Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 74, A MESSIRE BARNABE VISCONTI

Lettre n. 75, A MESSIRE PIERRE GAMBACORTI

LXXV (193). - A MESSIRE PIERRE GAMBACORTI, à Pise. - De l'amour du monde et des effets qu'il produit dans l'âme. - De la vertu de justice.

(Pierre Gambacorti fut pendant quelques années à la tête de la république, et y employa heureusement sa puissance. Il fut assassiné. avec ses deux fils, en 1383, par Jacques Appiani, son confident, qui espérait lui succéder.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE




1. Vénérable Père dans le Christ, le doux Jésus, votre indigne fille, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Dieu, vous écrit et vous salue dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir de voir votre coeur dépouillé et libre des jouissances coupables et des plaisirs déréglés du monde, qui séparent et éloignent l'âme de Dieu. Il faut que l'âme qui est unie à Jésus crucifié, l'éternelle et suprême Bonté, soit séparée et retranchée du siècle, comme [532] celui qui est uni par l'amour au siècle est retranché du Christ. Car le monde n'a aucun rapport avec le Christ, et la Vérité première a dit: "Personne ne peut servir deux maîtres contraires; il sert l'un, s'il méprise l'autre (Mt 6,24)."

2. O très cher Père, combien ce lien est coupable! Il est certain que l'homme attaché à la corruption du péché est comme celui qui a les pieds et les mains liés, et qui ne peut se mouvoir. L'âme a les mains liées, et ne peut faire aucune oeuvre du Christ; les pieds de son affection ne peuvent la conduire à aucune bonne action qui soit fondée sur la grâce. Hélas! quel danger pour l'âme que le péché! De quel bien il prive la créature, et de quel malheur il la rend digne! Il la rend digne de la mort, et la prive de la vie; il lui ôte la lumière et lui donne les ténèbres; il lui ôte la puissance et lui donne la servitude. Car celui qui se livre au péché est le serviteur et l'esclave du péché; il a perdu la puissance sur lui-même, et il se laisse posséder par la colère et les autres vices. A quoi servirait, très cher Père, de commander au monde entier, si nous ne commandons pas aux vices et aux péchés qui sont en nous? Ils nous privent de la lumière de la raison, et nous empêchent de voir dans quel état de damnation l'âme se trouve, et quelle est au contraire la paix de celle qui est unie au doux Jésus. Celui qui a perdu la vie de la grâce est comme le sarment retranché de la vigne; il est sec, et ne donne pas de fruit. De même la créature retranchée de la vraie Vigne se dessèche [533], se corrompt, et est digne du feu éternel. Hélas! quel malheur et quel aveuglement! Celui que ni les démons ni les créatures ne pouvaient enchaîner au péché mortel, s'y attache lui-même. Secouons donc le sommeil de la négligence et de l'ignorance; retranchez ses liens coupables. Tout cela vient de ce que le péché et le monde n'ont aucun rapport avec Jésus crucifié. Le monde cherche les honneurs, le bien-être, les plaisirs, la puissance, et le Christ béni a choisi la honte, les outrages, les mauvais traitements, et enfin la mort ignominieuse de la Croix. Il a voulu être un serviteur obéissant et toujours fidèle à la loi et à la volonté de son père, recherchant toujours son honneur et notre salut. Suivons maintenant ses traces.

3. Oui, je vous le demande et je le veux: soyons liés par ce doux et véritable lien, et, afin que vous puissiez mieux le faire, ouvrez l'oeil de la connaissance de vous-même, et vous verrez que non seulement vous n'êtes rien, mais que vous commettez sans cesse le mal et l'iniquité. C'est ainsi que naîtra en vous un principe de sainte justice: avec une humilité sincère et profonde, vous rendrez à Dieu ce qui lui est dû, et à vous ce qui vous appartient. Puis vous regarderez dans l'abîme de sa charité infinie, et vous verrez comment l'Agneau immolé a porté avec patience et douceur toutes nos iniquités. O Amour ineffable, avec quelle patience vous donnez votre vie! Vous prêtez le temps à la créature, et vous l'attendez pour qu'elle se convertisse. Lorsque vous connaîtrez ainsi la bonté de Dieu en vous, et comment elle agit, vous serez lié et enchaîné dans les [534] liens de la charité, plus doux et plus aimable que toute douceur. Ne tardez pas, car le temps est court; le moment de la mort vient sans que nous nous en apercevions.

4. Je vous prie par l'amour de Jésus crucifié d'avoir toujours, dans votre position, le regard fixé sur la sainte et divine justice; que ce soit elle, et non pas la haine ou le désir de plaire à la créature, qui vous fasse punir les fautes que vous voyez: punissez surtout vos fautes quand vous vous en apercevez; blâmez-les autant que vous le pourrez, et gardez-vous de fermer les yeux pour ne pas les voir, car Dieu vous en reprendrait sévèrement. Soyez, soyez plein de zèle et d'amour, et faites tous vos efforts pour que tous vos actes soient unis au Christ Jésus. C'est cette union que mon âme vous désire, parce que je vois que sans cela vous ne pouvez avoir la vie de la grâce. Je ne vous dis rien de plus ici.

