Catherine de Sienne, Dialogue 148

CHAPITRE XIV

148
De laprovidence de Dieu en général vis-à-vis de ses créatures, en cette vie et dans l'autre.

Ma fille, dilate ton coeur et ouvre l'oeil de ton intelligence éclairée par la lumière de la foi, pour voir avec quel grand amour et quelle providence j'ai créé l'homme et tout ordonné en lui pour qu'il jouisse du souverain et éternel bonheur qui est le mien. J'ai pourvu à tout, je te l'ai dit, pour l'âme et pour le corps, dans les imparfaits et dans les parfaits, dans les bons et dans les méchants, au spirituel comme au temporel, au ciel et sur la terre, en cette vie mortelle comme dans la vie immortelle.
Durant votre passage en cette vie mortelle, je vous ai enchaînés dans les liens de la charité. Qu'il le veuille ou non, l'homme est lié à son semblable, s'il se sépare de lui par un sentiment contraire à la charité avec le prochain, il n'en demeure pas moins attaché à lui par la nécessité. J'ai voulu que vous demeuriez unis les uns aux autres et par les actes et par le coeur dans la charité; mais si vous perdez la charité du coeur par vos péchés, pour que vous soyez obligés de conserver encore des liens entre (219) vous, dans le commerce extérieur, ma providence n'a pas voulu donner à chaque homme tous les moyens de subvenir par lui-même à toutes les nécessités de la vie humaine. Chacun a reçu en partage un talent particulier, et tous sont ainsi obligés de recourir les uns aux autres pour se procurer ce dont ils ont besoin. Tu le peux voir, l'artisan a recours au laboureur et le laboureur ne peut se passer de l'artisan. Chacun d'eux a besoin de l'autre, parce que chacun d'eux ne sait pas faire ce que l'autre produit. Pareillement le clerc et le religieux ont besoin du séculier et le séculier ne peut se passer du religieux; ils sont nécessaires l'un à l'autre. Ainsi en est-il du reste des hommes.
Ne pouvais-je accorder à chaque homme tout ce qui lui était nécessaire? Oui bien. Mais c'est ma providence qui a voulu que chacun fût soumis à son semblable et fût ainsi amené par le besoin qu'ils ont les uns des autres à demeurer unis par les actes extérieurs et par le sentiment intérieur de la charité. J'ai fait éclater en eux ma magnificence, ma bonté, ma providence, et ils se laissent mener par les ténèbres de leur propre sensualité. Les membres mêmes de votre corps devraient vous faire rougir, car eux pratiquent entre eux la charité que vous ignorez vous-même. Quand la tête est malade, la main lui prête assistance, si c'est un doigt, ce tout petit membre, qui souffre, la tête ne dédaigne pas de se porter à son aide sous prétexte qu'elle est la partie la plus haute et la plus noble du corps: elle vient au contraire à son secours avec tout ce qu'elle possède, avec l'ouïe, avec la vue, avec la parole. Ainsi font tous les autres membres. Ce n'est pas de même qu'en agit l'homme orgueilleux, qui voyant l'un de ses membres pauvre et infirme, ne l'assiste pas dans sa nécessité, non pas certes de tout son avoir, mais encore de la moindre parole de bonté: il n'a pour sa misère que des reproches et en détourne la tête avec dégoût. il regorge de richesse et il laisse son semblable mourir de faim. Il ne s'aperçoit pas que sa bassesse et sa cruauté font monter jusqu'à moi une odeur de mort; mais c'est pour les profondeurs de l'enfer qu'est faite sa corruption.
Ma providence cependant veille sur ce pauvre, et par la pauvreté lui prépare des richesses magnifiques, tandis que le riche, s'il ne revient à résipiscence, subira les reproches dont l'accablera ma Vérité et qu'elle annonce dans le saint Evangile: " J'ai eu faim, tu ne m'as pas donné à manger; j'ai
eu soif, tu ne m'as pas donné à boire; j'ai été nu, tu ne m'as pas vétu; j'ai été malade, j'ai été prisonnier, tu ne m'as pas visite (
Mt 25,42) ."
Il lui servira de peu, à ce dernier jour, de prétendre s'excuser en disant: Mais! je ne vous ai pas vu! si je vous avais vu, je n'eusse pas manqué de vous assister! - Ce malheureux riche sait bien, c'est ma Vérité qui l'a dit, que ce qui est fait à ses pauvres est fait au Christ lui-même. Ce sera donc bien justement qu'il recevra avec les démons, un (221) châtiment sans fin. Car j'avais tout disposé, sur cette terre, pour le détourner de cette éternelle douleur.
