi qu'il confond l'impudente erreur de Marcion. Si, en effet, il n'est point né selon la chair, il n'a pas eu de mère, alors pourquoi cette sollicitude extraordinaire dont elle est l'objet? Considérez encore comment, au moment où il est crucifié, Jésus fait tout avec le plus grand calme: il confie sa mère à son disciple, il accomplit les prophéties, il donne l'espérance du ciel au bon larron. Au contraire, avant son crucifiement, son âme paraît en proie au trouble. Il donnait ainsi la preuve, d'un côté de la faiblesse de la nature humaine, de l'autre de la force supérieure de son âme. Il nous apprend ainsi à ne point nous laisser abattre, si au milieu des adversités le trouble vient à s'emparer de notre âme, et lorsque nous serons entrés dans la lice à supporter toutes les épreuves comme faciles et légères.

S. Aug. En quittant sa mère, il prenait soin de lui laisser en quelque sorte un autre fils, et saint Jean nous fait connaître la raison de cette conduite dans les paroles suivantes: «Dès ce moment le disciple la reçut chez lui» (In sua). Mais quel est ce «chez lui» dans lequel Jean reçut la mère du Sauveur? Est-ce qu'il n'était pas du nombre de ceux qui avaient dit: «Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre ?» Il la reçut donc chez lui, non pas dans ses propriétés, parce qu'il n'en avait pas, mais dans son affection, qui le portait à prodiguer à la mère de Jésus tous les offices personnels. - Bède. Une autre version porte: «Le disciple la reçut comme sienne» (in suam) ;quelques-uns disent comme étant sa mère, mais il est plus naturel de sous-entendre le mot curam, il la reçut pour être l'objet de sa sollicitude.


vv. 28-30

13928 Jn 19,28-30

S. Aug. (Traité 119 sur S. Jean). L'homme qui apparaissait aux regards endurait toutes les souffrances qui étaient réglées par le Dieu qui demeurait caché. «Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies, afin que l'Ecriture», c'est-à-dire cette prédiction de l'Ecriture: «Et dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre» (Ps 69,22), reçût aussi son accomplissement, il dit: «J'ai soif». Il semble dire par là aux Juifs: Vous avez oublié ce dernier trait, donnez-moi ce que vous êtes. Les Juifs étaient en effet un vinaigre dégénéré du vin des patriarches et des prophètes. Or, il y avait là un vase plein de vinaigre, c'est-à-dire que les Juifs, dont le coeur, semblable à une éponge, renfermait mille cavités tortueuses comme autant de repaires de malice, puisèrent à plein vase et remplirent leur coeur de l'iniquité du monde: «Les soldats remplirent une éponge de vinaigre, et, l'environnant d'hysope, la lui présentèrent à la bouche». - S. Chrys. (Hom. 85 sur S. Jean). Le spectacle qu'ils avaient sous les yeux, loin de les adoucir, ne fit qu'augmenter leur cruauté, et pour étancher sa soif, ils lui donnent le breuvage des condamnés, c'est pour cela qu'ils font usage d'hysope.

S. Aug. L'hysope dont ils entourent l'éponge est une petite plante qui a une vertu purgative; elle représente justement l'humilité de Jésus-Christ qu'ils entourèrent de leurs criminelles intrigues et qu'ils crurent avoir circonvenue; car c'est l'humilité de Jésus-Christ qui nous purifie. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu approcher une éponge de la bouche de Jésus qui, sur la croix, était élevé bien au-dessus de la terre, car d'après les autres évangélistes qui nous rapportent cette circonstance, que celui-ci passe sous silence, ils le firent à l'ai de d'un roseau, afin que le breuvage contenu dans l'éponge pût arriver à la hauteur de la croix. - Théophyl. Il en est qui pensent que ce roseau fut tout simplement l'hysope, parce que cette plante a des branches qui ressemblent au roseau.

