Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 49, AUX SEIGNEURS DE FLORENCE
L (199). - AUX SEIGNEURS PRIEURS DES ARTS et au gonfalonier de la justice du peuple et de la commune de Florence. - De la reconnaissance envers Dieu, et de l'amour que nous devons avoir envers le Souverain Pontife et la sainte Eglise.
(Cette lettre est écrite de Rome en 1379.- Les prieurs des arts, ou chefs de corps d'état, étaient arrivés, en 1343, à s'emparer de Florence, en excitant les nobles de toutes les charges. Les nobles, pour prendre part aux affaires publiques, se firent inscrire dans tes corps d'état. Le gonfalonier chargé de rendre justice était le premier magistrat de Florence.)
AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE.
1. Très chers Frères dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs [406] de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang avec le désir de vous voir pleins de reconnaissance pour les grâces que vous recevez de votre Créateur. Cette reconnaissance alimente la source de la piété dans l'âme, tandis que l'ingratitude la dessèche. Il faut donc, pour l'honneur de Dieu et notre bien-être, nous montrer reconnaissants et fidèles. Mais je ne puis comprendre que nous puissions l'être tant que nous serons revêtus du vieux vêtement de l'amour sensitif. Car celui qui s'aime de l'amour sensitif, est ce vieil homme dont se sont revêtus nos premiers parents Adam et Eve, qui ont tari la source la piété non seulement en eux-mêmes, mais encore dans tout le genre humain, tellement que la vie éternelle fut fermée, et que personne avec sa justice ne pouvait y entrer. Quelle fut la cause d'un si grand malheur? l'amour-propre, cet amour qui rend l'homme ingrat, et qui enfante l'orgueil. C'est ainsi qu'Adam ne fut pas reconnaissant de l'innocence de la puissance que Dieu lui avait données en le faisant maître et seigneur de toutes les créatures privées de raison; l'animal qu'il eût appelé serait venu à lui comme son sujet. Mais après que son ingratitude lui eût fait transgresser le commandement de Dieu, il trouva la révolte dans tous les animaux, et comme il s'était révolté contre Dieu, il trouva en lui-même la révolte de cette loi mauvaise de la chair fragile, qui combat sans cesse contre l'esprit. Quiconque est revêtu du vieil homme ne peut être agréable à Dieu ni aux créatures.
2. D'où vient l'ingratitude? De l'amour-propre qui détruit la charité et rend l'homme orgueilleux [408], en lui faisant croire que ce qu'il a de bien vient de lui ,et non pas de Dieu. Il ne voit pas son néant, parce que l'amour-propre l'a aveuglé. S'il se voyait, il reconnaîtrait que l'être et toutes les grâces qui sont ajoutées à son être spirituel et temporel, lui viennent Dieu, parce que Dieu seul est Celui qui est. L'ingrat n'est pas patient, parce qu'il est séparé de la charité et de l'amour du prochain; son espérance est vaine, parce qu'il se confie en lui-même; il espère dans le secours des hommes, et non dans le secours de Dieu. Sa foi est morte, parce qu'elle est sans bonnes oeuvres, et que la foi sans les oeuvres est morte. S'il est sujet, il se révolte; s'il est seigneur possédant des Etats, il commet l'injustice, et ne rend la justice qu'avec un esprit qui n'est pas la justice, mais plutôt l'injustice, car il la rend par haine ou par antipathie contre les autres, pour plaire ou ne pas déplaire aux créatures, ou pour son utilité particulière. Nous voyons donc qu'en toute chose il ne pratique pas la sainte justice. Les nobles se sont faits tyrans, et au sein de la commune, le peuple ne se nourrit pas de justice et de charité fraternelle, mais chacun trompe et ment pour son intérêt, sans s'occuper de l'intérêt général. Tous cherchent le pouvoir pour eux-mêmes, et non pour le bien de la ville. Les aveugles ne voient pas ce qui leur arrive; ils perdent en croyant acquérir, et ce qu'ils croient posséder leur échappe quand ils n'y pensent pas. Nous l'avons vu et nous l'avons éprouvé. La justice de Dieu le permet pour nous corriger de notre ingratitude et nous faire rentrer en nous-mêmes en nous humiliant sous la verge de sa main puissante. Celui qui est ainsi aveuglé par l'ignorance et l'ingratitude [409] peut-il être assez insensé pour penser acquérir et conserver la grâce, et posséder la puissance sur lui-même, on soumettant avec ingratitude la raison à sa propre fragilité? Il n'y a aucun mal, mes très chers Frères, qui ne sorte de ce vice.
