1998 Catéchisme 1655
1655 Le Christ a voulu naître et grandir au sein de la Sainte Famille de Joseph et de Marie. L'Eglise n'est autre que la "famille de Dieu". Dès ses origines, le noyau de l'Eglise était souvent constitué par ceux qui, "avec toute leur maison", étaient devenus croyants (cf. Ac 18,8). Lorsqu'ils se convertissaient, ils désiraient aussi que "toute leur maison" soit sauvée (cf. Ac 16,31 Ac 11,14). Ces familles devenues croyantes étaient des îlots de vie chrétienne dans un monde incroyant.
1656 De nos jours, dans un monde souvent étranger et même hostile à la foi, les familles croyantes sont de première importance, comme foyers de foi vivante et rayonnante. C'est pour cela que le IIe Concile du Vatican appelle la famille, avec une vielle expression, "Ecclesia domestica" (LG 11 cf. FC 21). C'est au sein de la famille que les parents sont "par la parole et par l'exemple ... pour leurs enfants les premiers hérauts de la foi, au service de la vocation propre de chacun et tout spécialement de la vocation sacrée" (LG 11).
1657 C'est ici que s'exerce de façon privilégiée le sacerdoce baptismal du père de famille, de la mère, des enfants, de tous les membres de la famille, "par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâce, le témoignage d'une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective" (LG 10). Le foyer est ainsi la première école de vie chrétienne et "une école d'enrichissement humain" (GS 52). C'est ici que l'on apprend l'endurance et la joie du travail, l'amour fraternel, le pardon généreux, même réitéré, et surtout le culte divin par la prière et l'offrande de sa vie.
1658 Il faut encore faire mémoire de certaines personnes qui sont, à cause des conditions concrètes dans lesquelles elles doivent vivre - et souvent sans l'avoir voulu, - particulièrement proches du coeur de Jésus et qui méritent donc affection et sollicitude empressée de l'Eglise et notamment des pasteurs: le grand nombre de personnes célibataires. Beaucoup d'entre elles restent sans famille humaine, souvent à cause des conditions de pauvreté. Il y en a qui vivent leur situation dans l'esprit des Béatitudes, servant Dieu et le prochain de façon exemplaire. A elles toutes il faut ouvrir les portes des foyers, "Eglises domestiques", et de la grande famille qu'est l'Eglise. "Personne n'est sans famille en ce monde: l'Eglise est la maison et la famille de tous, en particulier de ceux qui 'peinent et ploient sous le fardeau' (Mt 11,28)" (FC 85).
1659 S. Paul dit: "Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l'Eglise... Ce mystère est de grande portée; je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Eglise" (Ep 5,25 Ep 5,32).
1660 L'alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une intime communauté de vie et d'amour, a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur. De par sa nature elle est ordonnée au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants. Elle a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement (cf. GS 48 CIC 1055 p1).
1661 Le sacrement du mariage signifie l'union du Christ et de l'Eglise. Il donne aux époux la grâce de s'aimer de l'amour dont le Christ a aimé son Eglise; la grâce du sacrement perfectionne ainsi l'amour humain des époux, affermit leur unité indissoluble et les sanctifie sur le chemin de la vie éternelle (cf. Cc. Trente: DS 1799).
1662 Le mariage se fonde sur le consentement des contractants, c'est à dire sur la volonté de se donner mutuellement et définitivement dans le but de vivre une alliance d'amour fidèle et fécond.
1663 Puisque le mariage établit les conjoints dans un état public de vie dans l'Eglise, il convient que sa célébration soit publique, dans le cadre d'une célébration liturgique, devant le prêtre (ou le témoin qualifié de l'Eglise), les témoins et l'assemblée des fidèles.
1664 L'unité, l'indissolubilité et l'ouverture à la fécondité sont essentielles au mariage. La polygamie est incompatible avec l'unité du mariage; le divorce sépare ce que Dieu a uni; le refus de la fécondité détourne la vie conjugale de son "don le plus excellent", l'enfant (GS 50).