5. J'ai reçu votre lettre, qui m'a bien touchée. Ce n'est pas ma vertu et ma bonté, car je suis pleine de misère et de péchés, mais c'est votre bienveillance et celle de ces saintes dames qui vous ont porté à m'écrire humblement, pour me. prier de venir vous trouver (Le bienheureux Raymond nous apprend (P. II, c.8) que sainte Catherine fut sollicitée de venir à Pise, et qu'elle y alla en 1375. L'influence qu'elle eut sur Pierre Gambacorti contribua sans doute beaucoup à maintenir la république dans l'obéissance de Grégoire XI.). Je satisferai bien volontiers votre désir et le leur; mais, en ce moment, je vous prie de m'excuser. L'état de ma santé m'en empêche. Je vois aussi que cela ferait murmurer; mais j'espère de la [535] bonté de Dieu que, si son honneur et le salut des âmes le demandent, il me permettra de faire ce voyage en paix, et sans soulever des murmures; et je serais prête alors à obéir à la Vérité suprême et à votre commandement. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Que le Christ vous comble de ses grâces les plus douces! Je me recommande avec une tondre affection à ces dames. Qu'elles prient Dieu pour moi afin qu'il me rende humble et soumise à mon Créateur. Ainsi soit-il. Que loué soit Jésus-Christ crucifié!








Lettre n. 76, A MESSIRE TRINCI

LXXVI (194). A MESSIRE TRINCI, des Trinci de Foligno, et à Conrad son frère.- Des biens de la charité, et comment le Christ élevé en Croix a tout attiré à lui.

(La famille des Trinci était toute-puissante à Foligno. Celui auquel la lettre de sainte Catherine est adressée y exerçait un pouvoir absolu. Le bienheureux Fr. Thomas de Foligno, de l'ordre de Saint-François, lui prédit qu'il mourrait quand la cloche de la commune cesserait de sonner, et que les veaux voleraient sur les tours. En effet, en 1377, dans la guerre qu'il soutenait pour l'Église contre les Florentins, la cloche de Foligno se cassa en appelant le peuple à la révolte; Trinci fut tué dans la sédition, et les étendard, de l'ennemi, où étalent représentés des veaux, flottèrent sur les tours de la ville.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE




1.Très chers Frères dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs [536] de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir les vrais serviteurs de Jésus crucifié liés par les doux liens de la charité. Ces liens ont uni Dieu à l'homme et l'homme à Dieu; et cette union a été si parfaite, que ni la mort ni rien au monde n'a pu les séparer.

2. O doux et véritable lien, votre force est si grande, que vous avez tenu attaché et cloué l'Homme-Dieu sur le bois de la très sainte Croix; car les clous et le fer n'auraient pas suffi à le tenir, si l'amour de l'honneur de son Père et de notre salut ne l'eût pas retenu. Mes très chers Frères, cet amour a été si fort et si persévérant, que ni les démons ni les créatures ne peuvent l'affaiblir et l'empêcher de continuer. Les créatures ne l'ont pas affaibli, et ne l'affaiblissent pas par leurs injures et leur ingratitude, et les démons qui nous tentent ne l'empêchent pas de nous aimer. Il n'a pas cessé d'obéir à son Père, mais il a persévéré dans cette obéissance jusqu'à la mort de la Croix. Ce doux et tendre Verbe, le Fils unique de Dieu, nous a manifesté avec persévérance et patience la volonté et la douce vérité de son Père. Sa volonté est notre sanctification; c'est la vérité, et c'est dans ce but que Dieu nous a créés, afin que nous soyons sanctifiés en lui pour la louange et la gloire de son nom, afin que nous jouissions et que nous glorifions son éternelle vision.

3. O mes très doux et très chers Frères, je veux que vous considériez l'abondance et l'abîme de sa charité. L'homme était devenu aveugle et ignorant par sa faute; il ne connaissait pas cette douce vérité, cette douce volonté de Dieu; et c'est pourquoi Dieu [537] a voulu s'humilier jusqu'à l'homme. O misérable orgueil! l'homme ne doit-il pas avoir honte de s'enorgueillir, lorsque Dieu s'est humilié en nous donnant son Verbe voilé et revêtu de notre humanité. Qui peut seulement comprendre que la grandeur de Dieu est descendue à un tel abaissement, que Dieu s'est uni à l'homme et l'homme à Dieu. Ouvrez, ouvrez l'oeil de votre intelligence, et vous verrez quelle abondance de sang a répandue le Fils de Dieu.. Les blessures de son corps nous ont prouvé que Dieu nous aime d'une manière ineffable et qu'il ne veut autre chose que notre bien; s'il avait voulu autre chose, il ne nous eût pas donné un tel Rédempteur. O ineffable et douce charité! votre corps a été ouvert par la force de l'amour de notre salut. Dieu éternel, vous vous êtes fait visible, vous nous avez donné un trésor visible afin que la faiblesse de notre intelligence n'ait plus d'excuse de ne pouvoir s'élever; vous vous êtes fait petit, et vous avez uni ensemble la bassesse et la grandeur.

