1998 Catéchisme 362
362 La personne humaine, créée à l'image de Dieu, est un être à la fois corporel et spirituel. Le récit biblique exprime cette réalité avec un langage symbolique, lorsqu'il affirme que "Dieu modela l'homme avec la glaise du sol; il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant" (Gn 2,7). L'homme tout entier est donc voulu par Dieu.
363 Souvent, le terme âme désigne dans l'Ecriture Sainte la vie humaine (cf. Mt 16,25-26 Jn 15,13) ou toute la personne humaine (cf. Ac 2,41). Mais il désigne aussi ce qu'il y a de plus intime en l'homme (cf. Mt 26,38 Jn 12,27) et de plus grande valeur en lui (cf. Mt 10,28 2M 6,30), ce par quoi il est plus particulièrement image de Dieu: "âme" signifie le principe spirituel en l'homme.
364 Le corps de l'homme participe à la dignité de l'"image de Dieu": il est corps humain précisement parce qu'il est animé par l'âme spirituelle, et c'est la personne humaine toute entière qui est destinée à devenir, dans le Corps du Christ, le Temple de l'Esprit (cf. 1Co 6,19-20 1Co 15,44-45):
Corps et âme, mais vraiment un, l'homme, dans sa condition corporelle, rassemble en lui-même les éléments du monde matériel qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur. Il est donc interdit à l'homme de dédaigner la vie corporelle. Mais au contraire il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et qui doit ressusciter au dernier jour (GS 14).
365 L'unité de l'âme et du corps est si profonde que l'on doit considérer l'âme comme la "forme" du corps (cf. Cc. Vienne en 1312: DS 902); c'est-à-dire, c'est grâce à l'âme spirituelle que le corps constitué de matière est un corps humain et vivant; l'esprit et la matière, dans l'homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union forme une unique nature.
366 L'Eglise enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc. "Humani generis", 1950: DS 3896 SPF 8) - elle n'est pas "produite" par les parents -, et qu'elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513: DS 1440): elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et elle s'unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale.
367 Parfois il se trouve que l'âme soit distinguée de l'esprit. Ainsi S. Paul prie pour que notre "être tout entier, l'esprit, l'âme et le corps" soit gardé sans reproche à l'Avènement du Seigneur (1Th 5,23). L'Eglise enseigne que cette distinction n'introduit pas une dualité dans l'âme (Cc. Constantinople IV en 870: DS 657). "Esprit" signifie que l'homme est ordonné dès sa création à sa fin surnaturelle (Cc. Vatican I: DS 3005 cf. GS 22), et que son âme est capable d'être surélevée gratuitement à la communion avec Dieu (cf. Pie XII, Enc. "Humani generis", 1950: DS 3891).
368 La tradition spirituelle de l'Eglise insiste aussi sur le coeur, au sens biblique de "fond de l'être" (Jr 31,33) où la personne se décide ou non pour Dieu (cf. Dt 6,5 Dt 29,3 Is 29,13 Ez 36,26 Mt 6,21 Lc 8,15 Rm 5,5).
Egalité et différence voulues par Dieu
369 L'homme et la femme sont créés, c'est-à-dire ils sont voulus par Dieu: dans une parfaite égalité en tant que personnes humaines, d'une part, et d'autre part dans leur être respectif d'homme et de femme. "Etre homme", "être femme" est une réalité bonne et voulue par Dieu: l'homme et la femme ont une dignité inamissible qui leur vient immédiatement de Dieu leur créateur (cf. Gn 2,7 Gn 2,22). L'homme et la femme sont, avec une même dignité, "à l'image de Dieu". Dans leur "être-homme" et leur "être-femme", ils reflètent la sagesse et la bonté du Créateur.
370 Dieu n'est aucunement à l'image de l'homme. Il n'est ni homme ni femme. Dieu est pur esprit en lequel il n'y a pas place pour la différence des sexes. Mais les "perfections" de l'homme et de la femme reflètent quelque chose de l'infinie perfection de Dieu: celles d'une mère (cf. Is 49,14-15 Is 66,13 Ps 130,2-3) et celles d'un père et époux (cf. Os 11,1-4 Jr 3,4-19).