1665 Le remariage des divorcés du vivant du conjoint légitime contrevient au Dessein et à la Loi de Dieu enseignés par le Christ. Ils ne sont pas séparés de l'Eglise, mais ils ne peuvent accéder à la communion eucharistique. Ils mèneront leur vie chrétienne notamment en éducant leurs enfants dans la foi.
1666 Le foyer chrétien est le lieu où les enfants reçoivent la première annonce de la foi. Voila pourquoi la maison familiale est appelée à bon droit "l'Eglise domestique", communauté de grâce et de prière, école des vertus humaines et de la charité chrétienne.
1667 "La sainte Mère Eglise a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l'Eglise. Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l'effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées" (SC 60 cf.CIC 1166 CIO 867)
Les traits caractéristiques des sacramentaux
1668 Ils sont institués par l'Eglise en vue de la sanctification de certains ministères de l'Eglise, de certains états de vie, de circonstances très variées de la vie chrétienne, ainsi que de l'usage des choses utiles à l'homme. Selon les décisions pastorales des evêques, ils peuvent aussi répondre aux besoins, à la culture et à l'histoire propres au peuple chrétien d'une région ou d'une époque. Ils comportent toujours une prière, souvent accompagnée d'un signe déterminé, comme l'imposition de la main, le signe de la croix, l'aspersion d'eau bénite (qui rappelle le Baptême).
1669 Ils relèvent du sacerdoce baptismal: tout baptisé est appelé à être une "bénédiction" (cf. Gn 12,2) et à bénir (cf. Lc 6,28 Rm 12,14 1P 3,9). C'est pourquoi des laïcs peuvent présider certaines bénédictions (cf. SC 79 CIC 1168); plus une bénédiction concerne la vie ecclésiale et sacramentelle, plus sa présidence est réservée au ministère ordonné (évêques, prêtres ou diacres; cf. Ben 16 18).
1670 Les sacramentaux ne confèrent pas la grâce de l'Esprit-Saint à la manière des sacrements, mais par la prière de l'Eglise ils préparent à recevoir la grâce et disposent à y coopérer. "Chez les fidèles bien disposés, presque tous les événements de la vie sont sanctifiés par la grâce divine qui découle du Mystère pascal de la Passion, de la Mort et de la Résurrection du Christ, car c'est de lui que tous les sacrements et sacramentaux tirent leur vertu; et il n'est à peu près aucun usage honorable des choses matérielles qui ne puisse être dirigé vers cette fin: la sanctification de l'homme et la louange de Dieu" (SC 61).
Les formes variées des sacramentaux
1671 Parmi les sacramentaux figurent d'abord les bénédictions (de personnes, de la table, d'objets, de lieux). Toute bénédiction est louange de Dieu et prière pour obtenir ses dons. Dans le Christ, les chrétiens sont bénis par Dieu le Père "de toutes sortes de bénédictions spirituelles" (Ep 1,3). C'est pourquoi l'Eglise donne la bénédiction en invoquant le nom de Jésus et en faisant habituellement le signe saint de la croix du Christ.
1672 Certaines bénédictions ont une portée durable: elles ont pour effet de consacrer des personnes à Dieu et de réserver à l'usage liturgique des objets et des lieux. Parmi celles qui sont destinées à des personnes - à ne pas confondre avec l'ordination sacramentelle - figurent la bénédiction de l'abbé ou de l'abbesse d'un monastère, la consécration des vierges, le rite de la profession religieuse et les bénédictions pour certains ministères d'Eglise (lecteurs, acolytes, catéchistes, etc.). Comme exemple de celles qui concernent des objets, on peut signaler la dédicace ou la bénédiction d'une église ou d'un autel, la bénédiction des saintes huiles, des vases et des vêtements sacrés, des cloches, etc.
1673 Quand l'Eglise demande publiquement et avec autorité, au nom de Jésus-Christ, qu'une personne ou un objet soit protégé contre l'emprise du Malin et soustrait à son empire, on parle d'exorcisme. Jésus l'a pratiqué (cf. Mc 1,25 s), c'est de lui que l'Eglise tient le pouvoir et la charge d'exorciser (cf. Mc 3,15 Mc 6,7 Mc 6,13 Mc 16,17). Sous une forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du Baptême. L'exorcisme solennel, appelé "grand exorcisme", ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l'évêque. Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l'Eglise. L'exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l'emprise démoniaque et cela par l'autorité spirituelle que Jésus a confié à son Eglise. Très différent est le cas des maladies, surtout psychiques, dont le soin relève de la science médicale. Il est important, donc, de s'assurer, avant de célébrer l'exorcisme, qu'il s'agit d'une présence du Malin, et non pas d'une maladie. (cf.CIC 1172).
