Catéchisme France 207

Le témoignage des Apôtres

207 La parole de Pierre est pleine d'assurance: "Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité: nous tous, nous en sommes témoins" (Ac 2,32). C'est sur la base du témoignage et de la foi des apôtres que nous croyons à la résurrection de Jésus. Dire cela, c'est dire qu'à la naissance de la foi de l'Église les apôtres occupent une place particulière.

Pour préciser la grâce spécifique qui est la leur, on peut relire certaines paroles de l'évangile selon Saint Jean: au tombeau, le disciple que Jésus aimait "vit et crut" (Jn 20,8). Thomas, après avoir refusé de croire les autres apôtres, reconnaît Jésus qui lui montre ses plaies et il dit: "Mon Seigneur et mon Dieu." C'est alors que Jésus ajoute: "Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu" (Jn 20,29).

Nous, aujourd'hui, nous croyons sans avoir vu. Les apôtres, eux, ont vu et cru. Ayant vu, ils peuvent attester l'événement de la résurrection, et témoigner que le Ressuscité est bien Jésus de Nazareth. Mais, s'ils ont vu, c'est afin que nous, nous puissions croire grâce à leur témoignage. La résurrection est un événement de notre histoire dont nous témoignons dans la foi, en nous rapportant au témoignage des apôtres et en appuyant notre foi sur la leur. Leur foi est régulatrice de la nôtre; la foi de l'Église d'aujourd'hui est fondée sur la leur.

L'adjectif apostolique a comme premier sens de désigner un rapport à l'expérience fondatrice des apôtres. Quand on parle de tradition apostolique, ou quand on dit que l'Église est apostolique, on se réfère au rôle propre des apôtres.


Le jour du Seigneur

208 "Voici le jour qu'a fait le Seigneur, chante la liturgie pascale. Réjouissons-nous et exultons en lui." Pâques est par excellence le jour de Dieu, celui de son triomphe, celui de la victoire du Crucifié.

La Résurrection est la réponse aimante de Dieu à l'amour filial et fidèle de Jésus. Sa prière souffrante a été exaucée (cf.
He 5,7) et Dieu l'a justifié de toutes les accusations de ses adversaires, en montrant qui était l'innocent et qui étaient les pécheurs. Jésus est bien le Serviteur souffrant qui a vu la lumière après son abaissement (cf. Is 53,9-12). Il est bien celui qu'il affirmait être par ses paroles et ses actions: le Fils.

Par la Résurrection, Dieu a confirmé les actes et les paroles de Jésus ainsi que l'autorité qu'il s'était attribuée. Il a manifesté qu'en Jésus le Règne est effectivement advenu et qu'a été scellée l'Alliance nouvelle. Jésus est le Messie promis, l'Oint du Seigneur. En lui les promesses de Dieu sont réalisées. La Résurrection est l'avènement du monde nouveau annoncé par les prophètes. Elle est crédible parce que les Écritures sont accomplies. Elles le sont parce que Dieu est fidèle et que son amour est plus fort que la mort.

209 Le Nouveau Testament exprime de deux manières l'aspect transcendant de la résurrection de Jésus: le réveil de l'homme endormi et le relèvement de celui qui est allongé. Selon la première façon de s'exprimer, Jésus s'est "réveillé des mort" le troisième jour (cf Mt 27,64 Mc 16,6 Lc 24,34 Jn 21,14 Rm 6,4 etc.); selon la seconde, il "se relève", se remet debout et reprend vie (cf Mt 20,19 Lc 24,46 Jn 20,9 Ep 5,14 1Th 4,14 etc.). Ce dernier vocabulaire renvoie à l'idée de descente et de remontée. Cette idée se développera dans les hymnes qui expriment liturgiquement, dans le Nouveau Testament, la foi au Christ ressuscité.

