1998 Catéchisme 290
290 "Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre": trois choses sont affirmées dans ces premières paroles de l'Ecriture: le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui. Lui seul est créateur (le verbe "créer" - en hébreu "bara" - a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la formule "le ciel et la terre") dépend de Celui qui lui donne d'être.
291 "Au commencement était le Verbe ... et le Verbe était Dieu ... Tout a été fait par lui et sans lui rien n'a été fait" (Jn 1,1-3). Le Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Eternel, son Fils bien-aimé. C'est en lui "qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre ... tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui" (Col 1,16-17). La foi de l'Eglise affirme de même l'action créatrice de l'Esprit-Saint: il est le "donateur de vie" (Symbole de Nicée-Constantinople), "l'Esprit Créateur" ("Veni, Creator Spiritus"), la "Source de tout bien" (Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292 Insinuée dans l'Ancien Testament (cf. Ps 33,6 Ps 104,30 Gn 1,2-3), révélée dans la Nouvelle Alliance, l'action créatrice du Fils et de l'Esprit, inséparablement une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de foi de l'Eglise: "Il n'existe qu'un seul Dieu ...: il est le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l'Auteur, il est l'Ordonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, c'est-à-dire par son Verbe et par sa Sagesse" (S. Irénée, hær. 2, 30, 9), "par le Fils et l'Esprit" qui sont comme "ses mains" (ibid., 4, 20,1). La création est l'oeuvre commune de la Sainte Trinité.
293 C'est une vérité fondamentale que l'Ecriture et la Tradition ne cessent d'enseigner et de célébrer: "Le monde a été créé pour la gloire de Dieu" (Cc. Vatican I: DS 3025). Dieu a créé toutes choses, explique S. Bonaventure, "non propter gloriam augendam, sed propter gloriam manifestandam et propter gloriam suam communicandam" (sent. 2,1, 2,2,1). Car Dieu n'a pas d'autre raison pour créer que son amour et sa bonté: "Aperta manu clave amoris creaturæ prodierunt" (S. Thomas d'A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile du Vatican explique:
Dans sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu'il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294 La gloire de Dieu c'est que se réalise cette manifestation et cette communication de sa bonté en vue desquelles le monde a été créé. Faire de nous "des fils adoptifs par Jésus-Christ: tel fut le dessein bienveillant de Sa volonté à la louange de gloire de sa grâce" (Ep 1,5-6): "Car la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu: si déjà la révélation de Dieu par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à ceux qui voient Dieu" (S. Irénée, hær. 4, 20,7). La fin ultime de la création, c'est que Dieu, "qui est le Créateur de tous les êtres, devienne enfin 'tout en tous' (1Co 15,28), en procurant à la fois sa gloire et notre béatitude" (AGD 2).
Dieu crée par sagesse et par amour
295 Nous croyons que Dieu a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9,9). Il n'est pas le produit d'une nécessité quelconque, d'un destin aveugle ou du hasard. Nous croyons qu'il procède de la volonté libre de Dieu qui a voulu faire participer les créatures à son être, sa sagesse et sa bonté: "Car c'est toi qui créas toutes choses; tu as voulu qu'elles soient, et elles furent créées" (Ap 4,11). "Que tes oeuvres sont nombreuses, Seigneur! Toutes avec sagesse tu les fis" (Ps 104,24). "Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses vont à toutes ses oeuvres" (Ps 145,9).
Dieu crée "de rien"
296 Nous croyons que Dieu n'a besoin de rien de préexistant ni d'aucune aide pour créer (cf. Cc. Vatican I: DS 3022). La création n'est pas non plus une émanation nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I: DS 3023-3024). Dieu crée librement "de rien" (DS 800 DS 3025):
Quoi d'extraordinaire si Dieu avait tiré le monde d'une matière préexistante? Un artisan humain, quand on lui donne un matériau, en fait tout ce qu'il veut. Tandis que la puissance de Dieu se montre précisément quand il part du néant pour faire tout ce qu'il veut (S. Théophile d'Antioche, Autol. 2,4).