La religiosité populaire
1674 Hors de la Liturgie sacramentelle et des sacramentaux, la catéchèse doit tenir compte des formes de la piété des fidèles et de la religiosité populaire. Le sens religieux du peuple chrétien a, de tout temps, trouvé son expression dans des formes variées de piété qui entourent la vie sacramentelle de l'Eglise, tels que la vénération des reliques, les visites aux sanctuaires, les pélerinages, les processions, le chemin de croix, les danses religieuses, le rosaire, les médailles, etc. (cf. Cc. Nicée II: DS 601 DS 603 Cc. Trente: DS 1822).
1675 Ces expressions prolongent la vie liturgique de l'Eglise, mais ne la remplacent pas: "Ils doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s'harmoniser avec la liturgie, à en découler d'une certaine manière et à y introduire le peuple, parce que la liturgie, de sa nature, leur est de loin supérieure" (SC 13).
1676 Un discernement pastoral est nécessaire pour soutenir et appuyer la religiosité populaire et, le cas échéant, pour purifier et rectifier le sens religieux qui soustend ces dévotions et pour les faire progresser dans la connaissance du Mystère au Christ (cf. CTR 54). Leur exercice est soumis au soin et au jugement des évêques et aux normes générales de l'Eglise (cf. CTR 54).
La religiosité populaire, pour l'essentiel, est un ensemble de valeurs qui, avec sagesse chrétienne, répond aux grandes interrogations de l'existence. Le bon sens populaire catholique est fait de capacité de synthèse pour l'existence. C'est ainsi qu'il fait aller ensemble, de façon créative, le divin et l'humain, le Christ et Marie, l'esprit et le corps, la communion et l'institution, la personne et la communauté, la foi et la patrie, l'intelligence et le sentiment. Cette sagesse est un humanisme chrétien qui affirme radicalement la dignité de tout être comme fils de Dieu, instaure une fraternité fondamentale, apprend à rencontrer la nature comme à comprendre le travail, et donne des raisons de vivre dans la joie et la bonne humeur, même aux milieu des duretés de l'existence. Cette sagesse est aussi pour le peuple un principe de discernement, un instinct évangélique qui lui fait percevoir spontanément quand l'Evangile est le premier servi dans l'Eglise, ou quand il est vidé de son contenu et asphyxié par d'autres intérêts (Document de Puebla cf. EN 48).
1677 On appelle sacramentaux les signes sacrés instituées par l'Eglise dont le but est de préparer les hommes à recevoir le fruit des sacrements et de sanctifier les différentes circonstances de la vie.
1678 Parmi les sacramentaux, les bénédictions occupent une place importante. Elles comportent à la fois la louange de Dieu pour ses oeuvres et ses dons, et l'intercession de l'Eglise afin que les hommes puissent faire usage des dons de Dieu selon l'esprit de l'Evangile.
1679 En plus de la Liturgie, la vie chrétienne se nourrit des formes variées de piété populaire, enracinées dans les différentes cultures. Tout en veillant à les éclairer par la lumière de la foi, l'Eglise favorise les formes de religiosité populaire qui expriment un instinct évangélique et une sagesse humaine et qui enrichissent la vie chrétienne.
1680 Tous les sacrements, et principalement ceux de l'initiation chrétienne, avaient pour but la dernière Pâque de l'enfant de Dieu, celle qui, par la mort, le fait entrer dans la Vie du Royaume. Alors s'accomplit ce qu'il confessait dans la foi et dans l'espérance: "J'attends la Résurrection des morts et la Vie du monde à venir" (Symbole de Nicée-Constantinople).
1681 Le sens chrétien de la mort est révélé dans la lumière du Mystère pascal de la mort et de la résurrection du Christ, en qui repose notre unique espérance. Le chrétien qui meurt dans le Christ Jésus "quitte ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur" (2Co 5,8).