«Jésus ayant donc pris le vinaigre dit: Tout est accompli». Qu'est-cequi est accompli? Ce que les prophètes avaient prédit si longtemps auparavant. - Bède. Mais comment concilier ce que dit ici saint Jean: «Après qu'il eut pris ce vinaigre», avec ce que rapporte un autre Évangéliste: «Qu'il n'en voulut point boire ?» Cette difficulté est facile à résoudre. Jésus prit le vinaigre non pour le boire, mais pour accomplir ce qui était écrit. - S. Aug. Et comme il ne restait plus rien de ce qui devait s'accomplir ava nt sa mort, l'Évangéliste ajoute: «Et baissant la tête, il rendit l'esprit», après avoir fait toutes les choses dont il attendait l'accomplissement pour mourir, agissant en tout comme celui qui avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la reprendre. - S. Grég. (Moral., 11, 3). L'esprit est mis ici pour l'âme, car si par esprit l'Évangéliste entendait autre chose que l'âme, il s'en suivrait que l'âme serait restée après le départ de l'esprit. - S. Chrys. Ce n'est point parce qu'il expire qu'il baisse la tête, mais c'est après qu'il a baissé la tête qu'il expire, et l'Évangéliste veut nous montrer par toutes ces circonstances que Jésus est le maître de toutes choses. - S. Aug. Quel autre s'endort si précisément quand il veut comme Jésus est mort au moment qu'il a voulu? Quelle espérance, mais aussi quelle crainte doit inspirer la puissance qu'il fera éclater au jour du jugement, alors que celle qu'il manifeste en mourant est déjà si grande? - Théophyl. Le Sauveur remet son esprit a Dieu et à son Père, pour nous apprendre que les âmes des saints ne restent point dans les tombeaux, mais qu'elles reviennent dans les mains du Père de tous les hommes, tandis que les âmes des pécheurs sont envoyées dans un lieu de supplices, c'est-à-dire dans l'enfer.


vv. 31-37

13931 Jn 19,31-37

S. Chrys. (Hom. 85 sur S. Jean). Les Juifs, qui ne craignaient pas d'avaler le chameau et rejetaient le moucheron, après avoir audacieusement consommé un si grand attentat, manifestent des scrupules, des inquiétudes au sujet du jour du sabbat. «Les Juifs, de peur que les corps ne demeurassent sur la croix le jour du sabbat», etc. - Bède. Le mot parasceve, qui veut dire préparation, indique ici le sixième jour de la semaine, et on lui donnait ce nom parce qu'en ce jour, les Israélites devaient préparer une double provision d'aliments; parce que le lendemain était le grand jour du sabbat, à cause de la grande solennité de Pâque. - S. Aug. (Traité 120 sur S. Jean). Ce ne sont point les jambes des suppliciés qui devaient être enlevées, mais ceux à qui on les brisait pour les faire mourir devaient être détachées de la croix pour ne point profaner ce grand jour de fête par le spectacle de leur supplice prolongé sur la croix. - Théophyl. D'ailleurs la loi défendait que le supplice d'un homme condamné à mort se prolongent au delà du coucher du soleil. Peut-être aussi ne voulurent-ils pas être regardés comme des bourreaux ou des homicides dans ce jour de fête.

S. Chrys. Voyez ici combien est grande la force de la vérité; les Juifs eux-mêmes, par leurs efforts, concourent à l'accomplissement des prophéties: «Il vint donc des soldats qui rompirent les jambes au premier, et de même à l'autre qu'on avait crucifié avec lui. Puis étant venu à Jésus, et voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance». - Théophyl. Pour complaire aux Juifs, les soldats percent de leur lance le corps de Jésus-Christ et poursuivent de leurs outrages ce corps même inanimé; mais cet outrage donne lieu à un miracle éclatant, car n'est-ce pas un véritable miracle que le sang coule d'un corps privé de la vie? - S. Aug. L'Évangéliste se sert ici d'une expression choisie à dessein; il ne dit pas il frappa ou il blessa son côté, mais il ouvrit son côte avec une lance, pour nous apprendre qu'il ouvrait ainsi la porte de la vie d'où sont sortis les sacrements de l'Eglise, sans lesquels on ne peut avoir d'accès à la véritable vie. «Et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau». Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés, cette eau vient semêler pour nous au breuvage du salut; elle est à la fois un bain qui purifie et une boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l'ordre donné à Noé d'ouvrir sur un des côtés de l'arche une porte par où pussent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge, et qui représentaient l'Eglise (Gn 6,16). C'est en vue du même mystère que la première femme fut faite d'une des côtes d'Adam pendant son sommeil (Gn 2,22), et nous voyons ici le second Adam s'endormir sur la croix après avoir incliné la tête pour qu'une épouse aussi lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de son côté après sa mort. O mort qui devient pour les morts un principe de résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang? Quoi de plus salutaire que cette blessure? - S. Chrys. C'est donc de ce côté ouvert que nos saints mystères tirent leur origine; lors donc que vous approchez de l'autel pour boire ce calice redoutable, approchez dans les mêmes dispositions que si vous deviez appliquer vos lèvres sur le côté même de Jésus-Christ. - Théophyl. Ceux qui refusent de mêler l'eau avec le vin dans la célébration des saints mystères trouvent donc ici leur condamnation, car ils paraissent ne pas croire que l'eau ait coulé du côté du Sauveur. Essaiera-t-on de dire qu'il restait encore un léger principe de vie dans le corps de Jésus, ce qui explique le sang qui sortit de son côté; mais l'eau qui en sort maintenant est une preuve sans réplique qu'il était mort. Aussi l'Évangéliste prend-il soin d'ajouter: «Et celui qui l'a vu en rend témoignage». - S. Chrys. C'est-à-dire, il ne l'a point appris des autres, il était présent, il en a été le témoin oculaire; «et son témoignage est véritable». Il fait cette réflexion à l'occasion de ce nouvel outrage fait au corps du Sauveur, et non après le récit de quelque prodige extraordinaire pour fixer davantage l'attention. Eu s'exprimant de la sorte, il ferme aussi par avance la bouche des hérétiques, prédit les mystères que l'avenir devait dévoiler, et arrête ses regards sur le trésor inépuisable qu'ils renferment.

