Vie Ste Catherine de Sienne - CHAPITRE XI
FIANCAILLES MERVEILLEUSES DE CATHERINE AVEC LE SEIGNEUR
QUI L'EPOUSE DANS LA FOI ET LUI DONNE POUR GAGE UN ANNEAU MIRACULEUX.
L'âme de notre sainte croissait, chaque jour, en la grâce de son Créateur. Elle volait plus qu'elle ne marchait dans le chemin de la vertu. Son coeur s'éprit du saint désir d'avoir et d'atteindre le degré parfait de la foi, afin que, par ce moyen, immuablement soumise à son Époux, dans une inviolable fidélité, elle lui devint encore plus agréable. A l'exemple des disciples (Lc, 17,5)1, elle se mit donc à demander au Seigneur qu'il voulût bien lui donner une foi plus grande, si solide que nulle force contraire ne pût la briser et l'abattre. Elle entendit alors dans son âme cette réponse du Seigneur: " Je t'épouserai dans la foi. " Souvent et longtemps la vierge répéta la même prière, et toujours le Seigneur renouvelait la même réponse.
On était aux jours qui précèdent le carême. Au moment de cesser l'usage de la chair et des aliments gras, les fidèles célèbrent alors une fête toute mondaine qu'on pourrait appeler "la fête du ventre ". Notre sainte, recueillie dans le secret de sa cellule, cherchait, dans le jeûne et la prière, le visage de l'éternel Epoux, et répétait avec une grande ferveur et plus d'instance que jamais la prière que nous avons dite. Le Seigneur lui répondit: " Tu as rejeté loin de toi et fui à cause de moi toutes les vanités de ce monde; méprisant toutes les délectations de la chair, tu as mis en moi seul le plaisir de ton coeur. Voilà pourquoi, en ce temps, où toutes les autres personnes de ta maison sont à la joie de leurs festins et fêtent leur corps, j'ai voulu, moi aussi, célébrer solennellement avec toi la fête des épousailles de ton âme. Ainsi que je te l'ai promis, je veux t'épouser dans la foi. " Le Seigneur parlait encore, quand apparurent la Vierge, sa très glorieuse Mère, le bienheureux Jean l'Évangéliste, le glorieux Apôtre Paul, le très saint Dominique, Père de la religion à laquelle appartenait Catherine, et avec eux tous, le Prophète David ayant en main son harmonieux Psaltérion. Pendant que cet instrument résonnait sous les doigts du saint roi, avec une suavité qui dépasse toute imagination, la Vierge, Mère de Dieu, prit avec sa main très sainte la main de notre vierge, en étendit les doigts vers son Fils et lui demanda qu'il daignât épouser Catherine dans la foi. Le Fils unique de Dieu, faisant un signe tout gracieux d'assentiment, présenta un anneau d'or, dont le cercle était orné de quatre perles, et dont le chaton renfermait un diamant d'incomparable beauté. Avec sa main droite, il mit cet anneau à l'annulaire de la main droite de notre vierge et lui dit: "Voici que moi, ton Créateur et ton Sauveur, je t'épouse dans une foi que tu conserveras sans aucune atteinte " jusqu'au jour où tu célébreras, dans les cieux avec moi, des noces éternelles. Courage donc, ma fille, accomplis désormais virilement et sans aucune hésitation toutes les oeuvres que l'ordre de ma Providence te remettra entre les mains. Parce que tu es armée de la force de la foi, tu triompheras heureusement de tous tes adversaires. Après ces paroles, la vision disparut, mais l'anneau resta toujours au doigt de Catherine, visible pour elle seulement, invisible pour les autres. Elle m'a confessé, en rougissant, qu'elle voyait toujours cet anneau à son doigt, et qu'il n'était pas de moment où elle ne l'aperçut.
Et maintenant, lecteur, si vous vous rappelez cette autre Catherine martyre et reine, qu'on dit avoir été épousée par le Seigneur après son baptême, comprenez-vous que vous avez ici une seconde Catherine, vraiment bienheureuse d'avoir été si solennellement épousée par ce même Seigneur, après tant de victoires sur la chair et sur l'ennemi. Que si vous considérez les détails de l'anneau, vous verrez comme ce signe répondait bien à la réalité qu'il signifiait et symbolisait. Catherine demandait une foi forte; quoi de plus fort que le diamant. Il résiste à toute dureté, il brise et ronge les corps les plus durs, et n'est brisé que par le sang de bélier (Cette affirmation, empruntée aux idées populaires du temps, est d'un symbolisme trop gracieux pour que nous reprochions au Bienheureux de n'en avoir pas contrôlé la vérité, avant de s'en servir.). Le coeur qui vit de la foi abat et surmonte dans sa force, tout obstacle; mais, au seul souvenir du sang du Christ, il est tout amolli et brisé. Les quatre perles de l'anneau désignent les quatre puretés de la vierge, pureté d'intention, de pensée, de parole et d'action. La vérité de tous ces symboles, déjà manifestée par ce que nous avons dit, apparaîtra mieux encore dans ce que nous dirons plus loin, avec la grâce de Dieu.