4. Qu'ainsi donc, par la force de l'amour, l'intelligence et le coeur de l'homme s'élèvent à connaître en vous l'abaissement de votre humilité, et la grandeur et l'excellence de votre charité, ô Dieu éternel! Le doux et tendre Verbe l'a dit: " Lorsque je serai élevé en haut, j'attirerai tout à moi. " L'éternelle Vérité semble avoir voulu dire si je suis abaissé et humilié dans la mort honteuse de la Croix, j'attirerai tous vos coeurs à la grandeur de ma divinité et de ma charité incréée. Et quand le coeur de l'homme est attiré, on peut dire qu'il entraîne avec lui toutes les puissances de l'âme avec toutes ses oeuvres spirituelles [338] et temporelles (). Et comme tout est créé pour le service de l'homme, lorsque l'homme est attiré, tout est attiré. C'est pourquoi il a dit: "Lorsque je serai élevé en haut, j'attirerai tout à moi "

5. Que l'homme ouvre donc l'oeil de l'intelligence et contemple l'amour de son Créateur. Je veux que vous sachiez, mes très chers Frères, que quand l'oeil de l'intelligence est obscurci par l'amour-propre sensitif, il ne peut voir cette vérité. Comme l'oeil rempli de terre et de sang ne peut voir la lumière du soleil, l'oeil de l'âme ne peut voir s'il est couvert par la terre de l'amour déréglé, de l'attachement au monde et aux choses qui passent comme le vent, s'il est obscurci par les désirs de la chair, en ne vivant pas honnêtement, en se souillant dans la fange de la volupté. Ce malheureux état change l'homme en brute, et lui ôte la lumière et la connaissance. Je dis que ceux-là ne peuvent connaître cette vérité; ils deviennent les amis du mensonge et ils suivent les traces de leur père, le démon, qui est père du mensonge.

6. Je veux donc que vous retiriez votre intelligence et votre amour des choses qui passent et des vices de la chair, et que vous purifiez votre âme par le moyen de la sainte confession. Je ne vous dis pas de quitter votre position plus que le Saint-Esprit ne vous l'inspire; mais je veux que vous y viviez avec une sainte crainte de Dieu, vous conduisant comme des hommes vertueux, et non comme des insensés et des animaux, et que vous gouverniez avec justice et bonté ceux qui vous sont soumis. Observez le saint état du [540] mariage, et ne le souillez pas en le violant par des passions déréglées, mais réprimez vos désirs par le souvenir du sang de Jésus-Christ et de l'union de la nature divine avec la nature humaine. Votre chair misérable aura honte alors de tomber dans une telle misère; elle sentira le parfum de la pureté, et elle respectera la sainteté du mariage en pensant à ces choses et en craignant Dieu. Vous respecterez ses lois et les jours qui sont prescrits par la sainte Église. En faisant ainsi, vous serez des arbres productifs, et le fruit que vous porterez sera bon et rendra gloire et louange au nom de Dieu.

7. Vous serez greffés sur l'Arbre de vie, le Christ, le doux Jésus; il vous liera de ces puissants liens de l'amour qui l'ont attaché et cloué sur la Croix; et vous participerez ainsi à cette force, étant liés à Dieu et au prochain si fortement, que ni le démon, ni les créatures ne pourront vous en séparer et vous empêcher d'être forts et persévérants jusqu'à la mort. L'ingratitude de ceux qui vous servent et qui méconnaissent vos bienfaits, les pensées tumultueuses que le démon mettra dans votre coeur pour vous faire haïr et mépriser votre prochain, ne vous éloigneront pas de son amour et ne vous ôteront pas la force d'être unis et liés par les liens de la charité. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir les vrais serviteurs de Jésus crucifié, liés par les doux liens de sa charité. J'espère de la bonté de Dieu que vous accomplirez sa volonté et mon désir: il le fera à cause de sa bonté et des services que vous rendrez à sa douce Épouse, car Dieu n'est pas ingrat et oublieux à l'égard de ceux qui le servent.