1682 Le jour de la mort inaugure pour le chrétien, au terme de sa vie sacramentelle, l'achèvement de sa nouvelle naissance commencée au Baptême, la "ressemblance" définitive à "l'image du Fils" conférée par l'Onction de l'Esprit Saint et la participation au Festin du Royaume qui était anticipée dans l'Eucharistie, même si d'ultimes purifications lui sont encore nécessaires pour revêtir la robe nuptiale.
1683 L'Eglise qui, comme Mère, a porté sacramentellement en son sein le chrétien durant son pèlerinage terrestre, l'accompagne au terme de son cheminement pour le remettre "entre les mains du Père". Elle offre au Père, dans le Christ, l'enfant de sa grâce, et elle dépose en terre, dans l'espérance, le germe du corps qui ressuscitera dans la gloire (cf. 1Co 15,42-44). Cette offrande est pleinement célébrée par le Sacrifice eucharistique; les bénédictions qui précèdent et qui suivent sont des sacramentaux.
1684 Les funérailles chrétiennes sont une célébration liturgique de l'Eglise. Par celle-ci, le ministère de l'Église a en vue dans ce cas aussi bien d'exprimer la communion efficace avec le défunt que d'y faire participer la communauté rassemblée pour les obsèques et de lui annoncer la vie éternelle.
1685 Les différents rites des funérailles expriment le caractère pascal de la mort chrétienne et répondent aux situations et aux traditions de chaque région, même en ce qui concerne la couleur liturgique (cf. SC 81).
1686 L'Ordo exsequiarum (OEx) de la liturgie romaine propose trois types de célébration des funérailles, correspondant aux trois lieux de son déroulement (la maison, l'église, le cimetière), et selon l'importance qu'y attachent la famille, les coutumes locales, la culture et la piété populaire. Ce déroulement est d'ailleurs commun à toutes les traditions liturgiques et il comprend quatre moments principaux:
1687 L'accueil de la communauté. Une salutation de foi ouvre la célébration. Les proches du défunt sont accueillis par une parole de "consolation" (au sens du Nouveau Testament: la force de l'Esprit Saint dans l'espérance; cf. 1Th 4,18). La communauté priante qui se rassemble attend aussi "les paroles de la vie éternelle". La mort d'un membre de la communauté (ou le jour anniversaire, le septième ou le quarantième jour) est un événement qui doit faire dépasser les perspectives de "ce monde-ci" et attirer les fidèles dans les véritables perspectives de la foi au Christ ressuscité.
1688 La Liturgie de la Parole, lors de funérailles, exige une préparation d'autant plus attentive que l'assemblée alors présente peut comprendre des fidèles peu assidus à la liturgie et des amis du défunt qui ne sont pas chrétiens. L'homélie, en particulier, doit "éviter le genre littéraire de l'éloge funèbre" (OEx 41) et illuminer le mystère de la mort chrétienne dans la lumière du Christ ressuscité.
1689 Le Sacrifice eucharistique. Lorsque la célébration a lieu dans l'Eglise, l'Eucharistie est le coeur de la réalité pascale de la mort chrétienne (cf. OEx 1). C'est alors que l'Eglise exprime sa communion efficace avec le défunt: offrant au Père, dans l'Esprit Saint, le sacrifice de la mort et de la résurrection du Christ, elle lui demande que son enfant soit purifié de ses péchés et de ses conséquences et qu'il soit admis à la plénitude pascale de la table du Royaume (cf. OEx 57). C'est par l'Eucharistie ainsi célébrée que la communauté des fidèles, spécialement la famille du défunt, apprend à vivre en communion avec celui qui "s'est endormi dans le Seigneur", en communiant au Corps du Christ dont il est membre vivant et en priant ensuite pour lui et avec lui.