Pour moi, je pense que ces épousailles ont été la confirmation en grâce de l'âme de Catherine. Le signe de cette confirmation était cet anneau visible pour elle, et non pour d'autres. C'est ainsi que, devant procurer le salut d'un grand nombre d'âmes, au milieu des flots agités du monde, elle put avoir pleine confiance dans le secours de la grâce divine, et n'eut plus à craindre de faire naufrage, en arrachant les autres aux vagues. En effet, d'après l'avis et l'enseignement des saints Docteurs, quand le Dieu tout-puissant, par un privilège tout spécial, révèle dès cette vie à certaines âmes, qu'elles Lui sont agréables, c'est surtout parce qu'il veut les envoyer combattre contre ce siècle mauvais, pour l'honneur du nom divin et le salut des âmes. Nous en avons un exemple manifeste dans les Apôtres, qui, au jour de la Pentecôte, reçurent tant de signes de la grâce qui leur était concédée, et dans Paul, auquel il a été dit: "Ma grâce te suffit (1Co 12,9) " et qui reçut, dans l'intérêt de l'humanité, d'autres assurances encore. Notre sainte, en vertu d'une mission qui la mettait en dehors de la condition des autres femmes, devait, elle aussi, aller au monde pour l'honneur de Dieu et le salut de beaucoup d'âmes, ainsi que nous l'expliquerons tout à l'heure, avec la permission du Seigneur. Elle reçut en conséquence un signe de sa confirmation en grâce, afin d'accomplir plus audacieusement et plus virilement les oeuvres que Dieu lui confiait. Cette grâce eut cependant pour elle un caractère tout particulier. Les signes donnés aux autres furent transitoires et n'ont apparu qu'un moment. Celui qu'elle reçut fut permanent et stable; il était toujours sous ses yeux. Je pense que le Seigneur en a agi ainsi à Cause de la faiblesse du sexe de notre sainte, de ta singulière nouveauté de sa mission, et des dangers particuliers à notre siècle, toutes choses qui semblaient s'opposer à l'exécution des oeuvres mandées par Dieu à Catherine. Elle avait donc besoin d'être davantage et plus constamment réconfortée dans ses saints travaux.
Enfin apprenez, lecteur, qu'ici je dois finir la première partie de cette histoire, puisqu'ici finit pour notre sainte la vie de silence et de clôture. Avec le concours du Seigneur, nous allons commencer la seconde partie. Elle contiendra tout ce que Catherine a fait parmi les hommes pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes, alors que, dans tous ses actes, régnait toujours Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, avec le Père et l'Esprit bienfaisant, vît et règne dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.
Ainsi que nous t'avons signalé dans notre avant-propos, le bienheureux Raymond n'a pas souci de raconter dans un ordre chronologique toute la vie publique de la sainte. En un donnant ici un résumé très sommaire, nous croyons être utile au lecteur, qui n'aurait pas à sa disposition d'histoire complète de sainte Catherine.
C'est probablement au carême de 13117 que Catherine a été fiancée à Notre-Seigneur et appelée à l'apostolat. Elle avait alors vingt ans. De 1367 à 1372 elle acquiert par ses miracles et ses oeuvres de charité une grande influence à Sienne elle groupe autour d'elle de fervents disciples et fait régner la paix du Christ dans un grand nombre d'âmes malgré les révolutions incessantes qui, à cette époque, désolent la cité et tout le pays de Sienne.
De 1372 à1376. - Elle reçoit comme confesseur le bienheureux Raymond, écrit aux légats envoyés d'Avignon pour le gouvernement des domaines de l'Église en Italie et voit son influence grandir et s'étendre à la suite des guérisons miraculeuses qu'elle opère sur les victimes de la peste - Elle entre un correspondance avec le Pape Grégoire XI et fait un premier voyage à Pise sur l'invitation de Pierre Gambacorti, puissant seigneur de cette ville. C'est à Pise qu'elle reçoit les stigmates, et c'est à cette époque quelle écrit aux princes et aux chefs militaires tes pins un vue de la chrétienté pour leur prêcher la croisade. - Au lieu de se liguer pour la croisade, les cités italiennes, à l'instigation de Florence et de Milan, se liguent pour faire la guerre au Pape. - Catherine, rentrée à Sienne, est envoyée par Grégoire XI à Lucques et à Pise dont elle obtient la neutralité.
En 1176, Catherine se rend à Avignon, déléguée par Florence pour obtenir la paix du souverain Pontife. La duplicité des Florentins fait échouer les négociations; mais la sainte décide Grégoire XI à ramener à Rome la cour pontificale. Tous deux quittent Avignon en septembre et se dirigent vers l'Italie par des chemins différents. Ils se retrouvent à Gênes, où Catherine triomphe une dernière fois des hésitations du Pape, qui allait retourner à Avignon. Elle revient à Sienne pendant que te Souverain Pontife part définitivement pour Rome.