"L'un pour l'autre" - "une unité à deux"
371 Créés ensemble, l'homme et la femme sont voulus par Dieu l'un pour l'autre. La Parole de Dieu nous le fait entendre par divers traits du texte sacré. "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie" (Gn 2,18). Aucun des animaux ne peut être ce "vis-à-vis" de l'homme (Gn 2,19-20). La femme que Dieu "façonne" de la côte tirée de l'homme et qu'il amène à l'homme, provoque de la part de l'homme un cri d'admiration, une exclamation d'amour et de communion: "C'est l'os de mes os et la chair de ma chair" (Gn 2,23). L'homme découvre la femme comme un autre "moi", de la même humanité.
372 L'homme et la femme sont faits "l'un pour l'autre": non pas que Dieu ne les aurait faits qu'"à moitié" et "incomplets"; il les a créés pour une communion de personnes, en laquelle chacun peut être "aide" pour l'autre parce qu'ils sont à la fois égaux en tant que personnes ("os de mes os ...") et complémentaires en tant que masculin et féminin. Dans le mariage, Dieu les unit de manière que, en formant "une seule chair" (Gn 2,24), ils puissent transmettre la vie humaine: "Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre" (Gn 1,28). En transmettant à leur descendants la vie humaine, l'homme et la femme comme époux et parents, coopèrent d'une façon unique à l'oeuvre du Créateur (cf. GS 50).
373 Dans le dessein de Dieu, l'homme et la femme ont la vocation de "soumettre" la terre (Gn 1,28) comme "intendants" de Dieu. Cette souveraineté ne doit pas être une domination arbitraire et destructrice. A l'image du Créateur "qui aime tout ce qui existe" (Sg 11,24), l'homme et la femme sont appelés à participer à la Providence divine envers les autres créatures. De là, leur responsabilité pour le monde que Dieu leur a confié.
374 Le premier homme n'a pas seulement été créé bon, mais il a été constitué dans une amitié avec son Créateur et une harmonie avec lui-même et avec la création autour de lui telles qu'elles ne seront dépassées que par la gloire de la nouvelle création dans le Christ.
375 L'Eglise, en interprétant de manière authentique le symbolisme du langage biblique à la lumière du Nouveau Testament et de la Tradition, enseigne que nos premiers parents Adam et Eve ont été constitué dans un état "de sainteté et de justice originelle" (Cc. Trente: DS 1511). Cette grâce de la sainteté originelle était une "participation à la vie divine" (LG 2).
376 Par le rayonnement de cette grâce toutes les dimensions de la vie de l'homme étaient confortées. Tant qu'il demeurait dans l'intimité divine, l'homme ne devait ni mourir (cf. Gn 2,17 Gn 3,19), ni souffrir (cf. Gn 3,16). L'harmonie intérieure de la personne humaine, l'harmonie entre l'homme et la femme (cf. Gn 2,25), enfin l'harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l'état appelé "justice originelle".
377 La "maîtrise" du monde que Dieu avait accordée à l'homme dès le début, se réalisait avant tout chez l'homme lui-même comme maîtrise de soi. L'homme était intact et ordonné dans tout son être, parce que libre de la triple concupiscence (cf. 1Jn 2,16) qui le soumet aux plaisirs des sens, à la convoitise des biens terrestres et à l'affirmation de soi contre les impératifs de la raison.
378 Le signe de la familiarité avec Dieu, c'est que Dieu le place dans le jardin (cf. Gn 2,8). Il y vit "pour cultiver le sol et le garder" (Gn 2,15): le travail n'est pas une peine (cf. Gn 3,17-19), mais la collaboration de l'homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible.
379 C'est toute cette harmonie de la justice originelle, prévue pour l'homme par le dessein de Dieu, qui sera perdu par le péché de nos premiers parents.
380 "Dieu, Tu as fait l'homme à ton image et tu lui as confié l'univers, afin qu'en Te servant, toi, son Créateur, il règne sur la création" (MR, prière eucharistique IV, 118).