297 La foi en la création "de rien" est attestée dans l'Ecriture comme une vérité pleine de promesse et d'espérance. Ainsi la mère des sept fils les encourage au martyre:
Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles; ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de l'esprit et de la vie; ce n'est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous. Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à l'origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l'esprit et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l'amour de ses lois ... Mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien et que la race des hommes est faite de la même manière (2M 7,22-23 2M 7,28).
298 Puisque Dieu peut créer de rien, il peut,par l'Esprit Saint, donner la vie de l'âme à des pécheurs en créant en eux un coeur pur (cf. Ps 51,12), et la vie du corps aux défunts par la Résurrection, Lui "qui donne la vie aux morts et appelle le néant à l'existence" (Rm 4,17). Et puisque, par sa Parole, il a pu faire resplendir la lumière des ténèbres (cf. Gn 1,3), il peut aussi donner la lumière de la foi à ceux qui l'ignorent (cf. 2Co 4,6).
Dieu crée un monde ordonné et bon
299 Puisque Dieu crée avec sagesse, la création est ordonnée: "Tu as tout disposé avec mesure, nombre et poids" (Sg 11,20). Créée dans et par le Verbe éternel, "image du Dieu invisible" (Col 1,15), elle est destinée, adressée à l'homme, image de Dieu (cf. Gn 1,26), appelé à une relation personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la lumière de l'Intellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa création (cf. Ps 19,2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit d'humilité et de respect devant le Créateur et son oeuvre (cf. Jb 42,3). Issue de la bonté divine, la création participe à cette bonté ("Et Dieu vit que cela était bon ... très bon": Gn 1,4 Gn 1,10 Gn 1,12 Gn 1,18 Gn 1,21 Gn 1,31). Car la création est voulue par Dieu comme un don adressé à l'homme, comme un héritage qui lui est destiné et confié. L'Eglise a dû, à maintes reprises, défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS 286 DS 455-463 DS 800 DS 1333 DS 3002).
Dieu transcende la création et lui est présent
300 Dieu est infiniment plus grand que toutes ses oeuvres (cf. Si 43,28): "Sa majesté est plus haute que les cieux" (Ps 8,2), "à sa grandeur point de mesure" (Ps 145,3). Mais parce qu'il est le Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe, il est présent au plus intime de ses créatures: "En lui nous avons la vie, le mouvement et l'être" (Ac 17,28). Selon les paroles de S. Augustin, il est "superior summo meo et interior intimo meo" (conf. 3,6, 11).
Dieu maintient et porte la création
301 Avec la création, Dieu n'abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement d'être et d'exister, il la maintient à chaque instant dans l'être, lui donne d'agir et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète par rapport au Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance:
Oui, tu aimes tout ce qui existe, et tu n'as de dégoût pour rien de ce que tu as fait; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l'aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l'avais voulue? Ou comment ce que tu n'aurais pas appelé aurait-il été conservé? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie (Sg 11,24-26).
302 La création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle n'est pas sortie tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée "en état de voie" ("in statu viæ") vers une perfection ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu l'a destinée. Nous appelons divine providence les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection:
Dieu garde et gouverne par sa providence tout ce qu'il a créé, "atteignant avec force d'une extrémité à l'autre et disposant tout avec douceur" (Sg 8,1). Car "toutes choses sont à nu et à découvert devant ses yeux" (He 4,13), même celles que l'action libre des créatures produira (Cc. Vatican I: DS 3003).
303 Le témoignage de l'Ecriture est unanime: La sollicitude de la divine providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu'aux grands événements du monde et de l'histoire. Avec force, les livres saints affirment la souveraineté absolue de Dieu dans le cours des événements: "Notre Dieu, au ciel et sur la terre, tout ce qui lui plaît, il le fait" (Ps 115,3); et du Christ il est dit: "s'il ouvre, nul ne fermera, et s'il ferme, nul n'ouvrira" (Ap 3,7); "Il y a beaucoup de pensées dans le coeur de l'homme, seul le dessein de Dieu se réalisera" (Pr 19,21).