L'Évangile affirme parfois simplement que Jésus est "vivant" (cf Mc 16,11 Lc 24,23). Il est le Vivant pour toujours (cf Lc 24,26 Ac 1,3 Ac 25,19). Le registre est ici aussi temporel: à la mort de Jésus a succédé sa vie définitive, celle sur laquelle la mort ne peut plus avoir de pouvoir. Dans la tradition juive, Dieu est celui qui fait vivre et qui est capable de ressusciter les morts. C'est pourquoi la résurrection est le plus souvent attribuée à Dieu qui a ressuscité Jésus et l'a établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts (cf. Rm 1,4 Rm 4,24 1Co 6,14 1Co 15,15 Col 2,12 etc.).

Les images insistent davantage sur l'événement lui-même de la résurrection. L'affirmation qu'il est vivant insiste plus sur son résultat: Jésus, qui était mort, est désormais vivant à jamais.

L'événement de la résurrection est aussitôt l'objet d'une attestation qui s'exprime en termes "d'exaltation", c'est-à-dire d'élévation et de montée. "Élevé dans la gloire par la puissance de Dieu, dit Pierre à la Pentecôte, il a reçu de son Père l'Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous" (Ac 2,33). En ressuscitant, Jésus a été élevé et reçu dans la propre gloire de Dieu. S'il siège à sa droite, c'est que Dieu le traite comme son égal. Le nom de Seigneur qui lui est donné est un nom proprement divin. Saint Paul se présente comme l'apôtre de l'Évangile de Dieu concernant celui qui a été "établi, selon l'Esprit qui sanctifie, dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur" (Rm 1,4).


Les titres de Jésus

210 Un certain nombre de désignations, de titres, hérités de l'Ancien Testament, appartiennent de plein droit à Jésus, en la personne et en la vie duquel ils trouvent leur pleine signification. Ils reçoivent de la Résurrection une force renouvelée et déploient jusqu'en ses ultimes conséquences la révélation divine. Ces titres sont d'ailleurs liés entre eux. Les trois principaux sont ceux de Christ, Seigneur, et Fils de Dieu.

Christ est la traduction grecque du terme hébreu Messie, qui signifie "celui qui a reçu l'onction". C'était le cas des rois, mais aussi des prêtres et des prophètes. Ce devait être le cas du "Messie" que Dieu enverrait pour libérer et sauver son peuple: il serait roi comme "Fils de David", mais aussi prêtre et prophète.

La naissance de Jésus est annoncée aux bergers comme celle du Messie promis à Israël: "Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur" (
Lc 2,11). Dès l'origine, en effet, Jésus est "celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde" (Jn 10,36). Cette consécration a été révélée durant la vie terrestre de Jésus quand, au baptême, "Dieu l'a consacré par l'Esprit Saint et rempli de sa force" (Ac 10,37). Jésus n'a pas accepté sans réserve le titre de Messie qui risquait d'être interprété d'un point de vue trop politique (cf. Jn 6,15 Lc 24,21), mais il a dévoilé le contenu authentique de sa mission, en se faisant Serviteur.

C'est après la Résurrection que Pierre proclame devant le peuple: "Que tout le peuple d'Israël en ait la certitude: ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ" (Ac 2,36). La Résurrection apporte la réponse définitive à la question de l'identité messianique de Jésus. La confession de foi primitive "Jésus est le Christ" se transforme d'ailleurs, dès le Nouveau Testament, en un nom composé "Jésus Christ", qui peut se développer aussi, comme chez Saint Paul, en "Jésus Christ notre Seigneur" ou en "notre Seigneur Jésus Christ".

211 Seigneur (Kyrios) est le terme par lequel, dans la traduction grecque de l'Ancien Testament, est rendu le nom de "Yahvé". C'est donc un titre proprement divin. Jésus se l'attribue de façon voilée lorsqu'il discute avec les pharisiens (cf. Mt 22,41-46). Et tout au long de sa vie publique, il manifeste sa souveraineté divine sur la nature, la maladie, les démons.

Après la résurrection, Pierre dit de Jésus que "Dieu l'a fait Seigneur". Cette expression ne veut pas dire que Jésus a été "adopté" comme Seigneur par le Père au moment de la résurrection. Elle signifie que celui qui jusqu'alors s'était manifesté dans la condition de Serviteur est maintenant manifesté dans la condition de Seigneur. Toute la prière chrétienne est marquée par le titre de "Seigneur", et ce, depuis le Nouveau Testament lui-même: "Viens, Seigneur" (1Co 16,22 cf. Ph 2,11 Ap 22,20).