381 L'homme est prédestiné à reproduire l'image du Fils de Dieu fait homme - "image du Dieu invisible" (Col 1,15) - afin que le Christ soit le premier-né d'une multitude de frères et de soeurs (cf. Ep 1,3-6 Rm 8,29).
382 L'homme est "corpore et anima unus" (GS 14). La doctrine de la foi affirme que l'âme spirituelle et immortelle est créée immédiatement par Dieu.
383 "Dieu n'a pas créé l'homme solitaire: dès l'origine, 'il les créa homme et femme' (Gn 1,27); leur société réalise la première forme de communion entre personnes" (GS 12).
384 La révélation nous fait connaître l'état de sainteté et de justice originelles de l'homme et de la femme avant le péché: de leur amitié avec Dieu découlait la félicité de leur existence au paradis.
385 Dieu est infiniment bon et toutes ses oeuvres sont bonnes. Cependant, personne n'échappe à l'expérience de la souffrance, des maux dans la nature - qui apparaissent comme liés aux limites propres des créatures -, et surtout à la question du mal moral. D'où vient le mal? "Quærebam unde malum et non erat exitus" dit S. Augustin (conf. 7,7,11), et sa propre quête douloureuse ne trouvera d'issue que dans sa conversion au Dieu vivant. Car "le mystère de l'iniquité" (2Th 2,7) ne s'éclaire qu'à la lumière du "Mystère de la piété" (1Tm 3,16). La révélation de l'amour divin dans le Christ a manifesté à la fois l'étendue du mal et la surabondance de la grâce (cf. Rm 5,20). Nous devons donc approcher la question de l'origine du mal en fixant le regard de notre foi sur Celui qui, seul, en est le Vainqueur (cf. Lc 11,21-22 Jn 16,11 1Jn 3,8).
La réalité du péché
386 Le péché est présent dans l'histoire de l'homme: il serait vain de tenter de l'ignorer ou de donner à cette obscure réalité d'autres noms. Pour essayer de comprendre ce qu'est le péché, il faut d'abord reconnaître le lien profond de l'homme avec Dieu, car en dehors de ce rapport, le mal du péché n'est pas démasqué dans sa véritable identité de refus et d'opposition face à Dieu, tout en continuant à peser sur la vie de l'homme et sur l'histoire.
387 La réalité du péché, et plus particulièrement du péché des origines, ne s'éclaire qu'à la lumière de la Révélation divine. Sans la connaissance qu'elle nous donne de Dieu on ne peut clairement reconnaître le péché, et on est tenté de l'expliquer uniquement comme un défaut de croissance, comme une faiblesse psychologique, une erreur, la conséquence nécessaire d'une structure sociale inadéquate, etc. C'est seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur l'homme que l'on comprend que le péché est un abus de la liberté que Dieu donne aux personnes créées pour qu'elles puissent l'aimer et s'aimer mutuellement.
Le péché originel - une vérité essentielle de la foi
388 Avec la progression de la Révélation est éclairée aussi la réalité du péché. Bien que le Peuple de Dieu de l'Ancien Testament ait connu d'une certaine manière la condition humaine à la lumière de l'histoire de la chute narrée dans la Genèse, il ne pouvait pas atteindre la signification ultime de cette histoire, qui se manifeste seulement à la lumière de la Mort et de la Résurrection de Jésus-Christ (cf. Rm 5,12-21). Il faut connaître le Christ comme source de la grâce pour connaître Adam comme source du péché. C'est l'Esprit-Paraclet, envoyé par le Christ ressuscité, qui est venu "confondre le monde en matière de péché" (Jn 16,8) en révélant Celui qui en est le Rédempteur.
389 La doctrine du péché originel est pour ainsi dire "le revers" de la Bonne Nouvelle que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, que tous ont besoin du salut et que le salut est offert à tous grâce au Christ. L'Eglise qui a le sens du Christ (cf. 1Co 2,16) sait bien qu'on ne peut pas toucher à la révélation du péché originel sans porter atteinte au Mystère du Christ.