1690 L'adieu ("à-Dieu") au défunt est sa "recommandation à Dieu" par l'Eglise. C'est "le dernier adieu par lequel la communauté chrétienne salue un de ses membres avant que le corps de celui-ci ne soit porté à sa tombe" (OEx 10). La tradition byzantine l'exprime par le baiser d'adieu au défunt:
Par ce salut final "on chante pour son départ de cette vie et pour sa séparation, mais aussi parce qu'il y a une communion et une réunion. En effet, morts nous ne sommes nullement séparés les uns des autres, car tous nous parcourons le même chemin et nous nous retrouverons dans le même lieu. Nous ne serons jamais séparés, car nous vivons pour le Christ, et maintenant nous sommes unis au Christ, allant vers lui... nous serons tous ensemble dans le Christ" (S. Syméon de Thessalonique, sep.).
1691 "Chrétien, reconnais ta dignité. Puisque tu participes maintenant à la nature divine, ne dégénère pas en revenant à la déchéance de ta vie passée. Rappelle-toi à quel Chef tu appartiens et de quel Corps tu es membre. Souviens-toi que tu as été arraché au pouvoir des ténèbres pour être transféré dans la lumière et le Royaume de Dieu" (S. Léon le Grand, serm. 21,2-3).
1692 Le Symbole de la foi a professé la grandeur des dons de Dieu à l'homme dans l'oeuvre de sa création, et plus encore par la rédemption et la sanctification. Ce que la foi confesse, les sacrements le communiquent: par "les sacrements qui les ont fait renaître", les chrétiens sont devenus "enfants de Dieu" (Jn 1,12 1Jn 3,1), "participants de la nature divine" (2P 1,4). En reconnaissant dans la foi leur dignité nouvelle, les chrétiens sont appelés à mener désormais une "vie digne de l'Evangile du Christ" (Ph 1,27). Par les sacrements et la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son Esprit qui les en rendent capables.
1693 Le Christ Jésus a toujours fait ce qui plaisait au Père (cf. Jn 8,29). Il a toujours vécu en parfaite communion avec Lui. De même ses disciples sont-ils invités à vivre sous le regard du Père "qui voit dans le secret" (cf. Mt 6) pour devenir "parfaits comme le Père céleste est parfait" (Mt 5,47).
1694 Incorporés au Christ par le baptême (cf. Rm 6,5), les chrétiens sont "morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus" (Rm 6,11), participant ainsi à la vie du Ressuscité (cf. Col 2,12). A la suite du Christ et en union avec lui (cf. Jn 15,5), les chrétiens peuvent "chercher à imiter Dieu comme des enfants bien-aimés et suivre la voie de l'amour" (Ep 5,1), en conformant leurs pensées, leurs paroles et leurs actions aux "sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (Ph 2,5) et en suivant ses exemples (cf. Jn 13,12-16).
1695 "Justifiés par le Nom du Seigneur Jésus Christ et par l'Esprit de notre Dieu" (1Co 6,11), "sanctifiés et appelés à être saints" (1Co 1,2), les chrétiens sont devenus "le Temple de l'Esprit Saint" (cf. 1Co 6,19). Cet "Esprit du Fils" leur apprend à prier le Père (cf. Ga 4,6) et, étant devenu leur vie, les fait agir (cf. Ga 5,25) pour "porter les fruits de l'Esprit" (Ga 5,22) par la charité en oeuvre. Guérissant les blessures du péché, l'Esprit Saint nous "renouvelle intérieurement par une transformation spirituelle" (Ep 4,23), il nous éclaire et nous fortifie pour vivre en "enfant de lumière" (Ep 5,8) par "la bonté, la justice et la vérité" en toute chose (Ep 5,9).
1696 La voie du Christ "mène à la vie", une voie contraire "mène à la perdition" (Mt 7,13 cf. Dt 30,15-20). La parabole évangélique des deux voies reste toujours présente dans la catéchèse de l'Eglise. Elle signifie l'importance des décisions morales pour notre salut. "Il y a deux voies, l'une de la vie, l'autre de la mort; mais entre les deux, une grande différence" (Didaché 1,1).