8. Tous les services que nous lui rendons lui sont agréables; mais ce qui lui plaît davantage, c'est ce que nous faisons pour la sainte Eglise, de quelque manière et dans quelque état que ce soit. Il est vrai que plus l'homme la sert avec un coeur libre et généreux, plus il est agréable à Dieu, qui accepte tout et mesure tout à la mesure de l'amour. Mais comme Dieu récompense les services, il punit les offenses; et la récompense est toujours proportionnée aux services, comme la punition aux offenses. Pourquoi? Parce que les services et les offenses s'adressent au sang du Christ, et méritent par conséquent d'être plus récompensés ou plus punis. Ainsi donc, mes très chers Frères dans le Christ, le doux Jésus, soyez les serviteurs de Jésus crucifié et de sa douce Épouse; vous goûterez ainsi et vous connaîtrez l'éternelle volonté de Dieu, qui ne veut pas autre chose que notre sanctification; il l'a montré, comme je l'ai dit, en s'humiliant jusqu'à notre bassesse, et en répandant pour nous son sang avec tant d'amour. Purifiez-vous par la foi et l'espérance dans le sang de Jésus crucifié, et nourrissez tous les vôtres avec cette doctrine. Je finis. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [541].










Lettre n. 77, A BENUCCIO PIERRE

LXXVII (195). - A BENUCCIO PIERRE, et Bernard-Hubert de Belfort, de Volterre. - La vraie paix avec Dieu se trouve dans la pratique des vertus.

(Benuccio et Bernard de Belfort appartenaient à une famille guelfe de Volterre qui s'empara du pouvoir, en abaissant les familles gibelines. De là des inimitiés que sainte Catherine s'efforça d'éteindre. )



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE




1. Très chers Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris avec le désir de voir votre coeur, votre désir et votre âme en paix avec Jésus crucifié; car vous ne pouvez autrement participer à la grâce divine. Vous savez, mes Fils, que le péché seul met l'homme en guerre avec son Créateur. Comment pourrons-nous faire la paix, puisque nous sommes tombés dans une guerre mortelle par nos fautes, et que nous serons condamnés aux peines éternelles si nous n'avons pas la paix? Je veux que nous cherchions le moyen d'éviter le danger que courent notre âme et notre corps; et je n'en vois pas d'autre que celui que Dieu prit lui-même pour nous quand, par le péché d'Adam, le genre humain fut en guerre avec Dieu. La miséricorde de Dieu voulut faire la paix avec l'homme; mais il fallait punir la faute commise, et il nous envoya le Verbe, son Fils unique, comme notre paix et notre médiateur. Le Fils de Dieu se chargea de [542] nos iniquités et les punit sur son corps; c'est ainsi qu'il fut notre paix et notre médiateur.

2. Comment les a-t-il punis? par la mort si douloureuse et si honteuse de la Croix. Vous voyez que Dieu, par le moyen de son Fils, a fait la paix avec l'homme, et cette paix est si complète et si parfaite, que, si l'homme se révolte encore par le péché, il retrouve le Sang précieux que nous recevons dans la sainte confession; et nous pouvons nous en servir tous les jours autant que nous le désirerons. Puisque nous avons reçu de Dieu tant de grâces et de miséricordes, je ne veux pas que nous soyons oublieux et ingrats; mais je veux que nous suivions les traces de Jésus crucifié, afin que vous puissiez vous réconcilier avec lui, en suivant ses traces, comme nous l'avons dit; car sans cela vous Seriez en continuelle damnation. J'ai dit que Dieu, par le moyen de son Fils, et le Fils par le moyen de son sang, nous ont délivrés de la guerre et donné la paix; et je vous dis que c'est par le moyen de la vertu qu'il faut cesser la guerre et fuir l'éternelle damnation; autrement, vous seriez confondus en cette vie et dans l'autre.

3. Mais je veux que vous sachiez qu'on ne peut aimer Dieu et pratiquer la vertu sans le moyen du prochain? Comment? Je vais vous le dire. Il m'est impossible de montrer l'amour que j'ai pour mon Créateur, parce qu'il n'a pas besoin de mes services; il faut donc prendre l'intermédiaire de sa créature, l'assister et lui rendre les services que je ne puis rendre à Dieu. C'est pourquoi le Christ disait à saint Pierre: " Pierre, m'aimes-tu? " Et quand Pierre répondait que oui, le Christ ajoutait: " Pais mes brebis. [543] " L'amour que tu me portes ne peut me servir, mais qu'il serve à ton prochain. Vous voyez que c'est le moyen d'apaiser cette grande guerre que nous avons avec Dieu, et que vous y parviendrez surtout en acquérant la vertu. Je vous ai dit que c'était le doux et glorieux moyen de faire cesser la guerre et les ténèbres de l'âme; mais soyez persuadés que cette vertu se trouve et s'acquiert dans l'amour du prochain, en aimant ses amis et ses ennemis pour Jésus crucifié. C'est par lui que s'éteint le feu de la colère et de la haine que l'homme avait contre son frère.