304 Ainsi voit-on l'Esprit-Saint, auteur principal de l'Ecriture Sainte, attribuer souvent des actions à Dieu, sans mentionner des causes secondes. Ce n'est pas là "une façon de parler" primitive, mais une manière profonde de rappeler la primauté de Dieu et sa Seigneurie absolue sur l'histoire et le monde (cf. Is 10,5-15 Is 45,5-7 Dt 32,39 Si 11,14) et d'éduquer ainsi à la confiance en Lui. La prière des Psaumes est la grande école de cette confiance (cf. Ps 22 Ps 32 Ps 35 Ps 103 Ps 138 e.a.).
305 Jésus demande un abandon filial à la providence du Père céleste qui prend soin des moindres besoins de sens enfants: "Ne vous inquiétez donc pas en disant: qu'allons-nous manger? qu'allons-nous boire? ... Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît" (Mt 6,31-33 cf. Mt 10,29-31).
La providence et les causes secondes
306 Dieu est le Maître souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, Il se sert aussi du concours des créatures. Ceci n'est pas un signe de faiblesse, mais de la grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas seulement à ses créatures d'exister, il leur donne aussi la dignité d'agir elles-mêmes, d'être causes et principes les unes des autres et de coopérer ainsi à l'accomplissement de son dessein.
307 Aux hommes, Dieu accorde même de pouvoir participer librement à sa providence en leur confiant la responsablilité de "soumettre" la terre et de la dominer (cf. Gn 1,26-28). Dieu donne ainsi aux hommes d'être causes intelligentes et libres pour compléter l'oeuvre de la Création, en parfaire l'harmonie pour leur bien et celui de leur prochains. Coopérateurs souvent inconscients de la volonté divine, les hommes peuvent entrer délibérément dans le plan divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par leurs souffrances (cf. Col 1,24). Ils deviennent alors pleinement "collaborateurs de Dieu" (1Co 3,9 1Th 3,2) et de son Royaume (cf. Col 4,11).
308 C'est une vérité inséparable de la foi en Dieu le Créateur: Dieu agit en tout agir de ses créatures. Il est la cause première qui opère dans et par les causes secondes: "Car c'est Dieu qui opère en nous à la fois le vouloir et l'opération même, au profit de ses bienveillants desseins" (Ph 2,13 cf. ). Loin de diminuer la dignité de la créature, cette vérité la rehausse. Tirée du néant par la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, elle ne peut rien si elle est coupée de son origine, car "la créature sans le Créateur s'évanouit" (GS 36); encore moins peut-elle atteindre sa fin ultime sans l'aide de la grâce (cf. Mt 19,26 Jn 15,5 Ph 4,13).
La providence et le scandale du mal
309 Si Dieu le Père Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses créatures, pourquoi le mal existe-t-il? A cette question aussi pressante qu'inévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse rapide ne saura suffire. C'est l'ensemble de la foi chrétienne qui constitue la réponse à cette question: la bonté de la création, le drame du péché, l'amour patient de Dieu qui vient au devant de l'homme par ses Alliances, par l'Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l'Esprit, par le rassemblement de l'Eglise, par la force des sacrements, par l'appel à une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées d'avance à consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d'avance, par un mystère terrible, se dérober. Il n'y a pas un trait du message chrétien qui ne soit pour une part une réponse à la question du mal.
310 Mais pourquoi Dieu n'a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu'aucun mal ne puisse y exister? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas d'A., I 25,6). Cependant dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde "en état de voie" vers sa perfection ultime. Ce devenir comporte, dans le dessein de Dieu, avec l'apparition de certains êtres, la disparition d'autres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les constructions de la nature aussi les destructions. Avec le bien physique existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n'a pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas d'A., SCG 3,71).
311 Les anges et les hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur destinée ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se dévoyer. En fait, ils ont péché. C'est ainsi que le mal moral est entré dans le monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu n'est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral (cf. S. Augustin, lib. 1,1,1; S. Thomas d'A., I-II 79,1). Il le permet cependant, respectant la liberté de sa créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien:
Car le Dieu Tout-puissant ..., puisqu'il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses oeuvres s'il n'était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même (S. Augustin, enchir. 11,3).
