Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 189, AU PRIEUR
CXC (144). - AU PRIEUR, et aux Frères de la Société de la Vierge Marie, à 1'hôpital de Sienne.- Comment il faut cultiver sa vigne et celle du prochain.
AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE
1. Mes très chers Pères et Fils dans le Christ Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir de bon ouvriers dans la vigne de vos âmes, afin qu'au moment de la récolte vous portiez beaucoup de fruits. Vous savez que la Vérité éternelle nous a créés à son image et ressemblance; il a fait de nous une vigne dans laquelle il a voulu et il veut habiter par la grâce, si le vigneron de cette vigne veut la cultiver bien et loyalement. Si elle n'était pas bien cultivée, elle abonderait en ronces et en épines, et Dieu n'aimerait pas l'habiter. Voyons donc, mes très chers Frères, quel ouvrier le Maître a envoyé. C'est le libre arbitre, auquel il a confié la garde de la vigne; c'est la porte solide de la volonté, que personne ne peut ouvrir ou fermer quand il ne plaît pas au vigneron. La lumière de l'intelligence nous est donnée pour que nous connaissions et distinguions les amis et les ennemis qui veulent passer par cette porte, où est placé le chien de la conscience, qui aboie quand il entend ouvrir; mais il faut que ce chien veille et ne s'endorme pas. Cette lumière fait [1058] voir le fruit et le sépare de la terre, pour que le fruit soit pur et qu'on le mette dans le grenier de la mémoire, qui conserve le souvenir des bienfaits de Dieu. Au milieu de la vigne est placé le vase du coeur, plein du précieux Sang, pour en arroser les plantes, afin qu'elles ne sèchent pas.
2. C'est ainsi que la bonté de Dieu a créé et planté cette vigne; mais je m'aperçois que le poison de l'amour-propre a empoisonné et corrompu le vigneron, tellement, que notre vigne est devenue inculte; elle ne produit plus que des fruits qui donnent la mort., ou des fruits âcres et sauvages, parce que les démons, les semeurs perfides, ont passé par la porte de la volonté avec la semence de beaucoup de pensées mauvaises; et en les semant dans le libre arbitre, ils y ont fait naître des fruits de mort, c'est-à-dire des péchés mortels. Oh! combien est triste à voir cette pauvre vigne! Elle est devenue un bois par les épines de l'orgueil et de l'avarice, par les ronces de la colère et de l'impatience; elle est pleine d'herbes vénéneuses; notre jardin est devenu une étable où nous nous plaisons dans la fange de l'impureté. Ce jardin n'est pas fermé, mais il est ouvert, et nos ennemis, les démons, y entrent comme dans leur demeure. La fontaine de la grâce est tarie; elle avait sa source dans le saint baptême par la vertu du sang de Jésus-Christ, ce sang qui arrosait la vigne en remplissant le coeur d'amour. La lumière de l'intelligence ne voit plus que les ténèbres, parce qu'elle est privée de la lumière de la très sainte Foi; aussi ne connaît-elle plus que l'amour sensitif; la mémoire en est pleine, et alors elle ne peut avoir [1059] que le souvenir de ses misères, de ses désirs et de ses appétits désordonnés.
3. La Vérité éternelle a placé encore une autre vigne auprès de celle-là c'est celle de notre prochain, qui est si étroitement unie à la nôtre, que nous ne pouvons rien faire pour l'une qui ne profite a l'autre. Aussi. il nous est commandé de gouverner cette vigne comme la nôtre; car il est dit: Aime Dieu par-dessus toute chose, et le prochain comme toi-même. Oh! combien est cruel le vigneron qui gouverne mal sa vigne, et ne lui fait porter d'autres fruits que quelques actes de vertu, et ceux-là sont si aigres, que personne ne peut les goûter ces fruits sont les bonnes oeuvres faites en dehors de la charité. Oh! combien est à plaindre cette âme qui, à l'instant de la mort, au moment de la récolte, se trouve sans aucun fruit! Elle comprend quelle sera sa mort, et elle cherche le temps pour pouvoir la changer, mais elle ne le trouve pas. L'homme ignorant semble croire qu'il peut disposer du temps à son gré, mais il n'en est point ainsi.
4. O mes Frères! profitons du temps présent que la miséricorde de Dieu nous donne. Que la raison se mette l'oeuvre avec le libre arbitre, et commençons à retourner la terre de cet amour coupable et déréglé, de cet amour terrestre, qui ne veut se nourrir que de choses passagères, sans consistance et sans durée, qui disparaissent comme le vent. Devenons célestes, et cherchons les biens solides et véritables, qui ne sont sujets à aucun changement; ouvrons la porte de la volonté pour recevoir la semence de cette doctrine qui produit les vraies et [1060] saintes vertus que le libre arbitre a fait sortir de terre a la lumière de la vérité, c'est-à-dire qu'il ne les a semées et récoltées par aucun amour terrestre et humain, mais par la haine et le mépris de soi-même. Il a recueilli le fruit dans sa mémoire par le souvenir des bienfaits de Dieu, reconnaissant qu'il le tient de lui, et non de sa propre vertu.