«Et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi». - S. Aug. Celui qui a vu ce miracle le sait, et son témoignage doit servir d'appui à la foi de celui qui ne l'a pas vu. Saint Jean confirme par deux-témoignages de l'Ecriture les deux faits dont il atteste la vérité. Après avoir dit: «Ils ne brisèrent point les jambes à Jésus», il ajoute: «Ces choses se sont faites afin que cette parole de l'Ecriture fût accomplie: Vous ne briserez aucun de ses os», etc. (Ex 12,46). C'est ce qui était recommandé à ceux qui, dans l'ancienne loi, célébraient la pâque par l'immolation d'un agneau, qui était la figure de la passion du Sauveur. Saint Jean avait dit aussi: «Un des soldats ouvrit son côté avec une lance», et à l'appui il cite cet autre témoignage: «Il est dit encore dans un autre endroit de l'Ecriture: Ils jetèrent leurs regards sur celui qu'ils ont percé» (; prophétie qui annonçait que le Christ paraîtrait au monde avec cette chair dans laquelle il a été crucifié. - S. Jer. (Préface sur le Pentateuque). Ce second témoignage est emprunté au prophète Zacharie.


vv. 38-42

13938 Jn 19,38-42

S. Chrys. (hom. 85 sur S. Jean). Joseph pensant que la mort de Jésus avait suffi pour calmer la fureur des Juifs, se présente avec confiance pour rendre au Sauveur les honneurs de la sépulture: «Après cela Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus», etc. - Bède. Arimathie n'est autre que Ramatha, patrie d'Helcana et de Samuel. C'est par une providence toute particulière que Dieu avait veillé à ce que Joseph fut juste pour être digne de recevoir le corps du Seigneur. C'est ce que nous indique l'Évangéliste par ces paroles: «Qui était disciple de Jésus», etc. - S. Chrys. Il ne faisait point partie des douze Apôtres, mais des soixante-douze disciples. Et comment se fait-il que nous ne voyions ici aucun des douze? Dira-t-on que la crainte des Juifs les retenait, mais Joseph avait les mêmes raisons de craindre, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Mais en secret, parce qu'il craignait les Juifs». Toutefois comme il jouissait d'une grande réputation et qu'il était connu de Pilate, il obtint de lui ce qu'il demandait: «Et Pilate lui permit d'enlever le corps de Jésus», qu'il ensevelit non pas comme le corps d'un condamné, mais comme celui d'un personnage des plus célèbres et des plus éminents: «Il vint donc et prit le corps de Jésus». - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 22). En rendant à Jésus les derniers devoirs, il n'est point arrêté par la pensée des Juifs, bien qu'il prit soin de se mettre à l'abri de leur jalousie haineuse lorsqu'il écoutait les enseignements du Sauveur. - Bède. Leur fureur était apaisée en partie par la joie qu'ils éprouvaient de l'avoir emporté contre Jésus-Christ; Joseph ne craint donc plus de venir demander le corps de Jésus-Christ, démarche qu'il paraissait faire non comme disciple, mais pour remplir à son égard un acte de religion en lui rendant ces derniers devoirs qu'on n'accorde pas seulement aux bons, mais qu'on ne refuse même pas aux méchants. Nicodème vient se joindre à lui: «Nicodème qui était venu trouver Jésus la première fois», etc. - S. Aug. L'expression primum, la première fois, ne doit pas se joindre à ces paroles: «Portant cent livres d'une composition de myrrhe», mais au membre de phrase qui précède, car Nicodème était venu trouver Jésus pour la première fois la nuit, comme saint Jean le raconte dans les premiers chapitres de son Évangile. Ce ne fut donc pas la seule fois mais la première fois que Nicodème vint alors trouver Jésus, car il vint plusieurs fois dans la suite pour écouter ses divins enseignements et devenir son disciple.