312 Ainsi, avec le temps, on peut découvrir que Dieu, dans sa providence toute-puissante, peut tirer un bien des conséquences d'un mal, même moral, causé par ses créatures: "Ce n'est pas vous, dit Joseph à ses frères, qui m'avez envoyé ici, c'est Dieu; ... le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l'a tourné en bien afin de ... sauver la vie d'un peuple nombreux" (Gn 45,8 Gn 50,20 cf. Tb 2,12-18 vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait jamais été commis, le rejet et le meurtre du Fils de Dieu, causé par les péchés de tous les hommes, Dieu, par la surabondance de sa grâce (cf. Rm 5,20), a tiré le plus grand des biens: la glorification du Christ et notre Rédemption. Le mal n'en devient pas pour autant un bien.
313 "Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu" (Rm 8,28). Le témoignage des saints ne cesse de confirmer cette vérité:
Ainsi, S. Catherine de Sienne dit à "ceux qui se scandalisent et se révoltent de ce qui leur arrive": "Tout procède de l'amour, tout est ordonné au salut de l'homme, Dieu ne fait rien que dans ce but" (dial. 4,138).
Et S. Thomas More, peu avant son martyre, console sa fille: "Rien ne peut arriver que Dieu ne l'ait voulu. Or, tout ce qu'il veut, si mauvais que cela puisse nous paraître, est cependant ce qu'il y a de meilleur pour nous" (lettre).
Et Lady Julian of Norwich: "J'appris donc, par la grâce de Dieu, qu'il fallait m'en tenir fermement à la foi, et croire avec non moins de fermeté que toutes choses seront bien ...". "Thou shalt see thyself that all MANNER of thing shall be well" (rev. 32).
314 Nous croyons fermement que Dieu est le Maître du monde et de l'histoire. Mais les chemins de sa providence nous sont souvent inconnus. Ce n'est qu'au terme, lorsque prendra fin notre connaissance partielle, lorsque nous verrons Dieu "face à face" (1Co 13,12), que les voies nous seront pleinement connues, par lesquelles, même à travers les drames du mal et du péché, Dieu aura conduit sa création jusqu'au repos de ce Sabbat (cf. Gn 2,2) définitif, en vue duquel Il a créé le ciel et la terre.
315 Dans la création du monde et de l'homme, Dieu a posé le premier et universel témoignage de son amour tout-puissant et de sa sagesse, la première annonce de son "dessein bienveillant" qui trouve sa fin dans la nouvelle création dans le Christ.
316 Bien que l'oeuvre de la création soit particulièrement attribuée au Père, c'est également vérité de foi que le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont l'unique et indivisible principe de la création.
317 Dieu seul a créé l'univers librement, directement, sans aucune aide.
318 Aucune créature n'a le pouvoir infini qui est nécessaire pour "créer" au sens propre du mot, c'est-à-dire de produire et de donner l'être à ce qui ne l'avait aucunement (appeler à l'existence ex nihilo) (cf. DS 3624).
319 Dieu a créé le monde pour manifester et pour communiquer sa gloire. Que ses créatures aient part à Sa vérité, à Sa bonté et à Sa beauté, voilà la gloire pour laquelle Dieu les a créées.
320 Dieu qui a créé l'univers le maintient dans l'existence par son Verbe, "ce Fils qui soutient l'univers par sa parole puissante" (He 1,3) et par son Esprit Créateur qui donne la vie.
321 La divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu'à leur fin ultime.
322 Le Christ nous invite à l'abandon filial à la Providence de notre Père céleste (cf. Mt 6,26-34), et l'Apôtre S. Pierre reprend: "De toute votre inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il prend soin de vous" (1P 5,7 cf. Ps 55,23).
323 La providence divine agit aussi par l'agir des créatures. Aux êtres humains, Dieu donne de coopérer librement à ses desseins.
324 La permission divine du mal physique et du mal moral est un mystère que Dieu éclaire par son Fils, Jésus Christ, mort et ressuscité pour vaincre le mal. La foi nous donne la certitude que Dieu ne permetterait pas le mal s'il ne faisait pas sortir le bien du mal même, par des voies que nous ne connaîtrons pleinement que dans la vie éternelle.
