Catéchisme France 63

Un Magistère vivant

63 L'Écriture et la Tradition elle-même dans les documents où elle s'est déposée, demandent à être toujours de nouveau interprétées.

L'histoire montre notamment ce qui peut être fait de l'Écriture lorsqu'elle est détachée de la communauté de foi qu'elle contribue à engendrer et à nourrir. A partir et au nom de cette Écriture n'ont cessé de se multiplier des mouvements fanatiques, "illuminés", anarchisants. Quant à la Tradition, qui pourrait prétendre en discerner tout seul les expressions fidèles et celles qui ne le seraient pas?

L'Église, qui lit et reconnaît sa foi dans l'Écriture et dans la Tradition, n'est pas une communauté informe. L'Écriture la première, présente l'Église primitive vivant sous la conduite des apôtres. C'est un des rôles de leurs successeurs, le pape et les évêques, de veiller (on parle alors de Magistère) à la rectitude de l'interprétation de la Parole de Dieu livrée dans l'Écriture Sainte et dans la Tradition. En effet, "la charge d'interpréter de façon authentique (c'est-à-dire officielle, avec l'autorité du Christ) la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul magistère vivant de l'Église dont l'autorité s'exerce au nom de Jésus Christ" (
DV 10).


Au nom de Jésus Christ, dans la communion de toute l'Église

64 Si le Magistère est seul à pouvoir proposer une interprétation "authentique", et faisant donc autorité pour les croyants, il n'est jamais seul dans son travail de discernement du sens des Écritures et de la Tradition. Il s'en acquitte lui-même au sein de l'Église, en bénéficiant, non seulement du travail des exégètes et des théologiens, mais aussi de ce que l'écoute croyante des fidèles a perçu de cette Parole de Dieu qui lui est transmise.

L'écho de la Parole de Dieu dans la foi de l'ensemble des fidèles est ce qu'on appelle traditionnellement le "sens de la foi" ou le "sens des fidèles", que l'on peut appeler aussi le "sens catholique". Il est un repère du plus haut prix pour l'interprétation de la Révélation transmise dans l'Écriture et dans la Tradition. En effet, "la collectivité des fidèles [...] ne peut se tromper dans la foi [...] lorsque, des évêques jusqu'au dernier des fidèles laïcs elle apporte aux vérités concernant la foi et les moeurs un consentement universel" (
LG 12).

65 Témoin authentique de l'intelligence que l'Église elle-même a de la Révélation, le Magistère du pape et des évêques "n'est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il la sert" (cf. DV 10). Il est assisté de l'Esprit Saint pour en assurer fidèlement la transmission, en précisant, lorsque cela lui semble opportun, ce qui est effectivement révélé par Dieu (cf. DV 10).

Écriture, Tradition et Magistère ne se disputent donc pas l'autorité lorsqu'il s'agit de transmettre aux hommes la vérité révélée. Loin d'être en concurrence, ils s'étayent mutuellement, "sous l'action du seul Esprit Saint" (DV 10).

"Puisque la Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger, il ne faut pas, pour découvrir exactement le sens des textes sacrés, porter une moindre attention au contenu et à l'unité de toute l'Écriture, eu égard à la Tradition vivante de toute l'Église et à l'analogie de la foi. Il appartient aux exégètes de s'efforcer, suivant ces règles, de pénétrer et d'exposer plus profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que, par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l'Église. Car tout ce qui concerne la manière d'interpréter l'Écriture est finalement soumis au jugement de l'Église, qui exerce le ministère et le mandat divinement reçus de garder la Parole de Dieu et de l'interpréter" (DV 12).


Le don d'infaillibilité

66 C'est l'Esprit Saint donné à l'Église qui lui assure l'infaillibilité quand il s'agit de reconnaître son Seigneur et ce qu'il exige d'elle.