S. Chrys. Ils apportent avec eux des aromates qui ont la vertu de conserver très longtemps les corps et de les préserver de la corruption, car ils ne considéraient encore le Sauveur que comme un homme, mais ils faisaient preuve d'un amour extraordinaire pour lui. - Bède. Il faut remarquer que c'était un parfum simple, parce qu'il ne leur était point permis d'en faire un qui fût composé de divers aromates.

«Ils prirent donc le corps de Jésus, et ils l'ensevelirent», etc. - S. Aug. L'Évangéliste nous apprend ici quedans les derniers devoirs que l'on rend aux morts, il faut se conformer aux usages particuliers à chaque nation. Or, les Juifs avaient coutume d'embaumer les corps avec divers parfums, afin de les préserver plus longtemps de la corruption. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 23). Saint Jean n'est point ici en contradiction avec les autres évangélistes, ils ne parlent point il est vrai de Nicodème, mais ils n'affirment pas pour cela que Joseph seul ait enseveli le corps du Sauveur, bien qu'ils ne fassent mention que de lui seul. Ils disent encore, que Joseph l'ensevelit dans un linceul, nous défendent-ils pour cela d'admettre que Nicodème ait pu apporter d'autres linges et de justifier ainsi la vérité du récit de saint Jean d'après lequel le corps de Jésus fut enseveli non dans un seul mais dans plusieurs linceuls. D'ailleurs le suaire dont sa tête fut enveloppée et les bandelettes dont son corps fut entouré, et qui étaient de lin aussi bien que le suaire, permettent de dire en toute vérité: Ils l'enveloppèrent dans des linges, quand même il n'y aurait eu qu'un linceul, car on appelle linges généralement tout ce qui est fait de lin. - Bède. C'est de là qu'est venue la coutume de l'Eglise de consacrer le corps de Jésus-Christ non sur des étoffes de soie ou d'or, mais sur une toile de lin d'une éclatante blancheur.

S. Chrys. Comme le temps pressait, (car Jésus était mort à la neuvième heure), et le soir devait bientôt arriver, pendant qu'ils iraient chez Pilate, et qu'ils descendraient de la croix le corps du Sauveur ils le déposent donc dans un tombeau qui était proche: «Or il y avait dans le lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre tout neuf, où personne n'avait été encore mis»; ce qui se fit par une providence toute spéciale, afin qu'on ne pût supposer que c'était un autre que Jésus qui était ressuscité. - S. Aug. De même que ni avant ni après lui, nul autre ne fut conçu dans le sein de la Vierge, ainsi, aucun autre corps ni avant ni après le sien, ne fut déposé dans ce tombeau. - Théophyl. C'était un sépulcre nouveau, et cette circonstance nous apprend que nous sommes renouvelés par la sépulture de Jésus-Christ qui détruit le règne de la mort et de la corruption. Voyez encore à quel excès de pauvreté Jésus s'est réduit pour notre amour, il n'avait point de demeure pendant sa vie; après sa mort, il est enseveli dans un tombeau d'emprunt, et il faut que Joseph vienne couvrir la nudité de son corps dépouillé de tous ses vêtements.

«Et comme c'était le jour de la préparation du sabbat des Juifs, et que ce sépulcre était proche, ils y mirent Jésus». -
S. Aug. L'Évangéliste veut nous faire entendre qu'ils se hâtèrent de l'ensevelir, pour ne pas être surpris par la nuit, car alors, le temps de la préparation parasceve, que les Juifs appellent en latin le temps des pains sans levain ne leur eût pas permis de remplir cet office. - S. Chrys. Ils choisirent ce tombeau qui était proche, afin que les disciples pussent y venir plus facilement et observer attentivement ce qui s'y passerait. Ce sépulcre fut encore choisi afin que les ennemis du Sauveur qui en étaient gardiens fussent eux-mêmes témoins qu'il avait été enseveli, et pour convaincre de mensonge le bruit qu'ils devaient faire courir que son corps avait été enlevé.