325 Le Symbole des Apôtres professe que Dieu est "le Créateur du ciel et de la terre", et le Symbole de Nicée-Constantinople explicite: "... de l'univers visible et invisible".
326 Dans l'Ecriture Sainte, l'expression "ciel et terre" signifie: tout ce qui existe, la création toute entière. Elle indique aussi le lien, à l'intérieur de la création, qui à la fois unit et distingue ciel et terre: "La terre", c'est le monde des hommes (cf. Ps 115,16) "Le ciel" ou "les cieux" peut désigner le firmament (cf. Ps 19,2), mais aussi le "lieu" propre de Dieu: "notre Père aux cieux" (Mt 5,16 cf. Ps 115,16) et, par conséquent, aussi le "ciel" qui est la gloire eschatologique. Enfin, le mot "ciel" indique le "lieu" des créatures spirituelles - les anges - qui entourent Dieu.
327 La profession de foi du quatrième Concile du Latran affirme que Dieu "a tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est-à-dire les anges et le monde terrestre; puis la créature humaine qui tient des deux, composée qu'elle est d'esprit et de corps" (DS 800 cf. DS 3002 et SPF 8).
L'existence des anges - une vérité de foi
328 L'existence des êtres spirituels, non-corporels, que l'Ecriture sainte nomme habituellement anges, est une vérité de foi. Le témoignage de l'Ecriture est aussi net que l'unanimité de la Tradition.
Qui sont-ils?
329 S. Augustin dit à leur sujet: "Angelus officii nomen est, non naturæ. Quæris nomen huius naturæ, spiritus est; quæris officium, angelus est: ex eo quod est, spiritus est, ex eo quod agit, angelus" (Psal. 103,1, 15). De tout leur être, les anges sont serviteurs et messagers de Dieu. Parce qu'ils contemplent "constamment la face de mon Père qui est aux cieux" (Mt 18,10), ils sont "les ouvriers de sa parole, attentifs au son de sa parole" (Ps 103,20).
330 En tant que créatures purement spirituelles, ils ont intelligence et volonté: ils sont des créatures personnelles (cf. Pie XII: DS 3801) et immortelles (cf. Lc 20,36). Ils dépassent en perfection toutes les créatures visibles. L'éclat de leur gloire en témoigne (cf. Da 10,9-12).
Le Christ "avec tous ses anges"
331 Le Christ est le centre du monde angélique. Ce sont ses anges à Lui: "Quand le Fils de l'homme viendra dans sa gloire avec tous ses anges ..." (Mt 25,31). Ils sont à Lui parce que créés par et pour lui: "Car c'est en lui qu'ont été créées toutes choses, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles: trônes, seigneuries, principautés, puissances; tout a été créé par lui et pour lui" (Col 1,16). Ils sont à Lui plus encore parce qu'Il les a faits messagers de son dessein de salut: "Est-ce que tous ne sont pas des esprits chargés d'un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter le salut?" (He 1,14).
332 Ils sont là, dès la création (cf. Jb 38,7, où les anges sont appelés "fils de Dieu") et tout au long de l'histoire du salut, annonçant de loin ou de près ce salut et servant le dessein divin de sa réalisation: ils ferment le paradis terrestre (cf. Gn 3,24), protègent Lot (cf. Gn 19), sauvent Agar et son enfant (cf. Gn 21,17), arrêtent la main d'Abraham (cf. Gn 22,11), la loi est communiquée par leur ministère (cf. Ac 7,53), ils conduisent le peuple de Dieu (cf. Ex 23,20-23), ils annoncent naissances (cf. Jg 13) et vocations (cf. Jg 6,11-24 Is 6,6), ils assistent les prophètes (cf. 1R 19,5), pour ne citer que quelques exemples. Enfin, c'est l'ange Gabriel qui annonce la naissance du Précurseur et celle de Jésus lui-même (cf. Lc 1,11 Lc 1,26).