5. Quel arbre faut-il planter? l'arbre de la charité parfaite, dont la cime s'unit au ciel, c'est-à-dire à l'abîme de la charité divine. Ses rameaux couvrent toute la vigne et conservent les fruits dans leur fraîcheur, parce que toutes les vertus procèdent de la charité, et ont la vie par elle. Comment l'arroser? non pas avec l'eau, mais avec le sang précieux répandu avec un si ardent amour. Ce sang remplit le vase du coeur, et non seulement il arrose la vigne et embellit le jardin, mais il désaltère abondamment le chien de la conscience; il le fortifie afin qu'il fasse une bonne et fidèle garde a la porte de la volonté, pour que personne ne passe sans se faire reconnaître par la raison, qu'il avertit par ses cris; et la raison, a la lumière de l'intelligence, voit si ce sont des amis ou des ennemis. Si ce sont des amis que la clémence du Saint-Esprit nous envoie, c'est-à-dire si ce sont de bonnes et saintes inspirations, le libre arbitre les reçoit en ouvrant la porte avec la clef de l'amour, et il les utilise; mais si ce sont des ennemis, des pensées coupables et des actions corrompues, il les chasse avec la verge de la haine et du mépris; il ne les laisse point passer tant qu'elles ne sont pas changées, il leur ferme la porte de la volonté, qui ne donne pas son consentement [1061].
6. Alors, voyant que le libre arbitre, le vigneron qu'il a envoyé dans la vigne, travaille bien en lui et dans le prochain qu'il assiste autant qu'il le peut par amour et charité, Dieu se repose dans cette âme par la grâce; son repos n'augmente pas par le bien que nous faisons, car il n'a pas besoin de nous, mais sa grâce repose en nous; elle nous donne la vie, elle nous revêt en couvrant notre nudité; elle nous donne la lumière et rassasie notre âme, et en la rassasiant elle la laisse toujours affamée. Elle nous offre sa nourriture sur la table de la très sainte Croix, dans la bouche du saint désir; elle nous présente le lait de la douceur divine, qu'elle mêle avec la myrrhe de l'amertume de la Croix et de la douleur de l'offense de Dieu. Elle nous donne l'encens odoriférant des humbles et continuelles prières qu'on offre avec ferveur pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Oh! combien est heureuse cette âme! Elle goûte véritablement la vie éternelle; mais nous, pauvres ignorants, nous nous inquiétons peu de ce bonheur; car si nous nous en inquiétions, nous aimerions mieux mourir que de perdre un si grand bien. Sortons donc aujourd'hui de cette ignorance, et cherchons la perfection dans la vérité; en la cherchant ainsi, nous la trouverons où Dieu l'a placée; si nous la cherchons autrement, nous ne la trouverons pas.
7. Nous avons dit comment notre âme est une vigne, comment elle est ornée, et comment Dieu veut que nous y travaillions. Il faut voir maintenant où Dieu nous a placés: il nous a placés tous dans la vigne de la sainte Eglise, où il a mis pour vigneron [1062] le Christ de la terre, celui qui administre le précieux Sang, et qui, avec la serpe de la pénitence que nous recevons dans la confession, taille les vices de l'âme et l'unit à son sein avec les liens de la sainte obéissance. Sans cela la vigne de notre âme serait ravagée, et la grêle y détruirait tous les fruits, si elle n'était pas liée par cette obéissance. Il faut donc placer et travailler la vigne de notre âme dans la vigne de la sainte Eglise; autrement nous serions privés de tout bien, et nous tomberions dans toute sorte de mal.
8. Il est temps, mes très chers Pères et Frères, de montrer si nous sommes unis vraiment ou non à la vigne de l'Eglise. Et à quoi le verrai-je? Je le verrai si, dans ce temps de calamités, vous assistez spirituellement et temporellement le vigneron de cette vigne de la sainte Eglise, le Pape Urbain VI, le vrai Vicaire de Jésus-Christ spirituellement, par vos humbles prières; temporellement, en travaillant autant que vous le pourrez à décider les magistrats de la République à lui venir en aide comme ils le doivent. Ne voyons-nous pas que nous sommes obligés de le faire, et que cela peut nous être utile à nous-mêmes? Aimons-nous si peu notre Foi que nous ne voulions pas être ses défenseurs, et sacrifier la vie de notre corps s'il le faut? Serons-nous si ingrats et si oublieux des grands bienfaits que nous avons reçus de Dieu et du Souverain Pontife? Ne savons-nous pas que l'ingratitude fait tarir la source de la piété? Je ne veux pas que nous soyons ingrats, mais reconnaissants pour nourrir en nous la piété. Je vous prie donc par l'amour de Jésus crucifié de [1063] mettre la main à l'oeuvre, et soyons prompts à servir cette vérité... Je suis certaine que si vous êtes de bons et parfaits ouvriers dans votre vigne, vous travaillerez avec un grand zèle par amour de la vérité dans la vigne de la très sainte Eglise. Mais si vous êtes de mauvais ouvriers pour vous-mêmes, vous ne vous appliquerez pas à travailler pour elle comme vous l'avez montré jusqu'à présent. Aussi je vous ai dit que je désirais vous voir de bons ouvriers. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.