4. La vertu de charité et d'humilité se trouve et s acquiert seulement par l'amour du prochain pour Dieu; car l'homme humble et pacifique chasse la colère et la haine qu'il avait dans son coeur contre son ennemi, et la charité en chassera l'amour-propre, l'élargira par l'affection pour ses frères, et lui fera aimer ses ennemis et ses amis comme lui-même, pour l'Agneau immolé et consumé. Elle lui donnera une grande patience contre toutes les injures qui lui seront dites et faites, et une douce force pour supporter les défauts de son prochain. Alors l'âme qui possède la vertu acquise en suivant les traces de son Sauveur tourne toute la haine qu'elle avait pour le prochain contre elle-même, et elle déteste ses vices, ses défauts et les péchés qu'elle a commis contre la bonté infinie de son Créateur. Elle veut alors s'en venger et les punir sur la partie sensitive d'elle-même. Et comme la sensualité veut vivre selon le monde et se plaît dans la haine et la vengeance du prochain, la raison que règle une vraie et parfaite charité veut faire le contraire, et se plaît à l'aimer et à se réconcilier avec lui; et tous les vices se trouvent ainsi vaincus par les vertus qui leur sont opposées.

5. C'est cette vertu qui réconcilie l'âme avec Dieu et qui venge l'injure qui lui a été faite. Aussi je vous ai dit que je désirais voir votre coeur et votre amour en paix avec votre Créateur: c'est là le chemin véritable, il n'y en a pas d'autre. Oui, mes enfants, le désir que j'ai de votre salut me fait souhaiter de voir la haine disparaître de votre coeur. Ne faites pas comme ces insensés qui, en persécutant les autres, se persécutent eux-mêmes. Le premier mort est celui qui veut, dans sa haine, tuer son ennemi; il s'est frappé lui-même avec le poignard de la haine, et il est mort à la grâce. Non, plus de guerre, pour l'amour de Jésus crucifié; épargnez-vous les tourments de l'âme et du corps; craignez le jugement divin, toujours suspendu sur vous. Je ne veux pas en dire davantage sur ce sujet et sur les autres points qui intéressent votre salut, parce que je vous en entretiendrai; mais je vous prie et je vous conjure, de la part de Jésus crucifié, de faire deux choses. Je veux d'abord que vous vous réconciliez avec Dieu et avec vos ennemis; vous ne pourrez avoir la paix avec la Vérité suprême, si vous ne l'avez pas avec votre prochain. Prenez ensuite la peine de venir me voir le plus tôt que vous le pourrez; s'il ne m'était pas si difficile de le faire, j'irais vers vous. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [545].










Lettre n. 78, A L'ARCHEVEQUE DE PISE

LXXVIII (32). - A L'ARCHEVEQUE DE PISE.- A l'exemple de Jésus-Christ nous devons corriger avec zèle et justice les défauts de ceux qui nous sont soumis, sans jamais craindre les persécutions et la mort.

(François Moricotto, neveu d'Urbain VI, fut archevêque de Pise depuis 1373 jusqu'en 1378, époque a laquelle il fut nommé cardinal et vice-chancelier de la sainte Église. Il mourut à Assise en 1395.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE




1. Mon révérend et très cher Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un bon pasteur, si plein de zèle et d'ardeur, que vous soyez prêt à donner votre vie pour vos brebis, à l'exemple de la Vérité suprême, le Christ Jésus, qui, pour l'honneur de son Père et pour notre salut, courut à la mort ignominieuse de la très sainte Croix. Vous, très cher Père, suivez ses traces, pour détruire les vices et planter les vertus dans les âmes de ceux qui vous sont soumis, sans craindre les peines, les opprobres, les mépris, les injures, la faim, la soif et toutes les persécutions que le monde ou le démon peuvent vous faire; mais reprenez vos sujets avec courage et avec un ardent désir de leur salut; ayez toujours l'oeil sur eux; faites au moins tout votre possible, et ne paraissez pas ne pas les voir. Il ne faut pas agir ainsi, mais il faut voir nos défauts et ceux de notre prochain [546], non pour murmurer et porter de faux jugements, mais pour en avoir une vraie et sainte compassion, et les porter devant Dieu avec larmes et gémissements, à cause de l'offense qui est commise et de la perte de l'âme.

2. C'est ainsi que doit faire toute créature raisonnable à l'égard de son prochain; mais vous y êtes bien plus obligés, vous et les autres prélats de

