1998 Catéchisme 1725

En bref

1725 Les béatitudes reprennent et accomplissent les promesses de Dieu depuis Abraham en les ordonnant au Royaume des cieux. Elles répondent au désir de bonheur que Dieu a placé dans le coeur de l'homme.

1726 Les béatitudes nous enseignent la fin ultime à laquelle Dieu nous appelle: le Royaume, la vision de Dieu, la participation à la nature divine, la vie éternelle, la filiation, le repos en Dieu.

1727 La béatitude de la vie éternelle est un don gratuit de Dieu; elle est surnaturelle comme la grâce qui y conduit.

1728 Les béatitudes nous placent devant des choix décisifs concernant les biens terrestres; elles purifient notre coeur pour nous apprendre à aimer Dieu par dessus tout.

1729 La béatitude du Ciel détermine les critères de discernement dans l'usage des biens terrestres conformément à la Loi de Dieu.



Article 3 La liberté de l'homme

1730 Dieu a créé l'homme raisonnable en lui conférant la dignité d'une personne douée de l'initiative et de la maîtrise de ses actes. "Dieu a 'laissé l'homme à son propre conseil' (Si 15,14) pour qu'il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à Lui, parvenir à la pleine et bienheureuse perfection" (GS 17):

L'homme est raisonnable, et par là semblable à Dieu, créé libre et maître de ses actes (S. Irénée, hær. 4,4,3).



I Liberté et responsabilité

1731 La liberté est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d'agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Par le libre arbitre chacun dispose de soi. La liberté est en l'homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude.

1732 Tant qu'elle ne s'est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu'est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher. Elle caractérise les actes proprement humains. Elle devient source de louange ou de blâme, de mérite ou de démérite.

1733 Plus on fait le bien, plus on devient libre. Il n'y a de liberté vraie qu'au service du bien et de la justice. Le choix de la désobéissance et du mal est un abus de la liberté et conduit à "l'esclavage du péché" (cf. Rm 6,17).

1734 La liberté rend l'homme responsable de ses actes dans la mesure où ils sont volontaires. Le progrès dans la vertu, la connaissance du bien et l'ascèse accroissent la maîtrise de la volonté sur ses actes.

1735 L'imputabilité et la responsabilité d'une action peuvent être diminuées voire supprimées par l'ignorance, l'inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes, les affections immodérées et d'autres facteurs psychiques ou sociaux.

1736
Tout acte directement voulu est imputable à son auteur:

Ainsi le Seigneur demande à Adam après le péché dans le jardin: "Qu'as-tu-fait là?" (
Gn 3,13). De même à Caïn (cf. Gn 4,10). Ainsi encore le prophète Nathan au roi David après l'adultère avec la femme d'Urie et le meurtre de celui-ci (cf. 2S 12,7-15).

Une action peut être indirectement volontaire quant elle résulte d'une négligence à l'égard de ce qu'on aurait dû connaître ou faire, par exemple un accident provenant d'une ignorance du code de la route.

1737 Un effet peut être toléré sans être voulu par l'agent, par exemple l'épuisement d'une mère au chevet de son enfant malade. L'effet mauvais n'est pas imputable s'il n'a été voulu ni comme fin ni comme moyen de l'action, ainsi la mort reçue en portant secours à une personne en danger. Pour que l'effet mauvais soit imputable, il faut qu'il soit prévisible et que celui qui agit ait la possibilité de l'éviter, par exemple dans le cas d'un homicide commis par un conducteur en état d'ivresse.

1738 La liberté s'exerce dans les rapports entre les êtres humains. Chaque personne humaine, créée à l'image de Dieu, a le droit naturel d'être reconnue comme un être libre et responsable. Tous doivent à chacun ce devoir du respect. Le droit à l'exercice de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de la personne humaine, notamment en matière morale et religieuse (cf. DH 2). Ce droit doit être civilement reconnu et protégé dans les limites du bien commun et de l'ordre public (cf. DH 7).