CXCI (145). - A QUELQUES MONASTERES DE BOLOGNE. Lettre écrite en extase. - Des devoirs d'une épouse de Jésus-Christ. et des trois voeux de la vie religieuse.
AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE
1. Mes très chères Soeurs dans le Christ, le doux Jésus, moi Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir fondées dans la vraie et parfaite charité. Cette charité est le vêtement nuptial que doit avoir l'âme invitée aux noces de la vie éternelle; car sans ce vêtement nous en serions exclus. Le Christ béni nous y a tous invités, et à tous il nous a donné le vêtement de sa grâce, cette grâce que nous recevons dans le saint baptême. Nous recevons cette invitation et ce présent dans le [1064] baptême; la souillure du péché originel est effacée, et la grâce nous est donnée. L'enfant qui meurt avec la pureté de ce baptême possède la vie éternelle en vertu du sang précieux de Jésus crucifié; c'est ce sang qui fait la force du baptême. Mais la créature raisonnable, lorsqu'elle est arrivée à l'âge de discrétion, peut être fidèle à l'invitation qui lui a été faite dans le saint baptême. Si elle n'y est pas fidèle, elle est repoussée par le Seigneur des noces; elle est chassée dehors, parce qu'elle est trouvée sans le vêtement nuptial. Pourquoi ne l'a-t-elle pas? Parce qu'elle n'a pas voulu observer ce qu'elle avait promis au saint baptême, c'est à dire à renoncer au monde, à ses délices, au démon, à elle-même, à sa propre sensualité.
2. C'est ce que doit faire toute créature raisonnable, dans quelque position qu'elle se trouve; car Dieu ne s'arrête pas aux positions, mais aux saints désirs; et quiconque n'accomplit pas ce qu'il doit, ce qu'il a promis d'observer et de rendre, est un voleur, car il vole ce qui ne lui appartient pas, et Dieu le chasse avec justice, en commandant de lui lier les pieds et les mains, et de le jeter dans les ténèbres extérieures. Les pieds de son amour sont liés, car il ne peut plus désirer Dieu; et celui qui est mort dans l'état de péché mortel et qui est arrivé à l'état de damnation, a les mains de ses oeuvres liées, car il ne peut prendre le fruit de la vie éternelle, qui se donne aux généreux combattants, à ceux qui ont combattu les vices par l'amour de la vertu; mais il prend le fruit de la vie éternelle, qui se donne aux généreux combattants, à ceux qui ont combattu les vices par [1065] l'amour de la vertu; mais il prend le fruit qu'il m'irrite pour ses oeuvres mauvaises, le fruit qui est une nourriture de mort.
3. O mes très chères Soeurs! si des châtiments si durs punissent tous ceux qui n'accomplissent point leur devoir, que dirons-nous de nous, pauvres et ignorantes épouses, qui sommes invitées aux noces de la vie éternelle et aux délices du jardin de la vie religieuse? Ce jardin est embaumé de fleurs et plein de doux et bons fruits; l'épouse qui tient ce qu'elle a promis y devient un ange terrestre en cette vie. Car tous les hommes du monde qui vivent dans la charité commune sont des hommes justes, et s'ils tombent dans le péché mortel ils deviennent semblables aux animaux; mais ceux qui sont dans l'état de continence perpétuelle, et qui entrent dans le jardin de la vie religieuse deviennent des anges; mais s'ils n'observent pas leurs voeux ils deviennent pires que les démons. Ceux-là perdent le vêtement dont nous avons parlé. Oh! combien sera dure et cruelle la sentence qui frappera l'épouse du Christ en présence du souverain Juge! La porte de l'éternel Epoux lui sera fermée; et quel remords aura-t-elle de se voir ainsi privée de Dieu et de la société des anges par sa faute! O mes très chères Soeurs! celle qui y réfléchirait bien aimerait mieux mourir que d'offenser sa perfection je ne dis pas offenser Dieu, mais offenser sa perfection; car autre chose est d'être en péché mortel, c'est-à-dire d'offenser Dieu, autre chose est d'offenser la perfection à laquelle on s'est engagé en promettant d'observer, non seulement les commandements de Dieu, mais encore les conseils [1066] actuellement et mentalement. Les hommes qui sont dans la charité commune observent les commandements et les conseils parce qu'ils sont liés ensemble, et qu'on ne peut les observer les uns sans les autres; mais ils observent les conseils mentalement, tandis que celui qui a promis de suivre la voie parfaite doit les observer actuellement et mentalement. Aussi je dis que s'il ne les observe pas actuellement, mais seulement mentalement, il manque à la perfection qui l'oblige à les observer actuellement et mentalement. Que promettons-nous, mes très chères Soeurs? Nous promettons d'observer les conseils lorsque nous faisons les trois voeux de notre profession nous promettons la pauvreté volontaire, l'obéissance, la chasteté; et en n'y étant pas fidèles, nous offensons Dieu, à qui nous avions fait cette promesse; nous offensons la perfection que nous avions choisie. Celui qui n'a pas promis d'observer les conseils, et qui ne les observe pas actuellement, ne pèche pas, il manque seulement à la perfection qu'il désirait dans son coeur; mais celui qui en a fait le voeu commet un péché.
