Catéchisme France 259


Dans le Christ, l'humanité fait retour à Dieu

Le sacrifice du Christ

260 L'aspect ascendant de la médiation du Christ se manifeste dans le caractère sacrificiel de sa mort.

L'épître aux Hébreux développe un parallèle entre les sacrifices de l'Ancien Testament et le sacrifice du Christ, non sans souligner la profonde différence entre lui et eux. Alors que les sacrifices anciens étaient d'abord des sacrifices rituels où il y avait substitution d'une victime, le sacrifice du Christ est essentiellement un sacrifice existentiel, c'est-à-dire le don de sa propre vie à son Père pour ses frères.

Notre compréhension du sacrifice du Christ ne se construit pas à partir de l'histoire générale des religions, mais à partir des données de l'Écriture, Ancien et Nouveau Testament.


De l'agneau pascal à Jésus

261 L'événement de la libération d'Égypte est lié au sacrifice de l'agneau pascal (cf. Ex 12). C'est le sacrifice de la première Alliance, célébré chaque année par le peuple juif comme un mémorial. Le souvenir de cette libération d'Égypte est ainsi évoqué selon un rituel précis. Le sacrifice de Jésus, crucifié précisément au moment de la célébration de la Pâque, est le sacrifice du véritable Agneau pascal, dont le premier n'était que la figure anticipatrice.

Plus généralement, la mort sacrificielle de Jésus récapitule toute la visée des sacrifices de l'ancienne Loi, tout en présentant une nouveauté radicale.

Les prophètes, les premiers, avaient vigoureusement critiqué la dégradation d'une pratique sacrificielle dans laquelle le geste extérieur en venait à servir d'alibi à une vie menée dans l'injustice. Deux formules clés résument cet enseignement, deux formules qui seront reprises par Jésus lui-même: "C'est l'amour que je désire, et non les sacrifices, la connaissance de Dieu, plutôt que les holocaustes" (Os 6,6 cf. Mt 9,13), et: "L'obéissance vaut mieux que le sacrifice, la docilité vaut mieux que la graisse des béliers" (1S 15,22 cf. Mc 12,33).


La nouveauté du sacrifice du Christ

262 La nouveauté du sacrifice de Jésus vient de ce que le contenu de son offrande au Père, c'est sa propre vie, toute donnée, jusqu'à la mort. Ainsi y a-t-il identité du prêtre et de la victime.

Selon l'épître aux Hébreux, le Christ est le nouveau grand prêtre. S'offrant lui-même à Dieu "une fois pour toutes", comme victime sans tache, "il a obtenu ainsi une libération définitive" (
He 9,12). Ce sacrifice est donc la suppression de tous les autres sacrifices: "Tu n'as pas voulu de sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps. (...) alors, je t'ai dit: Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté" (He 10,5-7). Ainsi est résumée l'offrande sacrificielle faite par le Christ dès l'instant de son entrée dans le monde, avant d'être consommée sur la croix.


Le sacrifice des chrétiens

263 La vie sacrificielle du Christ devient la loi de la vie sacrificielle du chrétien. "Vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés et s'est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire" (Ep 5,2).

A ce propos aussi, pour comprendre le sacrifice chrétien, nous ne devons pas nous référer d'abord à l'histoire des religions, mais toujours penser à la vie et à la mort du Christ, assumées dans l'amour et l'obéissance. Le sacrifice chrétien est essentiellement, lui aussi, un sacrifice existentiel, "spirituel" (cf. 1P 2,5), que Dieu nous demande, non pas parce qu'il en a besoin, mais pour notre bien. Nous l'exprimons dans la célébration eucharistique: "Que l'Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire."