Si tu élèves tes regards vers moi, qui suis la vie qui ne passe pas, si tu contemples la nature angélique et les citoyens de cette cité immortelle, qui, par la vertu du sang de l'Agneau1 ont obtenu la vie éternelle, tu verras que j'ai disposé avec ordre leur charité. Je n'ai pas voulu qu'aucun pût jouir tout seul, à part soi, de sa félicité dans cette vie bienheureuse, qu'il a reçue de moi, sans que tous les autres en eussent leur part. Non, je ne l'ai pas voulu, et leur amour mutuel s'ordonne en une charité si parfaite que le plus grand jouit du bonheur du plus petit et que le plus petit prend part à la joie du plus grand. Quand je parle de plus petit, c'est de la mesure qu'il a reçue que je l'entends; car tous ont la plénitude, le plus petit comme le plus grand, mais chacun à des degrés divers, comme je te l'ai expliqué ailleurs.
O combien fraternelle est cette charité! Comme étroitement elle unit à moi toutes ces âmes et toutes entre elles, puisque c'est de moi qu'ils la tiennent, et qu'ils reconnaissent avec sainte crainte et parfait respect, que c'est de moi qu'ils l'ont reçue. Cette considération les embrase d'amour pour moi; et en moi dès lors, ils voient et connaissent la dignité à laquelle je les ai élevés. L'ange entre en communication avec l'homme, avec l'âme bienheureuse, et les bienheureux avec les anges: unis qu'ils sont par les liens de la charité, chacun se réjouit du bonheur (222) de l'autre; et tous ensemble exultent dans la possession de moi-même. C'est une jubilation, une allégresse sans tristesse, une douceur sans amertume, parce que dans leur vie et à leur mort, ils m'ont goûté, moi, par sentiment d'amour, dans la charité du prochain.
Qui donc a établi cette belle ordonnance de l'amour? Ma sagesse, par les soins admirables de ma douce providence. Elle est partout et, si tu regardes au purgatoire, tu la trouveras encore, toujours ineffable et douce, à l'égard de ces pauvres âmes, qui par ignorance n'ont pas su tirer profit du temps et qui, séparées du corps, ne sont plus en état de pouvoir mériter. Aussi est-ce par vous que j'ai pourvu à leur situation, vous à qui le temps est encore donné, tant que vous êtes dans cette vie mortelle, et qui pouvez l'employer pour elles. Par vos aumônes, par les messes que vous pouvez faire dire à mes ministres, par les jeûnes, par les prières faites en état de grâce, il vous est donné d'abréger la durée de leur peine, en faisant appel à ma miséricorde.
N'avais-je pas raison de te dire que tu trouverais là encore, ma douce et fidèle providence. En t'exposant tout ce qu'elle a fait dans l'intérieur de l'âme pour votre salut, j'ai voulu L'embraser d'amour et te munir, par la lumière de la foi, d'une ferme espérance en ma providence. Sors de toi-même, et pour toute ta conduite espère en moi, sans crainte servile (223).





CHAPITRE XV

149
De la providence de Dieu à l'égard de ses serviteurs pauvres: comment il leur procure les choses temporelles.

Je veux maintenant te dire un mot des moyens que j'emploie, pour secourir mes serviteurs qui espèrent en moi dans les nécessités du corps.
Tous ont part à ma sollicitude, mais ils en éprouvent plus ou moins les effets suivant qu'ils sont plus ou moins parfaits, plus ou moins dépouillés du monde et d'eux-mêmes. Elle n'abandonne jamais mes pauvres, ceux qui sont pauvres en esprit et de volonté, par amour spirituel de la pauvreté. Voilà les vrais pauvres. Beaucoup sont pauvres qui ne voudraient pas l'être. Ceux-là sont riches de volonté, bien que mendiants dans la réalité, parce qu'ils n'espèrent pas en moi et n'acceptent pas volontairement la pauvreté, que le leur ai donnée comme une médecine pour leur âme: la richesse eût été pernicieuse pour eux et eût amené leur damnation.
Mes serviteurs, eux, sont pauvres, sans être mendiants. Le mendiant, maintes fois, manque du nécessaire et souffre de grandes privations, tandis que le pauvre n'est pas dans l'abondance, mais a du moins ce qu'il lui faut. Jamais je ne laisse manquer (224) celui qui se fie à moi, tant qu'il espère en moi. Je le réduis parfois à une certaine extrémité, pour lui faire voir et toucher que c'est moi qui peux et veux subvenir à ses besoins, pour lui faire aimer davantage ma providence et l'attacher à cette épouse, la vraie pauvreté. Mais alors, la clémence de mon Esprit-Saint, leur serviteur toujours attentif, voyant qu'ils n'ont pas ce qui leur est nécessaire pour les besoins du corps, soufflera la pensée et excitera le désir de les secourir, en quelque personne plus fortunée (lui les assistera dans leur détresse.
Toute la vie de mes chers pauvres est ainsi gouvernée, par la sollicitude que j'inspire a leur endroit aux serviteurs du monde. Il est vrai que pour éprouver leur patience, leur foi, leur persévérance, je permettrai qu'ils reçoivent des reproches, des injures, des affronts; mais celui-là même qui les insulte, est amené par ma clémence, à leur faire l'aumône et à subvenir à leurs besoins.