1697 Dans la catéchèse, il importe de révéler en toute clarté la joie et les exigences de la voie du Christ (cf. CTR 29). La catéchèse de la "vie nouvelle" (Rm 6,4) en Lui sera:
- une catéchèse du Saint Esprit, Maître intérieur de la vie selon le Christ, doux hôte et ami qui inspire, conduit, rectifie et fortifie cette vie;
- une catéchèse de la grâce, car c'est par grâce que nous sommes sauvés, et c'est encore par la grâce que nos oeuvres peuvent porter du fruit pour la vie éternelle;
- une catéchèse des béatitudes, car la voie du Christ est résumée dans les béatitudes, seul chemin vers le bonheur éternel auquel le coeur de l'homme aspire;
- une catéchèse du péché et du pardon, car sans se reconnaître pécheur, l'homme ne peut connaître la vérité sur lui-même, condition de l'agir juste, et sans l'offre du pardon il ne pourrait supporter cette vérité;
- une catéchèse des vertus humaines qui fait saisir la beauté et l'attrait des droites dispositions pour le bien;
- une catéchèse des vertus chrétiennes de foi, d'espérance et de charité qui s'inspire magnanimement de l'exemple des saints;
- une catéchèse du double commandement de la charité déployé dans le Décalogue;
- une catéchèse ecclésiale, car c'est dans les multiples échanges des "biens spirituels" dans la "communion des saints" que la vie chrétienne peut croître, se déployer et se communiquer.
1698 La référence première et ultime de cette catéchèse sera toujours Jésus Christ lui-même qui est "le chemin, la vérité et la vie" (Jn 14,6). C'est en le regardant dans la foi que les fidèles du Christ peuvent espérer qu'il réalise lui-même en eux ses promesses, et qu'en l'aimant de l'amour dont il les a aimés, ils fassent les oeuvres qui correspondent à leur dignité:
Je vous prie de considérer que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef, et que vous êtes un de ses membres. Il est à vous comme le chef est à ses membres; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son Coeur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu. Vous êtes à Lui, comme les membres sont à leur chef. Aussi désire-t-il ardemment faire usage de tout ce qui est en vous, pour le service et la gloire de son Père, comme des choses qui sont à lui (S. Eudes, cord. 1,5).
Ma vie, c'est le Christ (Ph 1,21).
1699 La vie dans l'Esprit Saint accomplit la vocation de l'homme (Chapitre premier). Elle est faite de charité divine et de solidarité humaine (Chapitre deuxième). Elle est gracieusement accordée comme un Salut (Chapitre troisième).
1700 La dignité de la personne humaine s'enracine dans sa création à l'image et à la ressemblance de Dieu (article 1); elle s'accomplit dans sa vocation à la béatitude divine (article 2). Il appartient à l'être humain de se porter librement à cet achèvement (article 3). Par ses actes délibérés (article 4), la personne humaine se conforme, ou non, au bien promis par Dieu et attesté par la conscience morale (article 5). Les êtres humains s'édifient eux-mêmes et grandissent de l'intérieur: ils font de toute leur vie sensible et spirituelle un matériau de leur croissance (article 6). Avec l'aide de la grâce ils grandissent dans la vertu (article 7), évitent le péché et s'ils l'ont commis, s'en remettent comme l'enfant prodigue (cf. Lc 15,11-31) à la miséricorde de notre Père des Cieux (article 8). Ils accèdent ainsi à la perfection de la charité.
1701 "Le Christ, dans la révélation du mystère du Père et de son Amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation" (GS 22). C'est dans le Christ, "image du Dieu invisible" (Col 1,15 cf. 2Co 4,4), que l'homme a été créé à "l'image et à la ressemblance" du Créateur. C'est dans le Christ, rédempteur et sauveur, que l'image divine, altérée dans l'homme par le premier péché, a été restaurée dans sa beauté originelle et ennoblie de la grâce de Dieu (cf. GS 22).
1702 L'image divine est présente en chaque homme. Elle resplendit dans la communion des personnes, à la ressemblance de l'union des personnes divines entre elles (cf. Chapitre deuxième).
1703 Dotée d'une âme "spirituelle et immortelle" (GS 14), la personne humaine est "la seule créature sur la terre que Dieu a voulue pour elle-même" (GS 24). Dès sa conception, elle est destinée à la béatitude éternelle.