De 1377 à 1380. - Ambassade de Catherine à Florence racontée au chapitre VI de la troisième partie.- Mort de Grégoire XI. - Élection d'Urbain VI. - Commencement du grand schisme d'Occident. - Notre sainte soutient Urbain VI, qui l'appelle à Rome, où elle arrive en novembre 1376 et où elle meurt le 29 avril 1380.
Pour les détails, voir la Vie de Sainte Catherine, par la Drane du T. O. de S. D.- Traduite par M. l'abbé Caron, - éditée chez Lethielleux.
MANIFESTATION DES DONS
QU'ELLE AVAIT REÇUS DU CIEL DANS LE SECRET
DE SA CELLULE
LE SEIGNEUR ORDONNE CATHERINE DE REPRENDRE
SES RELATIONS AVEC LE MONDE.
C'est la voix du céleste Époux qui s'adresse dans les cantiques à l'épouse aimée et choisie et lui dit: " Ouvre-moi, ma soeur, mon amie, mon immaculée, car ma tête est humide de la rosée du soir et mes cheveux sont lourds des gouttes de la nuit. " L'épouse lui répond: "J'ai enlevé ma tunique, pourrais-je la reprendre; j'ai lavé mes pieds, comment les souiller à nouveau (Ct 5,2-3)? "
Voici pourquoi je cite ces paroles au commencement de cette seconde partie. Jusqu'ici nous avons vu l'union de Jacob et de Rachel (Gn 29-30)nous avons dit la part de choix échue à Marie. Voici maintenant le moment de parler de la fécondité de Léa (Ps 23,9)et du ministère empressé de Marthe (Lc 5,42). Nous montrerons ainsi aux fidèles que l'épouse du Christ, dont nous parlons, n'a pas eu seulement la beauté d'âme d'une épouse, mais qu'elle en a eu aussi la fécondité dans la famille spirituelle dont elle a été la mère. Mais une âme qui a goûté combien le Seigneur est doux trouve qu'il lui est bien difficile de renoncer à la plénitude de ces suavités et de s'en laisser distraire en quelque façon que ce soit. Il est impossible que l'épouse appelée par le Seigneur à lui donner des enfants ou à pourvoir à leurs nécessités ne murmure doucement quelque plainte et n'en expose le motif, autant que cela lui est permis. Voilà pourquoi j'ai fait intervenir tout à l'heure la voix de l'époux. Il éveille l'épouse, qui reposait au lieu de sa contemplation, dépouillée de toute préoccupation temporelle, purifiée de toute souillure; il demande que cette épouse lui ouvre non pas son âme à elle, mais les autres âmes. L'épouse, sans aucun doute, a son âme grandement ouverte, autrement elle ne pourrait ni se reposer dans le Seigneur, ni, à proprement parler, être appelée épouse. Elle reconnaît bien la voix de son Pasteur et de son Epoux, elle comprend qu'il l'appelle de la douceur du repos, aux fatigues du labeur, de la solitude du silence aux éclats de la parole, et du secret de la cellule au grand jour de la place publique. Elle répond alors d'une voix plaintive " Jusqu'ici j'avais dépouillé la tunique de tout souci temporel, comment, après l'avoir rejetée, pourrais-je la reprendre? J'ai lavé, de toute souillure de péchés et de vices mes affections, ces pieds qui me portent partout où je vais, comment les souiller à nouveau au contact des poussières de la terre. "
Mais appliquons ces figures à notre sujet. Jusqu'ici le Sauveur de tous, le Seigneur Dieu Jésus-Christ, avait gracieusement comblé son épouse de ses plus douces suavités, il l'avait exercée aux luttes spirituelles, on lui faisant remporter plusieurs victoires, il l'avait instruite par d'admirables enseignements, et l'avait dotée des dons les plus précieux. Il ne voulut pas qu'une telle lumière restât cachée sous le boisseau, il voulut montrer aux autres cette cité placée sur la montagne (Mt 5,14), afin que cette même épouse rapportât avec usure, au Seigneur, les talents qu'il lui avait confiés. Il l'appelle donc et lui dit: " Ouvre-moi, ma soeur, c'est-à-dire ouvre-moi les portes des âmes, par où je puisse entrer en elles. Ouvre le chemin par où mes brebis pourront aller et revenir et trouver des pâturages. Ouvre-moi, toi ma soeur par la ressemblance de ta nature, toi mon amie par la charité de ton coeur, toi ma colombe par la simplicité de ton esprit, toi mon immaculée par la pureté de ton corps et de ton âme. " La réponse faite par notre sainte à cet appel fut exactement celle du texte cité et expliqué plus haut. Ainsi qu'elle me l'a secrètement raconté, quand l'ordre du Seigneur la faisait sortir de sa cellule pour aller au monde, elle éprouvait intérieurement une douleur parfois si vive qu'il lui semblait que son coeur allait se briser et se fendre. Dieu seul était capable de la faire obéir.