3. Il vous est donc nécessaire de vous dépouiller du vieil homme, c'est-à-dire de l'amour-propre, d'où vient l'ingratitude, et de vous revêtir de l'homme nouveau du Christ, du doux Jésus, c'est-à-dire de sa doctrine, on suivant ses traces. Pour obéir à son Père, pour sauver et expier la faute de notre premier père, il a fait le contraire de ce qu'Adam avait fait. Adam, par sa désobéissance, a couru au plaisir avec orgueil et oubli des bienfaits reçus; et le doux et tendre Verbe, transporté d'amour, a couru par obéissance jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Dieu s'est abaissé jusqu'à l'homme on prenant notre humanité, et l'homme-Dieu s'est humilié jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Il a ainsi expié notre ingratitude on se faisant notre médiateur. Il faut nous revêtir de la doctrine de cet homme nouveau avec un véritable et saint zèle; il faut nous revêtir de la charité qu'il nous a montrée par tant d'amour. A moins que l'homme ne soit plus dur qu'un rocher, à moins qu'il ne soit grossier et sans intelligence, il ne pourra s'empêcher d'aimer; car une loi de l'amour est d'aimer quand on se voit aimé. Mais le nuage de l'amour-propre nous prive de la lumière, nous ne voyons pas, et celui qui ne voit pas ne connaît pas, n'aime pas. et on n'aimant pas il ne peut-être reconnaissant. Il faut donc la lumière pour connaître combien Dieu nous aime, quels [410] sont nos défauts, et à qui Dieu veut que nous prouvions l'amour que nous avons pour lui.
4. Nous voyons que le prochain nous a été donné comme moyen de montrer l'amour que nous avons pour Dieu; car, dans l'impuissance oui nous sommes de rendre Service au Bien suprême, Dieu veut que nous le fassions pour notre prochain, et que nous prouvions on lui notre amour en l'assistant, le secourant, le conseillant, chacun selon son état. C'est une dette que chacun est tenu de lui payer, comme aussi nous devons être soumis et obéissants à la sainte Eglise, et l'assister autant que nous le pourrons. Si nous sommes tenus à secourir notre frère dans ses besoins, combien devons-nous faire plus pour notre Mère la sainte Eglise, et notre Père le Christ de la terre!i c'est à leur égard surtout que nous montrerons notre reconnaissance des bienfaits reçus, et que nous alimenterons on nous la source de la piété. C'est à cette reconnaissance que je vous invite, et il me semble que jusqu'à présent, vous l'avez peu ressentie. Ne faites pas ainsi, très chers Frères, car la verge de la justice divine qui nous a frappés et nous frappera n'est pas brisée; rappelez - vous toujours les fautes que vous avez commises et les grâces que vous avez reçues, afin que vous soyez reconnaissants, et que vous nourrissiez on vous la source de la piété (La paix fut conclue entre les Florentins et le Saint-Siège au mois de juillet 1378.).
5. Ne nous trompons pas, mes doux Frères, nos fautes sont nombreuses, nous avons commis bien des iniquités contre Dieu, contre le prochain, contre [411] le Vicaire de Jésus-Christ, contre la sainte Eglise; et ces iniquités, vous ne pouvez les excuser par les défauts des pasteurs et des ministres de la sainte, Eglise: car ce n'est pas à vous de les punir, mais au Juge suprême et à son représentant. Maintenant, malgré ces fautes qui méritaient une si grande punition, vous avez reçu miséricorde, vous avez été remis avec bonté sur le sein de la sainte Eglise et vous pouvez, si vous le voulez, recevoir le fruit du précieux Sang par le Pape Urbain VI, le vrai Souverain Pontife, le Vicaire du Christ sur la terre; qui vous a pardonné et absous avec tant de charité, vous accordant ce que vous lui demandiez, vous traitant, non pas comme des enfants qui se sont révoltés contre leur père, mais comme des enfants qui ne l'ont jamais offensé. Et maintenant que vous le voyez dans de si grandes difficultés, non seulement vous ne l'aidez pas, mais vous ne faites pas ce que vous avez promis vous donnez ainsi des preuves de cette grande ingratitude pour laquelle je crains bien, si vous ne changez, que Dieu ne permette que vous vous en punissiez vous-mêmes, comme vous l'avez fait autrefois.