Pour lire le récit de la chute
390 Le récit de la chute (Gn 3) utilise un langage imagé, mais il affirme un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l'histoire de l'homme (cf. GS 13). La Révélation nous donne la certitude de foi que toute l'histoire humaine est marquée par la faute originelle librement commise par nos premiers parents (cf. Cc. Trente: DS 1513 Pie XII: DS 3897 Paul VI, discours 11 juillet 1966).
391 Derrière le choix désobéissant de nos premiers parents il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (cf. Gn 3,4-5) qui, par envie, les fait tomber dans la mort (cf. Sg 2,24). L'Ecriture et la Tradition de l'Eglise voient en cet être un ange déchu, appelé Satan ou diable (cf. Jn 8,44 Ap 12,9). L'Eglise enseigne qu'il a été d'abord un ange bon, fait par Dieu. "Diabolus enim et alii dæmones a Deo quidem natura creati sunt boni, sed ipsi per se facti sunt mali" (Cc. Latran IV en 1215: DS 800).
392 L'Ecriture parle d'un péché de ces anges (cf. 2P 2,4). Cette "chute" consiste dans le choix libre de ces esprits créés, qui ont radicalement et irrévocablement refusé Dieu et son Règne. Nous trouvons un reflet de cette rebellion dans les paroles du tentateur à nos premiers parents: "Vous deviendrez comme Dieu" (Gn 3,5). Le diable est "pécheur dès l'origine" (1Jn 3,8), "père du mensonge" (Jn 8,44).
393 C'est le caractère irrévocable de leur choix, et non un défaut de l'infinie misericorde divine, qui fait que le péché des anges ne peut être pardonné. "Il n'y a pas de repentir pour eux après la chute, comme il n'y a pas de repentir pour les hommes après la mort" (S. Damascène, f. o. 2,4: PG 94,877C).
394 L'Ecriture atteste l'influence néfaste de celui que Jésus appelle "l'homicide dès l'origine" (Jn 8,44), et qui a même tenté de détourner Jésus de la mission reçue du Père (cf. Mt 4,1-11). "C'est pour détruire les oeuvres du diable que le Fils de Dieu est apparu" (1Jn 3,8). La plus grave en conséquences de ces oeuvres a été la séduction mensongère qui a induit l'homme à désobéir à Dieu.
395 La puissance de Satan n'est cependant pas infinie. Il n'est qu'une créature, puissante du fait qu'il est pur esprit, mais toujours une créature: il ne peut empêcher l'édification du Règne de Dieu. Quoique Satan agisse dans le monde par haine contre Dieu et son Royaume en Jésus-Christ, et quoique son action cause de graves dommages - de nature spirituelle et indirectement même de nature physique - pour chaque homme et pour la société, cette action est permise par la divine Providence qui avec force et douceur dirige l'histoire de l'homme et du monde. La permission divine de l'activité diabolique est un grand mystère mais "nous savons que Dieu fait tout concourir au bien de ceux qui l'aiment" (Rm 8,28).
L'épreuve de la liberté
396 Dieu a créé l'homme à son image et l'a constitué dans son amitié. Créature spirituelle, l'homme ne peut vivre cette amitié que sur le mode de la libre soumission à Dieu. C'est ce qu'exprime la défense faite à l'homme de manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, "car du jour où tu en mangeras, tu mourras" (Gn 2,17). "L'arbre de la connaissance du bien et du mal" (Gn 2,17) évoque symboliquement la limite infranchissable que l'homme, en tant que créature, doit librement reconnaître et respecter avec confiance. L'homme dépend du Créateur, il est soumis aux lois de la création et aux normes morales qui règlent l'usage de la liberté.
Le premier péché de l'homme
397 L'homme, tenté par le diable, a laissé mourir dans son coeur la confiance envers son créateur (cf. Gn 3,1-11) et, en abusant de sa liberté, a désobéi au commandement de Dieu. C'est en cela qu'a consisté le premier péché de l'homme (cf. Rm 5,19). Tout péché, par la suite, sera une désobéissance à Dieu et un manque de confiance en sa bonté.