1704 La personne humaine participe à la lumière et à la force de l'Esprit divin. Par la raison, elle est capable de comprendre l'ordre des choses établi par le Créateur. Par sa volonté, elle est capable de se porter d'elle-même vers son bien véritable. Elle trouve sa perfection dans "la recherche et l'amour du vrai et du bien" (GS 15).
1705 En vertu de son âme et de ses puissances spirituelles d'intelligence et de volonté l'homme est doté de liberté "signe privilégié de l'image divine" (GS 17).
1706 Par sa raison, l'homme connaît la voix de Dieu qui le presse "d'accomplir le bien et d'éviter le mal" (GS 16). Chacun est tenu de suivre cette loi qui résonne dans la conscience et qui s'accomplit dans l'amour de Dieu et du prochain. L'exercice de la vie morale atteste la dignité de la personne.
1707 "Séduit par le Malin, dès le début de l'histoire, l'homme a abusé de sa liberté" (GS 13). Il a succombé à la tentation et commis le mal. Il conserve le désir du bien, mais sa nature porte la blessure du péché originel. Il est devenu enclin au mal et sujet à l'erreur:
C'est en lui-même que l'homme est divisé. Voici que toute la vie des hommes, individuelle et collective, se manifeste comme une lutte, combien dramatique, entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres (GS 13).
1708 Par sa passion, le Christ nous a délivrés de Satan et du péché. Il nous a mérité la vie nouvelle dans l'Esprit Saint. Sa grâce restaure ce que le péché avait déterioré en nous.
1709 Celui qui croit au Christ devient fils de Dieu. Cette adoption filiale le transforme en lui donnant de suivre l'exemple du Christ. Elle le rend capable d'agir droitement et de pratiquer le bien. Dans l'union avec son Sauveur, le disciple atteint la perfection de la charité, la sainteté. Mûrie dans la grâce, la vie morale s'épanouit en vie éternelle, dans la gloire du ciel.
1710 "Le Christ manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation" (GS 22).
1711 Dotée d'une âme spirituelle, d'intelligence et de volonté, la personne humaine est dès sa conception ordonnée à Dieu et destinée à la béatitude éternelle. Elle poursuit sa perfection dans "la recherche et l'amour du vrai et du bien" (GS 15).
1712 La liberté véritable est en l'homme le "signe privilégié de l'image divine" (GS 17).
1713 L'homme est tenu de suivre la loi morale qui le presse d'"accomplir le bien et d'éviter le mal" (GS 16). Cette loi résonne dans sa conscience.
1714 L'homme blessé dans sa nature par le péché originel est sujet à l'erreur et enclin au mal dans l'exercice de sa liberté.
1715 Celui qui croit au Christ a la vie nouvelle dans l'Esprit-Saint. La vie morale, grandie et mûrie dans la grâce, doit s'accomplir dans la gloire du ciel.
1716 Les béatitudes sont au coeur de la prédication de Jésus. Leur annonce reprend les promesses faites au peuple élu depuis Abraham. Elle les accomplit en les ordonnant non plus à la seule jouissance d'une terre, mais au Royaume des Cieux:
Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvre, car le Royaume des cieux est à eux.
Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre.
Bienheureux les affligés, car ils seront consolés.
Bienheureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu.
Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
Bienheureux les persécutés pour la justice, car le Royaume de Dieu est à eux.
Bienheureux êtes-vous quand on vous insultera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement contre vous toute sorte d'infamie à cause de moi.
Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux
(Mt 5,3-10).
1717 Les béatitudes dépeignent le visage de Jésus-Christ et en décrivent la charité; elles expriment la vocation des fidèles associés à la gloire de sa Passion et de sa Résurrection; elles éclairent les actions et les attitudes caractéristiques de la vie chrétienne; elles sont les promesses paradoxales qui soutiennent l'espérance dans les tribulations; elles annoncent les bénédictions et les récompenses déjà obscurément acquises aux disciples; elles sont inaugurées dans la vie de la Vierge Marie et de tous les saints.
1718 Les béatitudes répondent au désir naturel de bonheur. Ce désir est d'origine divine: Dieu l'a mis dans le coeur de l'homme afin de l'attirer à Lui qui seul peut le combler:
Tous certainement nous voulons vivre heureux, et dans le genre humain il n'est personne qui ne donne son assentiment à cette proposition avant même qu'elle ne soit pleinement énoncée (S. Augustin, mor. eccl. 1,3,4).