C'est là ma providence générale à l'égard de mes chers pauvres; mais quelquefois, avec mes grands serviteurs, j'interviendrai directement par moi-même, sans recourir aux créatures. Tu en as fait toi-même l'expérience, et tu as entendu conter ce trait de ton glorieux père Dominique. Dans les premiers temps de son ordre, les frères étaient dans la plus grande détresse. L'heure du repas venue, ils n'avaient rien à manger, mais mon bien-aimé serviteur Dominique, éclairé par la lumière de la foi, et plein de confiance dans ma providence dit à ses fils: Mettez-vous à table. Les frères obéirent à sa (225) parole et se mirent à table. Alors moi, qui ne fais jamais défaut à qui place en moi son espérance, j'envoyai deux anges, avec un pain très blanc, qui suffit largement à leurs besoins, pour plusieurs repas. Ce fut là un acte de ma providence, où l'homme n'eut aucune part et où la clémence de l'Esprit-Saint a tout fait.
En d'autres circonstances, je multiplie une petite quantité qui est insuffisante pour les besoins de mes serviteurs, comme il arriva à cette douce vierge, sainte Agnès, qui, depuis son enfance jusqu'à son dernier jour, me servit avec une si sincère humilité et une si ferme espérance, que jamais elle n'eut la moindre inquiétude, pour elle-même ou pour sa famille. Quand Marie lui donna l'ordre de bâtir un monastère à la place occupée par des femmes de mauvaise vie, elle était pauvre, elle manquait de tout. Mais sa foi était vive, elle ne prit même pas le temps de se demander jamais comment elle pourrait faire. Tout de suite, elle se mit à l'oeuvre et, avec l'assistance de ma providence, elle changea ce lieu de honte en lieu saint et bâtit un monastère capable de recevoir des religieuses. Elle y assembla aussitôt dix-huit jeunes vierges, qui n'avaient rien que ce qu'elles pouvaient attendre de ma providence. Une fois, entre autres, je permis qu'elles manquassent de pain; trois jours entiers, elles ne vécurent qu'avec des herbes.
Tu pourrais me demander: Comment en avez-vous agi ainsi avec elles? Ne venez-vous pas de me dire que vous ne manquiez jamais à ceux qui espèrent en vous, dans leur besoin? Il semble bien que dans ce cas-ci, vous les avez abandonnées dans leur nécessité, car, d'après la loi commune, l'homme ne peut soutenir son corps seulement avec des herbes. Il peut y avoir des exceptions pour les parfaits; mais, si Agnès était dans l'état de perfection, ses compagnes ne l'étaient pas.
Je te répondrai que, dans cette circonstance, j'ai agi de la sorte pour accroître jusqu'à l'ivresse, dans l'âme d'Agnès, l'amour de ma providence. Quant à celles qui étaient encore imparfaites, je les préparais ainsi au miracle qui suivit, et qui devait commencer de les affermir dans la lumière de la très sainte foi. Je communique d'ailleurs aux herbes ou à toute autre substance, en pareil cas, une vertu spéciale, ou je dispose le corps humain de telle sorte qu'il s'accommode mieux de ces quelques herbes, ou même du jeûne absolu, qu'il ne faisait auparavant du pain et des autres aliments qui servent d'ordinaire à la nourriture de l'homme. Tu le sais bien, pour en avoir fait toi-même l'expérience.
Après ces trois jours de disette, où elles étaient restées sans pain, Agnès éleva vers moi le regard de son esprit, tout baigné de la lumière de la très sainte foi: " Mon père, me dit-elle, mon Seigneur et éternel époux, ne m'avez-vous ordonné de faire sortir ces vierges de la maison de leurs parents que pour les laisser mourir de faim? Pourvoyez, Seigneur, à leurs besoins!" C'était moi qui lui inspirais cette demande. je me plaisais ainsi à éprouver sa foi, et j'avais pour agréable son humble prière (227).
Ma providence étendait déjà sa sollicitude au désir qu'elle exprimait ainsi devant moi, en inspirant à une personne la résolution d'apporter au monastère cinq petits pains.
Dans ce même temps, Agnès avertie par moi de ce qui se passait, disait à ses soeurs: "Allez, mes filles, on vous appelle au four, et apportez ce pain.