Cette infaillibilité, qui est un don fait par Dieu à l'Église comme telle, doit trouver une expression concrète. Elle trouve cette expression dans le Magistère que le Christ a institué perpétuel en son Église, lorsqu'il a dit à ses apôtres: "Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés" (
Mt 28,19-20).

"Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église pour définir la doctrine concernant la foi et les moeurs, s'étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine à conserver saintement et à exposer fidèlement" (LG 25). Elle garantit que l'Église demeure fermement dans la foi apostolique, grâce à l'assistance de l'Esprit promise à ses pasteurs.

L'infaillibilité est conférée aux actes solennels d'un concile oecuménique lorsqu'il définit l'un ou l'autre point de la doctrine de foi ou de morale. Mais elle est assurée aussi au successeur de Pierre, le pape, "lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine sur la foi ou sur les moeurs doit être tenue par toute l'Église". Son infaillibilité personnelle n'est pas autre que celle "dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église" (concile Vatican I, DS 3074 FC 484 cf. CIC 749 CIC 753). Il se contente alors d'énoncer ce qui a toujours constitué la foi de cette Église.

67 Les actes solennels du concile ou du pape, définissant de manière infaillible un point de la doctrine de foi ou de morale, relèvent de l'exercice "extraordinaire" de ce Magistère. Il en existe aussi un exercice "ordinaire et universel", dans lequel est enseignée la foi catholique (cf. CIC 750). A l'enseignement courant, en matière de foi et de moeurs, que donnent le pape et les évêques unis à lui, les fidèles doivent apporter "l'assentiment religieux de leur esprit" (LG 25).

A d'autres niveaux de responsabilité, tous les pasteurs, mais aussi des docteurs (des théologiens), des catéchistes... sont chargés de l'enseignement de l'Église (cf. CIC 747 et suiv.).

Par ailleurs, les documents du Magistère, notamment du Magistère papal, ne relèvent pas tous de la même catégorie. Il y a des "Constitutions apostoliques", des "Bulles", des "Encycliques", des "Exhortations apostoliques". Elles engagent l'autorité de manière différente, mais n'en appellent pas moins acquiescement et respect.

Enfin, il ne faut pas oublier que les disciples de Jésus n'ont, en définitive, qu'un seul Mainte, le Christ (cf. Mt 23,8). Toute charge d'enseigner dans l'Église, celle des pasteurs ou celle qu'ils peuvent confier, se fonde exclusivement sur une mission reçue de Jésus (cf. Mt 16,18-19 Mc 16,15-16).


Le Mystère dévoilé

68 Pour parler de la communication que Dieu fait de lui-même et de ses desseins dans la Révélation, la Bible recourt au terme de "mystère".

Dans le langage biblique et dans celui de l'Église, le mystère est radicalement différent de l'énigme. Celle-ci évoque un problème sur lequel l'esprit bute, avant de pouvoir éventuellement le résoudre. Le mystère, lui, est objet de révélation. Il s'offre à la foi. Ce n'est pas une énigme indéchiffrable, mais une réalité qu'on n'a jamais fini de comprendre, une source inépuisable de lumière.

La Révélation concerne une réalité que l'être humain est totalement incapable de découvrir sans la lumière de Dieu. Cette réalité et sa signification ne peuvent nous être que données. Elles sont effectivement communiquées dans une Parole dite pour éclairer notre intelligence et capable de nous transformer.

C'est pourquoi le mystère peut arriver à désigner la réalité de Dieu lui-même, en tant que cette réalité nous devient accessible comme don. Il nous est alors proposé d'y pénétrer ou, plutôt, de nous laisser pénétrer, éclairer et guider par elle.

69 L'épître aux Colossiens parle ainsi de "toute la richesse de l'intelligence parfaite" et de "la vraie connaissance du mystère de Dieu" (Col 2,2): un mystère "qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté aux membres de son peuple saint" (Col 1,26). Ce mystère, c'est le Christ, dépositaire de "tous les trésors de la sagesse et de la connaissance" (Col 2,3).