4. Et quelle est la cause qui empêche d'observer ce voeu? C'est l'amour de nous-mêmes. Cet amour nous ôte la robe nuptiale, il nous prive de la lumière et nous donne les ténèbres; il nous ôte la vie, il nous donne la mort et l'amour des choses passagères, frivoles et périssables; il détruit en nous le saint désir de Dieu. Oh! combien est malheureux cet amour qui nous fait perdre le temps, si précieux pour nous, et qui nous fait abandonner la nourriture des anges pour rechercher la nourriture des animaux [1067]! La créature raisonnable devient semblable à la brute par sa vie déréglée; les vices et les péchés sont sa nourriture, tandis que la nourriture des anges de la terre doit être les 'vraies et solides vertus. Quelle différence y a-t-il entre ces deux nourritures? La différence de la vie et de la mort, d'une chose finie à une chose infinie.
5. Considérons ce qui réjouit la véritable épouse de Jésus crucifié, qui goûte cette douce et tendre nourriture, et ce qui réjouit celle qui est devenue semblable à l'animal grossier. La véritable épouse du Christ aime à chercher son Epoux, non pas dans les réunions, mais dans la connaissance d'elle-même, ou elle le trouve. En voyant et goûtant l'éternelle bonté de l'Epoux, en l'aimant de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces, elle se réjouit de s'asseoir à la table de la très sainte Croix; elle aime mieux acquérir les vertus au milieu des peines et des combats qu'au sein de la paix et sans fatigue, pour ressembler à Jésus crucifié, dont elle suit les traces, tellement que, s'il était possible de le servir sans peine, elle ne le voudrait pas; mais, comme un généreux chevalier, elle veut le servir en combattant avec courage et en se faisant violence à elle-même, parce qu'elle s'est dépouillée de l'amour-propre et revêtue d'une ardente charité. Elle passe par la porte étroite et basse de Jésus crucifié; elle a promis d'observer la pauvreté volontaire, l'obéissance, la chasteté, et elle s'applique à y être fidèle. Elle a jeté à terre le pesant fardeau des richesses du monde, de ses plaisirs, de ses honneurs; et plus elle s'en voit privée, plus elle se réjouit; et parce qu'elle est humble, son [1068] obéissance est prompte. Elle ne résiste jamais à ce qu'on lui commande, et elle ne veut pas être un instant sans avoir devant les yeux les règles de son Ordre et la promesse qu'elle a faite; elle s'applique aux vertus et à la prière.
6. De sa cellule elle a fait un ciel par ses douces psalmodies; elle ne dit pas seulement l'Office des lèvres, elle le dit de coeur, et elle veut être toujours la première qui entre au choeur, et la dernière qui en sorte; elle a en abomination la grille, le parloir et la familiarité des faux dévots (Au temps de sainte Catherine, plusieurs hérésies se cachèrent sous le voile de la dévotion. L'Eglise eut à se défendre des bégards, des béguines, des patarins et des fraticelles, dont les pratiques dont les pratiques extérieures couvraient les plus coupables doctrines.); elle ne s'applique pas à avoir une cellule bien close et bien ornée, mais elle s'applique à bien fermer la cellule de son coeur, afin d'empêcher les ennemis d'y entrer, et elle la pare de toutes les vertus. Mais, pour la cellule qu'elle habite, elle n'y met aucun ornement; si elle y trouve quelque chose, elle l'ôte par amour de la pauvreté, ou pour être utile à ses soeurs; et ainsi elle conserve son corps et son âme dans la continence parfaite, parce qu'elle éloigne ceux qui pourraient la lui faire perdre. Elle se conserve dans la charité fraternelle, aimant toutes les créatures raisonnables, et supportent les défauts de son prochain avec une vraie et sainte patience. Elle est comme le hérisson, en guerre contre la sensualité; elle craint d'offenser son Epoux; elle perd l'attachement à son pays et le souvenir de ses proches; il n'y a que ceux qui font la volonté de Dieu [1069] qui lui sont unis par l'amour. Oh! combien cette âme est heureuse elle ne fait qu'une même chose avec son Epoux, et elle ne peut désirer et vouloir que ce que Dieu veut. Elle traverse ainsi doucement les tempêtes de la mer, et elle répand le parfum des vertus dans le jardin de la vie religieuse. Si vous demandez à Jésus crucifié qu'est cette âme, il vous dira: C'est un autre moi-même par l'effet de l'amour. Elle a le vêtement nuptial, et elle ne sera pas chassée de la salle du festin; mais l'Epoux éternel la recevra avec joie et tendresse. Elle répand la bonne odeur, non seulement en présence de Dieu, mais encore en présence des hommes coupables du monde. Qu'il le veuille ou non, le monde la respecte.