- Dès que le pain fut servi, elles se mirent à table et Agnès elle-même distribua le pain. Moi, je communiquai à son action une telle vertu, que toutes furent pleinement rassasiées. On recueillit les morceaux qui restaient, et ils étaient si abondants, qu'ils suffirent amplement à un autre repas. Ma providence avait en recours ici au prodige de la multiplication. Voilà les moyens qu'emploie ma providence envers mes serviteurs, envers ceux qui sont pauvres volontairement, et non seulement volontairement mais spirituellement; car, sans cette intention spirituelle, leur pauvreté ne leur servirait de rien. Certes, les philosophes, eux aussi, par amour pour la science et dans le désir de l'acquérir, méprisaient les richesses et se faisaient pauvres volontairement. Leur lumière naturelle suffisait à leur apprendre que les soucis des richesses de ce monde les empêcheraient d'acquérir cette science, dont la possession était le but assigné à leur intelligence comme terme de ses efforts. Mais comme cette volonté d'être pauvre n'était pas spirituelle, n'était pas inspirée parla gloire et l'honneur de mon nom, ils n'obtenaient point par elle, la vie de la grâce ni la perfection ils n'avaient droit qu'à la mort éternelle (228).





CHAPITRE XVI

150 Des maux qui découlent de la possession ou du désir déréglé des richesses temporelles.

Hélas! ma très chère fille, vois donc quelle honte pour ces hommes si misérablement avides des biens de ce monde, et qui ne suivent même pas les indications de la lumière naturelle, pour l'acquisition du bien suprême et éternel! Ils ne font même pas ce que faisaient ces philosophes, par amour de la science. Dés qu'ils avaient compris que les richesses étaient un obstacle pour eux, ceux-ci s'en dépouillaient, et ceux-là de leurs richesses veulent se faire un dieu, ni plus ni moins! N'est-il pas évident qu'ils ont plus de douleur de la perte de ces biens temporels, que de me perdre, moi, le bien suprême, l'éternelle richesse.
A y regarder de près, tu découvriras que c'est dans ce désir désordonné, dans cette volonté déréglée de devenir riche, qu'est la source de tous les maux. De là vient l'orgueil, qui veut dominer les autres. De là, l'injustice envers soi-même et envers autrui. De là, l'avarice, qui fait que par soif de l'or on se met peu en peine de savoir si pour s'enrichir l'on dépouille son frère, ou si l'on grossit ses propriétés des biens de la sainte Eglise (229), acquis par le sang du Verbe, mon Fils unique; de là, ce marché où l'on met à l'encan la chair de son prochain; de là, ce trafic du temps, où l'on vend ce qui n'est pas à soi, comme le font les usuriers; de là, cette gourmandise provoquée par l'abondance des mets, cette avidité gloutonne qui mène à l'impureté. Sans les facilités que leur donne la fortune, en verrait-on si souvent qui vivent dans le dérèglement et dans la honte. Que d'homicides, que de haines, que de rancunes, que de cruautés à l'égard du prochain, que d'infidélités envers moi! Ils s'attribuent à eux-mêmes tout le mérite d'avoir fondé leur fortune, sans reconnaître que les talents qu'ils y ont déployés, c'est de moi qu'ils les tiennent. Ce n'est pas à moi que va leur confiance ils n'en ont plus que dans leurs richesses.
Combien vaine pourtant cette espérance! Et combien aveugles ceux qui ne s'aperçoivent pas de sa fragilité! Ces richesses, il n'est pas rare qu'ils les perdent dès cette vie, par une dispensation spéciale de ma bonté, et pour leur bien; tout au moins, est-il certain qu'ils les perdront à la mort. Ils en verront alors l'inconstance et le vide! Elles tiennent l'âme en continuelle inquiétude, elles la tuent. Elles rendent l'homme cruel à lui-même, elles lui font perdre cette dignité de l'infini, pour le ramener au fini. Ce désir de la volonté qui doit l'unir à moi, qui suis le bien infini, l'homme le détourne de moi, pour l'abaisser à des choses finies et l'y attacher de tout son amour. Il y perd le goût de la vertu, il n'en perçoit plus la saveur, comme non plus le parfum (230) de la pauvreté. Il y perd la maîtrise de soi-même, en se faisant l'esclave de l'or. Il en est insatiable, parce qu'il aime une chose qui est moins que lui et incapable par conséquent de le satisfaire. Car toutes les créatures ont été faites pour l'homme, pour le service de l'homme, non pour que celui-ci se fasse leur serviteur. L'homme ne doit servir que moi qui suis sa fin.
A combien de périls, à combien de privations, et sur mer et sur terre, ne s'expose pas l'homme pour amasser la grande fortune, et revenir ensuite dans sa cité, pour y vivre dans les plaisirs et les honneurs! A-t-il quelque souci d'acquérir les vertus? supporte-t-il la moindre peine pour leur possession? Ce sont pourtant les richesses de l'âme. Son coeur, qui devrait être dévoué à me servir, est comme immergé dans cet amour des richesses, et sa conscience est écrasée sous le poids des gains illicites. Vois à quel abaissement il en est réduit, et la triste condition de son esclavage!