398 Dans ce péché, l'homme s'est préféré lui-même à Dieu, et par là-même, il a méprisé Dieu: il a fait choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien. Créé dans un état de sainteté, l'homme était destiné à être pleinement "divinisé" par Dieu dans la gloire. Par la séduction du diable, il a voulu "être comme Dieu" (cf. Gn 3,5), mais "sans Dieu, et avant Dieu, et non pas selon Dieu" (S. Maxime le Confesseur, ambig.).
399 L'Ecriture montre les conséquences dramatiques de cette première désobéissance. Adam et Eve perdent immédiatement la grâce de la sainteté originelle (cf. Rm 3,23). Ils ont peur de ce Dieu (cf. Gn 3,9-10) dont ils ont conçu une fausse image, celle d'un Dieu jaloux de ses prérogatives (cf. Gn 3,5).
400 L'harmonie dans laquelle ils étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite; la maîtrise des facultés spirituelles de l'âme sur le corps est brisée (cf. Gn 3,7); l'union de l'homme et de la femme est soumise à des tensions (cf. Gn 3,11-13); leurs rapports seront marqués par la convoitise et la domination (cf. Gn 3,16). L'harmonie avec la création est rompue: la création visible est devenue pour l'homme étrangère et hostile (cf. Gn 3,17 Gn 3,19). A cause de l'homme, la création est soumise "à la servitude de la corruption" (Rm 8,20). Enfin, la conséquence explicitement annoncée pour le cas de la désobéissance (cf. Gn 2,17) se réalisera: l'homme "retournera à la poussière de laquelle il est formé" (Gn 3,19). La mort fait son entrée dans l'histoire de l'humanité (cf. Rm 5,12).
401 Depuis ce premier péché, une véritable "invasion" du péché inonde le monde: le fratricide commis par Caïn sur Abel (cf. Gn 4,3-15); la corruption universelle à la suite du péché (cf. Gn 6,5 Gn 6,12 Rm 1,18-32); dans l'histoire d'Israël, le péché se manifeste fréquemment, surtout comme une infidélité au Dieu de l'Alliance et comme transgression de la Loi de Moïse; et même après la Rédemption du Christ, parmi les chrétiens, le péché se manifeste de nombreuses manières (cf. 1Co 1-6 Ap 2-3). L'Ecriture et la Tradition de l'Eglise ne cessent de rappeler la présence et l'universalité du péché dans l'histoire de l'homme:
Ce que la révélation divine nous découvre, notre propre expérience le confirme. Car l'homme, s'il regarde au-dedans de son coeur, se découvre également enclin au mal, submergé de multiples maux qui ne peuvent provenir de son Créateur, qui est bon. Refusant souvent de reconnaître Dieu comme son principe, l'homme a, par le fait même, brisé l'ordre qui l'orientait à sa fin dernière, et, en même temps, il a rompu toute harmonie, soit par rapport à lui-même, soit par rapport aux autres hommes et à toute la création (GS 13).
Conséquences du péché d'Adam pour l'humanité
402 Tous les hommes sont impliqués dans le péché d'Adam. S. Paul l'affirme: "Par la désobéissance d'un seul homme, la multitude (c'est-à-dire tous les hommes) a été constituée pécheresse" (Rm 5,19): "De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché ..." (Rm 5,12). A l'universalité du péché et de la mort l'Apôtre oppose l'universalité du salut dans le Christ: "Comme la faute d'un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l'oeuvre de justice d'un seul (celle du Christ) procure à tous une justification qui donne la vie" (Rm 5,18).
403 A la suite de S. Paul l'Eglise a toujours enseigné que l'immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d'Adam et le fait qu'il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est "mort de l'âme" (cf. Cc. Trente: DS 1512). En raison de cette certitude de foi, l'Eglise donne le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui n'ont pas commis de péché personnel (cf. Cc. Trente: DS 1514).
404 Comment le péché d'Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants? Tout le genre humain est en Adam "sicut unum corpus unius hominis" (S. Thomas d'A., mal. 4,1) Par cette "unité du genre humain" tous les hommes sont impliqués dans le péché d'Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu'Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine: en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu'ils vont transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente: DS 1511-1512). C'est un péché qui sera transmis par propagation à toute l'humanité, c'est-à-dire par la transmission d'une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c'est pourquoi le péché originel est appelé "péché" de façon analogique: c'est un péché "contracté" et non pas "commis", un état et non pas un acte.