264 Ce qui semble se présenter d'abord comme un don de l'homme à Dieu est en réalité un don de Dieu à l'homme. Comme l'a bien montré Saint Augustin, le sacrifice n'est pas d'abord ce qui fait souffrir: il est ce qui nous met en communion avec Dieu et donc nous donne accès au véritable bonheur. "Est vrai sacrifice toute oeuvre accomplie pour nous attacher à Dieu, autrement dit toute oeuvre rapportée à ce bien suprême grâce auquel nous pouvons être véritablement heureux" (Saint Augustin, La Cité de Dieu, X, vi).

Si le sacrifice implique une souffrance, celle-ci est due aux conséquences du péché qui nous habite, de même que le péché des hommes a rendu sanglant le sacrifice du Christ.

Dans l'eucharistie, le Christ associe à son sacrifice l'Église, et en elle chaque chrétien. En célébrant l'eucharistie, nous sommes offerts par le Christ au Père et nous devenons un seul corps dans le Christ. Toute l'existence du chrétien devient ainsi une existence sacrificielle et eucharistique. "Je vous exhorte, mes frères, écrit Saint Paul, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice Saint, capable de plaire à Dieu: c'est là pour vous l'adoration véritable" (
Rm 12,1).


L'expiation souffrante

265 Le sacrifice du Christ est un sacrifice "expiatoire".

Le terme d'expiation souligne le côté souffrant du sacrifice et la nécessité de réparer le désordre causé par le péché. Elle n'implique pas pour autant l'idée d'un quelconque besoin de vengeance.

Dans l'un et l'autre Testament, l'idée d'expiation est plutôt liée à celle d'intercession, c'est-à-dire d'intervention en faveur de bénéficiaires.

Saint Paul déclare: "Dieu a exposé Jésus Christ, instrument de propitiation (on pourrait traduire aussi: instrument d'expiation) par son sang moyennant la foi" (
Rm 3,25). Le corps de Jésus recouvert du sang de sa passion est ici symboliquement comparé au "propitiatoire", c'est-à-dire au couvercle de l'arche d'Alliance, qui dans le Saint des Saints était aspergé du sang des victimes. Dans les deux cas, il s'agit d'abord et avant tout d'une intercession, d'une demande de pardon, ordonnée à la réconciliation. De même, le Serviteur souffrant d'Isaïe, auquel pensaient les auteurs du Nouveau Testament pour comprendre la passion de Jésus, offrait sa vie en expiation et "intercédait pour les pécheurs" (Is 53,12). Jésus est également établi "propitiation" (ou "expiation") pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi "pour ceux du monde entier" (1Jn 2,2). Il a "été un grand prêtre miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple" (He 2,17).

La souffrance de Jésus, qui est la conséquence du péché des hommes, et que Jésus accepte en communiant à la volonté du Père, est l'expression de toute sa force d'intercession pour le pardon des pécheurs. En Jésus l'intercession se fait sacrifice de la vie, don du sang exprimant un amour plus fort que la mort.


La réparation d'amour

266 On retrouve l'idée d'expiation dans l'expression médiévale de "réparation d'amour". Cette réparation est offerte par le chrétien en raison de ses propres péchés, mais aussi en raison des péchés du monde. La dévotion au Sacré-Coeur s'inscrit dans cette même ligne.

La dévotion au Coeur du Christ s'est greffée sur la contemplation des blessures du Christ: très particulièrement la plaie du côté (cf.
Jn 19,37). Dans le coeur de Jésus on voyait l'amour de Dieu blessé par nos péchés.

Ce courant spirituel d'inspiration johannique, déjà marquant au Moyen Age, s'est répandu au dix-septième siècle grâce à Saint Jean Eudes et à Sainte Marguerite-Marie. Cette dévotion devait corriger l'influence de certains courants de l'époque, inspirés du calvinisme et du jansénisme, et marqués par l'idée d'un Dieu inexorable. Quelles que soient les colorations qu'elle peut comporter, son sens est d'amener à la rencontre de l'humanité souffrante et aimante du Sauveur.