Si encore, sa fortune était stable; mais rien de plus mobile. Riche aujourd'hui, demain pauvre! Maintenant, sur le faîte, et tout à l'heure dans la poussière! Le voici honoré et respecté du monde à cause de ses richesses; et voilà que le monde le raille de les avoir perdues, il l'accable de ses sarcasmes, il lui fait honte de sa ruine, il est sans pitié pour sa chute! Cet homme se faisait aimer et on l'aimait, uniquement pour ses richesses! S'il s'était appliqué à mériter et à s'attirer l'affection et le respect, par de véritables vertus, l'estime et l'amour (231) des hommes lui fussent demeurés dans le désastre de sa fortune, qui eût laissé intact le trésor de ses vertus.
Et combien lourds les fardeaux qui pèsent sur cette conscience! Elle en est si écrasée, qu'elle ne peut courir dans le chemin où elle doit cependant accomplir son voyage, ni passer par la porte étroite.
Dans le saint Evangile, ma Vérité vous a dit qu'il était plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans la vie éternelle! Ces riches, ce sont ceux qui, par un attachement déréglé pour les biens de ce monde, possèdent ou convoitent les richesses. Nombreux sont ceux comme je t'ai dit, qui, pauvres en réalité, par leur attachement désordonné n'en possèdent pas moins le monde entier avec la volonté, s'ils pouvaient, de s'en rendre maîtres. Impossible à ceux-là de passer par la porte qui est étroite et basse; à moins qu'ils ne jettent leur charge, en retirant leur coeur de l'amour du monde, et qu'ils ne courbent la tête par humilité.
Or, c'est par cette porte qu'il faut passer: il n'y en a pas d'autre qui donne accès dans la vie. Il y a bien une grande porte; mais c'est sur l'éternelle damnation qu'elle s'ouvre! Et c'est par elle, que ces aveugles vont passer, sans voir la ruine où ils s'engagent, et ayant déjà un avant-goût de l'enfer. De toutes parts, ils sont entourés de tourments (232). S'ils désirent ce qu'ils ne peuvent avoir, ils se rongent de ne le point posséder. S'ils possèdent ce qu'ils désirent, il leur arrive d'en être dépouillés, et ce n'est pas sans déchirement qu'ils perdent ce qu'ils détenaient avec tant d'amour: leur douleur est égale à leur avidité. Ils perdent aussi la charité du prochain, et ne se mettent point en peine d'acquérir la moindre vertu.
O pourriture du monde! Saines, en vérité, sont en elles-mêmes les choses du monde, que je créai, moi, bonnes et parfaites, mais pourri, celui qui les possède ou les recherche avec un amour désordonné! Ta langue serait impuissante à redire, ma fille, tous les maux qui découlent de cet attachement déréglé et en proviennent tous les jours. Et ces malheureux esclaves de la richesse ne veulent pas voir ni reconnaître leur misérable sort (233).




CHAPITRE XVII

151
Excellence de la pauvreté spirituelle. Comment le Christ a enseigné cette pauvreté, non seulement par ses paroles, mais par son exemple. De la providence de Dieu envers ceux qui embrassent cette pauvreté.

Je t'ai déjà touché un mot, pour te faire mieux apprécier le trésor de la pauvreté volontaire spirituelle. Qui la connaît, sinon les chers pauvres mes serviteurs qui, pour passer par ce chemin et entrer par cette porte étroite, ont jeté bas le fardeau des richesses? Les uns le font réellement et spirituellement; ce sont ceux qui observent, réellement et spirituellement, et commandements et conseils. Les autres se contentent d'observer le conseil spirituellement, en se dépouillant de toute attache aux biens de ce monde. Dès lors, ils ne les possèdent plus avec un amour désordonné; ils observent avec un saint respect, l'ordre que j'ai fixé moi-même; ils ne se font pas les propriétaires de ce qu'ils ont, ils en demeurent les dispensateurs, au service des pauvres. Ce second état est bon; le premier est plus parfait, plus méritoire, plus dégagé d'entraves, plus propice aux interventions extérieures et éclatantes de ma providence, que je veux achever de te faire connaître en te recommandant la pauvreté (234) véritable. Dans l'un et l'autre état, mes serviteurs inclinent la tête et se font petits par humilité. Mais puisque, dans un autre endroit, s'il t'en souvient, je t'ai entretenue suffisamment du second, je te parlerai ici uniquement du premier.
J'ai dit et montré comment tous les maux, toutes les ruines, toutes les douleurs, en cette vie et dans l'autre, proviennent de l'amour des richesses. Par contre je te dis maintenant que tout bien, toute paix, tout repos vous sont assurés par la pauvreté véritable. Regarde donc un peu mes pauvres! Sur leur visage quelle allégresse, dans toute leur personne quelle jubilation! Jamais ils ne s'attristent de rien, si ce n'est de mon offense; mais cette tristesse, bien loin d'affliger l'âme, la fait vivre. Par la pauvreté, ils ont acquis la suprême richesse; ils ont renoncé aux ténèbres pour trouver la plus parfaite lumière; ils sont sortis de la tristesse du monde, pour entrer dans l'allégresse; au prix de biens périssables ils ont acquis des biens immortels. Aussi leur âme est-elle inondée d'une telle joie, que plus grande ne saurait être. Les labeurs leur sont un repos, les souffrances un rafraîchissement.