7. Le contraire arrive à celles qui ont le malheur de vivre dans l'aveuglement de l'amour-propre et de la sensualité; aussi leur vie est odieuse à Dieu et aux créatures, et leur défauts diminuent dans les séculiers le respect pour la sainte Religion. Hélas! que devient le voeu de pauvreté avec ce désir, Cet amour, cette ardeur pour les richesses du monde? Elles cherchent à posséder ce qui leur est interdit en étant avares et cruelles avec le prochain. Elles voient le couvent et des soeurs malades être dans le besoin, et elles ne s'en inquiètent pas, comme si elles avaient une troupe d'enfants à élever et des biens à laisser à leurs héritiers. O malheureuse! ce n'est pas ce qui t'arrête ton héritier c'est ta sensualité, et tu veux entretenir l'amitié et les visites de ceux qui te recherchent; tu les entretiens par des présents, et les jours se passent à causer, à raconter des nouvelles et à perdre le temps en paroles oiseuses et coupables; tu ne vois [1070] pas, ou tu vois et tu fais semblant de ne pas voir, que tu souilles ton esprit et ton âme; tu es tourmentée par les combats de la chair, et tu succombes dans les faiblesses de ta volonté malheureuse. Est-ce là ce que doit faire l'épouse du Christ? Dieu et le monde te condamnent. Quand tu récites ton Office, ton coeur est tout entier à tes plaisirs sensuels et aux créatures, que tu aimes de la même manière.
8. O très chères Soeurs? quel esclavage que le service du démon! être toujours attachées à la grille et au parloir sous prétexte de dévotion. O maudit langage! qui règne aujourd'hui dans l'Eglise de Dieu et dans les cloîtres: on appelle dévots et dévotes ceux qui font les oeuvres du démon, et qui sont des démons incarnés. Hélas! hélas! qu'est devenu ce jardin où est semée la corruption de l'impureté? Ce corps, qui devait être mortifié par le jeûne, les veilles, la pénitence et la prière continuelle, il vit au milieu des délices, des parures, des parfums et des aliments recherchés. Son lit n'est pas celui d'une épouse du Christ, mais celui d'une servante du démon et d'une prostituée. L'infection de ses désordres corrompt les créatures, et elle devient l'ennemi de l'honnêteté et des serviteurs de Dieu. Elle ne veut ni règle ni prieure au-dessus de sa tête; c'est le démon et la sensualité qu'elle choisit pour prieure. Elle leur obéit et travaille à les servir avec zèle; elle souhaite le malheur et la mort de ceux qui veulent la tirer de la mort dit péché mortel, et sa misère est si grande, qu'elle court à tous les vices avec rage, et qu'elle semble avoir perdu la raison. Elle détruit son intelligence dans la satisfaction de ses désirs déréglés. Le démon [1071] n'est pas si habile que ces démons incarnés, et elles ne songent qu'à trouver des moyens nouveaux d'inspirer aux hommes un amour coupable, tellement, que souvent on voit le lieu consacré à Dieu se changer en une étable où se commet le péché mortel. Elle devient ainsi adultère, elle se révolte contre son Epoux, et elle tombe des hauteurs du ciel dans les abîmes de l'enfer. Elle omet son Office; elle n'aime pas manger au réfectoire dans la société des pauvres; mais, pour vivre mieux et avoir des mets plus délicats, elle mange en particulier; elle devient cruelle pour elle-même, et n'a pas compassion des autres.