Continuons donc notre récit. Après les épousailles racontées tout à l'heure, le Seigneur se mit à ramener son épouse au commerce de la société, mais peu à peu, modérément, et avec la mesure que demandait ce retour. Il n'enleva pas pour autant à Catherine ses divines intimités; il les rendit même quelquefois plus parfaites, en leur donnant de nouveaux accroissements, ainsi que nous l'exposerons plus loin avec son secours. Mais, dans certaines de ses apparitions à la vierge, après l'avoir instruite du royaume de Dieu, après lui avoir révélé certains secrets, après avoir lu et récité avec elle des psaumes et des heures, comme nous l'avons rapporté, il ajoutait immédiatement: " Voici l'heure du dîner, les gens de ta maison vont aller à table, va avec eux, tu reviendras ensuite à moi." Catherine, en l'entendant, éclatait en sanglots et en pleurs, et disait: " O mon Seigneur, charme suprême de mon coeur, pourquoi me repoussez-vous, moi malheureuse? Si j'ai offensé votre Majesté, que mon corps soit châtié à vos pieds, je vous aiderai bien volontiers à cette oeuvre. Mais ne permettez pas que je sois affligée d'une peine aussi dure que celle d'être séparée de vous, ô mon Époux souverainement aimé, quelle que soit cette séparation et sa courte durée. Qu'y a-t-il de commun entre moi et ces repas? J'ai à manger une nourriture qu'ignorent ceux à qui vous m'ordonnez de me joindre. Est-ce seulement dans le pain que l'homme trouve sa vie? N'est-ce pas dans la parole sortant de votre bouche que sera vivifiée toute âme en ce monde (Mt 4,4)? Vous le savez bien, j'ai fui toute société afin de pouvoir vous trouver, mon Seigneur et mon Dieu. Maintenant que je vous ai trouvé, grâce à votre miséricorde, maintenant que vous avez daigné me donner si gracieusement le bonheur de vous posséder, je ne dois plus jamais abandonner un si incomparable trésor, et me mêler encore aux embarras humains. De nouveau mes ignorances iraient croissant, et, me laissant aller peu à peu, j'en arriverais à mériter votre réprobation. Jamais, Seigneur, non, jamais, votre infinie Bonté, dans sa perfection sans limites, ne nous ordonnera, à moi ou à d'autres, ce qui pourrait séparer d'Elle nos âmes."
Telles étaient, avec d'autres de même genre, les paroles de la vierge; ses sanglots en disaient plus que sa voix, et elle se prosternait aux pieds du Seigneur. Le Seigneur lui répondit: "Laisse-toi faire, ô ma très douce fille. C'est ainsi qu'il te faut accomplir toute justice, et permettre à ma grâce de porter ses fruits non seulement en toi, mais dans les autres. Je n'ai nullement l'intention de te séparer de moi d'aucune façon, mais je veux me servir de l'amour du prochain pour t'unir plus fortement à moi. Tu sais qu'il est double, mon précepte d'amour, amour de moi, amour du prochain; dans ce double précepte, sont contenus, je l'atteste, la Loi et les prophètes (Mt 22,40). Je veux que tu accomplisses la justice de ces deux préceptes, que tu marches non pas avec un seul pied, mais avec les deux, que tu aies deux ailes pour voler au ciel. Tu dois te souvenir que, dès ton enfance, le zèle du salut des âmes a grandi dans ton coeur, c'est moi qui l'y avais semé et qui l'arrosai. Ce zèle était tel que tu voulais te faire passer pour un homme, t'en aller en pays où tu fusses inconnue pour entrer dans l'Ordre des Prêcheurs et te rendre ainsi capable d'être utile aux âmes. Si tu as tant désiré l'habit que tu portes maintenant, c'est que tu avais un amour tout spécial pour mon fidèle serviteur Dominique, qui a surtout fondé son oeuvre pour le salut des âmes. Pourquoi donc t'étonner et te plaindre, si je te conduis à une oeuvre que tu as désirée dès tes premières années." Catherine, un peu réconfortée par la parole du Seigneur, reprit, à l'exemple de la bienheureuse Vierge Marie " Comment cela se fera-t-il (Lc 1,34)? " - " Comme ma bonté en disposera et l'ordonnera", répondit le Seigneur. - Et la sainte, en disciple fidèle, imitant son maître, continua: " Qu'en toutes choses votre volonté se fasse et non la mienne (Lc 22,42). Je suis ténèbres et Vous lumière; je ne suis pas et vous êtes Celui qui est, je suis folie et Vous êtes la sagesse de Dieu le Père; cependant j'ose vous demander humblement, si ce n'est pas là trop grande présomption, comment se fera ce que vous venez de dire? puis-je être utile aux âmes, moi, pauvre misérable, si faible sous tous rapports? Mon sexe s'y oppose, vous le savez bien, et pour plusieurs raisons soit parce qu'il n'a point d'autorité devant les hommes, soit parce que les lois de l'honnêteté ne lui permettent pas de se mêler à la société de personnes d'un sexe différent."