sainte Église; vous devez en avoir compassion, et les punir lorsqu'il le faut, et que vous trouvez des fautes à reprendre. Hélas! ne tardez plus, car par le défaut de correction, les vertus et la vie de la grâce sont mortes dans l'âme, les vices et l'amour-propre s'y développent, et le monde périt; il est toujours malade d'une maladie mortelle. L'homme est couvert de blessures et d'infirmités, et les médecins qui les soignent, c'est-à-dire les prélats, ont employé tant d'onguent, que les plaies sont toutes corrompues. Non, plus d'onguent, pour l'amour de Dieu; mais servez-vous un peu du feu, brûlant et détruisant le vice par une sainte et vraie justice, toujours unie à la miséricorde. Ce sera une grande miséricorde de punir et de reprendre les vices. La plus grande cruauté que puisse commettre quelqu'un qui soigne un malade, c'est de lui donner des choses nuisibles. Oh! pour l'amour de Jésus crucifié, ne dormez plus; réveillez-vous par le feu de l'amour et de la haine, par la douleur de l'offense de Dieu. Faites au moins tout votre possible; quand vous l'aurez fait, vous serez excusé devant Dieu. Je sais bien que vous ne pouvez tout voir; mais servez-vous des serviteurs de Dieu, qui vous aideront à voir. Il ne faut rien négliger [547] jusqu'à la mort, pour l'amour de notre Sauveur, n'ayez aucune crainte, aucun amour servile; car si cela était, vous exposeriez votre âme au danger et à la perte de son salut. Il faut consentir à perdre la vie du corps, et la mettre toujours en ligne de compte. Si vous le faites, vous montrerez que vous êtes l'ami et le disciple fidèle de Jésus crucifié.

3. Vous, pasteur, vous avez appris la règle et la doctrine du bon Pasteur qui a donné sa vie pour nous; et je vous ai dit que je désirais vous voir bon pasteur, car c'est la seule route que je voie pour votre salut et celui du troupeau. A ce sujet, je ne vous dirai autre chose que de vous cacher sous les ailes d'une humilité sincère, de la haine et du regret du péché, sous les ailes d'une ardente charité, soutenant les âmes par les dons et les grâces spirituelles et les corps par les secours temporels, nourrissant les pauvres selon leurs nécessités. Vous savez que vous êtes père; nourrissez donc vos enfants comme un père.

4. J'ai appris par la lettre du prieur de Sainte-Catherine que vous avez fait un changement dans le costume des religieuses dominicaines de Sainte-Catherine (Les soeurs du tiers ordre recevaient leur habit religieux des mains du prieur de Sainte-Catherine. L'interdit dont Florence fut frappée par Grégoire XI s'étendit à plusieurs villes de la Toscane.), et vous voulez qu'elles observent l'interdit en disant que le privilège qu'elles ont ne vaut rien. Je vous assure qu'il est bon; j'en ai fait voir la copie, quand je suis allée trouver le Saint-Père à Avignon, et il l'a reconnu avant d'obtenir le privilège qu'il me [548]

donna. Aussi je vous prie, pour l'amour de Jésus crucifié, de ne pas leur causer ce chagrin. Appliquez-vous aux choses que vous avez à faire et que votre charge exige; mais ne vous tourmentez pas de celle-là, pour l'amour de Dieu. Croyez-moi, très cher Père, s'il en était autrement, je ne vous ferais pas cette prière; je ne voudrais pas, en la moindre chose, vous faire transgresser les ordres que vous avez reçus du Saint-Père; je serais au contraire avec vous pour m'y opposer. Je vous prie de me faire cette grâce et cette miséricorde. Je ne vous demande et ne vous demanderai jamais rien qui soit opposé au devoir. Je finis. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié, afin que le feu de l'amour que vous trouverez dans ce sang consume toute la froideur et attendrisse toute la dureté de votre coeur et de votre âme. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.










Lettre n. 79, A L'ARCHEVEQUE D'OTRANTE

LXXIX (33). - A L'ARCHEVEQUE D'OTRANTE.- De la lumière nécessaire à l'âme pour suivre la voie de Jésus-Christ. - Du secours que nous devons chercher dans la Croix; c'est par elle que nous acquérons la force contre nos ennemis.

(Jacques d'Itri était Italien, et non pas Français, comme le pensent quelques auteurs. Il fut évêque d'lschia en1359, archevêque d'Otrante un 1363, et le Pape Grégoire XI lui donna, le 18 janvier 1376, le titre de patriarche de Constantinople. Il suivit malheureusement le parti opposé a Urbain VI. L'antipape Clément VII le nomma cardinal et son légat auprès de la reine de Naples. Charles Durazzo le fit jeter en prison, où il mourut misérablement. La lettre de sainte Catherine lui fut adressée vers la fin de 1375.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE




1. Mon très cher et révérend Père dans le Christ, Jésus, votre indigne petite fille Catherine, la servante [549] et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, vous écrit dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un pasteur bon et fidèle au Christ Jésus, avec la lumière et la connaissance de sa bonté. Vous savez que celui qui pendant la nuit marche avec la lumière ne s'égare pas: de même l'âme qui est éclairée de Dieu ne peut se perdre, parce qu'elle ouvre l'oeil de l'intelligence et de la raison, et qu'elle regarde la route que prend son doux Maître; et dès qu'elle l'a reconnue, par le désir et la volonté qu'elle a de suivre le maître, elle court avec zèle et sans négligence. Elle ne s'arrête pas à tourner la tête en arrière, c'est-à-dire à se regarder elle-même. Elle se voit dans la connaissance de ses péchés et de ses défauts; elle confesse qu'elle n'est rien par elle-même, et elle reconnaît en elle l'infinie bonté de Dieu, qui lui a donné tout son être. Cette connaissance doit toujours l'attacher, la fixer; mais je dis qu'elle ne doit pas se détourner vers elle-même par l'amour-propre et le plaisir qu'elle trouve dans la créature. Je dis que l'âme qui est éclairée de la vraie lumière ne se détourne pas ainsi; mais, dès qu'elle s'est vue et qu'elle a trouvé la bonté de Dieu, elle marche par toutes les voies et les moyens du doux Jésus et des saints qui l'ont suivi; elle prend Jésus pour son modèle. Elle aime, elle désire tant suivre la voie droite [550] pour arriver à son objet et à sa douce fin, qu'elle ne s'inquiète pas des épines des tribulations qui se rencontrent et des voleurs qui voudraient la dépouiller; elle. ne craint rien, et ne veut jamais retourner en arrière. L'amour a éloigné toute crainte servile; elle marche sur les traces de ceux qui ont suivi le Christ; elle voit bien et elle connaît qu'ils étaient des hommes comme elle, nés et nourris de la même manière, et que la bonté inépuisable de Dieu n'a pas changé.

2. C'est de cette vraie lumière et de cette connaissance que mon âme désire vous voir rempli, vous, mon Pasteur et mon Père, dans les flammes impétueuses de l'amour, afin que ni les plaisirs, ni les délices, ni la fortune, ni les honneurs du monde ne puissent obscurcir cette lumière, et que les épines, les tribulations et les voleurs ne vous empêchent jamais de suivre cette douce voie. Ayons toujours les yeux fixés sur le Verbe incarné, le Fils unique de Dieu, qui a été la voie et la règle dont l'observation nous donne toujours la vie. Hélas! mon Père, je ne voudrais pas que les tentations et les illusions du démon fussent comme des épines qui nous empêchent d'avancer. Que ce ne soit pas non plus le fardeau de notre chair, qui combat toujours et se révolte contre l'esprit: c'est un ennemi pervers dont nous ne pouvons jamais nous défaire, et qui vient toujours avec nous. Que ce ne soit pas ces voleurs et ces démons incarnés dans les créatures qui veulent souvent nous ravir l'honneur et la patience par les injures et les persécutions qu'ils nous font. Souvent les hommes remplissent l'office des démons en s'opposant aux saintes et bonnes résolutions que leur prochain aurait et accomplirait [551] pour l'honneur de Dieu. Le mal qu'ils font eux-mêmes ne leur suffit pas, ils voudraient en faire dans les autres. Persévérons donc avec courage dans notre voie, et prenons confiance, car nous pourrons tout par Jésus crucifié.

3. Je me réjouis et je tressaille d'allégresse en considérant les armes puissantes que Dieu nous a données et la faiblesse de nos ennemis. Vous savez bien que ni le démon ni les créatures ne peuvent contraindre la volonté au moindre péché. La volonté est une main si puissante, lorsqu'elle est armée du glaive à deux tranchants de la haine et de l'amour, qu'aucun ennemi n'est assez fort pour lui résister; il sera frappé et renversé par terre. O ineffable et très ardente charité, les chevaliers que vous conduisez au combat peuvent combattre avec courage, surtout vos pasteurs, qui sont plus exposés et qui ont plus à faire que les autres; vous leur avez donné la cuirasse de la volonté, qui est si forte qu'aucun coup ne peut lui nuire, car elle a tout ce qu'il faut pour résister et se défendre. Mais que l'âme prenne garde de laisser tomber entre les mains de l'ennemi le glaive de la haine et de l'amour que Dieu lui a donné. Sa cuirasse perdrait alors sa force, et deviendrait molle; car je vois que ni le démon ni la créature ne peuvent jamais me tuer qu'avec le glaive qui me sert à les vaincre, et ce n'est qu'en le leur donnant qu'ils me feront périr. Qu'est-ce qui tue le vice, le péché? C'est la haine et l'amour: la haine que j'ai conçue contre lui, et l'amour que j'ai conçu en Dieu pour la vertu. Si le démon et la sensualité veulent changer cette haine et cet amour, c'est-à-dire vous faire haïr les choses qui [552] sont en Dieu, et aimer les sens qui se révoltent contre lui, ils ne le pourront pas, si la main. puissante de la volonté s'y oppose; mais si elle s'y prête, elle se tue elle-même. Il faut considérer combien cela déplaît à Dieu, et nuit à nous-mêmes. Vous savez, mon Père, qu'étant pasteur, ce serait un malheur non pas seulement pour nous, mais encore pour tous ceux qui vous sont soumis. Tout ce que vous avez à faire pour vous et pour la douce Épouse du Christ, la sainte Eglise, y rencontrerait un grand obstacle.