9. D'où vient tant de mal? de l'amour-propre sensitif qui obscurcit l'oeil de la raison, et ne lui laisse pas voir dans quel abîme elle est tombée et elle tombera si elle ne se corrige pas; car, si elle voyait que sa faute la rend servante et esclave du néant et la conduit à l'éternelle damnation, elle préférerait mourir qu'offenser Dieu et son âme. Mais l'amour-propre lui fait oublier et violer le voeu qu'elle a fait; car, par amour d'elle-même, elle possède et désire les richesses et les honneurs du monde, ce qui est la ruine et la honte de la vie religieuse. Savez-vous ce qu'entraîne cette possession des richesses contraire au voeu de pauvreté et aux règles de l'Ordre? L'impureté et la désobéissance. Pourquoi l'impureté? Parce que la possession des richesses occasionne des relations dangereuses. Si elle n'avait rien à donner, elle n'aurait d'autre amitié que celle des serviteurs de Dieu, qui n'aiment pas pour leur intérêt, mais seulement pour Jésus crucifié; et n'ayant rien à donner, les serviteurs du monde, qui ne cherchent autre chose [1072] que l'avantage qu'ils en retirent ou le plaisir coupable qu'ils y trouvent, se seraient retirés si elle n'avait eu rien à donner et si elle ne voulait plaire qu'à Dieu. De même, parce que son esprit est corrompu et superbe, elle tombe aussitôt dans la désobéissance, elle ne veut croire qu'à elle, et les choses vont toujours de mal en pire, tellement que le temple de Dieu devient le temple du démon. Elle est bannie des noces de la vie éternelle, parce qu'elle est dépouillée du vêtement de la charité.
10. Ainsi donc, très chères Soeurs, puisqu'il est si dangereux de ne pas observer les voeux que nous avons faits, appliquons-nous à y être fidèles; considérons combien notre nudité nous rend malheureuses, et comprenons combien le vêtement nuptial est utile à nos âmes et agréable à Dieu, afin que nous en soyons parfaitement revêtues. Comme unique moyen, je vous ai dit que je désirais vous voir fondées dans la vraie et parfaite charité, et je vous conjure par l'amour de Jésus crucifié de le faire. Secouons le sommeil, et mettons pour jamais un terme à notre misère et à notre imperfection, car le temps ne nous appartient pas. La condamnation est prononcée, la sentence est portée, et nous devons mourir, et nous ne savons pas quand. La hache est déjà à la racine de notre arbre; il ne faut donc pas compter sur le temps que nous ne sommes pas sûrs d'avoir, mais il faut maintenant anéantir notre volonté propre et mourir péniblement à nous-mêmes par amour de la vertu.
11. A vous, Mère Prieure, je dis que vous devez donner l'exemple d'une vie sainte et irréprochable [1073], afin que vous puissiez enseigner avec vérité les filles qui vous sont soumises, les reprendre et les punir lorsqu'il en est besoin. Evitez les rapports avec les séculiers, et les conversations avec les faux dévots; fermez les grilles et le parloir, à moins que la nécessité ne le demande. Invitez vos religieuses à être pauvres dans leurs cellules, pour qu'elles n'aient rien à donner, et faites-leur retrancher les ornements, les tapis, les lits de plumes, les vêtements frivoles et déshonnêtes, si elles en ont, comme je le crains. Faites ainsi la première, ma très chère Mère, afin que votre exemple entraîne les autres. Que le chien de votre conscience aboie et morde, en pensant que vous aurez des comptes à rendre à Dieu. Ne fermez pas les yeux pour ne pas voir, parce que Dieu vous voit, et vous n'aurez pas d'excuse. Il faut avoir toujours les yeux ouverts sur celles qui vous sont confiées. Je suis certaine que vous le ferez si vous avez le vêtement nuptial; je vous en prie, et je m'engage à prier sans cesse pour vous, et à vous aider à porter votre fardeau avec toute la charité que Dieu me donnera. Tâchez que je reçoive de bonnes nouvelles. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1074].
CXCII (116). - AU MONASTERE DE SAINT-GAGE, de Florence, à l'Abbesse et aux Religieuses du monastère de Mont-Sansovino. - De l'imitation véritable de Jésus-Christ par les trois voeux de la vie religieuse.
(Le couvent de Saint-Gage est près de Florence, sur la route de Rome. Les religieuses qui l'habitaient suivaient la règle de Saint-Augustin. Le couvent de Mont-Sansovino auquel la même lettre est adressée, était situé entre Sienne et Arezzo. Il observait la règle de Saint-Benoît.)
AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUGE MARIE
1. Ma très chère Mère et mes Filles dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir cachées et enfermées dans le côté de Jésus crucifié: autrement il vous serait inutile d'être renfermées dans un couvent, et la clôture servirait plutôt à votre condamnation. Car, comme votre corps est captif, il faut que votre coeur et vos désirs le soient aussi, puisque vous avez quitté le monde et ses délices pour suivre l'Epoux, le Christ, le doux Jésus. Je ne doute pas que si vous aimez véritablement l'Epoux éternel, vous ne suiviez ses traces. Et vous savez quelle fut sa voie la pauvreté volontaire et l'obéissance. Par humilité, la Grandeur suprême descendit jusqu'à la bassesse de la nature humaine; et par humilité, par l'amour ineffable qu'il eut pour nous, il livra son humanité à la mort honteuse de la Croix [1075], choisissent lui-même la voie des tourments, des fouets, des coups et des outrages. C'est cette humilité que vous devez suivre; et sachez qu'on ne peut l'acquérir que par la vraie et parfaite connaissance de soi-même et par la contemplation de l'humilité profonde et de la douceur de l'Agneau qui s'est immolé avec un si ardent amour. Je dis qu'il a suivi la voie de la vraie pauvreté; car il fut si pauvre, qu'il n'eut pas de quoi reposer sa tête, et à sa naissance la douce Marie avait à peine quelques langes pour envelopper son Fils.
2. Et vous, ses épouses, vous devez suivre la voie de cette pauvreté; vous savez que vous l'avez promis, et je vous conjure par l'amour de Jésus crucifié d'être fidèles à votre promesse jusqu'à la mort: autrement vous ne seriez pas ses épouses, mais vous seriez des adultères, si vous aimiez quelque chose en dehors de Dieu; car l'épouse est adultère lorsqu'elle aime quelque chose plus que l'époux. Et quel est le signe de l'amour? C'est l'obéissance. Plus l'épouse est pauvre de volonté, plus elle renonce aux richesses et aux honneurs du monde, et plus elle est humble; plus elle est humble, plus elle est obéissante, parce que l'orgueilleux n'est jamais obéissant, son orgueil ne veut jamais se soumettre et obéir à aucune créature Je veux donc que vous soyez humbles, et que vous vous renonciez de coeur et d'affection jusqu'à la mort. Vous, Mère abbesse, obéissez à la règle; et vous, religieuses, obéissez à la règle et à votre abbesse. Imitez, imitez l'Epoux éternel, le doux et bon Jésus, qui a été obéissant jusqu'à la mort; sachez que sans l'obéissance vous ne pourrez participer [1076] au sang de l'Agneau. Qu'est-ce qu'une religieuse sans le joug de l'obéissance? C'est une morte et un véritable démon incarné. Elle n'observe pas la règle, elle l'outrage; elle est dans les régions de la mort, parce qu'elle a transgressé les saints commandements de Dieu; et non seulement elle a transgressé ces commandements, mais elle a violé les voeux qu'elle a faits dans sa profession.
3. O mes bien-aimées Soeurs et Filles dans le Christ, le doux Jésus, je ne veux pas que vous tombiez dans ce malheur; mais je veux que vous soyez pleines de zèle pour ne manquer en rien à vos promesses. Voulez-vous jouir de votre Epoux? Tuez en vous la volonté mauvaise, et ne vous révoltez jamais contre la véritable obéissance. Vous savez que l'obéissant véritable ne juge jamais la volonté de son supérieur, mais qu'il baisse la tête et l'accomplit sur-le-champ. Passionnez-vous donc pour celte vraie et solide vertu. Voulez-vous avoir la paix et le repos? Renoncez à votre volonté, car toute peine vient de la volonté propre. Revêtez-vous de la douce et éternelle volonté de Dieu; et de cette manière vous goûterez la vie éternelle, et vous serez appelés des anges terrestres en cette vie. Fortifiez-vous dans la douce Vérité suprême; mais vous n'y parviendrez jamais, si vous ne fixez l'oeil de votre intelligence sur le feu de la charité divine que Dieu fait briller dans la créature raisonnable. Songez, ma Mère et mes Filles, que vous êtes plus obligées que les autres créatures, parce que Dieu, outre l'amour qu'il accorde à la créature, vous a particulièrement favorisées en vous retirant de la vie ténébreuse et grossière de ce monde [1077] si plein de honte et de corruption, pour vous placer dans le cloître et vous choisir pour épouses. Vous De devez donc pas être négligentes, mais chercher toutes les choses, tous les lieux et tous les moyens capables de lui plaire. Et si vous me dites: Quelle est la voie? Je vous répondrai Celle qu'il a tracée lui-même, la voie des opprobres, des peines, des tourments et des fouets. Et quel moyen? l'humilité véritable,l'ardente charité, l'amour ineffable avec lequel on renonce aux richesses et aux honneurs du inonde. Par l'humilité on arrive à l'obéissance, comme je l'ai dit, et par l'obéissance à la paix; car l'obéissance ôte toutes les peines, et donne toutes les joies; elle détruit la volonté, qui est la cause de nos peines.