212 Fils de Dieu gardait, dans l'Ancien Testament, un sens assez général. Il marquait une relation d'intimité particulière entre Dieu et l'une de ses créatures. Il en va tout autrement quand Pierre confesse Jésus comme "le Messie, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16), puisque Jésus lui répond: "Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux" (Mt 16,17). Déjà auparavant, Jésus s'est lui-même désigné comme "le Fils", qui connaît le Père (Mt 11,27). Devant le Sanhédrin, il sera accusé de blasphème, parce qu'à la question de ses accusateurs: "Tu es donc le Fils de Dieu?", Jésus répond: "Vous le dites bien, je le suis" (Lc 22,70). Après la résurrection, la filiation divine de Jésus apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée, et la résurrection confirme la relation filiale vécue par Jésus avec son Père dans l'amour et l'obéissance.

Tel est le sens de la citation du psaume 2 dans les annonces de la résurrection faites par les apôtres: "Tu es mon fils, aujourd'hui je t'ai engendré" (Ac 13,33 He 1,5).


Le principe d'une vie nouvelle

213 Jésus est ressuscité comme "le premier-né d'entre les morts" (Col 1,18), ou "l'aîné d'une multitude de frères" (Rm 8,29). De même qu'il est mort "pour nous", il est aussi ressuscité "pour nous". Sa résurrection révèle notre salut en même temps qu'elle l'accomplit. Jésus nous fait participer au mystère de sa résurrection. Tel est le don du baptême, ce sacrement de la foi: "Par le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui, avec lui vous avez été ressuscités, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le Christ d'entre les morts" (Col 2,12).

Ce don est aussi une exigence: croire au Christ ressuscité, c'est se laisser introduire et entraîner par lui dans une vie nouvelle: "Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts" (Rm. 6,4). Toute la vie est par là réorientée: "Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d'en haut; c'est là qu'est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d'en haut, et non pas vers celles de la terre" (Col 3,1-2).

214 Croire au Christ ressuscité, c'est rejoindre la longue cohorte des témoins, depuis ceux de sa vie terrestre, en passant par tous ceux qui ont cru sans avoir vu, mais ont reconnu le Seigneur aux signes qu'il nous donne. Ces signes, ce sont d'abord les sacrements, principalement, avec le baptême, le sacrement de l'eucharistie, par lesquels la Pâque du Christ devient la Pâque du chrétien: "Dieu de toute bonté, (...) les sacrements de la Pâque nous ont régénérés en nous obtenant ton pardon, en nous faisant communier à ta vie; donne-nous d'entrer dans la lumière de la Résurrection" (prière après la communion de la messe du jour de Pâques).

Croire au Christ ressuscité, c'est emprunter, à la suite de Jésus, le chemin de l'amour: "Parce que nous aimons nos frères, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie" (
1Jn 3,14)

Mais la foi ne va pas sans l'espérance: "Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire" (Col 3,3-4). La loi de la résurrection de Jésus sera la loi de notre propre résurrection. Elle apportera à la totalité de notre être physique et spirituel la plénitude de la vie éternelle.


Fait d'histoire et objet de foi

215 Déjà, à Athènes, la prédication de Paul échoue dès que celui-ci emploie le mot de résurrection: "Les uns riaient, et les autres déclarèrent: Sur cette question nous t'écouterons une autre fois" (Ac 17,32). La réaction des Athéniens d'alors serait sans doute encore celle de beaucoup de nos contemporains.

Et pourtant, nous l'avons dit, toute la foi chrétienne est liée à l'affirmation du fait de la résurrection de Jésus, qui est le fondement même de cette foi.