6. Je vous prie donc, pour l'amour de Jésus crucifié et dans votre intérêt, d'affermir votre coeur, pour qu'il n'hésite plus et qu'il croie fermement que le Pape Urbain VI est le véritable Souverain Pontife. Montrez que vous êtes reconnaissants et fidèles à la vérité, en accomplissant ce que vous avez promis de faire pour la sainte Eglise et pour votre Père. Examinez bien si cela vous est utile ou non. Vous êtes affaiblis par vos divisions, et il y a de grands orages dans le monde [412]. C'est le seul moyen de conserver vos Etats; vous les perdrez par l'ingratitude. C'est pourquoi je vous ai dit que je désirais vous voir pleins de reconnaissance, car je vois que c'est par cette vertu que nous alimentons la source de la piété, et que nous invitons Dieu à multiplier ses grâces. Je veux donc que vous vous appliquiez à la montrer, comme des fils véritables qui doivent dans la sainte Eglise combattre pour la vérité, pour la Foi, en dissipant et en détruisant tout ce qui pourrait lui porter atteinte. C'est ainsi que vous reconnaîtrez les grâces reçues, et que vous vous purifierez de vos fautes. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Aimez-vous, aimez-vous les uns les autres; car si vous vous nuisez entre vous, personne ne vous fera du bien. Ne dormez plus sur le lit de l'ingratitude, mais soyez reconnaissants pour Dieu, pour le sainte Eglise, et pour notre Père Urbain VI. Vous serez bénis alors, et vous conserverez les biens de la grâce spirituelle et temporelle. Perdez l'amour-propre, et persévérez dans son amour par la charité. Rendez à chacun ce qui lui est dû. Par donnez à mon ignorance; c'est l'amour de votre salut qui m'a portée à vous écrire, et j'y ai été forcée par la douce Bonté divine. Doux Jésus, Jésus amour [413].
LI (215). - A BUONACORSO DE LAPO, à Florence, lorsque la sainte était à Avignon. - Elle se plaint des Florentins qui n'usaient pas des moyens convenables pour demander au Pape la paix, comme ils l'avaient promis d'abord.
(Buonacorso était un des citoyens les plus influents de Florence; il avait été envoyé en ambassade à Sienne en 1375, et il avait, à cette occasion, connu sainte Catherine.)
AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE
1. Très cher Frère dans le Christ, le doux Jésus, moi Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir, vous et les autres seigneurs, pacifier vos coeurs et vos âmes dans le très doux sang. C'est dans ce sang que s'éteignent la haine et la guerre, et que s'abaisse l'orgueil de l'homme, car dans ce sang l'homme voit Dieu descendre jusqu'à lui en revêtant notre humanité; et cette humanité a été percée et clouée sur la Croix, par toutes les blessures du corps de Jésus crucifié; ce sang a coulé et s'est répandu sur nous, et voici qu'il nous est distribué par les ministres de la sainte Eglise. Je vous prie par l'amour de Jésus crucifié de recevoir ce trésor du sang que vous offre l'Epouse du Christ. Réconciliez-vous, réconciliez-vous avec elle dans ce sang; reconnaissez vos fautes et les outrages dont vous êtes coupable car celui qui reconnaît ses fautes, et prouve qu'il les reconnaît en s'humiliant, reçoit toujours miséricorde; mais celui qui montre seulement [414] son repentir par des paroles et non par des actes, n'obtient jamais miséricorde. Je ne vous dis pas cela seulement pour vous, mais aussi pour les autres qui sont tombés dans cette faute.
2. Hélas! hélas! mon très cher Frère, je suis bien affligée des moyens qu'on prend pour demander la paix au très Saint-Père: on la veut plus en paroles qu'en vérité. Je vous dis cela parce que, quand je suis venue ici, vous et les autres seigneurs vous paraissiez, dans vos discours, repentants des fautes commises, et prêts à vous humilier pour obtenir miséricorde du Saint-Père. Je vous disais: " Voyez, Messeigneurs, si vous avez l'intention de vous humilier réellement, et si vous voulez que je vous présente à votre Père comme des enfants soumis jusqu'à la mort. Si vous y consentez, je ne craindrai aucune fatigue: mais autrement je ne partirai pas. " Ils m'ont tous répondu qu'ils y consentaient avec joie. Hélas! hélas! mes très chers Frères, c'était la voie et la porte par laquelle il fallait entrer, il n'y en avait pas d'autres; si vous aviez suivi cette voie, si vos actes avaient été en rapport avec vos paroles, vous auriez obtenu la paix la plus glorieuse qu'on puisse obtenir. Et je ne le dis pas sans raison, car je sais quelles étaient les dispositions du Saint-Père pour la faire. Mais ensuite nous avons commencé à sortir de la voie (Lettre XLVII . Vie de Sainte Catherine, p. III, c.7.); nous avons employé les moyens trompeurs du monde, et on démentant nos paroles par nos actions, nous avons donné sujet au Saint-Père non pas de s'apaiser, mais de s'irriter davantage [415]
3. Lorsque vos ambassadeurs sont arrivés ici, ils ne se sont pas conduits comme ils devaient le faire avec les serviteurs de Dieu. Vous avez suivi vos idées; de sorte qu'il m'est impossible de conférer avec eux pour savoir si vous leur avez parlé comme à moi, en leur remettant leurs lettres de créance. Il était convenu que nous conférerions de tout ensemble; vous aviez dit: " Nous croyons que rien ne pourra se faire que par les mains des serviteurs de Dieu; " et vous avez fait tout le contraire. Cela vient de ce que nous ne reconnaissons pas bien nos fautes, et je vois que toutes ces paroles humbles voilaient plutôt de la peur et de la nécessité que de l'amour et de la vertu car si vous aviez compris véritablement l'offense que vous aviez commise, votre conduite eût répondu à vos paroles, et vous auriez confié vos intérêts et ce que vous vouliez obtenir du Saint-Père aux vrais serviteurs de Dieu, qui auraient présenté votre demande et obtenu du Saint-Père une bonne paix. Vous ne l'avez pas fait. J'en ai été très affligée à cause de l'offense de Dieu et du tort que vous vous faites à vous-même. Vous ne voyez pas le mal, et les suites fâcheuses qu'entraîneront votre obstination et votre persévérance dans votre ligne de conduite.