Le Seigneur lui répéta ce qu'avait déjà dit l'Archange Gabriel, qu'il est impossible de trouver en ce que l'esprit conçoit quelque chose d'irréalisable pour Dieu (Ps 113,3): " Ne suis-je pas Celui qui a créé le genre humain et formé l'un et l'autre sexe? Est-ce que je ne répands pas où je veux la grâce de mon Esprit? Pour moi, pas de distinction d'hommes ou de femmes, de plébéiens ou de nobles, toutes choses sont égales devant Moi, car ma puissance les atteint également toutes. Il m'est aussi facile de créer un ange qu'une fourmi. Il est écrit de Moi que j'ai fait tout ce que j'ai voulu "; car rien d'intelligible ne peut m'être impossible. Pourquoi t'inquiéter du Comment? Penses-tu que je ne sache pas, ou que je ne puisse pas trouver la manière d'exécuter mes dispositions et mes décrets? Mais ce n'est pas le manque de foi, c'est l'humilité, qui te fait parler ainsi. Je le sais, et voici ce que je veux t'apprendre. En ce temps-ci, il y a un tel débordement d'orgueil, surtout parmi ceux qui se croient lettrés et sages, que ma justice ne peut attendre plus longtemps pour les confondre par un juste jugement. Mais, parce que ma miséricorde règne toujours sur toutes mes oeuvres, je vais commencer par infliger à ces orgueilleux une conclusion qui leur sera salutaire et utile, s'ils veulent s'humilier en rentrant en eux-mêmes. Ainsi ai-je fait pour les Juifs et les Gentils, quand je leur ai envoyé des septuples d'esprit, remplis par moi de la divine Sagesse. Je vais donc, pour confondre leur témérité, leur susciter des femmes ignorantes et faibles par nature, mais que j'aurai dotées d'une sagesse et d'une puissance divines. Si alors ils s'humilient et se reconnaissent, je leur accorderai mes plus abondantes miséricordes. Oui, je serai miséricordieux pour ceux qui recevront et suivront avec le respect qui lui est dû, et selon leur mesure de grâce, la doctrine que je leur fais porter dans des vases fragiles, il est vrai, mais que j'ai choisis pour cela. S'ils méprisent cette salutaire confusion, je les accablerai de mon juste jugement. Après avoir refusé d'être ainsi confondus, ils seront réduits à tant d'autres hontes que le monde entier s'en moquera et les méprisera. C'est le châtiment ordinaire et très juste des orgueilleux. Quand ils se livrent au vent de l'orgueil pour s'élever au-dessus d'eux-mêmes, ils sont précipités bien au-dessous. Tu vas donc obéir sans hésitation, quand j'aurai décrété de t'envoyer au peuple. Je ne t'abandonnerai pas où que tu sois; je ne cesserai pas pour autant de te visiter comme d'habitude, et je te dirigerai dans toutes les oeuvres qu'il te faudra accomplir. "
Après avoir entendu ces paroles, notre vierge, en vraie fille d'obéissance, s'inclina avec respect devant le Seigneur, sortit aussitôt de sa cellule, se joignit aux personnes de sa famille et vint se mettre à table avec elles pour accomplir l'ordre du Sauveur.
Ici, arrêtez-vous un instant, bien-aimé lecteur, car je veux tenir la promesse que j'ai faite devant Dieu au commencement de ce récit. J'ai dit plus haut, si vous ne l'avez pas oublié, que je n'écrirai dans cet ouvrage rien d'imaginé, rien de faux, rien d'inventé, mais seulement ce que j'aurais réellement appris de la sainte ou d'autres personnes. Or il est certains sujets dont elle m'a souvent, très souvent parlé et sur lesquels je ne puis me rappeler littéralement toutes ses paroles. Ma négligence et mon apathie, ô honte! en sont la cause. De plus les occupations qui me sont survenues depuis que je n'ai vu Catherine, m'ont enlevé de l'esprit certaines de ses paroles et bien d'autres souvenirs. Enfin je suis sur le déclin de l'âge, raison bien suffisante, je pense, pour expliquer mon défaut de mémoire, car je crois avec Sénèque que la mémoire est la première faculté qui vieillit. Quand les souvenirs m'arrivent donc un peu confus, j'écris les mots qui, plus vraisemblablement, me paraissent avoir été prononcés en me guidant tout à la fois sur mon souvenir et sur les exigences du sujet dont je parle. Je dois avouer cependant, à l'honneur du Dieu tout-puissant et de la vierge son épouse et à ma confusion, qu'au moment d'écrire, grâce au secours de la sainte, je vois se réveiller d'innombrables souvenirs dont ma mémoire auparavant ne gardait nulle trace. Souvent même il m'a paru que Catherine était comme présente et me dictait pour ainsi dire ce que j'écrivais. Que cet avis, ô lecteur, soit la règle de votre foi quant aux paroles citées, mats non pas quant aux actions racontées. Car, pour ce qui est des faits, je ne rapporte rien dont je n'aie eu parfaite et sûre connaissance, soit par témoin, soit par document écrit, soit par moi-même. Il y a aussi beaucoup de paroles que je me rappelle textuellement, surtout parmi celles qui relèvent de l'enseignement doctrinal; la seule crainte d'offenser quelque peu la vérité m'a fait insérer ce que vous lisez ici.