Ce mystère, l'épître aux Éphésiens le caractérise comme un mystère d'alliance. Après avoir évoqué l'union des époux, telle qu'instituée par le Créateur, l'Apôtre la propose comme image de l'union que le Christ a scellée entre lui et l'Église: "Ce mystère est grand: je le dis en pensant au Christ et à l'Église" (Ep 5,32).

Tel est bien le mystère dans lequel fait pénétrer la foi l'union de Dieu et d'une humanité nouvelle, union qui est terme de la Révélation faite par lui de son être d'amour, à travers l'oeuvre de son Fils et le don de son Esprit.

70 Mais, dira-t-on, si le mystère de Dieu
est incompréhensible,
toi alors,
pourquoi exposes-tu ce qui s'y rapporte?
Sous prétexte que le suis incapable
de boire tout le fleuve,
est-ce que je me priverai
d'en prendre modestement ce qu'il m'en faut?
Sous prétexte que la constitution de mes yeux
m'interdit d'embrasser le soleil tout entier,
est-ce que je ne vais pas non plus le regarder
autant que mes propres nécessités m'y obligent?
Ou encore, sous prétexte
qu'entré dans un grand verger
je ne puis manger tous les fruits qui s'y trouvent,
veux-tu que j'en sorte finalement avec la faim?
Je loue et glorifie Celui qui nous a faits,
car un ordre divin l'a prescrit:
"Que tout être animé loue le Seigneur."
Louer le Maître, non l'expliquer,
tel est mon propos actuel,
je le sais bien, je n'arriverai pas à louer dignement,
mais je pense que c'est oeuvre de piété
de l'entreprendre au moins en gros. Car
le Seigneur Jésus rassure ma faiblesse
lorsqu'il dit: "Dieu, personne ne l'a jamais vu."
Cyrille, évêque de Jérusalem, t 386.



Dieu saint

L'Unique

71 Le Dieu dont la Révélation dévoile le mystère d'amour est le Dieu saint, car il est d'abord celui qui ne se laisse confondre avec rien d'autre que lui. Ainsi est-il immédiatement confessé dans le Credo.

"Je crois en un seul Dieu", déclarons-nous dans l'Église. "Je crois en Dieu Un", pourrait-on littéralement traduire. "Un" dit alors plus qu'un simple nombre. Proclamer Dieu "Un", c'est affirmer qu'il ne peut "faire nombre" avec rien d'autre. C'est de cette façon qu'il est unique: il l'est absolument. Il est l'Unique.

L'affirmation de cette unicité est au centre du témoignage de l'Ancien Testament. "Écoute Israël. Le Seigneur notre Dieu est l'Unique Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force" (
Dt 6,4-5). Ainsi commence la prière dite Shema Israël, dans laquelle sont exprimées l'histoire de l'Alliance et la profession de foi du peuple juif aujourd'hui.

72 La confession de l'unicité de Dieu répond à la déclaration par Dieu lui-même de son Être-Un: "Je suis le premier et le dernier; moi excepté, il n'y pas de dieux" (Is 44,6). C'est la même vérité que traduit le premier commandement: "Tu n'auras pas d'autres dieux que moi" (Ex 20,3 cf. Dt 6,4), d'où découle immédiatement l'interdiction des idoles: "Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte" (Ex 20,4-5).

Ce qui montre bien que le monothéisme de la foi juive et de la foi chrétienne a une signification pratique. Le monothéisme de l'islam aussi d'ailleurs, même si l'on peut porter un jugement critique sur le type de société qu'il engendre. L'islam peut contribuer à nous rappeler que tout n'est pas dit du Dieu de la foi chrétienne quand on affirme son unité et son unicité. Le Dieu Un des chrétiens n'est justement compris qu'en relation avec le dogme de la Trinité, qui enseigne que cette unité de Dieu est une unité de communion.

73 Le monothéisme de la foi chrétienne est principe de liberté 73 en face de tous les faux dieux (argent, puissance, renommée, plaisirs, idéologies de toutes sortes... ) auxquels nous sommes toujours tentés de faire allégeance. "Servir Dieu, c'est régner", déclare une prière de la liturgie.