II La liberté humaine dans l'économie du salut

1739 Liberté et péché. La liberté de l'homme est finie et faillible. De fait, l'homme a failli. Librement, il a péché. En refusant le projet d'amour de Dieu, il s'est trompé lui-même; il est devenu esclave du péché. Cette aliénation première en a engendré une multitude d'autres. L'histoire de l'humanité, depuis ses origines, témoigne des malheurs et des oppressions nés du coeur de l'homme, par suite d'un mauvais usage de la liberté.

1740 Menaces pour la liberté. L'exercice de la liberté n'implique pas le droit de tout dire et de tout faire. Il est faux de prétendre que "l'homme, sujet de la liberté, se suffit à lui-même en ayant pour fin la satisfaction de son interêt propre dans la jouissance des biens terrestres" ( instr. "Libertatis conscientia" 13). Par ailleurs, les conditions d'ordre économique et social, politique et culturel requises pour un juste exercice de la liberté sont trop souvent méconnues et violées. Ces situations d'aveuglement et d'injustice grèvent la vie morale et placent aussi bien les forts que les faibles en tentation de pécher contre la charité. En s'écartant de la loi morale, l'homme porte atteinte à sa propre liberté, il s'enchaîne à lui-même, rompt la fraternité de ses semblables et se rebelle contre la vérité divine.

1741 Libération et salut. Par sa Croix glorieuse, le Christ a obtenu le salut de tous les hommes. Il les a rachetés du péché qui les détenait en esclavage. "C'est pour la liberté que le Christ nous a libérés" (Ga 5,1). En Lui, nous communions à "la vérité qui nous rend libres" (Jn 8,32). L'Esprit Saint nous a été donné et, comme l'enseigne l'Apôtre, "là où est l'Esprit, là est la liberté" (2Co 3,17). Dès maintenant, nous nous glorifions de la "liberté des enfants de Dieu" (Rm 8,21).

1742 Liberté et grâce. La grâce du Christ ne se pose nullement en concurrente de notre liberté, quand celle-ci correspond au sens de la vérité et du bien que Dieu a placé dans le coeur de l'homme. Au contraire, comme l'expérience chrétienne en témoigne notamment dans la prière, plus nous sommes dociles aux impulsions de la grâce, plus s'accroissent notre liberté intime et notre assurance dans les épreuves, comme devant les pressions et les contraintes du monde extérieur. Par le travail de la grâce, l'Esprit Saint nous éduque à la liberté spirituelle pour faire de nous de libres collaborateurs de son oeuvre dans l'Eglise et dans le monde:

Dieu qui es bon et tout-puissant, éloigne de nous ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d'esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté (MR, collecte du 32e dimanche).



En bref

1743 "Dieu a laissé l'homme à son propre conseil" (Si 15,14) pour qu'il puisse librement adhérer à son Créateur et parvenir ainsi à la bienheureuse perfection (cf. GS 17).

1744 La liberté est le pouvoir d'agir ou de ne pas agir et de poser ainsi par soi-même des actions délibérées. Elle atteint la perfection de son acte quand elle est ordonnée à Dieu, le souverain Bien.

1745 La liberté caractérise les actes proprement humains. Elle rend l'être humain responsable des actes dont il est volontairement l'auteur. Son agir délibéré lui appartient en propre.

1746 L'imputabilité ou la responsabilité d'une action peut être diminuée ou supprimée par l'ignorance, la violence, la crainte et d'autres facteurs psychiques ou sociaux.

1747 Le droit à l'exercice de la liberté est une exigence inséparable de la dignité de l'homme, notamment en matière religieuse et morale. Mais l'exercice de la liberté n'implique pas le droit supposé de tout dire ni de tout faire.

1748 "C'est pour la liberté que le Christ nous a libérés" (Ga 5,1).



Article 4 La moralité des actes humains

1749 La liberté fait de l'homme un sujet moral. Quand il agit de manière délibérée, l'homme est, pour ainsi dire, le père de ses actes. Les actes humains, c'est-à-dire librement choisis par suite d'un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais.



I Les sources de la moralité

1750
La moralité des actes humains dépend:

- de l'objet choisi;
- de la fin visée ou l'intention;
- des circonstances de l'action.

L'objet, l'intention et les circonstances forment les "sources", ou éléments constitutifs, de la moralité des actes humains.