Comment est-ce donc que je te cherche, Seigneur? Puisqu'en te cherchant, mon Dieu, je cherche la vie heureuse, fais que je te cherche pour que vive mon âme, car mon corps vit de mon âme et mon âme vit de toi (S. Augustin, conf. 10,29).
Dieu seul rassasie (S. Thomas d'A., symb. 1).
1719 Les béatitudes découvrent le but de l'existence humaine, la fin ultime des actes humains: Dieu nous appelle à sa propre béatitude. Cette vocation s'adresse à chacun personnellement, mais aussi à l'ensemble de l'Eglise, peuple nouveau de ceux qui ont accueilli la promesse et en vivent dans la foi.
1720 Le Nouveau Testament utilise plusieurs expressions pour caractériser la béatitude à laquelle Dieu appelle l'homme: l'avènement du Royaume de Dieu (cf. Mt 4,17); la vision de Dieu: "Heureux les coeurs purs, car ils verront Dieu" (Mt 5,8 cf. ); l'entrée dans la joie du Seigneur (cf. Mt 25,21 Mt 25,23); l'entrée dans le Repos de Dieu (He 4,7-11):
Là nous reposerons et nous verrons; nous verrons et nous aimerons; nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui sera à la fin sans fin. Et quelle autre fin avons-nous, sinon de parvenir au royaume qui n'aura pas de fin? (S. Augustin, civ. 22,30).
1721 Car Dieu nous a mis au monde pour le connaître, le servir et l'aimer et ainsi parvenir en Paradis. La béatitude nous fait participer à la nature divine (1P 1,4) et à la Vie éternelle (cf. Jn 17,3). Avec elle, l'homme entre dans la gloire du Christ (cf. Rm 8,18) et dans la jouissance de la vie trinitaire.
1722 Une telle béatitude dépasse l'intelligence et les seules forces humaines. Elle résulte d'un don gratuit de Dieu. C'est pourquoi on la dit surnaturelle, ainsi que la grâce qui dispose l'homme à entrer dans la jouissance divine.
"Bienheureux les coeurs purs parce qu'ils verront Dieu". Certes, selon sa grandeur et son inexprimable gloire, "nul ne verra Dieu et vivra", car le Père est insaisissable; mais selon son amour, sa bonté envers les hommes et sa toute-puissance, il va jusqu'à accorder à ceux qui l'aiment le privilège de voir Dieu ... "car ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu" (S. Irénée,hær. 4,20,5).
1723 La béatitude promise nous place devant les choix moraux décisifs. Elle nous invite à purifier notre coeur de ses instincts mauvais et à rechercher l'amour de Dieu par dessus tout. Elle nous enseigne que le vrai bonheur ne réside ni dans la richesse ou le bien-être, ni dans la gloire humaine ou le pouvoir, ni dans aucune oeuvre humaine, si utile soit-elle, comme les sciences, les techniques et les arts, ni dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour:
La richesse est la grande divinité du jour; c'est à elle que la multitude, toute la masse des hommes, rend un instinctif hommage. Ils mesurent le bonheur d'après la fortune, et d'après la fortune aussi ils mesurent l'honorabilité ... Tout cela vient de cette conviction qu'avec la richesse on peut tout. La richesse est donc une des idoles du jour et la notoriété en est une autre ... La notoriété, le fait d'être connu et de faire du bruit dans le monde (ce qu'on pourrait nommer une renommée de presse), en est venue à être considérée comme un bien en elle-même, un souverain bien, un objet, elle aussi, de véritable vénération (Newman, mix. 5, sur la sainteté).
1724 Le Décalogue, le Sermon sur la Montagne et la catéchèse apostolique nous décrivent les chemins qui conduisent au Royaume des cieux. Nous nous y engageons pas à pas, par des actes quotidiens, soutenus par la grâce de l'Esprit Saint. Fécondés par la Parole du Christ, lentement nous portons des fruits dans l'Eglise pour la gloire de Dieu (cf. la parabole du semeur: Mt 13,3-23).
1998 Catéchisme 1655