Ce fait, il est vrai, n'est pas un "fait divers". Il est plutôt lourd d'un poids d'éternité. Accompli dans notre monde et dans notre histoire, l'événement de la résurrection de Jésus renvoie aux limites du monde et de l'histoire, en ouvrant sur l'éternité de Dieu. Au coeur de l'histoire du monde où il s'accomplit, il atteste qu'il y a dans l'histoire plus que l'histoire. C'est pourquoi la réalité de la résurrection, tout ce dont est porteur le message des apôtres qui l'annoncent, n'est véritablement atteint que dans la foi.

216 Il convient, à ce propos, de distinguer deux sens du mot histoire.

D'une part, il renvoie à des faits ou à des événements qui se sont produits et ont eu un impact à l'intérieur de la vie de l'humanité. Dans cette perspective, la résurrection est bien un événement réel, d'abord arrivé à Jésus, mais qui change la vie des témoins, à commencer par les apôtres, et dont l'impact historique est évident, puisque des millions de croyants au cours des âges ont placé leur foi et leur espérance dans le Christ ressuscité.

Mais le terme d'histoire désigne, d'autre part, la science historique. Celle-ci essaie, entre autres, d'établir la preuve de la réalité des divers événements, non sans les interpréter. Il est très important que l'historien fasse ici son métier, et rende compte avec rigueur de ce que les documents nous font percevoir: le témoignage des apôtres, et ce qu'il a d'inouï et d'irréductible pour ceux qui l'entendent, juifs ou païens; l'effet et l'impact sur les générations successives de croyants s'appuyant sur le témoignage et la foi des apôtres, de la proclamation de la Résurrection. Cependant, on se heurte à un moment donné aux limites de toute méthode, qui ne permet de voir que ce qu'on vise. D'une part, la résurrection comme événement concernant Jésus est unique et non réitérable; d'autre part, comme irruption de la puissance de Dieu et de l'éternel dans l'histoire, elle ne se laisse justement pas enfermer dans les limites de l'espace et du temps.

217 Ainsi, on ne peut reconnaître la réalité de la Résurrection qu'au moment où l'on reçoit la grâce de se décider librement en faveur de son sens, en s'appuyant sur le témoignage apostolique, en même temps qu'on se convertit à la foi, en découvrant les horizons de lumière qu'elle apporte. L'historien n'est pas réduit au silence au sujet de la résurrection. Il peut analyser rigoureusement les témoignages, et conclure légitimement qu'il est historiquement certain que les apôtres ont attesté avoir vu Jésus ressuscité et avoir cru en lui. Cependant il n'est pas possible d'affirmer la résurrection de Jésus dans toute sa vérité sans conversion du regard et de toute la vie, autrement dit, en faisant l'économie de la foi.


L'Ascension

218 L'Ascension est la dernière apparition de Jésus à ses disciples, celle qui clôt le cycle des quarante jours, selon les Actes des apôtres, au cours desquels le Ressuscité a préparé ceux-ci à leur mission. Elle est orientée à la fois vers le ciel et vers la terre.

Vers le ciel: elle exprime la montée définitive du Ressuscité vers le Père. Jésus "siège" désormais "à la droite de Dieu" avec son humanité. Par l'Incarnation, Dieu est venu chez nous; par l'Ascension, notre humanité a été glorifiée auprès de Dieu.

L'Ascension, où continue de se déployer l'unique mystère pascal, montre bien comment il y a, cachée en Dieu, notre humanité, assumée par le Verbe, et appelée à la gloire et à la vie de Dieu. Ce que nous serons est caché en Dieu (cf
Col 3,3), comme la divinité de Jésus était cachée en son humanité. Il n'y a rien du destin historique de l'humanité tout entière, rien de ce qui nous advient, à chacun et à tous, qui n'importe au plus haut point à Dieu lui-même en l'éternité de sa vie trinitaire.

Vers la terre: le Seigneur ressuscité envoie ses disciples pour une mission universelle: "Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit" (Mt 28,19). Cela ne signifie pas que Jésus soit désormais absent. Il demeure présent à son Eglise, sous une forme nouvelle: "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). L'Église vit maintenant dans l'attente active de la Parousie, c'est-à-dire de la venue du Christ dans sa gloire.