1751 L'objet choisi est un bien vers lequel se porte délibérément la volonté. Il est la matière d'un acte humain. L'objet choisi spécifie moralement l'acte du vouloir, selon que la raison le reconnaît et le juge conforme ou non au bien véritable. Les règles objectives de la moralité énoncent l'ordre rationnel du bien et du mal, attesté par la conscience.

1752 Face à l'objet, l'intention se place du côté du sujet agissant. Parce qu'elle se tient à la source volontaire de l'action et la détermine par la fin, l'intention est un élément essentiel dans la qualification morale de l'action. La fin est le terme premier de l'intention et désigne le but poursuivi dans l'action. L'intention est un mouvement de la volonté vers la fin; elle regarde le terme de l'agir. Elle est la visée du bien attendu de l'action entreprise. Elle ne se limite pas à la direction de nos actions singulières, mais peut ordonner vers un même but des actions multiples; elle peut orienter toute la vie vers la fin ultime. Par exemple, un service rendu a pour fin d'aider le prochain, mais peut être inspiré en même temps par l'amour de Dieu comme fin ultime de toutes nos actions. Une même action peut aussi être inspirée par plusieurs intentions, comme de rendre service pour obtenir une faveur ou pour en tirer vanité.

1753 Une intention bonne (par exemple: aider le prochain) ne rend ni bon ni juste un comportement en lui-même désordonné (comme le mensonge et la médisance). La fin ne justifie pas les moyens. Ainsi ne peut-on pas justifier la condamnation d'un innocent comme un moyen légitime de sauver le peuple. Par contre, une intention mauvaise surajoutée (ainsi la vaine gloire) rend mauvais un acte qui, de soi, peut être bon (comme l'aumône cf. Mt 6,2-4).

1754 Les circonstances, y compris les conséquences, sont les éléments secondaires d'un acte moral. Elles contribuent à aggraver ou à diminuer la bonté ou la malice morale des actes humains (par exemple le montant d'un vol). Elles peuvent aussi atténuer ou augmenter la responsabilité de l'agent (ainsi agir par crainte de la mort). Les circonstances ne peuvent de soi modifier la qualité morale des actes eux-mêmes; elles ne peuvent rendre ni bonne, ni juste une action en elle-même mauvaise.



II Les actes bons et les actes mauvais

1755 L'acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l'objet, de la fin et des circonstances. Une fin mauvaise corrompt l'action, même si son objet est bon en soi (comme de prier et de jeûner "pour être vu des hommes").

L'objet du choix peut à lui seul vicier l'ensemble d'un agir. Il y a des comportements concrets - comme la fornication - qu'il est toujours erroné de choisir, parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c'est-à-dire un mal moral.

1756 Il est donc erroné de juger de la moralité des actes humains en ne considérant que l'intention qui les inspire, ou les circonstances (milieu, pression sociale, contrainte ou nécessité d'agir, etc.) qui en sont le cadre. Il y a des actes qui par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances et des intentions, sont toujours gravement illicites en raison de leur objet; ainsi le blasphème et le parjure, l'homicide et l'adultère. Il n'est pas permis de faire le mal pour qu'il en résulte un bien.



En bref

1757 L'objet, l'intention et les circonstances constituent les trois "sources" de la moralité des actes humains.

1758 L'objet choisi spécifie moralement l'acte du vouloir selon que la raison le reconnaît et le juge bon ou mauvais.

1759 "On ne peut justifier une action mauvaise faite avec une bonne intention" (S. Thomas d'A., dec. præc. 6). La fin ne justifie pas les moyens.

1760 L'acte moralement bon suppose à la fois la bonté de l'objet, de la fin et des circonstances.

1761 Il y a des comportements concrets qu'il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c'est-à-dire un mal moral. Il n'est pas permis de faire le mal pour qu'il en résulte un bien.



Article 5 La moralité des passions

1762 La personne humaine s'ordonne à la béatitude par ses actes délibérés: les passions ou sentiments qu'elle éprouve peuvent l'y disposer et y contribuer.



I Les Passions

1763 Le terme de "passions" appartient au patrimoine chrétien. Les sentiments ou passions désignent les émotions ou mouvements de la sensibilité, qui inclinent à agir ou à ne pas agir en vue de ce qui est ressenti ou imaginé comme bon ou comme mauvais.