4. Hélas! hélas! délivrez vous donc des liens de l'orgueil, et attachez-vous à l'humble Agneau ne méprisez pas son vicaire, et n'agissez pas contre lui. Qu'il n'en soit plus ainsi, pour l'amour de Jésus crucifié. Ne foulez pas aux pieds son sang; et ce que vous n'avez pas fait jusqu'à présent, faites-le maintenant. Ne vous affligez pas, ne vous irritez [416] pas s'il vous semble que le Saint-Père vous demande des choses dures et impossibles. Il ne voudra que ce qui est possible il fera comme un bon père qui punit un fils coupable: il le réprimande sévèrement pour l'humilier et lui faire reconnaître sa faute et le fils ne s'irrite pas contre son père, parce qu'il voit que ce qu'il fait il le fait pour son bien; et plus il le repousse, plus il revient, demandant toujours miséricorde. Je vous le dis de la part de Jésus crucifié; toutes les fois que notre Père le Christ de la terre vous repoussera, revenez à lui; laissez-le faire, il a ses raisons. Voici qu'il va rejoindre son Epouse, la ville de saint Pierre et de saint Paul; courez vers lui avec une humilité de coeur sincère et avec le regret de vos fautes; suivez les saintes résolutions que vous aviez d'abord prises. En le faisant, vous obtiendrez la paix spirituelle et temporelle; en ne le faisant pas, nous éprouverons des malheurs que nos pères n'ont jamais connus, nous attirerons la colère de Dieu sur nous, et nous ne participerons pas au sang de l'Agneau. Je ne vous on dis pas davantage. Sollicitez tant que vous le pourrez lorsque le Saint-Père sera à Rome. Je fais et je ferai tout ce que je pourrai faire jusqu'à la mort pour l'honneur de Dieu et pour la paix, afin de faire cesser l'obstacle qui empêche la sainte croisade. Lors même que nous ne ferions que ce mal, nous serions mille fois dignes de l'enfer prenez courage dans le Christ, notre doux Jésus. J'espère de sa bonté que, si vous faites ce que vous devez, vous aurez une bonne paix. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [417] .
LII (216). A NICOLAS SODERINI, à Florence. - De la crainte filiale des vrais serviteurs de Dieu. - Il faut toujours travailler à acquérir la vertu et à augmenter en soi la grâce.
(Nicolas Soderini était un noble Florentin, d'une haute piété. Ce fut dans sa maison que logea sainte Catherine pendant sou séjour à Florence. (Vie de sainte Catherine, p. III, ch. 7 .)
AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE
1. Mon très révérend et très cher Frère dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous encourage et je vous bénis dans son précieux sang, avec le désir de vous voir le serviteur et le vrai fils de Jésus crucifié, vous et toute votre famille; car vous avez été racheté par le Fils de Dieu. Soyez donc comme le serviteur en présence de son maître, craignant toujours de l'offenser et de lui déplaire. Je veux que vous agissiez ainsi, et que vous pensiez sans cesse au sang qui l'a rendu notre Maître. Il a toujours le regard sur nous, et nous devons toujours craindre d'offenser ce doux et cher Seigneur. C'est cette sainte crainte qui entre dans l'âme comme un serviteur, et en chasse le vice, le péché et tout ce qui peut être contre la volonté de son maître.
2. Je désire aussi que vous soyez le fils de votre Père céleste, qui vous a créé h son image et ressemblance. Il a fait pour vous et pour toute créature [418] comme fait le père qui met un trésor entre les mains de son fils et l'envoie loin de la ville pour qu'il devienne riche et puissant: de même ce doux Père, lorsqu'il eut créé l'âme, lui donna le trésor du temps et le libre arbitre de la volonté pour qu'elle s'enrichisse. Vous voyez bien que c'est la vérité: car nous sommes des étrangers et des voyageurs en cette vie, et nous pouvons faire fortune avec le trésor du temps et le libre arbitre. Pendant ce temps la créature peut vaincre sa volonté, son libre ,arbitre, et par ce moyen détruire la vanité coupable, les caprices, les inquiétudes et les plaisirs du monde. Ce sont là des marchandises qui appauvrissent toujours l'homme, car elles n'ont aucune durée aucune solidité; elles brillent au dehors, et sont gâtées au dedans et pleines de la corruption du péché: c'est cette belle apparence qui séduit l'homme et qui les lui fait acheter.