Le pouvoir du Christ sur la Création, "il l'a communiqué à ses disciples pour qu'ils soient eux aussi établis dans la liberté royale, pour qu'ils arrachent au péché son empire en eux-mêmes par leur abnégation et la sainteté de leur vie (cf.
Rm 6,12), bien mieux, pour que servant le Christ également dans les autres, ils puissent, dans l'humilité et la patience, conduire leurs frères jusqu'au Roi dont les serviteurs sont eux-mêmes des rois" (LG 36).

Plus positivement encore, l'affirmation de "Dieu Un" est le principe du lien de "jalousie" amoureuse établi entre lui et son peuple (cf. Ex 20,5 Ex 34,14 Dt 4,24 etc.).

74 Au scribe qui lui demande "quel est le premier de tous les commandements", Jésus, pour répondre, se contente de citer le Shema Israël que nous évoquions plus haut, avant d'ajouter: "Voici le second commandement: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là" (Mc 12,28-31). Il précise même, d'après saint Matthieu (22,39), que ce second commandement est semblable au premier. En face du "Dieu un", et grâce au lien d'amour qu'il entend établir avec eux, tous les hommes sont frères.

A certains égards, quand la raison humaine affirme que Dieu est "un", tout est déjà dit de la nature (ou de l'essence) divine, d'autant qu'à cette unité sont liés plusieurs attributs: Dieu est éternel, infini, immuable, transcendant, perfection absolue... Mais la foi chrétienne, qui a une connaissance de Dieu davantage liée à l'histoire des hommes, se réfère avant tout à ce que Dieu lui-même affirme explicitement dans sa Révélation. Ainsi en est-il de l'unicité et de la sainteté de Dieu. Ainsi en est-il de sa paternité, dont la profondeur est révélée par jésus. Dans sa prière, le chrétien reprend les images bibliques à la grandeur desquelles le caractère anthropomorphique n'enlève rien. Ainsi quand Dieu est désigné comme le "roc" sur lequel s'appuie le croyant, la "citadelle" ou le "bouclier" qui le protège, le "berger" de son peuple...


Un Dieu au-delà de tout

75 L'affirmation de l'unicité de Dieu va de pair avec celle de sa sainteté. Affirmer que Dieu est saint, c'est affirmer qu'il est au-delà de tout. C'est dire l'impossibilité pour les hommes de l'enfermer dans les idées qu'ils se font de lui. "Aucune parole ne l'exprime, il dépasse toute intelligence" (poème attribué à Grégoire de Nazianze). C'est évoquer le mystère qui continue de l'envelopper alors même qu'il se fait connaître.

Car Dieu lui-même atteste, le premier, sa sainteté: "Je suis Dieu, et non pas homme: au milieu de vous je suis le Dieu saint", déclare-t-il à son peuple (
Os 11,9). Si ce peuple est appelé à la sainteté, c'est parce que Dieu est saint: "Soyez saints, car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint" (Lv 19,2 cf. Lv 20,26 Lv 21,8).

76 Les juifs ont une idée si grande de la sainteté de Dieu et de son Nom, qu'ils s'interdisent de prononcer celui-ci. Quatre consonnes (YHWH) entrent dans ce Nom que Dieu lui-même a révélé à Moïse, et qui demeure d'ailleurs immédiatement enveloppé de mystère. La traduction la plus approchée du texte hébreu pourrait être: "Je suis qui je suis" ou "Je suis qui je serai" (Ex 3,14). A la suite de la traduction grecque, un certain nombre de Pères de l'Église et d'exégètes ont traduit: "Je suis Celui qui est."