Bède. Dans le sens mystique le nom de Joseph veut dire qui est augmenté par l'accroissement des bonnes oeuvres, et c'est pour nous un avertissement de nous rendre dignes de recevoir le corps du Seigneur. - Théophyl. Maintenant encore Jésus-Christ est mis à mort par les avares dans la personne des pauvres qui souffrent la faim. Soyez donc un nouveau Joseph, et couvrez la nudité de Jésus-Christ, ensevelissez-le par la méditation dans le tombeau spirituel de votre âme. Couvrez-le d'un mélange de myrrhe et d'aloès, deux substances amères, en méditant sérieusement ces paroles: «Allez maudits au feu éternel», qui est ce qu'il y a de plus amer.


CHAPITRE XX


vv. 1-10

14001 Jn 20,1-10

S. Chrys. (hom. 85 sur S. Jean). Le sabbat ou la loi commandait àchacun de rester en repos, étant passé, Madeleine ne put résister plus longtemps au désir qui la pressait; elle vint donc à la première aurore pour trouver quelque, consolation en voyant le lieu où Jésus avait été enseveli: «Le jour d'après le sabbat», etc. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 12). Marie-Madeleine vint au sépulcre sous l'impulsion d'un amour plus ardent que celui des autres femmes qui avaient servi le Sauveur, et c'est la raison pour laquelle saint Jean ne parle ici que d'elle, à l'exception des autres femmes qui étaient venues avec elle d'après le récit des autres évangélistes.

S. Aug. Ce premier jour de la semaine est celui que les chrétiens appellent maintenant le jour du Seigneur, à cause de la résurrection du Sauveur, et que saint Matthieu désigne sous le nom de premier jour du sabbat. - Bède. Le premier jour du sabbat, c'est-à-dire, le lendemain du sabbat, ou le premier jour qui suit le sabbat. - Théophyl. Ou bien encore, comme les Juifs donnaient le nom de sabbat à tous les jours de la semaine, ils appelaient le premier du sabbat, le premier des jours du sabbat ou de la semaine. Ce jour est le symbole de la vie future, qui ne sera composée que d'un seul jour que la nuit n'interrompra jamais, car Dieu en est le soleil, et ce soleil ne se couche jamais. C'est donc, dans ce jour que le Seigneur a voulu ressusciter et revêtir son corps de l'incorruptibilité dont nous nous revêtirons nous-mêmes dans la vie future.

S. Aug. (de l'accord des Evang). Ce que rapporte saint Marc: «Qu'elles vinrent de grand matin le soleil étant déjà levé», n'est point en contradiction avec ce que dit ici saint Jean: «Alors que les ténèbres n'étaient pas encore dissipées», car à la naissance du jour il reste encore quelque obscurité qui se dissipe d'autant plus que la lumière du jour s'avance davantage. Il ne faut pas du reste entendre ces paroles de saint Marc, dans ce sens que le soleil paraissait déjà sur l'horizon, mais dans le sens où nous disons, lorsque nous voulons qu'une chose soit faite le plus tôt possible: «Vous la ferez au soleil levé», c'est-à-dire à l'heure où il est près de se lever. - S. Grég. (hom. 22 sur S. Jean. ) L'expression: «Lorsque les ténèbres n'étaient pas encore dissipées», est pleine de justesse; Marie, en effet, cherchait dans le sépulcre le Créateur de toutes choses qu'elle avait vu mourir dans son corps sur la croix, et comme elle ne le trouve point, elle croit qu'on l'a dérobé ou enlevé. Il est donc vrai de dire que les ténèbres duraient encore lorsqu'elle se rendit au sépulcre.

«Et elle vit la pierre ôtée du tombeau». - S. Aug. (de l'acc. des Evang). Ce que saint Matthieu seul rapporte du tremblement de terre, du renversement de la pierre et de l'effroi des gardes avait donc eu déjà lieu.