3. Très cher et vénérable Frère en Jésus-Christ, je n'entends pas, je ne veux pas que ce trésor que le Père nous a donné par sa grâce divine et sa miséricorde, nous le dépensions en une si vile marchandise; car nous serions justement condamnés par notre Père. Oui, comme de bons fils et avec un grand zèle, employons ce doux trésor h acheter des marchandises parfaites. Elles sont le contraire des autres i leur apparence est obscure, pauvre et méprisable; mais nu fond elles ont une valeur qui nourrit et enrichit par la grâce ici-bas, et procure ensuite dans la vie éternelle la jouissance de l'héritage du Père. Quel est donc ce trésor qui enrichit celui qui l'achète? Ce trésor est le mépris des [419] honneurs, des plaisirs, des richesses, des consolations des applaudissements des hommes, et l'amour des vertus sincères et solides, qui paraissent petites aux yeux du monde, mais qui renferment le trésor de la grâce. Il paraît petit au monde de choisir les mauvais traitements, les injures, les affronts, et de préférer la pauvreté volontaire qui repousse l'orgueil, les honneurs du monde, et rend humbles par la vertu celui qui s'élevait; il ne veut suivre d'autres traces que celles de son maître, qui lui a confié le trésor du libre arbitre avec lequel il peut gagner ou perdre, selon qu'il le veut et selon la marchandise qu'il achète.
4. O doux et saint trésor des vertus, vous pouvez en toute assurance voyager sur mer et sur terre et au milieu des ennemis sans avoir rien à craindre, car vous avez caché en vous Dieu, qui est l'éternelle vérité. Les hommes et leurs injures ne peuvent ôter la patience, car personne dans le monde ne recherche les injures, et la patience se montre par le moyen des injures et des peines. Ainsi fait l'ardente et tendre charité. tandis que l'amour-propre se cherche toujours lui même; le coeur rempli des richesses de la charité possède la joie et la sûreté. Il ne pense pas à lui, il ne se cherche pas pour lui, mais il se cherche pour Dieu, et le prochain pour Dieu. Enfin toutes ses oeuvres ne sont pas faites intérieurement pour sa propre utilité, mais pour son Père, à son retour dans la maison. Ne dormons donc plus dans le lit de la négligence, car il est temps d'employer notre trésor on une douce marchandise. Savez-vous laquelle? le sacrifice de notre [420] vie pour notre Dieu; c'est ainsi que nous expierons toutes nos fautes.
5. Je vous dis cela à cause du parfum de la fleur qui commence à s'épanouir je parle de la sainte croisade au sujet de laquelle le Souverain Pontife, notre Christ sur terre, voudrait connaître les bonnes dispositions et la volonté des chrétiens. S'ils étaient prêts à sacrifier leur vie pour conquérir la Terre Sainte, il les aiderait de toute sa puissance. C'est ce que dit la bulle qu'il a nvoyée à notre provincial, au ministre des frères Mineurs et à frère Raymond (Cette bulle fut adressée d'Avignon par Grégoire XI). Il leur recommande d'examiner avec soin les dispostions favorables qu'on trouverait en Toscane et dans tous les autres pays, et il veut qu'on lui fasse connaître le nombre de ceux qui désirent la croisade, afin de la préparer et de la réaliser. Je vous invite donc aux noces éternelles; enflammez-vous du désir de donner vie pour vie et d'enrôler le plus de monde que vous pourrez, car on ne va pas seul aux noces, et vous ne pouvez reculer. Je ne vous en dis pas davantage.
6. Je vous remercie avec affection de la charité que vous m'avez montrée. J'ai tout appris par la lettre et par le Maître. Je suis incapable de reconnaître votre bienveillance, mais je prie et je prierai sans cesse l'éternelle Bonté de vous récompenser elle-même. Je vous salue et vous bénis mille fois dans le Christ Jésus. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [421].
LIII (217). - A NICOLAS SODERINI, de Florence, lorsqu'il était un des prieurs au moment de la ligue. - Elle l'exhorte à se liguer avec ses concitoyens.- Il ne peut y avoir d'union véritable parmi les hommes, si elle ne se fait par Jésus-Christ, au moyen de la sainte charité. - Elle reprend fortement la ligue des Florentins contre le Souverain Pontife, et elle les conjure de demander humblement la paix.
(Nicolas Soderini était un des citoyens les plus importants de la république de Florence il avait été gonfalonier de de la justice en 1371, et se trouvait un des prieurs des arts qui étaient au pouvoir au moment de la ligue faite contre le Saint-Siège par les villes de Toscane et de Lombardie en 1370.)
AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE.
1. Très cher et bien-aimé fils et Frère dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un membre uni et lié par les liens de la vraie charité, afin que, participant ainsi au véritable amour, vous puissiez, lorsque vous serez à la tête de la ville, devenir un moyen d'union entre tous vos concitoyens, pour qu'ils ne restent pas dans un si grand danger et dans la damnation de l'âme et du corps. Vous savez bien qu'un membre séparé de son chef ne peut avoir la vie on lui, parce qu'il n'est pas uni en Celui en qui est la vie; c'est ce que fait l'âme qui est séparée de l'amour et de la charité de Dieu, c'est ce que font ceux qui [422] ne suivent pas leur Créateur, mais qui plutôt le persécutent par leurs outrages et leurs péchés mortels; ils le montrent clairement par ce que nous leur voyons faire tous les jours, et vous devez me comprendre. Hélas! hélas! qui sommes-nous, pauvres misérables, orgueilleux et méchants, pour nous révolter contre notre Chef. Hélas! hélas! dans notre aveuglement, nous voyons notre ville et notre puissance dans la fleur de la prospérité, nous n'apercevons pas le ver qui a pénétré dans la plante et qui ronge la fleur. Elle tombera bientôt, si nous n'y apportons remède. Il faut donc résister à la lumière de la raison par une vraie et douce humilité; cette vertu élève ceux qui la possèdent, tandis que, comme ledit Jésus-Christ, les superbes sont toujours humiliés. Ceux-là ne peuvent avoir la vie, parce qu'ils sont des membres séparés des doux biens de la charité.
2. Peut-il nous arriver plus grand malheur que d'être privés de Dieu? Nous pourrons bien former une ligue puissante et nous unir à beaucoup de villes et de personnes; mais ce ne sera rien, si nous ne sommes pas unis à Dieu, si nous n'avons pas son secours. Vous savez bien que c'est en vain que travaille celui qui garde la cité, si Dieu ne la garde lui-même. Que pourrons-nous donc faire, malheureux aveugles qui nous nous obstinons dans notre péché? Quoi! Dieu est Celui qui garde et conserve les cités et tout l'univers, et moi je me suis révoltée contre lui, qui est Celui qui est! Si je dis: Je ne fais rien contre lui, on pourra répondre: Tu fais contre lui tout ce que tu fais contre son Vicaire, qui tient sa place. Vois donc comment cette révolte t'affaiblit: nous n'avons pour [423]
ainsi dire plus de force, parce que nous sommes privés de notre force. Hélas! mon Frère, mon bien cher fils, ouvrez les yeux pour voir un si grand péril et cette perte de l'âme et du corps. Je vous en conjure, n'attendez pas la venue du jugement de Dieu; car le ver pourrait bien tant avancer que la fleur tomberait par terre. Le parfum de la fleur est déjà corrompu, parce que nous sommes révoltés contre le Christ. Vous savez bien que le parfum de la grâce ne peut durer dans celui qui se révolte contre son Créateur. Mais il y a un remède auquel nous pouvons recourir, et je vous en conjure autant que je le sais et que je le puis, dans le Christ, le doux Jésus, employez-le, vous et vos concitoyens. Faites pour cela tout ce que vous pourrez faire.
3. Humiliez-vous, apaisez vos esprits et vos coeurs; car on ne peut entrer par la porte étroite en levant la tête on se la briserait. Il faut passer par la porte de Jésus crucifié, qui s'est humilié jusqu'à nous, pauvres insensés. Si vous vous humiliez, vous demanderez avec calme et douceur la paix à votre chef le Christ de la terre. Montrez que vous êtes ses enfants, des membres unis et non retranchés, et vous trouverez la miséricorde, la bonté, le salut de l'âme et du corps. Vous savez que la nécessité ne peut le contraindre; il faut que ce soit l'amour. Un enfant ne peut vivre sans le secours de son père: il n'a aucune vertu, aucune puissance par lui-même; tout ce qu'il a lui vient de Dieu. Il faut donc qu'il reste dans l'amour du père; car s'il s'en séparait par la révolte et la haine, il perdrait son secours, en le perdant il périrait. Il faut donc aller solliciter avec zèle le [424] secours du Père, c'est-à-dire le secours de Dieu; mais il faut solliciter et l'obtenir de son Vicaire, c'est entre ses mains que Dieu a mis les clefs du ciel, et c'est ce porte-clefs que nous devons prendre pour chef, car ce qu'il fait est fait, ce qu'il ne fait pas n'est pas fait, comme l'a dit le Christ à Saint Pierre " Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel; ce que vous délierez sur la terre e sera délié dans le ciel. " Puisque le Vicaire a tant de force et de puissance, qu'il ferme et ouvre les portes de la vie éternelle, serons-nous des membres corrompus, des enfants révoltés contre leur père, et assez insensés pour agir contre lui? Nous voyons bien que sans lui nous ne pouvons rien faire. Si vous êtes contre la sainte Eglise, comment pourrez-vous participer au sang du Fils de Dieu? L'Eglise est inséparable du Christ. C'est elle qui nous donne et nous administre les sacrements, et les sacrements nous donnent la vie qu'ils reçoivent du sang du Christ; et avant que ce sang nous fût donné, aucune vertu n'était suffisante pour nous donner la vie éternelle. Comment sommes-nous donc assez audacieux pour mépriser ce sang?