405 Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente: DS 1513), le péché originel n'a, en aucun descendant d'Adam, un caractère de faute personnelle. C'est la privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n'est pas totalement corrompue: elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l'ignorance, à la souffrance et à l'empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appellée "concupiscence"). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l'homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l'homme et l'appellent au combat spirituel.
406 La doctrine de l'Eglise sur la transmission du péché originel s'est précisée surtout au cinquième siècle, en particulier sous l'impulsion de la réflexion de S. Augustin contre le pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la Réforme protestante. Pélage tenait que l'homme pouvait, par la force naturelle de sa volonté libre, sans l'aide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une vie moralement bonne; il réduisait ainsi l'influence de la faute d'Adam à celle d'un mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au contraire, enseignaient que l'homme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des origines; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal ("concupiscentia"), qui serait insurmontable. L'Eglise s'est spécialement prononcée sur le sens du donné révélé concernant le péché originel au deuxième Concile d'Orange en 529 (cf. DS 371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).
Un dur combat ...
407 La doctrine sur le péché originel - liée à celle de la Rédemption par le Christ - donne un regard de discernement lucide sur la situation de l'homme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l'homme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne "la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait l'empire de la mort, c'est-à-dire du diable" (Cc. Trente: DS 1511 cf. He 2,14). Ignorer que l'homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l'éducation, de la politique, de l'action sociale (cf. CA 25) et des moeurs.
408 Les conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par l'expression de Saint Jean: "le péché du monde" (Jn 1,29). Par cette expression on signifie aussi l'influence négative qu'exercent sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).
409 Cette situation dramatique du monde qui "tout entier gît au pouvoir du mauvais" (1Jn 5,19 cf. 1P 5,8) fait de la vie de l'homme un combat:
Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l'histoire des hommes; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l'a dit, jusqu'au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l'homme doit sans cesse combattre pour s'attacher au bien; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure (GS 37).
410 Après sa chute, l'homme n'a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu l'appelle (cf. Gn 3,9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3,15). Ce passage de la Genèse a été appelé "Protévangile", étant la première annonce du Messie rédempteur, celle d'un combat entre le serpent et la Femme et de la victoire finale d'un descendant de celle-ci.
411 La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du "nouvel Adam" (cf. 1Co 15,21-22 1Co 15,45) qui, par son "obéissance jusqu'à la mort de la Croix" (Ph 2,8) répare en surabondance la désobéissance d'Adam (cf. Rm 5,19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et docteurs de l'Eglise voient dans la femme annoncée dans le "protévangile" la mère du Christ, Marie, comme "nouvelle Eve". Elle a été celle qui, la première et d'une manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ: elle a été préservée de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX: DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de Dieu, elle n'a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente: DS 1573).
412 Mais pourquoi Dieu n'a-t-il pas empêché le premier homme de pécher? S. Léon le Grand répond: "La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que l'envie du démon nous avait ôtés" (serm. 73,4). Et S. Thomas d'Aquin: "Rien ne s'oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D'où le mot de S. Paul: 'Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé' (Rm 5,20). Et le chant de l'Exultet: 'O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur'" (III 1,3, ad 3).
413 "Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants ... C'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 1,13 Sg 2,24).
414 Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent d'associer l'homme à leur révolte contre Dieu.
415 "Etabli par Dieu dans un état de sainteté, l'homme séduit par le Malin, dès le début de l'histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu" (GS 13).
416 Par son péché, Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté et la justice originelles qu'il avait reçues de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.
417 A leur descendance, Adam et Eve ont transmis la nature humaine blessée par leur premier péché, donc privée de la sainteté et la justice originelles. Cette privation est appelée "péché originel".
418 En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à l'ignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché (inclination appelée "concupiscence").
419 "Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, 'non par imitation, mais par propagation', et qu'il est ainsi 'propre à chacun'" (SPF 16).