333 De l'Incarnation à l'Ascension, la vie du Verbe incarné est entourée de l'adoration et du service des anges. Lorsque Dieu "introduit le Premier-né dans le monde, il dit: 'Que tous les anges de Dieu l'adorent'" (He 1,6). Leur chant de louange à la naissance du Christ n'a cessé de résonner dans la louange de l'Eglise: "Gloire à Dieu ..." (Lc 2,14). Ils protègent l'enfance de Jésus (cf. Mt 1,20 Mt 2,13 Mt 2,19), servent Jésus au désert (cf. Mc 1,12 Mt 4,11), le réconfortent dans l'agonie (cf. Lc 22,43), alors qu'il aurait pu être sauvé par eux de la main des ennemis (cf. Mt 26,53) comme jadis Israël (cf. 2M 10,29-30 2M 11,8). Ce sont encore les anges qui "évangélisent" (Lc 2,10) en annonçant la Bonne Nouvelle de l'Incarnation (cf. Lc 2,8-14), et de la Résurrection (cf. Mc 16,5-7) du Christ. Ils seront là au retour du Christ qu'ils annoncent (cf. Ac 1,10-11), au service de son jugement (cf. Mt 13,41 Mt 24,31 Lc 12,8-9).
Les anges dans la vie de l'Eglise
334 D'ici-là toute la vie de l'Eglise bénéficie de l'aide mystérieuse et puissante des anges (cf. Ac 5,18-20 Ac 8,26-29 Ac 10,3-8 Ac 12,6-11 Ac 27,23-25).
335 Dans sa Liturgie, l'Eglise se joint aux anges pour adorer le Dieu trois fois saint (MR, "Sanctus"); elle invoque leur assistance (ainsi dans le "Supplices te rogamus ..." du Canon romain ou le "In Paradisum deducant te angeli ..." de la Liturgie des défunts, ou encore dans l'"Hymne chérubinique" de la Liturgie byzantine), elle fête plus particulièrement la mémoire de certains anges (S. Michel, S. Gabriel, S. Raphaèl, les anges gardiens).
336 De l'enfance (cf. Mt 18,10) au trépas (cf. Lc 16,22), la vie humaine est entourée de leur garde (cf. Ps 34,8 Ps 91,10-13) et de leur intercession (cf. Jb 33,23-24 Za 1,12 Tb 12,12). "Chaque fidèle a à ses côtés un ange comme protecteur et pasteur pour le conduire à la vie" (S. Basile, Eun. 3,1). Dès ici-bas, la vie chrétienne participe, dans la foi, à la société bienheureuse des anges et des hommes, unis en Dieu.
337 C'est Dieu lui-même qui a créé le monde visible dans toute sa richesse, sa diversité et son ordre. L'Ecriture présente l'oeuvre du Créateur symboliquement comme une suite de six jours "de travail" divin qui s'achèvent sur le "repos" du septième jour (Gn 1,1-2,4). Le texte sacré enseigne, au sujet de la création, des vérités révélées par Dieu pour notre salut (cf. DV 11) qui permettent de "reconnaître la nature profonde de la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu" (LG 36):
338 Il n'existe rien qui ne doive son existence à Dieu créateur. Le monde a commencé quand il a été tiré du néant par la parole de Dieu; tous les êtres existants, toute la nature, toute l'histoire humaine s'enracinent en cet événement primordial: c'est la genèse même par laquelle le monde est constitué, et le temps commencé (cf. S. Augustin, Man. 1,2,4).
339 Chaque créature possède sa bonté et sa perfection propres. Pour chacune des oeuvres des "six jours" il est dit: "Et Dieu vit que cela était bon". "C'est en vertu de la création même que toutes les choses sont établies selon leur consistance, leur vérité, leur excellence propre avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques" (GS 36). Les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinies de Dieu. C'est pour cela que l'homme doit respecter la bonté propre de chaque créature pour éviter un usage désordonné des choses, qui méprise le Créateur et entraîne des conséquences néfastes pour les hommes et pour leur ambiance.
340 L'interdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l'aigle et le moineau: les innombrables diversités et inégalités signifient qu'aucune créature ne se suffit à elle-même, qu'elles n'existent qu'en dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellemnt, au service les unes des autres.