4. Et si vous dites: je ne méprise pas ce sang, je vous répondrai cela n'est pas vrai. Celui qui méprise le Vicaire du Christ méprise le sang du Christ; celui qui agit contre l'un agit contre l'autre, car ils sont unis ensemble. Comment pouvez-vous dire que si vous offensez le corps, vous n'offensez pas le sang, qui est dans le corps? Ne savez-vous pas qu'il possède le sang du Christ? Comprenez qu'il en est comme d'un fils et d'un père si le fils offense le père, le fils n'aura jamais raison contre son père, et il ne peut pas [425] l'offenser sans être en danger de mort et en état de damnation. Il est toujours son débiteur, puisqu'il en a reçu l'être. Le fils n'a pas demandé à son père la substance de son corps, et cependant le père, dans son amour, a donné à son fils l'existence. Oh! combien plus serions-nous ignorants et ingrats, si nous nous permettions d'offenser notre vrai Père, Celui qui a aimé sans être aimé! Car il nous a créés par amour, et il nous a fait renaître à la grâce par son sang, en sacrifiant sa vie avec tant d'amour. Si l'homme y pensait, il souffrirait la faim, la soif et toutes les épreuves jusqu'à la mort, plutôt que de se révolter et d'agir contre son Vicaire, par lequel il nous donne le fruit du sang du Christ; et il nous le donne par bonté et non par devoir.
5. Oh! non, plus jamais, mes Frères, ne dormons plus dans ces ténèbres et cet aveuglement. Délivrons-nous du ver de l'orgueil et de l'amour de nous-mêmes; tuons-le avec le glaive de la haine et de l'amour, avec l'amour de Dieu et le respect de la sainte Eglise, avec la haine et l'horreur du péché et des fautes commises contre Dieu et son Vicaire. Alors vous serez attachés et greffés sur l'Arbre de vie; il vous ôtera la mort, il vous rendra la vie et détruira votre faiblesse. Nous l'avons dit, nous sommes devenus faibles parce que nous sommes privés de Dieu, qui est notre force, en injuriant son Epouse. Mais on vous unissant par la haine et le regret des divisions passées, vous serez forts par les grâces spirituelles, dont nous avons besoin si nous voulons la vie de la grâce, et aussi par les grâces temporelles, qui vous protégeront contre tous ceux qui voudraient vous nuire [426].
6. Ne vaut-il pas mieux être en paix non seulement avec votre chef, mais avec toutes les créatures? Car nous ne sommes pas des juifs et des sarrasins, mais des chrétiens rachetés et purifiés par le sang du Christ. Que nous serions insensés si, pour nous agrandir ou pour ne pas perdre notre état, nous faisions l'office des démons, en cherchant à entraîner les autres dans le mal que vous faites vous-mêmes! C'est ainsi qu'on fait les démons: ils étaient des anges, et lorsqu'ils tombèrent, ils se liguèrent ensemble et se révoltèrent contre Dieu. En voulant s'élever, ils tombèrent dans l'abîme. Je vous on prie et je vous en conjure, ne faites pas ainsi en voulant attaquer l'Epouse du Christ et vous liguer contre elle. Lorsque vous vous croirez unis et triomphants, vous serez divisés et abaissés plus que jamais. Ne le faites plus, mes très chers Frères; mais unissez-vous dans les liens d'une ardente charité; demandez à rentrer dans la paix et l'union avec votre chef, afin que vous ne soyez pas des membres séparés. Vous avez un Père si bon, que non seulement il est prêt à vous pardonner si vous revenez, mais qu'il vous invite encore à la paix malgré les injures qu'il a reçues de vous.