1764 Les passions sont des composantes naturelles du psychisme humain, elles forment le lieu de passage et assurent le lien entre la vie sensible et la vie de l'esprit. Notre Seigneur désigne le coeur de l'homme comme la source d'où jaillit le mouvement des passions (cf. Mc 7,21).

1765 Les passions sont nombreuses. La passion la plus fondementale est l'amour provoqué par l'attrait du bien. L'amour cause le désir du bien absent et l'espoir de l'obtenir. Ce mouvement s'achève dans le plaisir et la joie du bien possédé. L'appréhension du mal cause la haine, l'aversion et la crainte du mal à venir. Ce mouvement s'achève dans la tristesse du mal présent ou la colère qui s'y oppose.

1766 "Aimer, c'est vouloir du bien à quelqu'un" (S. Thomas d'A., I-II 26,4). Toutes les autres affections ont leur source dans ce mouvement originel du coeur de l'homme vers le bien. Il n'y a que le bien qui soit aimé (cf. S. Augustin, Trin. 8,3,4). "Les passions sont mauvaises si l'amour est mauvais, bonnes s'il est bon" (S. Augustin, civ. 14,7).



II Passions et vie morale

1767 En elles-mêmes, les passions ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles ne reçoivent de qualification morale que dans la mesure où elles relèvent effectivement de la raison et de la volonté. Les passions sont dites volontaires, "ou bien parce qu'elles sont commandées par la volonté, ou bien parce que la volonté n'y fait pas obstacle" (S. Thomas d'A., I-II 24,1). Il appartient à la perfection du bien moral ou humain que les passions soient réglées par la raison (cf. I-II 24,3).

1768 Les grands sentiments ne décident ni de la moralité, ni de la sainteté des personnes; ils sont le réservoir inépuisable des images et des affections où s'exprime la vie morale. Les passions sont moralement bonnes quand elles contribuent à une action bonne, et mauvaises dans le cas contraire. La volonté droite ordonne au bien et à la béatitude les mouvements sensibles qu'elle assume; la volonté mauvaise succombe aux passions désordonnées et les exacerbe. Les émotions et sentiments peuvent être assumés dans les vertus, ou pervertis dans les vices.

1769 Dans la vie chrétienne, l'Esprit Saint lui-même accomplit son oeuvre en mobilisant l'être tout entier y compris ses douleurs, craintes et tristesses, comme il apparaît dans l'Agonie et la Passion du Seigneur. Dans le Christ, les sentiments humains peuvent recevoir leur consommation dans la charité et la béatitude divine.

1770 La perfection morale est que l'homme ne soit pas mû au bien par sa volonté seulement, mais aussi par son appétit sensible selon cette parole du Psaume: "Mon coeur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant" (Ps 84,3).



En bref

1771 Le terme "passions" désigne les affections ou les sentiments. A travers ses émotions, l'homme pressent le bien et soupçonne le mal.

1772 Les principales passions sont l'amour et la haine, le désir et la crainte, la joie, la tristesse et la colère.

1773 Dans les passions comme mouvements de la sensibilité, il n'y a ni bien ni mal moral. Mais selon qu'elles relèvent ou non de la raison et de la volonté, il y a en elles bien ou mal moral.

1774 Les émotions et les sentiments peuvent être assumés dans les vertus, ou pervertis dans les vices.

1775 La perfection du bien moral est que l'homme ne soit pas mû au bien par sa seule volonté mais aussi par son "coeur".



Article 6 La conscience morale

1776 "Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir. Cette voix qui ne cesse de le presser d'aimer et d'accomplir le bien et d'éviter le mal, au moment opportun résonne dans l'intimité de son coeur ... C'est une loi inscrite par Dieu au coeur de l'homme. La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre" (GS 16).



I Le jugement de conscience

1777 Présente au coeur de la personne, la conscience morale (cf. Rm 2,14-16), lui enjoint, au moment opportun, d'accomplir le bien et d'éviter le mal. Elle juge aussi les choix concrets, approuvant ceux qui sont bons, dénonçant ceux qui sont mauvais (cf. Rm 1,32). Elle atteste l'autorité de la vérité en référence au Bien suprême dont la personne humaine reçoit l'attirance et accueille les commandements. Quand il écoute la conscience morale, l'homme prudent peut entendre Dieu qui parle.