Et maintenant, revenons à notre histoire. Catherine prit donc part corporellement à la vie commune. mais elle resta tout entière d'esprit avec son Epoux. Tout ce qu'elle voyait et entendait lui était à charge, en dehors de Celui qu'elle aimait de toutes les fibres de son coeur. Dans l'ardeur de son amour, elle trouvait bien longues les heures qu'elle passait en société; ces heures lui paraissaient des jours et des années. Aussitôt qu'elle le pouvait, elle revenait à sa cellule chercher Celui qu'aimait son âme et, quand elle l'avait trouvé, elle s'attachait à Lui plus doucement que jamais, elle le retenait avec une passion nouvelle et l'adorait en même temps avec un respect plus profond. C'est alors qu'en son coeur s'éleva un désir qui devait aller croissant, pendant tout le cours de sa vie mortelle, celui de la sainte Communion, qui lui permettait non seulement d'être unie d'esprit a son Epoux, mais de se lier à Lui corps à corps. Elle savait bien que le Sacrement souverainement vénérable du Corps du Seigneur apporte à l'âme une grâce spirituelle et l'unit à son Sauveur; elle savait bien que c'est là le but principal pour lequel ce sacrement a été institué; mais elle savait aussi que le Corps réel du Seigneur est cependant réellement consommé par le corps de celui qui le reçoit, de sorte que corps et corps sont réellement associés sans que cependant cette union suive les lois de la matière. Comme notre sainte voulait s'unir de plus en plus à l'objet si noble de son amour, elle résolut de s'approcher de la sainte Communion le plus souvent qu'elle le pourrait. Mais je ne parlerai pas davantage ici de ce sujet, car nous lui consacrerons. plus loin, avec la grâce de Dieu, un chapitre spécial.
De jour en jour le Seigneur invitait donc et entraînait peu à peu Catherine à reprendre modestement ses rapports avec les hommes pour lui faire enfin produire dans les âmes tout le fruit qu'il désirait. Il s'ensuivit que la vierge du Seigneur, pour ne pas paraître oisive au regard de sa famille, commença de s'occuper à nouveau des différents services de la maison. C'est alors qu'arrivèrent plusieurs faits merveilleux que nous devons noter. Le chapitre suivant en donnera le récit. Finissons ici ce premier chapitre, pour lequel je ne cite pas d'autres témoins, puisque j'ai tout appris de notre sainte vierge elle-même.
ADMIRABLES EXTASES DE CATHERINE
MIRACLES ARRIVES AU TEMPS OU ELLE COMMENÇA
DE REPRENDRE SES RELATIONS AVEC LE MONDE.
La vierge dévouée à Dieu vit bien que son Epoux voulait absolument qu'elle eût quelque rapport avec le monde. Elle résolut dès lors de mener parmi les hommes une vie qui ne leur fût pas inutile et qui pût même porter à la vertu ceux qui en étaient les témoins. Elle s'appliqua donc tout d'abord à des actions tout humbles, puis peu à peu à des oeuvres de charité qui devaient édifier ses proches. Elle ne renonça pas pour autant à ses dévotes et continuelles oraisons et à l'incomparable pénitence qui les accompagnait. Humblement, elle se mit avec grande application à tous les travaux que demandait le service de la maison; elle exerça d'un coeur joyeux l'office de servante, balayant, lavant tout ce qui servait à la table ou à la cuisine et s'occupant aux emplois les plus vils. Elle le faisait en particulier quand la servante de la maison souffrait de quelque indisposition. Catherine doublait alors son service ordinaire; elle pourvoyait à tous les besoins de la servante malade et, en même temps, la remplaçait dans toutes ses charges à la maison sans abandonner pour autant, chose admirable à dire, les consolations qu'elle trouvait auprès de l'éternel Époux. L'inclination qu'elle avait à s'unir mentalement à Lui, à toute heure et en tout temps, paraissait si naturelle que nul acte extérieur, nulle occupation corporelle n'était jamais un obstacle à ces chastes embrassements. Le feu tend naturellement à s'élever, de même l'âme de Catherine, toute brûlante de l'amour divin, manifestement entraînée par une habitude qui était devenue comme une seconde nature, tendait continuellement à ces régions supérieures où le Christ est assis à la droite de Dieu. Aussi son corps tombait-il souvent, très souvent dans cet état extraordinaire qu'on appelle extase, et je puis dire que nous l'avons mille fois vu et constaté moi et les Frères qu'elle a engendrés spirituellement dans le Seigneur par le Verbe de Vie.