420 La victoire sur le péché remportée par le Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que le péché nous avait ôtés: "La où le péché a abondé, la grâce a surabondé" (Rm 5,20).
421 "Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l'amour du créateur; il est tombé, certes, sous l'esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l'a libéré..." (GS 2).
La Bonne Nouvelle: Dieu a envoyé son Fils
422 "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4,4-5). Voici "la Bonne Nouvelle touchant Jésus Christ, Fils de Dieu" (Mc 1,1): Dieu a visité son peuple (cf. Lc 1,68), il a accompli les promesses faites à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1,55); il l'a fait au-delà de toute attente: Il a envoyé son "Fils bien-aimé" (Mc 1,11).
423 Nous croyons et confessons que Jésus de Nazareth, né juif d'une fille d'Israël, à Bethléem, au temps du roi Hérode le Grand et de l'empereur César Auguste; de son métier charpentier, mort crucifié à Jérusalem, sous le procureur Ponce Pilate, pendant le règne de l'empereur Tibère, est le Fils éternel de Dieu fait homme, qu'il est "sorti de Dieu" (Jn 13,3), "descendu du ciel" (Jn 3,13 Jn 6,33), "venu dans la chair" (1Jn 4,2), car "le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ... Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce" (Jn 1,14 Jn 1,16).
424 Mûs par la grâce de l'Esprit Saint et attirés par le Père nous croyons et nous confessons au sujet de Jésus: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant" (Mt 16,16). C'est sur le roc de cette foi, confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Eglise (cf. Mt 16,18 S. Léon le Grand, serm. 4,3 51,1 62,2 83, 3).
"Annoncer ... l'insondable richesse du Christ" (Ep 3,8)
425 La transmission de la foi chrétienne, c'est d'abord l'annonce de Jésus Christ, pour conduire à la foi en Lui. Dès le commencement, les premiers disciples ont brûlé du désir d'annoncer le Christ: "Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu" (Ac 4,20). Et ils invitent les hommes de tous les temps à entrer dans la joie de leur communion avec le Christ:
Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie; - car la vie s'est manifestée: nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue; - ce que nous avons vu et entendu, nous vous l'annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète (1Jn 1,1-4).
Au coeur de la catéchèse: le Christ
426 "Au coeur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, Fils unique du Père ..., qui a souffert et qui est mort pour nous et qui maintenant, ressuscité, vit avec nous pour toujours ... Catéchiser ..., c'est dévoiler dans la Personne du Christ tout le dessein éternel de Dieu. C'est chercher à comprendre la signification des gestes et des paroles du Christ, des signes réalisés par lui" (CTR 5). Le but de la catéchèse: "Mettre en communion avec Jésus Christ: lui seul peut conduire à l'amour du Père dans l'Esprit et nous faire participer à la vie de la Trinité Sainte" (ibid.).
427 "Dans la catéchèse, c'est le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné - tout le reste l'est en référence à lui; et seul le Christ enseigne, tout autre le fait dans la mesure où il est son porte-parole, permettant au Christ d'enseigner par sa bouche ... Tout catéchiste devrait pouvoir s'appliquer à lui-même la mystérieuse parole de Jésus: 'Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé' (Jn 7,16)" (ibid., 6).
428 Celui qui est appelé à "enseigner le Christ", doit donc d'abord chercher "ce gain suréminent qu'est la connaissance du Christ"; il faut "accepter de tout perdre ... afin de gagner le Christ et d'être trouvé en lui", et de "le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d'entre les morts" (Ph 3,8-11).
429 C'est de cette connaissance amoureuse du Christ que jaillit le désir de l'annoncer, d'"évangéliser", et de conduire d'autres au "oui" de la foi en Jésus Christ. Mais en même temps se fait sentir le besoin de toujours mieux connaître cette foi. A cette fin, en suivant l'ordre du Symbole de la foi, seront d'abord présentés les principaux titres de Jésus: le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur (Article 2). Le Symbole confesse ensuite les principaux Mystères de la vie du Christ: ceux de son Incarnation (Article 3), ceux de sa Pâque (Articles 4 et 5), enfin ceux de sa glorification (Articles 6 et 7).
1998 Catéchisme 362