1778 La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d'un acte concret qu'elle va poser, est en train d'exécuter ou a accompli. En tout ce qu'il dit et fait, l'homme est tenu de suivre fidèlement ce qu'il sait être juste et droit. C'est par le jugement de sa conscience que l'homme perçoit et reconnaît les prescriptions de la loi divine:

La conscience est une loi de notre esprit, mais qui dépasse notre esprit, qui nous fait des injonctions, qui signifie responsabilité et devoir, crainte et espérance ... Elle est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ (Newman, lettre au Duc de Norfolk 5).

1779 Il importe à chacun d'être assez présent à lui-même pour entendre et suivre la voix de sa conscience. Cette requête d'intériorité est d'autant plus nécessaire que la vie nous expose souvent à nous soustraire à toute réflexion, examen ou retour sur soi:

Fais retour à ta conscience, interroge-la ... Retournez, frères, à l'intérieur et en tout ce que vous faites, regardez le Témoin, Dieu (S. Augustin, ep. Jo. 8,9).

1780 La dignité de la personne humaine implique et exige la rectitude de la conscience morale. La conscience morale comprend la perception des principes de la moralité ("syndérèse"), leur application dans les circonstances données par un discernement pratique des raisons et des biens et, en conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou déjà posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de la raison, est reconnue pratiquement et concrètement par le jugement prudent de la conscience. On appelle prudent l'homme qui choisit conformément à ce jugement.

1781 La conscience permet d'assumer la responsabilité des actes posés. Si l'homme commet le mal, le juste jugement de la conscience peut demeurer en lui le témoin de la vérité universelle du bien, en même temps que de la malice de son choix singulier. Le verdict du jugement de conscience demeure un gage d'espérance et de miséricorde. En attestant la faute commise, il rappelle le pardon à demander, le bien à pratiquer encore et la vertu à cultiver sans cesse avec la grâce de Dieu:

Devant Lui, nous apaisons notre coeur, parce que, si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur et il connaît tout (
1Jn 3,19-20).

1782 L'homme a le droit d'agir en conscience et en liberté afin de prendre personnellement les décisions morales. "L'homme ne doit pas être contraint d'agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d'agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse" (DH 3).



II La formation de la conscience

1783 La conscience doit être informée et le jugement moral éclairé. Une conscience bien formée est droite et véridique. Elle formule ses jugements suivant la raison, conformément au bien véritable voulu par la sagesse du Créateur. L'éducation de la conscience est indispensable à des êtres humains soumis à des influences négatives et tentés par le péché de préférer leur jugement propre et de récuser les enseignements autorisés.

1784 L'éducation de la conscience est une tâche de toute la vie. Dès les premières années, elle éveille l'enfant à la connaissance et à la pratique de la loi intérieure reconnue par la conscience morale. Une éducation prudente enseigne la vertu; elle préserve ou guérit de la peur, de l'égoïsme et de l'orgueil, des ressentiments de la culpabilité et des mouvements de complaisance, nés de la faiblesse et des fautes humaines. L'éducation de la conscience garantit la liberté et engendre la paix du coeur.

1785 Dans la formation de la conscience la Parole de Dieu est la lumière sur notre route; il nous faut l'assimiler dans la foi et la prière, et la mettre en pratique. Il nous faut encore examiner notre conscience au regard de la Croix du Seigneur. Nous sommes assistés des dons de l'Esprit Saint, aidés par le témoignage ou les conseils d'autrui et guidés par l'enseignement autorisé de l'Eglise (cf. DH 14).



III Les choix de la conscience

1786 Mise en présence d'un choix moral, la conscience peut porter soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s'en éloigne.

1787 L'homme est quelquefois affronté à des situations qui rendent le jugement moral moins assuré et la décision difficile. Mais il doit toujours rechercher ce qui est juste et bon et discerner la volonté de Dieu exprimée dans la loi divine.

1788 A cet effet, l'homme s'efforce d'interpréter les données de l'expérience et les signes des temps grâce à la vertu de prudence, aux conseils des personnes avisées et à l'aide de l'Esprit Saint et de ses dons.