Vis-à-vis de tous les hommes leurs rapports sont réglés par la justice et par la charité fraternelle. Ils ne demandent rien aux créatures, eux en qui brille la vertu de la très sainte foi, de l'espérance vraie, et que dévore le feu de la divine charité. Par cette lumière de la très sainte foi, ils ont trouvé en moi la richesse suprême et impérissable, ils ont élevé leur espérance au-dessus du monde et de la vanité (235) de tous ces biens, et ils ont embrassé la pauvreté véritable. Ils en ont fait leur épouse, et accueilli du même coup tout le cortège de ses servantes. Et sais-tu quelles sont les servantes de la pauvreté? C'est l'abnégation, c'est le mépris de soi, c'est la sincère humilité, qui conservent et nourrissent dans l'âme, l'amour de la pauvreté. C'est avec cette foi, cette espérance, cette ardeur de charité, que mes vrais serviteurs ont foulé aux pieds les richesses et leur propre sentiment. Ainsi fit le glorieux apôtre Mathieu; il abandonna tout son argent, et laissa là son comptoir pour servir ma Vérité, qui vous apprit la manière et la règle, en vous montrant comment l'on aime et comment on sert la pauvreté.
C'est plus que des paroles que vous avez de lui, il vous a donné l'exemple. Depuis le premier jour de sa naissance jusqu'au dernier instant de sa mort, c'est par toute sa vie qu'il vous enseigna cette doctrine. Bien qu'il fût la suprême richesse, à raison de la nature divine par laquelle il est une même chose avec moi, et moi, le trésor des trésors, une même chose avec lui, il a voulu, pour vous, s'unir à la pauvreté; pour vous, il en a fait son épouse.
Si tu le veux voir dans l'extrême pauvreté, regarde ce Dieu, qui est fait homme; contemple-le dans cette bassesse, revêtu de votre humanité. Considère ce doux Verbe d'amour, naissant dans une étable, au cours d'un voyage de Marie, pour vous apprendre à vous, qui êtes voyageurs, que toujours, vous devez renaître dans cette étable, qui est la connaissance de vous-mêmes, où vous me trouverez, moi (236), qui par la grâce suis déjà né dans l'intime de vos âmes.
Tu le vois couché entre des animaux, en une grande détresse que Marie n'a même pas de quoi le couvrir. Il fait froid cependant, et, pour le réchauffer, elle n'a qu'un peu de foin et l'haleine des animaux. Il est, par lui-même, le feu de la charité, et il a voulu souffrir du froid dans son humanité, pleurant toute sa vie au cours de son existence en ce monde, il a voulu souffrir, sans ses disciples ou avec ses disciples. Une fois, la faim contraignit ses disciples à égrener des épis pour en manger les grains. Au dernier jour de sa vie, il fut dépouillé, mis à nu, attaché à la colonne, flagellé. Sur la croix, la soif le dévore et il se trouve en un si grand dénuement que la terre et le bois lui manquent pour appuyer sa tête, et qu'il doit la reposer sur son épaule. C'est alors qu'enivré d'amour, il vous fait un bain de son sang, qui, de toutes les blessures de cet Agneau, coule jusqu'à la dernière goutte. C'est du fond de sa misère, qu'il vous communique la grande richesse. De ce bois étroit de la croix où il est étendu, il répand ses largesses sur toutes les créatures raisonnables; en goûtant à l'amertume du fiel, il vous procure à vous l'inaltérable douceur. Plongé dans la tristesse, il vous distribue la consolation; en demeurant attaché et cloué à la croix, il vous délivre des liens du péché mortel; en devenant esclave, il vous fait libres et vous arrache à la servitude du démon. Il a été vendu, et il vous rachète par son sang. En acceptant pour lui la mort, à vous il a donné la vie (237).
Quelle belle règle d'amour il vous a donc enseignée! Il vous a donné la plus grande preuve d'amour qui se puisse voir, en donnant sa vie pour vous, pour vous qui étiez ses ennemis et mes ennemis à moi, le Père éternel et souverain. Voilà ce que ne connaît pas l'homme ignorant, qui m'offense tant et estime si peu un si grand prix.
Il vous a donné la règle de l'humilité vraie, en se soumettant lui-même aux opprobres de la croix; de l'abaissement, en endurant les outrages et les affronts sans nombre; de la vraie pauvreté, puisque, dans la sainte Ecriture, il a pu se plaindre lui-même, que: " les renards ont leur tanière, les oiseaux du ciel ont leur nid, tandis que le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête(
Lc 9,58) ".