7. Il vous semble peut-être que c'est vous, au contraire, qui avez reçu l'injure (Les Florentins se plaignaient de la conduite du légat de Bologne, qui avait empêché l'exportation des denrées dans un moment de disette, et qui avait favorisé la révolte de Prato.). S'il en est ainsi, cette erreur vient de votre peu de lumière. C'est un grand danger, et un obstacle qui empêche l'homme [427]
de se corriger, car il ne voit pas sa faute, et ne la voyant pas il ne l'expie pas par la haine et le regret. Il faut donc voir, afin que, reconnaissant nos défauts nous puissions nous en corriger. Nous ne devons pas aimer les vices que nous voyons dans les créatures mais nous devons aimer et respecter la créature et l'autorité que Dieu a confiée à ses ministres, en le laissant juger et punir leurs fautes; car Dieu est un Souverain Juge qui rend justice à chacun selon ses mérites. Ne serait-il pas déraisonnable de vouloir juger les autres, lorsque nous sommes tombés dans les mêmes fautes? Je vous prie donc de ne plus vous laisser aller à une si grande erreur; mais unissez vous loyalement et généreusement à votre chef, pour qu'au moment de la mort, où l'homme ne peut plus s'excuser, nous puissions recevoir et goûter le fruit du sang de Jésus-Christ.
8. Je vous prie, Nicolas, par cet amour ineffable avec lequel Dieu vous a créé et racheté si doucement de vous appliquer à être juste autant que vous le pourrez. Ce n'est pas sans un grand motif que Dieu vous a mis à même de faire la paix et de rétablir l'union avec la sainte Eglise: c'est pour vous sauver vous et toute la Toscane. Il ne me semble pas que la guerre soit une si douce chose, que nous devions la rechercher lorsque nous pouvons l'éviter. Y a-t-il, au contraire, rien de plus doux que la paix? Je ne le crois pas; c'est ce doux héritage que Jésus-Christ a laissé à ses disciples. Car il a dit: Ce n'est pas en faisant des miracles; en connaissant les choses futures et en montrant votre sainteté par des actes extérieurs, qu'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples; c'est [428] en étant unis par la charité, la paix et l'amour. Je veux donc que vous fassiez l'office des anges, qui travaillent à nous mettre en paix avec Dieu. Faites ce que vous pourrez; et que cela plaise ou déplaise, surmontez tous les obstacles; ne pensez qu'à l'honneur de Dieu et à votre salut, et quand il devrait vous un coûter la vie, n'hésitez jamais à dire la vérité, sans craindre ce que les démons ou les créatures pourraient faire. Mais prenez pour bouclier et pour défense la crainte de Dieu, sachant que son regard est sur nous, et qu'il voit toujours l'intention, la volonté de l'homme telle qu'elle est dirigée vers lui. En agissant ainsi, vous accomplirez mon désir en vous. Je vous ai dit que je désirais vous voir un membre uni et lié par les liens de la charité, et aussi un moyen le lier et d'unir tous les autres. Faites-leur voir, autant que vous le pourrez, dans quel danger et quel malheur ils se trouvent; car je vous assure que si vous ne disposez pas tout pour la paix, si vous ne la demandez pas avec humilité, vous tomberez dans une ruine plus grande que jamais.
9. Je crains qu'on ne puisse vous appliquer cette parole de Jésus-Christ, lorsqu'il allait à la mort honteuse de la Croix pour nous pauvres misérables qui méconnaissons un si grand bienfait; il se tournait en disant: "Filles de Jérusalem, (ne) pleurez (pas) sur vous et sur vos enfants; " et le jour des Rameaux, lorsqu'il descendait de la montagne des Oliviers, il disait: "Jérusalem, Jérusalem, tu te réjouis, parce que c'est aujourd'hui ton jour, mais un temps viendra où tu pleureras (Lc 19,42). N'attendez pas ce temps [429], pour l'amour de Dieu, mais procurez-vous la vraie joie, c'est-à-dire la paix et l'union. De cette manière vous serez les vrais fils; vous mériterez et vous posséderez l'héritage du Père éternel. Je ne vous en dis pas davantage, tant est pesante l'affliction que me cause la perte de vos âmes et de vos corps. Pour l'empêcher, je sacrifierais avec joie mille fois ma vie, si je le pouvais. Je prie la divine Providence de vous donner à vous, mon fils, et à tous les autres, la lumière, la connaissance, la crainte et le saint amour de Dieu; qu'il vous retire des ténèbres de l'amour-propre et de la crainte servile qui est la cause de tout le mal. Je vous adresse le porteur de cette lettre qui est, cette année, le prédicateur de l'ordre des frères Mineurs. C'est un bon et vrai serviteur de Dieu, qui vous aidera de ses conseils et vous dirigera dans la voie de la vérité pour tout ce que vous aurez à faire pour vous-même et pour la ville. Je vous prie d'écouter et de suivre ses conseils; il n'y a aucune chose secrète et cachée dans votre esprit que vous ne puissiez lui communiquer. J'espère de la grâce divine que l'amour qu'il a pour votre salut et celui de tous lui obtiendra des lumières d'en haut, qu'il vous conseillera toujours bien. Confiez - vous à lui c'est un autre moi-même. Bénissez et encouragez Mme Constance (Mme Constance était la femme de Nicolas Soderini.) et toute la famille. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [430].
Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 49, AUX SEIGNEURS DE FLORENCE