1789
Quelques règles s'appliquent dans tous les cas:

- Il n'est jamais permis de faire le mal pour qu'il en résulte un bien.
- La "règle d'or": "Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux" (
Mt 7,12 cf. Lc 6,31 Tb 4,15).
- La charité passe toujours par le respect du prochain et de sa conscience: "En parlant contre les frères et en blessant leur conscience ..., c'est contre le Christ que vous péchez" (1Co 8,12). "Ce qui est bien, c'est de s'abstenir... de tout ce qui fait buter ou tomber ou faiblir ton frère" (Rm 14,21).



IV le jugement erroné

1790 L'être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience. S'il agissait délibérément contre ce dernier, il se condamnerait lui-même. Mais il arrive que la conscience morale soit dans l'ignorance et porte des jugements erronés sur des actes à poser ou déjà commis.

1791 Cette ignorance peut souvent être imputée à la responsabilité personnelle. Il en va ainsi, "lorsque l'homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l'habitude du péché rend peu à peu la conscience presque aveugle" (GS 16). En ces cas, la personne est coupable du mal qu'elle commet.

1792 L'ignorance du Christ et de son Evangile, les mauvais exemples donnés par autrui, la servitude des passions, la prétention à une autonomie mal entendue de la conscience, le refus de l'autorité de l'Eglise et de son enseignement, le manque de conversion et de charité peuvent être à l'origine des déviations du jugement dans la conduite morale.

1793 Si - au contraire - l'ignorance est invincible, ou le jugement erroné sans responsabilité du sujet moral, le mal commis par la personne ne peut lui être imputé. Il n'en demeure pas moins un mal, une privation, un désordre. Il faut donc travailler à corriger la conscience morale de ses erreurs.

1794 La conscience bonne et pure est éclairée par la foi véritable. Car la charité procède en même temps "d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sans détours" (1Tm 1,5 cf. 1Tm 3,9 2Tm 1,3 1P 3,21 Ac 24,16):

Plus la conscience droite l'emporte, plus les personnes et les groupes s'éloignent d'une décision aveugle et tendent à se conformer aux règles objectives de la moralité (GS 16).



En bref

1795 "La conscience est le centre le plus intime et le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est le seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre" (GS 16).

1796 La conscience morale est un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d'un acte concret.

1797 Pour l'homme qui a commis le mal, le verdict de sa conscience demeure tun gage de conversion et d'espérance.

1798 Une conscience bien formée est droite et véridique. Elle formule ses jugements suivant la raison, conformément au bien véritable voulu par la sagesse du Créateur. Chacun doit prendre les moyens de former sa conscience.

1799 Mise en présence d'un choix moral, la conscience peut porter soit un jugement droit en accord avec la raison et avec la loi divine, soit au contraire, un jugement erroné qui s'en éloigne.

1800 L'être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa conscience.

1801 La conscience morale peut rester dans l'ignorance ou porter des jugements erronés. Ces ignorances et ces erreurs ne sont pas toujours exemptes de culpabilité.

1802 La Parole de Dieu est une lumière sur nos pas. Il nous faut l'assimiler dans la foi et dans la prière, et la mettre en pratique. Ainsi se forme la conscience morale.



Article 7 Les vertus

1803 "Tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui a bon renom, s'il est quelque vertu et s'il est quelque chose de louable, que ce soit pour vous ce qui compte" (Ph 4,8).

La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle permet à la personne, non seulement d'accomplir des actes bons, mais de donner le meilleur d'elle-même. De toutes ses forces sensibles et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien; elle le poursuit et le choisit en des actions concrètes.

Le but d'une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu (S. Grégoire de Nysse, beat. 1).



I Les vertus humaines

1804 Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l'intelligence et de la volonté qui règlent nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon la raison et la foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener une vie moralement bonne. L'homme vertueux, c'est celui qui librement pratique le bien.

Les vertus morales sont humainement acquises. Elles sont les fruits et les germes des actes moralement bons; elles disposent toutes les puissances de l'être humain à communier à l'amour divin.