La Pentecôte et le don du Saint-Esprit

219 Lorsque Jésus, sur la croix, "remit l'esprit" (Jn 19,30), "le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas; la terre trembla et les rochers se fendirent. Les tombeaux s'ouvrirent; les corps de nombreux Saints qui étaient morts ressuscitèrent" (Mt 27,51-52). C'est, peut-on dire, la fin du monde ancien, manifestée à travers les images traditionnelles de l'Écriture (cf Ez 37,12 Da 12,2 etc.). Les fondements de ce vieux monde sont ébranlés. A l'intérieur de la création et des institutions anciennes (symbolisées par le Temple) qui ont désormais fait leur temps, un passage est ouvert. Le souffle divin, qui a opéré cet ébranlement, va maintenant se répandre sur la terre des hommes.


Souffle de Dieu révélé dans l'Écriture

220 C'est à travers le symbolisme du souffle que, dans l'Ancien Testament déjà, s'annonce la révélation de celui que l'Église confesse comme le Saint-Esprit, la troisième personne de la Sainte Trinité.

Le souffle, c'est d'abord celui du vent, dont Jésus dira qu'il "souffle où il veut" (
Jn 3,8). Sa force est parfois irrésistible. Mais il peut aussi être un murmure, comme pour communiquer un secret. Il peut brûler la terre, mais aussi lui apporter la pluie qui la rendra féconde.

Le souffle est, dans l'homme, lié à sa vie. Il lui rappelle qu'il n'en est pas le meure. Et pourtant, tout ce que l'homme vit a son retentissement dans son souffle. Il est en quelque sorte, en l'homme, plus lui-même que lui-même.

Aussi n'est-il pas étonnant que le souffle puisse permettre d'exprimer, dans la Bible, de manière d'abord confuse, puis de plus en plus clairement, l'action de Dieu dans le monde et au plus intime de l'homme: "Tu envoies ton souffle: ils sont créés; tu renouvelles la face de la terre" (Ps 103,30). Derrière le mot "esprit", qui a la même racine que celui de "respiration", demeure continuellement dans la Bible ce symbolisme du souffle.

221 C'est cet Esprit que l'Église reconnaît à l'oeuvre dans la Création du monde, à la première page du livre de la Genèse: "La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l'abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux" (Gn 1,2).

C'est l'Esprit qui est à l'oeuvre dans l'histoire du peuple de Dieu. Il suscite les juges (c'est-à-dire les chefs d'Israël), en "fondant" sur ces hommes que rien ne semblait spécialement prédestiner à de telles responsabilités (cf. Jg 14,6 1S 11,6 etc.). Il marque de son empreinte les rois, au moment de l'onction qui les investit de leur pouvoir (cf. 1S 16,13) et il les assiste dans leur gouvernement (cf. Is 11,2 et suiv.: le nouveau David, le Messie annoncé, recevra la plénitude des dons de l'Esprit). Il "parle par les prophètes", comme l'Église le confesse dans le Credo (cf. Ez 11,5 Za 7,12 etc.). Il repose en particulier sur le mystérieux Serviteur de Dieu qui "annoncera la justice aux nations"! (Is 42,1) et, par sa souffrance, "justifiera des multitudes" (Is 53,11): ce Serviteur derrière lequel se profile de manière saisissante la figure de Jésus.

Le don de l'Esprit est annoncé en plénitude par les prophètes, et lié à l'Alliance nouvelle: "Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle. (...) je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes; je l'inscrirai dans leur coeur" (Jr 31,31-33 cf. Ez 11,19 cf. aussi Jn 13,1-5), que cite Saint Pierre après le miracle des langues à la Pentecôte (en Ac 2,17-21).


L'Esprit Saint dans la vie et les paroles de Jésus

222 De fait, au départ de la création nouvelle, avec la venue et l'oeuvre de Jésus, l'Esprit de Dieu est là. L'ange de l'Annonciation annonce qu'il viendra sur la Vierge Marie, de telle sorte que celui qui naîtra d'elle "sera Saint et sera appelé Fils de Dieu" (Lc 1,35).