4. Du courage donc; ne dormez plus, levez l'étendard de la très sainte Croix. Regardons l'Agneau percé pour nous, qui verse son sang de toutes les parties de son corps. O doux Jésus, qui vous a pressé de le verser en si grande abondance? Il nous répond que c'est son amour pour nous et sa haine pour le péché, qui lui a fait donner ce sang bouillant du feu de sa charité. Appuyons-nous sur cet arbre, et suivons la voie droite qu'il nous montre. Nous avons bien sujet de nous réjouir, car tous nos ennemis sont devenus faibles et infirmes par ce doux fils de Marie, le Fils unique de Dieu. Le démon est affaibli; il ne peut plus conserver sa puissance sur l'homme, il l'a perdue. Notre chair, que le Fils de Dieu a revêtue, a été flagellée par les opprobres, les violences, les mépris, les outrages; et quand l'âme regarde cette chair divine, elle doit sur-le-champ arrêter et éloigner toute révolte intérieure. Les louanges des hommes ou leurs injures ne seront rien pour elle, lorsqu'elle regardera le doux Jésus, que les injures, que notre ingratitude et nos fautes n'ont pas empêché d'obéir pour l'honneur de son Père et pour notre salut. La [553] gloire du monde a été vaincue par le désir et l'amour de la gloire de Dieu.

5. Courez donc par cette voie; soyez avide, affamé du salut des âmes, à l'exemple de la Vérité suprême, du bon Pasteur, qui a donné sa vie pour son troupeau. Oui, soyez plein de zèle pour l'honneur et l'exaltation de la Sainte Eglise; ne craignez rien de ce qui est ou de ce qui peut arriver, car tout cela n'est qu'une illusion du démon, qui veut empêcher les saintes et bonnes résolutions. Quoiqu'il n'ait pas réussi dés le commencement, il s'obstine dans le mal. Encouragez et fortifiez notre Saint-Père; ne craignez rien, agissez avec vigueur, et vous renverserez les obstacles. Faites-moi bien voir que vous êtes une colonne ferme, qu'aucun vent ne peut jamais ébranler. Parlez hardiment et sans crainte, et dites la vérité sur tout ce qui vous paraît intéresser la gloire de Dieu et la réforme de la sainte Église. Nous n'avons qu'une vie, et nous devons l'exposer s'il le faut à mille morts, aux souffrances et aux coups pour l'amour du Christ, qui s'est sacrifié avec tant d'ardeur pour l'honneur de son Père et pour notre salut. Je m'arrête, mon Père, car je n'en finirais pas. J'ai eu une grande joie des bonnes nouvelles que vous me donnez de l'arrivée du Christ de la terre, et du commencement de la croisade. Que ce qui est arrivé ne soit pas une cause de refroidissement et de crainte pour vous et pour le Saint-Père (Sainte Catherine veut parler de la révolte de presque tous les Etats de l'Eglise et de la guerre contre la république de Florence.); les choses se feront par ce qui leur semble le plus contraire [554].

6. J'ai appris que le Maître de notre Ordre devait être nommé cardinal (Le Maître général de l'Ordre était alors frère Élie de Toulouse. Il ne fut pas nommé cardinal, et continua à gouverner l'Ordre jusqu'en 1380, époque à laquelle il fut déposé pour avoir suivi le parti de Clément VII. Il mourut en 1390. Le B. Raynond de Capoue lui succéda.). Je vous conjure, par l'amour de Jésus crucifié, de prendre les intérêts de l'Ordre, et de prier le Christ de la terre de nous donner un bon vicaire. Je voudrais que vous parliez de maître Etienne de la Combe, qui a été procureur de l'Ordre et de la province de Toulouse. Je crois que, s'il était choisi, ce serait un grand avantage pour la gloire de Dieu et pour notre Ordre, Car il me semble que c'est un homme vertueux, énergique et sans crainte; nous avons maintenant besoin d'un médecin qui n'ait pas peur, et qui use du fer de la sainte et droite justice; car on s'est tant servi d'onguent jusqu'à présent, que tout les membres sont pour ainsi dire corrompus. Je n'ai pas écrit au Saint-Père à ce sujet, et je ne le lui ai pas désigné; mais je l'ai prié qu'il nous en donnât un bon, et qu'il s'en entretînt avec vous et avec Mgr Nicolas d'Osimo.

7. Si vous croyez que pour cela ou pour autre chose, Frère Raymond puisse vous être utile, écrivez-lui, et il se rendra aussitôt à vos ordres. Je finis. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Gérard de Bonconti vous offre ses respects, ainsi que ma mère, comme à son cher Père, tout en s'en reconnaissant indigne. Doux Jésus, Jésus amour [555].











Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 74, A MESSIRE BARNABE VISCONTI