Distinction des vertus cardinales

1805 Quatre vertus jouent un rôle-charnière. Pour cette raison on les appelle "cardinales"; toutes les autres se regroupent autour d'elles. Ce sont: la prudence, la justice, la force et la tempérance. "Aime-t-on la rectitude? Les vertus sont les fruits de ses travaux, car elle enseigne tempérance et prudence, justice et courage" (Sg 8,7). Sous d'autres noms, ces vertus sont louées dans de nombreux passages de l'Ecriture.

1806 La prudence est la vertu qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance notre véritable bien et à choisir les justes moyens de l'accomplir. "L'homme avisé surveille ses pas" (Pr 14,15). "Soyez sages et sobres en vue de la prière" (1P 4,7). La prudence est la "droite règle de l'action", écrit saint Thomas (II-II 47,2) après Aristote. Elle ne se confond ni avec la timidité ou la peur, ni avec la duplicité ou la dissimulation. Elle est dite "auriga virtutum": elle conduit les autres vertus en leur indiquant règle et mesure. C'est la prudence qui guide immédiatement le jugement de conscience. L'homme prudent décide et ordonne sa conduite suivant ce jugement. Grâce à cette vertu, nous appliquons sans erreur les principes moraux aux cas particuliers et nous surmontons les doutes sur le bien à accomplir et le mal à éviter.

1807 La justice est la vertu morale qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû. La justice envers Dieu est appelée "vertu de religion". Envers les hommes, elle dispose à respecter les droits de chacun et à établir dans les relations humaines l'harmonie qui promeut l'équité à l'égard des personnes et du bien commun. L'homme juste, souvent évoqué dans les Livres saints, se distingue par la droiture habituelle de ses pensées et la rectitude de sa conduite envers le prochain. "Tu n'auras ni faveur pour le petit, ni complaisance pour le grand; c'est avec justice que tu jugeras ton prochain" (Lv 19,15). "Maîtres, accordez à vos esclaves le juste et l'équitable, sachant que, vous aussi, vous avez un Maître au ciel" (Col 4,1).

1808 La force est la vertu morale qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien. Elle affermit la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale. La vertu de force rend capable de vaincre la peur, même de la mort, d'affronter l'épreuve et les persécutions. Elle dispose à aller jusqu'au renoncement et au sacrifice de sa vie pour défendre une juste cause. "Ma force et mon chant, c'est le Seigneur" (Ps 118,14). "Dans le monde, vous aurez de l'affliction, mais courage, moi j'ai vaincu le monde" (Jn 16,33).

1809 La tempérance est la vertu morale qui modère l'attrait des plaisirs et procure l'équilibre dans l'usage des biens créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l'honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une saine discrétion et "ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions de son coeur" (Si 5,2 cf. Si 37,27-31). La tempérance est souvent louée dans l'Ancien Testament: "Ne te laisse pas aller à tes convoitises, réprime tes appétits" (Si 18,30). Dans le Nouveau Testament, elle est appelée "modération" ou "sobriété". Nous devons "vivre avec modération, justice et piété dans le monde présent" (Tt 2,12).

Bien vivre n'est autre chose qu'aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de tout son agir. On Lui conserve un amour entier (par la tempérance) que nul malheur ne peut ébranler (ce qui relève de la force), qui n'obéit qu'à Lui seul (et ceci est la justice), qui veille pour discerner toutes choses de peur de se laisser surprendre par la ruse et le mensonge (et ceci est la prudence) (S. Augustin, mor. eccl. 1,25,46).


Les vertus et la grâce

1810 Les vertus humaines acquises par l'éducation, par des actes délibérés et par une persévérance toujours reprise dans l'effort, sont purifiées et élevées par la grâce divine. Avec l'aide de Dieu, elles forgent le caractère et donnent aisance dans la pratique du bien. L'homme vertueux est heureux de les pratiquer.

1811 Il n'est pas facile pour l'homme blessé par le péché de garder l'équilibre moral. Le don du salut par le Christ nous accorde la grâce nécessaire pour persévérer dans la recherche des vertus. Chacun doit toujours demander cette grâce de lumière et de force, recourir aux sacrements, coopérer avec le Saint-Esprit, suivre ses appels à aimer le bien et à se garder du mal.




1998 Catéchisme 1725