Quand, dans la prière que Jésus leur a enseignée, les chrétiens se voient autorisés à invoquer Dieu comme "Père", ils n'oublient pas que ce Père est "aux cieux". Autrement dit, qu'il n'en reste pas moins Dieu. Son inaccessible grandeur se manifeste pour eux de manière encore plus surprenante dans la proximité qu'il s'est plu à établir en faveur des hommes, puisqu'il va jusqu'à en faire ses fils. Aussi bien son Nom demeure-t-il pour eux un Nom saint, qu'ils désirent voir "sanctifié".

De leur côté, les philosophes et les théologiens parlent de la transcendance de Dieu, pour signifier que Dieu est au-dessus, ou au-delà, de tout, notamment de ce qu'on peut s'en représenter.


Une sainteté rayonnante

77 La sainteté de Dieu, qui exprime son mystère en ce qu'il a d'unique, est aussi une sainteté manifestée, rayonnante. Pour exprimer ce rayonnement, la Bible parle de la gloire de Dieu. Au début de sa mission, le prophète Isaïe est ébloui par l'éclat de cette gloire, qu'il entend proclamer par les séraphins: "Saint! Saint! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers. Toute la terre est remplie de sa gloire" (Is 6,3).

Cette gloire de Dieu, les apôtres l'ont vue rayonner sur la face du Christ (cf. 2Co 4,6). Ils en ont d'abord été éblouis au jour de la Transfiguration (cf. Mt 17,1-9). Elle éclate dans la Résurrection. Mais son caractère mystérieux demeure puisqu'elle se manifeste, de manière suprêmement déconcertante, dans la victoire d'un crucifié.

Annonçant sa mort, Jésus déclare: "Le Père m'aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever: je la donne de moi-même " Un 10, 17-18). Ce don transfigure en une victoire de l'amour ce qui pourrait parente comme l'échec de sa mission.

Dans leur prière, les disciples de Jésus ont appris à demander d'abord la "sanctification" du "Nom" (c'est-à-dire de la personne) de ce Père divin que Jésus leur avait fait connaître; "Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié...": autrement dit, qu'il soit déclaré saint, traité comme tel et glorifié.

A chaque messe, la grande prière eucharistique est introduite par l'acclamation de la sainteté et de la gloire de Dieu: "Saint! Saint! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers! Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux!"


Une sainteté qui se communique

78 Rayonnante, la sainteté du Dieu de l'Alliance ne l'est pas seulement pour le prophète ou pour ceux qui sont appelés à la découvrir dans des expériences exceptionnelles. Elle rayonne aussi en se communiquant dans son oeuvre, à l'intérieur du monde.

La sainteté que Dieu inscrivait dans la Loi donnée au Peuple d'Israël (cf.
Lv 17 et suiv.) qualifie aussi la communauté édifiée à partir du sacrifice du Christ et "sanctifiée" par lui, l'Église (cf. Jn 17,19). "Comme des pierres vivantes, vous êtes édifiés en maison spirituelle, pour constituer une sainte communauté sacerdotale, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ" (1P 2,5). La sanctification de ce nouveau peuple de Dieu est l'oeuvre propre du Saint-Esprit.

Ainsi, dès que la sainteté de Dieu se révèle, le mystère du Dieu trinitaire, Père, Fils, et Esprit, se laisse déjà entrevoir.


Père tout-puissant

79 La confession de l'unicité de Dieu est, dans le Credo immédiatement suivie de celle de sa paternité et de sa toute puissance: "Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant".


La proximité de Dieu manifestée dans sa paternité

80 Le Dieu saint est Celui auquel Jésus renvoie dans sa prédication, Celui dont il veut voir le Nom "sanctifié". Mais le message de Jésus consiste avant tout à annoncer que ce Dieu saint a voulu se rendre proche des hommes. Jésus annonce le Règne qui vient.

Dieu est d'abord le Père de Jésus, son Fils unique. C'est en le désignant comme "le Père de notre Seigneur Jésus Christ" (
2Co 1,3) que nous disons le plus parfaitement qui il est en vérité. jésus entretient avec lui une relation tout à fait unique, que l'on voit s'exprimer dans la manière particulièrement intime et familière avec laquelle il s'adresse à lui dans la prière (cf. Mc 14,36).