Aussitôt que cette sainte âme était un peu plus vivement pénétrée du souvenir de son Époux céleste, elle s'arrachait autant qu'elle le pouvait aux sens corporels. Les extrémités du corps, c'est-à-dire les mains et les pieds, se contractaient. Cette contraction prenait d'abord les doigts, puis les membres tout entiers qui adhéraient alors si fort aux lieux qu'ils touchaient, qu'on les eût rompus et brisés avant d'avoir pu les en arracher. Les yeux se fermaient complètement, le cou prenait une rigidité cadavérique telle qu'il y avait danger, pour la santé de la sainte, à le toucher à ce moment. Souvent Lapa, qui ne comprenait rien à ces extases, et voyait sa fille inerte et raidie, voulut t'amener à son état normal le cou un peu incliné. Mais aux cris de la compagne de Catherine, qui savait le résultat de pareil essai, elle y renonçait. En effet, quand la vie rentrait dans les sens de la vierge, le cou était alors aussi douloureusement affecté que si on l'avait frappé très violemment et à coups redoublés. La sainte m'a même assuré, un jour qu'on racontait ce fait en sa présence, que si sa mère avait pu faire quelques efforts de plus, pour lui redresser le cou, elle le lui aurait infailliblement rompu. Tandis que Catherine était emportée au ciel, dans ces ravissements d'esprit, comme une seconde Marie-Madeleine, son corps était, lui aussi, élevé de terre avec l'âme, afin qu'on vît bien quelle était la force qui attirait l'esprit. Mais plus tard nous nous étendrons davantage sur ce sujet avec l'aide du Seigneur. Parlons pour le moment d'un miracle qui arriva au commencement de ces extases.
Un jour où, comme je l'ai dit, notre sainte s'occupait des services les plus bas de sa maison, elle était assise près du foyer plein de charbons ardents, et tournait des viandes rôtissant à la broche, ainsi que le font les dernières des servantes. Mais cette occupation extérieure ne diminuait en rien le feu de l'Esprit-Saint, qui brûlait intérieurement son âme. Elle pensait au Bien-Aimé de son coeur, et, lui parlant mentalement, elle tomba en extase et cessa tout mouvement extérieur. Sa belle-soeur Lysa, qui en rend encore témoignage, s'en aperçut. Connaissant les habitudes de la sainte, elle tourna la broche à sa place et la laissa jouir des baisers de l'Époux céleste. La viande acheva de cuire, toute la famille prit son repas; l'extase durait toujours. Lysa fit tout l'ouvrage que faisait habituellement Catherine, et la laissa se délecter tout à son aise dans ses divines consolations. Elle se rendit ensuite dans les appartements plus intérieurs de la maison pour y servir, comme de coutume, son mari et ses enfants. Quand, par ses soins, tous eurent commencé de reposer dans leurs lits, elle voulut veiller jusqu'à ce que la sainte revînt à elle, afin de voir ainsi la fin de cette extase. Après un bon moment, elle sortit de son appartement et vint au lieu où elle avait laissé en ravissement la sainte vierge du Seigneur. Elle trouva alors le corps de Catherine complètement affaissé sur les charbons ardents; et le feu dans cette maison était toujours alimenté d'une grande quantité de braise, car on consumait beaucoup de bois pour cuire les couleurs. A ce spectacle, Lysa s'écria en se lamentant: " Hélas! Catherine est toute brûlée! " Elle s'approcha bien vite, retira la sainte du feu, et s'aperçut que la flamme avait laissé absolument intacts le corps et les vêtements; pas de trace, pas d'odeur de brûlure. Bien plus, on ne voyait pas même de cendres sur les habits. Et cependant, d'après le calcul soigneusement fait après cet accident, la sainte avait dû rester plusieurs heures sur ce foyer. Comprenez-vous, lecteur, quelle devait être la vertu du feu intérieur caché dans l'âme de cette vierge, pour qu'il pût annihiler complètement la vertu naturelle du feu extérieur. Ne vous semble-t-il pas que le miracle des trois enfants dans la fournaise se trouve comme révélé ici? Et ce miracle du feu n'est pas seulement arrivé une fois pour Catherine, mais il s'est répété souvent.
Un autre jour, elle était dans l'église des Frères Prêcheurs de Sienne, sa tête reposait, inclinée sur la base d'une colonne, où étaient de saintes images. Un cierge de cire, que quelqu'un avait allumé là en l'honneur d'un saint, tomba sur la tête de la vierge en prière, avant que la cire eût été complètement consumée. O merveille, tout à fait étonnante pour notre temps! Le cierge, tombant sur le voile de la vierge, continua d'y brûler, tant qu'il y eut de la cire pour alimenter la flamme, sans faire le moindre mal à la tête et au voile sacré de Catherine, sans laisser sur ce voile aucune trace. Quand toute la cire eut été consumée, le cierge s'éteignit de lui-même, comme s'il fût tombé sur du fer ou de la pierre dure. J'ai pour témoins de ce fait plusieurs compagnes de Catherine qui l'ont vu et me l'ont raconté; l'une de ces compagnes est Lysa, déjà citée; une autre s'appelait Alexia,la troisième, Françoise. La première vit encore, les deux autres ont suivi de près, dans la mort, leur maîtresse.