Ces leçons, qui les peut comprendre? Celui qui possède la lumière de la très sainte foi. Mais qui donc la possède, cette lumière? Mes pauvres en esprit, qui ont choisi pour épouse la reine Pauvreté, en rejetant loin d'eux ces richesses qui causent les ténèbres de l'infidélité.
Cette reine a son royaume, qu'aucune guerre ne trouble, dont rien n'altère la paix et la tranquillité. La justice y abonde, parce que tout ce qui est une occasion d'injustice en a été banni. Les murailles de la cité sont fortes, parce qu'elles n'ont pas été établies sur la terre, mais sur la roche vive, le doux Christ Jésus, mon Fils unique. L'intérieur de cette cité est éclairé d'une lumière sans ombre, parce que (238) la mère de cette reine, c'est l'abîme même de la divine charité. Cette cité a pour ornement la piété, la miséricorde, parce qu'on en a expulsé le tyran de la richesse, qui la souillait de ses cruautés. Entre tous les citoyens, c'est une bienveillance qui a sa source dans une fraternelle dilection. On y trouve aussi l'infatigable persévérance, la prudence qui possède et gouverne la cité, avec une sagesse avisée et vigilante. L'âme qui épouse cette douce reine Pauvreté devient maîtresse, par le fait, de tous ces trésors, car ce qui est à l'une est à l'autre.
Malheur à elle, si le désir des richesses périssables allait porter la mort dans cette âme! Elle perdrait du même coup tous ces biens, et chassée de la cité, elle se trouverait dans la plus grande misère; mais, si elle demeure loyale et fidèle à cette épouse, c'est pour toujours, c'est pour l'éternité qu'elle a été associée à son trésor.
Pour en apprécier l'excellence, il n'est encore que la lumière de la foi. Cette épouse revêt son époux de la pureté, et le dépouillant des richesses, cause pour lui de tant de souillures, elle l'isole des compagnies mauvaises et lui en procure de bonnes; elle le guérit de sa coupable négligence, en le délivrant des soucis du monde et de ses biens; elle écarte de lui l'amertume et ne lui réserve que douceur; elle taille les épines pour ne laisser que la rose. Elle purge l'âme et l'allège des humeurs corrompues, de l'amour déréglé, puis elle la dispose à faire sa nourriture des vertus qui lui font éprouver une grande suavité. Elle met à son service la (239) haine et l'amour, en leur confiant les soins de propreté à l'intérieur. La haine du vice et de la sensualité fait le nettoyage de l'âme; l'amour des vertus remet tout en ordre, en faisant taire les doutes, en supprimant la crainte servile, et en lui rendant la sécurité avec la sainte crainte. Toutes les grâces, toutes les joies et les consolations qu'elle peut désirer, sont désormais le lot de l'âme qui a pris pour épouse la reine Pauvreté. Elle n'a pas peur des brigues, parce qu'il n'est personne pour lui faire la guerre; elle ne redoute pas la faim ni la disette, car sa foi ne voit de bien que moi, qui suis toute richesse et n'espère qu'en moi, providence attentive, qui pais et nourris ceux qui se fient à moi. A-t-on jamais trouvé un de mes vrais serviteurs, époux de la pauvreté, qui soit mort de faim? Non en vérité. Mais il s'en est bien rencontré, parmi ces grands riches, qui ont péri de misère, pour avoir placé toute leur espérance dans leurs trésors au lieu d'avoir confiance en moi. A mes pauvres jamais je n'ai manqué, parce qu'ils ne manquaient pas de confiance; toujours j'ai pourvu à leurs besoins, comme un bon et tendre père. Oh! avec quelle allégresse, avec quel abandon ils sont venus à moi, dès qu'ils ont connu à la lumière de la foi, que depuis le premier jusqu'au dernier jour du monde, ma providence a veillé, veille et veillera sur eux, en toute chose, au temporel comme au spirituel, comme je t'ai dit. Je leur ménage des souffrances, je ne te l'ai pas caché, pour assurer leur progrès dans la foi et dans l'espérance, et leur procurer (240) une occasion de mérites, mais jamais je ne manque de les assister dans leurs besoins. En toute occurrence, ils ont éprouvé l'abîme de ma divine providence et goûté le' lait de la divine douceur.
Aussi ne redoutent-ils point l'amertume de la mort, morts déjà à eux-mêmes et aux richesses et fidèlement attachés à leur épouse la pauvreté. Eperdument amoureux de ma volonté et ne vivant que pour elle, ils sont prêts à supporter le froid, la nudité, le chaud, la faim, la soif, les railleries, les affronts, et, de tout leur coeur, ils s'empressent à la mort, heureux de donner leur vie par amour de la vie, par amour pour moi qui suis leur vie, et de verser leur sang pour l'amour du Sang.
Regarde-les mes pauvres! Vois les apôtres et les autres, mes glorieux martyrs, Pierre, Paul, Etienne, Laurent!