341 La beauté de l'univers: L'ordre et l'harmonie du monde créé résultent de la diversité des êtres et des relations qui existent entre eux. L'homme les découvre progressivement comme lois de la nature. Ils font l'admiration des savants. La beauté de la création reflète l'infinie beauté du Créateur. Elle doit inspirer le respect et la soumission de l'intelligence de l'homme et de sa volonté.
342 La hiérarchie des créatures est exprimée par l'ordre des "six jours", qui va du moins parfait au plus parfait. Dieu aime toutes ses créatures (cf. Ps 145,9), il prend soin de chacune, même des passereaux. Néanmoins, Jésus dit: "Vous valez mieux qu'une multitude de passereaux" (Lc 12,6-7), ou encore: "Un homme vaut plus qu'une brebis" (Mt 12,12).
343 L'homme est le sommet de l'oeuvre de la création. Le récit inspiré l'exprime en distinguant nettement la création de l'homme de celle des autres créatures (cf. Gn 1,26).
344 Il existe une solidarité entre toutes les créatures du fait qu'elles ont toutes le même Créateur, et que toutes sont ordonnées à sa gloire:
Loué sois-tu, Seigneur, dans toutes tes créatures,
spécialement messire le frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour la lumière;
il est beau, rayonnant d'une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut, il nous offre le symbole. ...
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur Eau,
qui est très utile et très humble,
précieuse et chaste. ...
Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur notre mère la Terre
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits
avec les fleurs diaprées et les herbes. ...
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.
(S. François d'Assise, cant.)
345 Le Sabbat - fin de l'oeuvre des "six jours". Le texte sacré dit que "Dieu conclut au septième jour l'ouvrage qu'il avait fait" et qu'ainsi "le ciel et la terre furent achevés", et que Dieu, au septième jour, "chôma" et qu'il sanctifia et bénit ce jour (Gn 2,1-3). Ces paroles inspirées sont riches en enseignements salutaires:
346 Dans la création Dieu a posé un fondement et des lois qui demeurent stables (cf. He 4,3-4), sur lesquels le croyant pourra s'appuyer avec confiance, et qui lui seront le signe et le gage de la fidélité inébranlable de l'Alliance de Dieu (cf. Jr 31,35-37 Jr 33,19-26). De son côté, l'homme devra rester fidèle à ce fondement et respecter les lois que le Créateur y a inscrites.
347 La création est faite en vue du Sabbat et donc du culte et de l'adoration de Dieu. Le culte est inscrit dans l'ordre de la création (cf. Gn 1,14). "Operi Dei nihil præponatur", dit la règle de S. Benoît, indiquant ainsi le juste ordre des préoccupations humaines.
348 Le Sabbat est au coeur de la loi d'Israël. Garder les commandemants, c'est correspondre à la sagesse et à la volonté de Dieu exprimées dans son oeuvre de création.
349 Le huitième jour. Mais pour nous, un jour nouveau s'est levé: le jour de la Résurrection du Christ. Le septième jour achève la première création. Le huitième jour commence la nouvelle création. Ainsi, l'oeuvre de la création culmine en l'oeuvre plus grande de la rédemption. La première création trouve son sens et son sommet dans la nouvelle création dans le Christ, dont la splendeur dépasse celle de la première (cf. MR, Vigile pascale 24: prière après la première lecture).
350 Les anges sont des créatures spirituelles qui glorifient Dieu sans cesse et qui servent ses desseins salvifiques envers les autres créatures: "Ad omnia bona nostra cooperantur angeli" (S. Thomas d'A., I 114,3, ad 3).
351 Les anges entourent le Christ, leur Seigneur. Ils le servent particulièrement dans l'accomplissement de sa mission salvifique envers les hommes.
352 L'Eglise vénère les anges qui l'aident dans son pèlerinage terrestre. et qui protègent tout être humain.
353 Dieu a voulu la diversité de ses créatures et leur bonté propre, leur interdépendance et leur ordre. Il a destiné toutes les créatures matérielles au bien du genre humain. L'homme, et toute la création à travers lui, est destiné à la gloire de Dieu.