S. Chrys. Le Seigneur était ressuscité sans renverser la pierre du sépulcre, sans rompre les sceaux qu'on y avait apposés, mais comme le fait de la résurrection devait être connu avec certitude d'un grand nombre d'autres, le tombeau est ouvert après que Jésus est ressuscité, afin que chacun puisse croire à la vérité de ce qui est arrivé. Cette circonstance frappe vivement Madeleine; aussi à la vue de la pierre ôtée du tombeau, elle n'entra pas dedans, elle ne prit pas le temps de regarder, mais courut avec un empressement mêlé d'amour, apprendre cet événement aux disciples. Elle n'avait encore aucune idée claire de, la résurrection, et croyait seulement qu'on avait changé le corps de place. - La Glose. Elle court donc apprendre cette nouvelle aux disciples, pour les engager, ou à chercher avec elles, ou du moins à partager sa douleur: «Elle courut donc, et vint trouver Simon-Pierre et cet autre disciple que Jésus aimait», etc. - S. Aug. (Traité 119 sur S. Jean). Saint Jean se désigne ordinairement par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas que Jésus n'aimât les autres disciples, mais parce que le Sauveur avait pour lui un amour plus particulier et plus intime.

«Et elle leur dit: Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils l'ont mis». - S. Grég. (Moral., 3, 10 ou 9 dans les anc. édit). En parlant de la sorte, Madeleine prend la partie pour le tout; c'était le corps seul du Sauveur qu'elle était venu chercher, et elle s'afflige comme si on eût enlevé le Seigneur tout entier.

S. Aug. (Traité 120 sur S. Jean). Quelques exemplaires grecs portent: «Ils ont enlevé mon Seigneur», ce qui parait être l'expression d'un amour plus ardent ou d'un plus grand attachement. Mais nous n'avons pas trouvé cette addition dans un grand nombre de manuscrits que nous avons sous la main. - S. Chrys. L'Évangéliste ne veut point ravir, à cette femme la gloire, qui lui est due, et ne croit pas qu'il y ait de la honte pour eux que Madeleine leur ait appris la première cette nouvelle. Aussitôt donc qu'elle leur eût parlé, ils se rendent en toute hâte au tombeau.

S. Grég. (hom. 22 sur les Evang). Ce sont ceux dont l'amour est plus grand qui courent aussi plus vite que les autres, c'est-à-dire, Pierre et Jean: Pierre sortit avec, l'autre disciple, et il vint au sépulcre. - Théophyl. Demanderez-vous comment ils osèrent venir au tombeau en présence de ceux qui le gardaient? C'est une question qui suppose bien de l'ignorance, car après que le Seigneur fut ressuscité, et qu'en même temps que la terre tremblait, un ange apparut sur la pierre du sépulcre, les gardes s'enfuirent pour annoncer aux pharisiens ce qui venait d'avoir lieu. - S. Aug. Après avoir dit: «Ils vinrent au tombeau», saint Jean revient sur ses pas pour raconter comment ils y arrivèrent: «Ils couraient tous deux ensemble, et l'autre courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre». Il nous apprend ainsi qu'il arriva le premier, mais il raconte tout ce qui le concerne, comme s'il s'agissait d'un autre.

S. Chrys. Aussitôt qu'il fut arrivé, il considère les linges qui avaient été laissés dans le tombeau: «Et s'étant penché, il vit les linceuls posés à terre». Toutefois il ne pousse pas plus loin ses recherches, et s'en tient là. Pierre, au contraire, beaucoup plus ardent, entre dans le tombeau, examine tout avec soin, et voit quelque chose de plus: «Simon-Pierre qui le suivait, arriva ensuite et entra dans le sépulcre, et vit les linges posés à terre, et le suaire qui couvrait sa tête, non point avec les linges, mais plié en un lieu à part». Il y avait dans toutes ces circonstances une preuve évidente de la résurrection. Car en supposant qu'on eût enlevé son corps, on ne l'eût pas dépouillé de ses linceuls, et ceux qui seraient venus le dérober, n'auraient pas pris tant de soin d'ôter le suaire, de le rouler et de le placer dans un endroit à pari, séparé des linceuls; mais ils auraient tout simplement enlevé le corps tel qu'il se trouvait. Pourquoi saint Jean nous a-t-il fait remarquer précédemment que Jésus avait été enseveli avec une grande quantité de myrrhe, qui fait adhérer fortement les linges au corps, c'est pour que vous ne soyez pas dupe de ceux qui vous affirment que le corps du Sauveur a été enlevé, car celui qui serait venu pour le dérober, n'aurait point perdu le sens à ce point que de dépenser tant de soins et de temps pour une chose parfaitement inutile.