Laurent, dans son supplice, paraissait être non sur un gril de feu, mais sur un lit de fleurs délicieuses, donnant tranquillement la réplique au bourreau:"Ce côté est cuit, lui disait-il, tourne-le, et commence à manger". Le grand feu de la charité divine, qui dévorait son âme, l'empêchait de sentir le petit feu qui brûlait son corps.
A Etienne, les pierres semblaient des roses. Et la cause? L'amour avec lequel il avait pris pour épouse la pauvreté véritable. Il avait quitté le monde, pour l'honneur et la gloire de mon nom, pour épouser la pauvreté, dans la lumière de la foi, avec une ferme espérance et une prompte obéissance. Tous ceux-là s'étaient faits obéissants aux commandements et (241) aux conseils que leur avait donnés ma Vérité, réellement et mentalement, comme il a été dit. Ils n'avaient de désir que de la mort, de dégoût et d'impatience que de la vie, non pour fuir le labeur et la peine, mais pour s'unir à moi qui suis leur fin. Et pourquoi ne craignent-ils pas la mort, dont la peur est naturelle à l'homme? Parce que leur épouse, la pauvreté, leur a donné la sécurité, en les dégageant de l'amour d'eux-mêmes et des biens de ce monde. Par la vertu, ils ont donc foulé aux pieds l'amour naturel et reçu cette lumière et cet amour divin qui sont surnaturels.
Comment l'homme qui est parvenu à cet état, pourrait-il s'attrister de la mort, quand il désire de quitter la vie, quand il la regarde comme un fardeau, toujours plus lourd à porter, à mesure qu'elle se prolonge davantage. Regretterait-il d'abandonner les biens du monde, celui qui les a méprisés avec tant d'ardeur? Ce n'est pas un mystère, que celui qui n'aime pas une chose n'a nul chagrin de la perdre, et qu'il se réjouit de la quitter, quand il la déteste. Ainsi, de quelque côté que tu regardes, tu trouves en eux la paix parfaite, le repos et tout bien; tandis que dans les malheureux qui possèdent de grandes richesses, avec un amour si désordonné, tu ne rencontres que les plus grands maux et d'intolérables souffrances. Voilà l'exacte vérité. Les apparences parfois pourraient faire croire le contraire les apparences sont menteuses.
Qui n'eût pensé que le pauvre Lazare était dans la plus grande misère, tandis que te riche maudit (242) était dans l'allégresse et la tranquillité? Il n'en était rien cependant. Avec toutes ses richesses, le riche endurait plus de peines, que le pauvre Lazare dévoré par la lèpre. Le riche avait conservé sa propre volonté toute vive, qui faisait son tourment. En Lazare, la volonté était morte, ou ne vivait qu'en moi, qui le fortifiais et le consolais dans sa souffrance. Repoussé des hommes, en particulier de ce riche maudit, sans personne pour laver ses plaies et s'occuper de lui, ma providence lui envoyait quelque animal sans raison qui léchait ses ulcères. Mais au terme de leur vie, - vous le voyez à la lumière de la foi, si Lazare a la vie éternelle, le riche est en enfer.
Oui, je le répète, les riches sont plongés dans la tristesse, et mes chers pauvres débordent d'allégresse. Je les garde sur mon sein, où je leur donne le lait des multiples consolations. Pour avoir tout quitté, ils me possèdent tout entier. L'Esprit-Saint se fait la nourrice de leur âme et de leur pauvre corps, en quelque situation qu'ils se trouvent. Ma providence leur envoie même des animaux, pour les assister quand il en est besoin. Je secoure le solitaire malade, en inspirant à un autre solitaire de quitter sa retraite pour l'aller visiter. Tu sais bien toi-même, que maintes fois il est arrivé que je te faisais sortir de ta cellule, pour subvenir aux nécessités des pauvres qui avaient besoin de toi. En d'autres circonstances, ne t'ai-je pas fait expérimenter pour toi-même, les attentions de cette même providence, en t'envoyant les secours qui t'étaient (243) nécessaires. Quand manquait la créature, je ne manquais pas, moi, ton Créateur. Non: toujours, d'une manière ou d'une autre, je fais sentir ma providence!
D'où vient, par exemple, qu'un homme comblé de richesses, qui donne à son corps tous les soins, qui le revêt de luxueux habits, sera toujours malade? Puis, pour l'amour de moi, il embrasse la pauvreté, n'a de vêtements que ce qu'il lui faut, et désormais le voilà devenu sain et fort; il semble que rien ne puisse lui nuire, son corps résiste à tout, il s'accommode de tout, du froid, du chaud, de la nourriture la plus grossière. Encore une fois d'où vient ce renversement des choses, sinon de ma providence, qui a voulu l'arracher aux soins excessifs dont il entourait son corps, pour l'amener à renoncer à tout.
Vois donc, fille bien-aimée, quelle est la paix et la joie tranquille où vivent mes amis les chers pauvres(244)!





Catherine de Sienne, Dialogue 148