Plus tard, au baptême de Jésus, les cieux s'ouvrent, et Jésus voit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui (cf. Mt 3,16). C'est l'Esprit qui le conduit au désert et c'est par la force de l'Esprit qu'il résiste au Tentateur. Toute son action, l'autorité de sa Parole, les miracles, comme les gestes les plus simples qu'il accomplit sont l'oeuvre de cet Esprit que Dieu lui donne "sans compter" (Jn 3,34).

Cet Esprit, Jésus l'a promis à ses disciples au moment de les quitter: "Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous: c'est l'Esprit de vérité" (Jn 14,16). En effet, pour que l'Esprit soit répandu, il est nécessaire que Jésus, son oeuvre accomplie, s'en aille: "Si je ne m'en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous; mais si je pars, je vous l'enverrai" (Jn 16,7).

Le départ de Jésus, c'est son retour au Père. Pour que l'Esprit soit donné, dans la plénitude de ce don, il fallait, en effet, que Jésus soit glorifié (cf. Jn 7,39).


L'événement de la Pentecôte

223 Le don de l'Esprit est réalisé dans tout son éclat au jour de la Pentecôte, qui fait partie intégrante du mystère pascal.

Ainsi, dans l'année liturgique, le temps pascal s'étend de Pâques à la Pentecôte et comporte, entre ces deux fêtes, la célébration de l'Ascension du Seigneur.

La Pentecôte juive, originellement fête de la moisson, était devenue, à la fin de l'époque du Nouveau Testament, la fête de la conclusion de l'Alliance au Sinaï et du don de la Loi.

C'est dans ce cadre que s'inscrit le récit de l'événement de la Pentecôte, relaté par les Actes des apôtres (cf.
Ac 2,1-13).

224 Le bruit, "comme celui d'un violent coup de tonnerre", rappelle la scène où Dieu, sur la montagne, s'apprête à proclamer le code de l'Alliance: les dix commandements. Des langues de feu se manifestent alors, qui vont se poser sur chacun des douze apôtres, pour signifier le don fait à chacun de l'Esprit Saint. Car l'Esprit, donné à tous, a la puissance de les rassembler dans l'unité et de rejoindre chacun d'eux dans sa particularité.

Il se manifeste encore dans la possibilité qui est donnée aux apôtres d'annoncer l'Évangile dans les différentes langues de ces multiples peuples qui avaient convergé à Jérusalem pour célébrer la fête. A Babel les hommes avaient voulu défier le ciel, mais avaient vu alors "leur langage embrouillé" et leur oeuvre brisée en son principe (cf.
Gn 11,1-9). L'Église en train de naître à la Pentecôte rassemble au contraire dans l'unité les hommes de tout pays, de toute langue, de toute nation, sans supprimer l'originalité de chacun.

A partir de cet événement fondateur les apôtres vont porter l'Évangile jusqu'aux extrémités du monde, reproduisant, dans la force de l'Esprit, les signes que Jésus avait accomplis pendant sa vie terrestre, affrontant avec audace les puissants, subissant sans se laisser abattre les pires adversités, heureux plutôt "d'avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus" (Ac 5,41).

225 Viens, Esprit Saint, en nos coeurs,
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres,
viens, dispensateur des dons,
viens, lumière de nos coeurs.
Consolateur souverain,
hâte très doux de nos âmes,
adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos;
dans la fièvre, la fraîcheur;
dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse,
viens remplir jusqu'à l'intime
le coeur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine,
il n'est rien en aucun homme,
rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé,
baigne ce qui est aride,
guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide,
réchauffe ce qui est froid,
rends droit ce qui est faussé.
A tous ceux qui ont la foi
et qui en toi se confient
donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu,
donne le salut final,
donne la joie éternelle. Amen.
(Messe de Pentecôte)

226 En même temps que l'Esprit pousse les disciples à porter toujours plus loin l'Évangile du salut, il les unit dans une commune prière, dans le partage des biens, dans une même fidélité "à écouter l'enseignement des apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières" (Ac 2,42).