Jean entre dans le tombeau après Pierre: «Alors l'autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi, et il vit, et il mit», etc. - S. Aug. Il en est qui pensent que Jean croyait déjà que Jésus était ressuscité, mais ce qui suit indique le contraire. Il vit que le tombeau était vide, et il crut à ce que Madeleine leur avait rapporté: «Car, ajoute le récit évangélique, ils n'avaient pas encore compris ce que dit l'Ecriture, qu'il fallait qu'il ressuscitât d'entre les morts». Jean ne croyait donc pas encore à la résurrection d u Sauveur, puisqu'il ne savait pas encore qu'il dût ressusciter. Le Seigneur leur en avait parlé souvent, mais bien qu'il s'exprimât dans les termes les plus clairs, l'habitude qu'ils avaient d'entendre des paraboles, les empêchait de comprendre ce qu'il leur disait et leur faisait donner un autre sens à ses paroles.

S. Grég. (hom. 22 sur les Ev). Gardons-nous de croire que ce récit aussi détaillé ne renferme quelques mystères, en effet, Jean, le plus jeune des deux disciples, représente la synagogue juive; Pierre, le plus âge, est la figure de l'Eglise des nations, car bien que la synagogue ait précédé l'Eglise des nations, pour ce qui concerne le culte de Dieu, toutefois, dans l'ordre naturel, le peuple des Gentils précède la synagogue des Juifs. Ils coururent tous deux ensemble, parce que depuis le temps de leur naissance jusqu'à celui de tour déclin, le peuple des Gentils et la synagogue ont suivi une voie commune, quoiqu'avec des sentiments bien différents. La synagogue arrive la première au sépulcre, mais elle n'y entre pas, c'est qu'en effet, elle a bien reçu de Dieu les commandements de la loi, elle a entendu les prophéties qui avaient pour objet l'incarnation et la passion du Seigneur, mais elle a refusé de croire en lui lorsqu'il fut mort. Simon-Pierre, au contraire, vient et entre dans le sépulcre, parce que l'Eglise des Gentils est venue la dernière, à la suite de Jésus-Christ, et a connu et cru qu'il était mort dans sa nature humaine, mais qu'il était vivant dans sa nature divine. Le suaire qui enveloppait la tête du Seigneur ne se trouve point avec les linceuls, parce que Dieu est la tête du Christ, et que les mystères incompréhensibles de la divinité sont en dehors de l'intelligence de notre faible humanité, et que sa puissance est au-dessus de toute nature créée. Le suaire n'est pas seulement séparé, mais roulé; en effet, un linge qui est roulé ne laisse voir aucune de ses deux extrémités, et il est ainsi la figure de la divinité sublime qui n'a point eu de commencement et ne doit point avoir de fin. L'Évangéliste ajoute avec raison, qu'il était placé dans un endroit seul, parce que Dieu ne se trouve pas dans les âmes divisées, et que ceux-là seuls méritent de recevoir sa grâce qui ne se séparent pas les uns des autres par les scandales que prod uisent les sectes. Le linge qui couvre la tête sert à essuyer la sueur de ceux qui travaillent, et ce suaire peut être considéré comme la figure du travail de Dieu, qui demeure toujours dans son repos et dans son immutabilité, et qui nous déclare cependant qu'il ne cesse de travailler, parce qu'il supporte le lourd fardeau des iniquités des hommes. Le suaire qui enveloppait la tête est trouvé plié en un lieu à part, parce que la passion de notre divin Rédempteur est bien éloignée de nos propres souffrances, car Jésus a souffert sans être coupable, ce que nous souffrons en expiation de nos crimes. Il s'est soumis volontairement à la mort dont nous sommes les victimes involontaires. Après que Pierre est entré, Jean entre à son tour, parce qu'à la fin du monde, les Juifs se réuniront au peuple fidèle pour embrasser la foi du Rédempteur.

Théophyl. Ou bien encore, Pierre est la figure, de l'esprit actif et prompt, Jean, le symbole de l'esprit contemplatif et instruit dans la connaissance des choses de Dieu. Or, souvent l'esprit contemplatif est le premier par sa facilité à comprendre les charités divines, mais l'esprit actif l'emporte sur cette pénétration d'intelligence par sa ferveur persévérante et sa constante application, et son regard pénètre le premier la profondeur des divins mystères.



Catena Aurea 13924