Mais il est aussi très réellement notre Père: "Voyez, écrit saint Jean, comme il est grand l'amour dont le Père nous a comblés: il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu; et nous le sommes" (1Jn 3,1).

Le dieu suprême de nombreuses religions est appelé père. Mais en général ce mot signifie simplement que les hommes sont de "race divine". C'est tout autrement que le Dieu de la Bible est Père. Car pour la Bible, le Dieu Père n'est autre que le Dieu saint. C'est alors en pure liberté, par amour, et finalement en nous incluant dans l'amour qu'il porte à son Fils, qu'il se donne à nous comme Père. Saint Paul le désigne ainsi comme "Père plein de tendresse, le Dieu de qui vient tout réconfort" (2Co 1,3).


La paternité de Dieu, modèle de toute paternité

81 Quand nous invoquons Dieu comme Père, nous ne nous contentons pas de projeter sur lui l'expérience que nous faisons tous d'avoir un père. Nous risquerions trop de lui faire endosser les imperfections de la paternité humaine. Et puis, nous pourrions être portés à penser qu'il est nécessaire de distendre les liens avec lui, et peut-être de les rompre, pour accéder à notre pleine majorité humaine.

En réalité la foi, qui nous fait connaître Dieu Père, nous permet de faire l'expérience de Celui qui est source de toute vie et de tout amour, en même temps que de découvrir le sens ultime de toute paternité. Le Père de Jésus Christ est "la source de toute paternité au ciel et sur la terre" (
Ep 3,15). Sa manière d'être Père nous révèle toutes les imperfections et les limites de la nôtre. Car il est précisément Père de l'amour et de la miséricorde; de l'amour qui donne à l'autre d'être lui-même; de la miséricorde, qui lui redonne sa dignité après une rupture ou une défaillance.


Des fils appelés à la liberté

82 On peut être en même temps fils et adulte. Les fils de Dieu sont des hommes libres, libérés de toutes les idoles qui asservissent le monde, pour hériter des biens divins du Royaume: "Et voici la preuve que vous êtes des fils, écrit saint Paul aux Galates: envoyé de Dieu, l'Esprit de son Fils est dans nos coeurs, et il crie vers le Père en l'appelant Abba! Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils, et comme ils tu es héritier par la grâce de Dieu" (Ga 4,6-7).

La liberté chrétienne est celle des fils de Dieu, qui ne vivent plus seulement sous la loi extérieure du permis et du défendu, plutôt sous la "loi intérieure d'amour et de charité que le Saint-Esprit a coutume de graver dans les coeurs" (saint Ignace de Loyola, prologue des Constitutions, no. 134). Cette liberté est donc tout autre chose que la licence. "Tout m'est permis, écrit saint Paul aux Corinthiens, mais tout ne me convient pas. Tout m'est permis, mais moi je ne me laisserai asservir par rien" (1Co 6,12).


Au-delà des catégories humaines

83 L'affirmation de Dieu Père ne nous enferme pas non plus une conception exclusivement masculine de Dieu, propre à fonder un système patriarcal de vie familiale ou sociétaire. Dieu est aussi plus d'une fois, dans la Bible, comparé à une mère dont la miséricordieuse tendresse entoure ses enfants (cf. Is 49,15 Is 66,13). Désigner dans la foi Dieu comme Père, c'est reconnaître en lui Celui de qui procèdent "les dons les meilleurs" (Jc 1,17), l'Origine absolue, le Principe dernier de tout ce qui existe et qui nous est, comme tel, radicalement inaccessible. Il est Celui que "personne n'a jamais vu", mais qui cependant nous est révélé pour ce qu'il est en vérité par et dans son Fils (cf Jn 1,17-18).

C'est ce Fils qui nous apprend à l'invoquer comme Père "Notre Père".