De plus, voici ce qui est arrivé souvent et en différents lieux, surtout quand notre sainte, ou plutôt la grâce de Dieu par elle, faisait d'extraordinaires conversions. L'antique serpent, dans l'excès de sa rage contre Catherine, usant de la permission du Seigneur, la précipita tout entière dans le feu, en présence de plusieurs de ses fils et de ses filles dans le Christ. Tous ceux qui se trouvaient là jetaient les hauts cris et se hâtaient de la retirer. Quant à elle, elle sortait des flammes avec un visage gai et souriant, sans que sa personne ou ses vêtements en eussent souffert la moindre atteinte. Elle disait alors aux siens n Ne craignez rien! c'est Mala Tascha. " Ainsi appelait-elle le diable, parce qu'il est comme le mauvais sac qui emprisonne les âmes car, dans ce pays, Tascha est le nom vulgaire d'un petit sac. Néri Landocci de Sienne, un des fils spirituels de Catherine, m'a assuré qu'il avait vu ce fait deux fois de ses propres yeux, et qu'avec lui se trouvaient alors plusieurs autres personnes de l'un et l'autre sexe. Ce Néri est de vie intègre; c'est presque un anachorète, je l'ai connu longtemps, aussi ai-je une foi entière en ses paroles.
Un certain Gabriel de Piccolomini de Sienne m'a attesté la même chose, me disant que lui aussi était présent; il a même cité cet autre fait. Un jour, on avait mis devant le lit de la sainte, alors couchée, un grand vase de terre, plein de charbons ardents. Elle fut précipitée par l'antique ennemi de telle façon et avec une telle violence que sa tête, en frappant sur les charbons, fit éclater le vase en plusieurs morceaux. Et cependant, ni la tête, ni son voile, n'eurent à souffrir quelque dommage du feu ou de cette chute violente. Catherine se releva en souriant, sans aucun mal, et se moqua de son persécuteur, en répétant à plusieurs reprises: " Mala Tascha." On lit de semblables choses d'Euphrasie (Sainte Euphrasie, fêtée au 12Mars, sortit sans aucun mal d'une chaudière d'huile bouillante.) dans les Vies des Pères. Rien d'étonnant à ce que Dieu laisse ainsi traiter ses épouses, alors qu'il a permis que le Fils unique de son coeur soit transporté par ce même esprit mauvais sur le pinacle du Temple et sur une montagne élevée (Mt 4).
J'avoue qu'ici, lecteur bien-aimé, j'ai passé des premiers aux derniers actes de notre sainte. La ressemblance des sujets m'y a obligé. Si je n'ai pas tenu compte des dates, c'était pour n'avoir pas à répéter dans la suite le récit des miracles que Notre-Seigneur accomplit par Catherine sur l'élément du feu.
Grâce à l'enseignement, et plus encore à la divine motion du souverain Docteur, notre sainte apprenait chaque jour davantage à jouir de l'intimité de l'Epoux céleste en son lit de fleurs, tout en descendant dans la vallée des lis pour y recevoir une fécondité nouvelle (Ct 1,15; 2,1). Elle savait si bien allier ces deux mouvements de la vie surnaturelle qu'aucun ne supprimait ou ne diminuait l'autre, ce qui est souveraine perfection et dépasse même la perfection ordinaire de la charité sur cette terre. Cependant, comme toutes ses actions avaient l'amour pour racine et pour cause, il s'ensuit que ses oeuvres de charité pour le prochain sont les plus abondantes. Ces oeuvres étaient de deux sortes, puisque notre prochain, nous le savons, est tout à la fois substance spirituelle et corporelle et comme il est naturel, en matière d'enseignement, de s'élever de l'imparfait au parfait, nous parlerons d'abord des oeuvres de charité que Catherine a faites pour les corps de ses frères, puis de celles qu'elle a faites pour leurs âmes, si toutefois il est possible de raconter exactement les oeuvres de cette seconde catégorie, ce que je ne croîs pas.
Quant aux premières, l'excellence des actes accomplis nous oblige à partager le récit que nous en ferons, entre les soins donnés aux corps des malades et les secours apportés aux indigences du prochain, oeuvres bien remarquables, et dont chaque genre offre à notre vénération quelque miracle divin. Le chapitre qui suit immédiatement traitera donc des merveilles accomplies dans le soulagement des besoins matériels du prochain; nous parlerons dans un autre de l'admirable charité que montra Catherine envers les corps des infirmes.
Je termine ici le présent chapitre, dont le contenu a pour témoins ceux que j'ai cités plus haut; aussi n'ai-je pas cru devoir les nommer encore une fois.
Vie Ste Catherine de Sienne - CHAPITRE XI