4. Afin que l'âme puisse monter à cette perfection, notre Sauveur a fait de son corps une échelle, où sont des échelons. Si vous regardez les pieds, qui sont percés et cloués sur la Croix, ils forment le premier degré, parce que l'âme doit se dépouiller avant tout de toute affection de la volonté propre; car, comme les pieds portent le corps, l'affection porte l'âme. Apprenez que l'âme n'acquiert jamais de vertu si elle ne monte le premier degré. Dès que vous êtes montées, vous parvenez à une vraie et profonde humilité; mais montez plus haut, et hâtez-vous d'arriver au côté entrouvert du Fils de Dieu, et là vous trouverez le feu et l'abîme de la charité divine. A ce degré de la plaie du côté, vous trouverez un trésor de parfum; vous trouverez l'Homme-Dieu, et votre âme se rassasiera et s'enivrera tellement, qu'elle ne se verra plus elle-même, comme celui qui [1078] est pris de vin. L'âme alors ne peut voir autre chose que ce sang répandu avec tant d'amour; elle s'élance dans l'ardeur de son désir, et elle arrive au troisième degré, à la bouche, où elle se repose dans le calme et la paix. Elle goûte la paix de l'obéissance, et elle fait comme l'homme qui dans son ivresse se met à dormir et ne sent, pendant son sommeil, ni la prospérité ni l'adversité. De même l'épouse du Christ, ivre d'amour, s'endort dans la paix de son Epoux. Toutes ses facultés sont assoupies, et la tribulation aurait beau fondre sur elle qu'elle ne s'en apercevrait pas, si elle est au milieu de la prospérité du monde, elle ne s'y attache pas d'une manière déréglée, parce qu'elle s'est dépouillée d'elle-même au premier degré. C'est le lieu ou elle s'unit et devient semblable à Jésus crucifié. Courez donc généreusement, car vous connaissez la voie et le lieu où vous pourrez trouver le lit de votre repos, et la table sur laquelle vous goûterez la nourriture qui vous rassasiera. Oui, je le veux et je vous en conjure de la part, de Jésus crucifié, réchauffez-vous, baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié; et afin d'être une même chose avec lui, ne fuyez pas la peine, mais aimez-là, car la peine est petite, et la récompense est grande. Je ne vous en dis pas davantage sur ce sujet (Ce qui suit était adressé seulement au couvent de Saint-Gage.)
5. Il me semble que votre Mère bien-aimée, ma chère Néra, est assise maintenant au festin du ciel, où elle goûte la nourriture de vie; elle a trouvé l'Agneau sans tache pour récompense, l'Agneau qui [1079] est, comme je vous l'ai dit, la table, la nourriture et le serviteur. L'épouse fidèle de Jésus crucifié a trouvé le Père éternel, qui est la table et le lit, parce que dans le Père se trouve l'abondance de tout ce qui lui est nécessaire si l'homme se tourmente, mes très chères Soeurs, s'il va d'un lieu à un autre, c est pour la nourriture, le vêtement et un lieu de repos. Eh bien, elle a trouvé l'éternelle et suprême bonté de Dieu; et il n'est plus nécessaire que l'âme cherche ces choses, et qu'elle aille de côté et d'autre, car elle a trouvé un asile assuré, où elle peut se reposer dans le sein de la Divinité. Le Père est la table, le Fils la nourriture; et c'est par le moyen du Verbe incarné, le Fils de Dieu, que nous arrivons tous, si nous le voulons, au port du salut. L'Esprit-Saint est son serviteur; car c'est par amour que le Père nous donne la nourriture de son Fils, et c'est par amour que le Fils nous donne la vie e0 prend pour lui la mort, afin que par sa mort nous ayons part à la vie éternelle. Nous qui sommes pèlerins et voyageurs dans cette vie, nous recevons cette récompense imparfaitement; mais elle l'a reçue parfaitement, et rien ne pourra la lui enlever.
6. Vous donc, ses filles véritables, vous devez vous réjouir du salut et du bonheur de votre Mère; vous devez vous résigner saintement, à cause de celui qui vous a ôté sa présence sensible, et vous ne devez pas oublier que c'est l'éternelle volonté de Dieu. C'est pour son bien qu'elle a été délivrée de la fatigue et des peines nombreuses qu'elle éprouvait depuis longtemps et elle est maintenant dans son repos. Et vous, ses filles, je vous conjure de suivre ses traces, ses leçons [1080] et les saints usages ou elle vous nourrissait. Ne craignez pas d'être comme des orphelines ou des brebis sans pasteur; vous ne serez pas orphelines, puisque Dieu vous protégera, et qu'elle offrira en sa présence ses bonnes et saintes prières pour vous. Soeur Ghita vous est restée; je vous prie de lui obéir en toute chose, comme Dieu et votre saint Ordre le demandent. Et vous, soeur Ghita, je vous prie autant que je sais et que je peux d'avoir bien soin de cette famille, pour la conserver et l'avancer dans le bien. Ne commettez pas de négligence; Dieu vous en demanderait compte. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.
Catherine de Sienne, Lettres - Lettre n. 189, AU PRIEUR