Que l'Esprit Saint soit à la source de la prière chrétienne, Saint Paul le met à son tour en relief: "L'Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut" (Rm 8,26). Il "affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu" (Rm 8,16), capables de crier "Abba", Père (Rm 8,15). De même que c'est l'Esprit qui seul nous permet de confesser en vérité: "Jésus est le Seigneur" (1Co 12,3).


"Il vous fera accéder à la vérité tout entière"

227 L'Esprit Saint est par excellence le don de la fin des temps inaugurée par la venue, la mort et la résurrection du Fils de Dieu et par son oeuvre en faveur des hommes.

Car, si tout a été dit dans le Verbe incarné, mort et ressuscité, c'est le Verbe incarné lui-même qui déclare: "L'Esprit (...) vous guidera vers la vérité tout entière" (
Jn 16,13). Cet Esprit, laissé par Jésus en héritage à l'Église, ne parle pas de son propre chef, mais dit ce qu'il reçoit de Jésus, dont il est inséparable, et qu'il vient "glorifier" (cf. Jn 16,14). Il entretient vivante la mémoire de Jésus et de ses paroles, dont il donne l'intelligence.

Si donc la révélation sur Jésus est achevée avec la Résurrection et la Pentecôte, les disciples n'en ont pas pour autant compris d'un seul coup toutes les implications. Ce sera l'oeuvre d'une longue méditation inspirée par l'Esprit Saint, sur l'identité et l'histoire de leur Maître, à la lumière de sa résurrection et des prophéties de l'Ancien Testament. C'est ainsi que les premiers disciples, après avoir annoncé le salut accompli dans la mort et la résurrection du Christ, pénètrent toujours mieux la signification de sa vie terrestre, de ses gestes, de ses paroles. Ils voient de plus en plus clairement sa personne et son histoire inscrites à l'intérieur du dessein de Dieu dont témoignent les Écritures. Ils en perçoivent avec toujours plus d'acuité l'impact sur leur vie et sur leur mission.!

Les évangiles ont été écrits dans ces perspectives. Plus largement, c'est sous la mouvance de l'Esprit et dans la contemplation du mystère du Christ comme centre de l'histoire du salut qu'ont été rédigés l'ensemble des écrits du Nouveau Testament.


"Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie"

228 La pleine révélation de l'Esprit Saint est intrinsèquement liée à celle du Christ. Pour Saint Irénée (premier siècle), le Fils et l'Esprit sont comme les deux mains par lesquelles Dieu façonne le monde et son histoire.

Certes, nous ne connaissons l'Esprit Saint que dans le mouvement où il nous révèle le Fils et nous dispose à l'accueillir dans la foi: l'Esprit, qui fait connaître le Verbe, la Parole de Dieu, ne parle pas de lui-même (cf.
Jn 16,13). Mais si l'Esprit est bien l'Esprit de Jésus, il n'en a pas moins une identité propre. Il est une personne, une autre personne divine, que Jésus annonce comme "un autre défenseur" (Jn 14,16), en référence à sa propre présence personnelle auprès des apôtres, au cours de sa vie terrestre (cf. Jn 14,26). Il est la troisième personne de la Sainte Trinité, "Personne-amour. (Il est) Personne-don (...) d'où découle comme d'une source tout don accordé aux créatures: le don de l'existence à toutes choses par la Création; le don de la grâce aux hommes par toute l'économie du salut" (Dom. viv. 10).

229 Que l'Esprit Saint soit une personne divine, l'Église formule cette vérité en le confessant d'abord comme Seigneur, c'est-à-dire comme Dieu, doué du pouvoir propre de donner la vie: "Il est Seigneur et il donne la vie. Il procède du Père et du Fils. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire" (Symbole de Nicée-Constantinople).