Tout-puissant

84 Le Symbole des Apôtres et le Credo de Nicée-Constantinople, proclamés l'un ou l'autre à la messe du dimanche, confessent Dieu "Père tout-puissant".

"Tout-puissant" fait souvent difficulté aujourd'hui. La puissance est très généralement, dans les religions, un des attributs spécifiques de la divinité. Mais ne correspond-elle pas trop, précisément, à l'idée que les hommes se font de cette divinité, soit à partir de la peur qui les habite, soit dans le désir de voir simplement comblée leur impuissance? Sentiment d'écrasement, ou solution trop facile cherchée à nos faiblesses est-ce que ce rie sont pas là des conséquences néfastes de l'idée de la toute-puissance de Dieu? D'où l'importance de ne pas couper l'adjectif "tout-puissant" du substantif auquel il se rapporte.

Les Credo de la foi catholique mettent la toute-puissance de Dieu en relation avec le titre de Père. La toute-puissance est qualifiée par là de manière décisive. Elle n'est pas domination arbitraire, mais souveraineté pleine de sagesse et de bonté, à laquelle "rien n'est impossible" (
Lc 1,37 cf. Gn 18,14). C'est la toute puissance aimante d'un père: du "Père de notre Seigneur Jésus Christ" (2Co 1,3), qui nous communique son Esprit. La toute puissance de ce Père ne vient pas écraser mais, tout au contraire, susciter la vie, faire tourner au bien ce qui s'y oppose, relever ce qui tombe et même terrasser la mort. Manifestée dans la Création, elle s'affirme -souverainement dans la croix et la résurrection de Jésus.

85 Veillée de Pâques

Croyez-vous en Dieu le Père tout-puissant,
Créateur du ciel et de la terre?
Nous croyons.

Croyez-vous en Jésus Christ,
son Fils unique, notre Seigneur,
qui est né de la Vierge Marie,
a souffert la Passion, a été enseveli,
est ressuscité d'entre les morts,
et qui est assis à la droite du père?
Nous croyons.

Croyez-vous en l'Esprit Saint,
à la Sainte Eglise catholique,
à la communion des saints,
au pardon des péchés,
à la résurrection de la chair,
et à la vie éternelle?
Nous croyons.

86 Symbole des apôtres

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant,
Créateur du ciel et de la terre.
Et en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur,
qui a été conçu du Saint-Esprit,
est né de la Vierge Marie,
a souffert sous Ponce Pilate,
a été crucifié, est mort et a été enseveli,
est descendu aux enfers,
le troisième jour est ressuscité des morts,
est monté aux cieux,
est assis à la droite de Dieu
le Père tout-puissant,
d'où il viendra juger les vivants et les morts.
Je crois en l'Esprit Saint,
à la sainte Église catholique,
à la communion des saints,
à la rémission des péchés,
à la résurrection de la chair,
à la vie éternelle.
Amen.

87 Symbole de Nicée-Constantinople

Je crois en un seul Dieu,
le Père tout-puissant,
Créateur du ciel et de la terre,
de l'univers visible et invisible.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu,
né du Père avant tous les siècles:
Il est Dieu, né de Dieu,
lumière, née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu,
engendré, non pas créé
de même nature que le Père,
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut, il descendit du ciel;
par l'Esprit Saint,
il a pris chair de la Vierge Marie,
et s'est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.
Il ressuscita le troisième jour,
conformément aux Écritures,
et il monta au ciel;
il est assis à la droite du Père.
Il reviendra dans la gloire,
pour juger les vivants et les morts
et son règne n'aura pas de fin.
Je crois en l'Esprit Saint,
qui est Seigneur et qui donne la vie;
il procède du Père et du Fils; avec le Père et le Fils,
il reçoit même adoration et même gloire,
il a parlé par les prophètes.
Je crois en l'Église,
une, sainte, catholique et apostolique.
Je reconnais un seul baptême
pour le pardon des péchés.
J'attends la résurrection des morts,
et la vie du monde à venir.
Amen.