354 Respecter les lois inscrites dans la création et les rapports qui dérivent de la nature des choses, est un principe de sagesse et un fondement de la morale.
355 "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa" (Gn 1,27). L'homme tient une place unique dans la création: il est "à l'image de Dieu" (I); dans sa propre nature il unit le monde spirituel et le monde matériel (II); il est créé "homme et femme" (III); Dieu l'a établi dans son amitié (IV).
356 De toutes les créatures visibles, seul l'homme est "capable de connaître et d'aimer son Créateur" (GS 12); il est "la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même" (GS 24);lui seul est appelé à partager, par la connaissance et l'amour, la vie de Dieu. C'est à cette fin qu'il a été créé, et c'est là la raison fondamentale de sa dignité:
Quelle raison T'a fait constituer l'homme en si grande dignité? L'amour inestimable par lequel Tu as regardé en Toi-même Ta créature, et Tu T'es épris d'elle; car c'est par amour que Tu l'as créée, c'est par amour que Tu lui as donné un être capable de goûter Ton Bien éternel (Ste. Catherine de Sienne, dial. 4, 13).
357 Parce qu'il est à l'image de Dieu l'individu humain a la dignité de personne: il n'est pas seulement quelque chose, mais quelqu'un. Il est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d'autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d'amour que nul autre ne peut donner à sa place.
358 Dieu a tout créé pour l'homme (cf. GS 12 GS 24 GS 39), mais l'homme a été créé pour servir et aimer Dieu et pour Lui offrir toute la création:
Quel est donc l'être qui va venir à l'existence entouré d'une telle considération? C'est l'homme, grande et admirable figure vivante, plus précieux aux yeux de Dieu que la création toute entière: c'est l'homme, c'est pour lui qu'existent le ciel et la terre et la mer et la totalité de la création, et c'est à son salut que Dieu a attaché tant d'importance qu'il n'a même pas épargné son Fils unique pour lui. Car Dieu n'a pas eu de cesse de tout mettre en oeuvre pour faire monter l'homme jusqu'à lui et le faire asseoir à sa droite (S. Chrysostome, serm. in Gn 2,1).
359 "En réalité, c'est seulement dans le mystère du Verbe incarné que s'éclaire véritablement le mystère de l'homme" (GS 22):
Saint Paul nous apprend que deux hommes sont à l'origine du genre humain: Adam et le Christ ... Le premier Adam, dit-il, a été créé comme un être humain qui a reçu la vie; le dernier est un être spirituel qui donne la vie. Le premier a été créé par le dernier, de qui il a reçu l'âme qui le fait vivre ... Le second Adam a établi son image dans le premier Adam alors qu'il le modelait. De là vient qu'il en a endossé le rôle et reçu le nom, afin de ne pas laisser perdre ce qu'il avait fait à son image. Premier Adam, dernier Adam: le premier a commencé, le dernier ne finira pas. Car le dernier est véritablement le premier, comme il l'a dit lui-même: "Je suis le Premier et le Dernier" (S. Pierre Chrysologue, serm. 117).
360 Grâce à la communauté d'origine le genre humain forme une unité. Car Dieu "a fait sortir d'une souche unique toute la descendance des hommes" (Ac 17,26 cf. Tb 8,6):
Merveilleuse vision qui nous fait contempler le genre humain dans l'unité de son origine en Dieu ...; dans l'unité de sa nature, composée pareillement chez tous d'un corps matériel et d'une âme spirituelle; dans l'unité de sa fin immédiate et de sa mission dans le monde; dans l'unité de son habitation: la terre, des biens de laquelle tous les hommes, par droit de nature, peuvent user pour soutenir et développer la vie; unité de sa fin surnaturelle: Dieu même, à qui tous doivent tendre; dans l'unité des moyens pour atteindre cette fin; ... dans l'unité de son rachat opéré pour tous par le Christ (Pie XII, enc. "Summi pontificatus"; cf. NAE 1).
361 "Cette loi de solidarité humaine et de charité" (Ibid.), sans exclure la riche variété des personnes, des cultures et des peuples, nous assure que tous les hommes sont vraiment frères.
1998 Catéchisme 290