Après avoir défendu la divinité du Christ, l'Église ancienne a dû défendre celle du Saint-Esprit en face de ceux qui auraient voulu en faire un simple intermédiaire entre le Fils et nous ou encore l'assimiler à un don plus ou moins impersonnel. Si le Saint-Esprit est don, c'est le don de Dieu en personne. Et il est lui-même donateur de vie divine. Trois Pères de l'Église grecque, Saint Basile, Saint Grégoire de Nazianze et Saint Grégoire de Nysse, ont particulièrement contribué à cette défense de la foi au Saint Esprit, dont les fondements sont donnés dans le Nouveau Testament.

Puisque c'est le Père qui envoie l'Esprit de son Fils, la prière chrétienne, pour demander l'Esprit Saint, s'adresse au Père, par son Fils. Mais l'Esprit, qui nous apprend à prier (cf.
Rm 8,26) peut aussi être prié lui-même: "Viens, Esprit Saint, remplis le coeur de tes fidèles..."


Le mystère trinitaire révélé par Jésus

230 "Dieu, personne ne l'a jamais vu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a conduit à le connaître" (Jn 1,18). Avec Jésus, en effet, et l'envoi qu'il fait de l'Esprit, le mystère de Dieu s'est entièrement révélé. L'Église l'a reconnu dans sa foi comme mystère de l'unique Dieu en trois personnes: le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Conformément à l'ordre même du Christ ressuscité, les chrétiens ont été baptisés "au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit" (Mt 28,19). Pendant la veillée pascale, ils renouvellent leur profession de foi baptismale en répondant "nous croyons" à la triple interrogation qui leur demande de confesser leur foi au Père, au Fils et à l'Esprit. "La foi de tous les chrétiens consiste dans la Trinité" (Saint Césaire d'Arles).

C'est dans les premiers siècles de son histoire, que l'Église s'est employée à formuler avec toujours plus de rigueur l'identité de ce Dieu connu par la Révélation, découvrant et annonçant avec une pénétration toujours plus grande le mystère de la Trinité.

Le mot Trinité ne figure pas dans le Nouveau Testament. Et pourtant le mystère divin, que la Tradition ecclésiale appellera de ce nom, est clairement révélé dans l'Écriture. Il ne l'est pas sous la forme d'un enseignement théorique et abstrait, mais à travers la totalité de l'histoire de Jésus, où se révèle la présence des trois personnes divines, le Père, le Fils et l'Esprit Saint.

Aussi ce mystère n'est-il pas sans conséquence pratique. Il structure la foi chrétienne en Dieu, puisqu'il exprime les relations du croyant avec le Père, le Fils et l'Esprit.


231 Préface de la Sainte Trinité

Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire,
de t'offrir notre action de grâce,
toujours et en tout lieu
à toi, Père très Saint,
Dieu éternel et tout-puissant.
Avec ton Fils unique et le Saint-Esprit,
tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur,
dans la trinité des personnes
et l'unité de leur nature.
Ce que nous croyons de ta gloire,
parce que tu l'as révélé,
nous le croyons pareillement,
et de ton Fils
et du Saint-Esprit,
et quand nous proclamons notre foi
au Dieu éternel et véritable,
nous adorons en même temps
chacune des personnes,
leur unique nature, leur égale majesté.


Une nouvelle révélation de Dieu

232 Déjà dans l'Ancien Testament, Dieu se révèle comme celui qui se fait proche de son peuple Israël (cf. Dt 4,7). "Notre Dieu est un Dieu qui s'approche", dira plus tard Clément d'Alexandrie. Sa,toute-puissance est telle qu'elle est capable d'assumer pour nous "toute faiblesse". Lorsqu'il se livre totalement dans son Fils sur la croix, Dieu se révèle à la fois comme le plus proche et le plus 'transcendant. Notre Dieu est avant tout celui qui veut se communiquer, c'est-à-dire se faire connaître et se donner. C'est une révolution dans l'idée que les hommes peuvent se faire de Dieu et une conversion radicale de certaines images idolâtriques inventées au sujet de Dieu par le péché des hommes.

Mais si Dieu se communique à nous, s'il communie avec nous, c'est qu'il est en lui-même communion et don. S'il nous aime, c'est qu'il est en lui-même l'Amour (cf. 1Jn 4,8).



Catéchisme France 207