La Providence

88 La foi en la paternité toute-puissante de Dieu s'exprime dans la piété chrétienne comme foi en la Providence.

L'homme fait souvent, à des degrés divers, l'expérience de situations ou d'événements (telle maladie, tel décès, tel revers de fortune... ) dont le sens semble radicalement lui échapper. Il fait aussi, plus simplement, l'expérience de situations qu'il sait précaires, même si pour l'instant elles ne lui font pas problème. Il fait également, parfois, l'expérience de réussites inattendues ou inespérées.

Derrière ces expériences, certains se contentent de voir le destin, qui désigne une puissance aveugle, d'autres parlent de la chance (ou de la malchance), ce qui est une manière de donner un nom à ce qui n'a pas de sens.

D'autres encore, aujourd'hui comme à toutes les époques, pensent trouver dans les astres la clé du destin des hommes.

89 La foi chrétienne ne fait pas taire les grandes questions de l'existence humaine. Mais elle les pose dans le cadre d'une connaissance de Dieu qui assure que, pour ceux qui l'aiment, Dieu "fait tout contribuer à leur bien" (Rm 8,28). La foi chrétienne sait que la bonté du Père céleste enveloppe toute la destinée de ses enfants.

Elle tire de là une attitude de foncière confiance et d'abandon aimant, qui ne manque pas d'influer sur les situations: "Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements? [...] Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d'abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché" (Mt 6,25.32-33).

La foi en la Providence inspire tout naturellement la prière: "Demandez, vous obtiendrez; cherchez, vous trouverez; frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande, reçoit; celui qui cherche, trouve; et pour celui qui frappe, la porte s'ouvrira" (Mt 7,7-8). Si la foi en la Providence inspire la prière de demande, elle ne vient pas pour autant justifier nos paresses. Elle est bien plutôt source de générosité, de courage et de confiance.


Créateur du ciel et de la terre

La Création, objet de révélation et de foi

90 La toute-puissance de Dieu s'atteste en tout premier lieu et fondamentalement dans la Création, une Création qui englobe tout ce qui existe en dehors de lui.

"Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre": tel est le premier article du Credo. La Création ne se démontre pas par la science. Celle-ci, en effet, ne traite que des réalités perceptibles expérimentalement. Cependant, la question de la Création peut se poser au savant, quand il touche les limites de sa démarche scientifique.

La philosophie peut apporter un commencement de réponse à cette question, en découvrant que l'univers, pour exister, doit dépendre d'un Auteur. Mais, du seul point de vue philosophique, on pourrait concevoir un univers dépendant de Dieu et qui n'aurait pas eu de commencement. "On tient uniquement de la foi, disait saint Thomas d'Aquin, que le monde n'a pas toujours été; il ne peut pas en être fait une démonstration (...). En effet, la nouveauté du monde ne peut pas être démontrée à partir du monde lui-même" (Somme théologique I 46,2).


Les oeuvres de Dieu questionnent l'intelligence

91 Don de Dieu, la création porte l'empreinte de son créateur: "Depuis la création du monde, les hommes, avec leur intelligence, peuvent voir, à travers les oeuvres de Dieu, ce qui est invisible: sa puissance éternelle et sa divinité" (Rm 1,20). "Il n'a pas manqué de donner le témoignage de ses bienfaits", en envoyant du ciel "la pluie et le temps des récoltes", pour "combler [les hommes] de nourriture et de bien-être" (Ac 14,17). Mais, si l'on peut ainsi remonter des créatures au Créateur, on ne peut pas faire de la Création elle-même une nécessité qui s'imposerait à Dieu. Elle relève de sa libre volonté, qui nous est manifestée dans la Révélation. Reconnue par Dieu comme bonne (cf. Gn 1,31), la Création reflète la bonté même du Créateur. Elle est le premier signe de ce que nous ne pourrons totalement comprendre qu'en regardant Jésus: "Dieu est amour" (1Jn 4,8).



Catéchisme France 63