La satisfaction

267 Ce mot n'est pas à prendre au sens devenu courant: "On est satisfait de ceci ou de cela." De quoi s'agit-il donc?

Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109) a mis en valeur la place de la satisfaction dans la doctrine du salut. Anselme développe, en effet, l'idée suivante: l'homme pécheur doit pouvoir "satisfaire" à Dieu, c'est-à-dire non pas compenser exactement le mal commis, mais "en faire assez", selon l'étymologie du mot, et réparer autant qu'il peut pour montrer la sincérité de son repentir et de sa conversion. Or l'homme pécheur est devenu incapable de présenter une satisfaction digne de Dieu. Et pourtant seul un homme peut satisfaire au nom des hommes, mais Dieu seul serait capable d'accomplir une satisfaction digne de Dieu. Il est donc nécessaire que ce soit un Dieu-Homme qui l'accomplisse. Ce sera l'oeuvre du Christ, qui, "réparant" du poids de toute sa vie et de sa mort le péché des hommes, fera par son amour infiniment plus que ce qui était nécessaire. Il n'y a pas, chez Anselme, l'ombre d'une idée de justice vindicative de la part de Dieu.

268 Le Christ a agi comme chef de l'humanité. Il a fait le premier, lui l'innocent, ce que, par lui, nous pouvons désormais faire pour retourner à Dieu. Il nous trace la voie par laquelle nous devons passer et nous obtient du même coup la force d'y passer après lui. Bien plus, il nous fait accomplir en lui notre retour. Nous n'avons plus qu'à nous laisser unir à lui pour nous trouver, avec lui, purifiés devant Dieu. Dans une certaine mesure il s'est substitué à nous mais, bien plus encore, il voulut prendre sur lui notre responsabilité de pécheur, l'assumant jusque dans la mort.

Le sacrifice du Christ, l'Innocent qui accepte d'aller à la mort pour les coupables, "satisfait" à la justice de Dieu: "Le Fils unique bien-aimé de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, qui, alors que nous étions ennemis (
Rm 5,10), à cause de l'extrême amour dont il nous a aimés (cf. Ep 2,4), a mérité notre justification par sa très Sainte passion sur le bois de la croix et a satisfait pour nous à Dieu son Père" (concile de Trente, DS 1529 FC 563).


Doxologie de la prière eucharistique

Par lui, avec lui et en lui,
à toi, Dieu le Père tout-puissant,
dans l'unité du Saint-Esprit,
tout honneur et toute gloire,
pour les siècles des siècles. Amen.


"Notre paix"

269 Un certain nombre de termes traditionnels à travers lesquels s'exprime l'oeuvre du Christ, ou du moins l'un ou l'autre aspect de cette oeuvre, sont devenus étrangers aux oreilles de beaucoup de nos contemporains, ou hermétiques. Ils demandent, pour être bien entendus, des explications. Ainsi en est-il des mots "justification", "expiation", "satisfaction", voire des mots plus courants de "rédemption" et de "salut".

L'Église contemporaine a remis en valeur un terme du Nouveau Testament qui, au contraire, parle aux hommes de notre temps: le terme de "réconciliation", auquel est étroitement associé celui de "paix".

Peu de termes sont, en fait, aussi appropriés pour définir l'oeuvre du Christ à l'égard de l'homme pécheur et d'une humanité éloignée de Dieu, traversée par les divisions et les haines meurtrières, et qui va même souvent jusqu'à la rupture de ses liens avec la nature.

Avant d'accomplir son oeuvre de réconciliation sur la croix, Jésus l'a prêchée et annoncée. La parabole du fils retrouvé (cf
Lc 15,11-32) la présente comme l'expression de l'initiative du Père. Sous sa double dimension de réconciliation avec Dieu et de réconciliation avec les frères, la réconciliation fait aussi partie intégrante de la prière enseignée par Jésus à ses disciples: le Notre Père.

270 La réconciliation est déjà donnée en son principe dans la personne de celui qui est en même temps "vrai Dieu" et "vrai homme". C'est cependant dans le mystère pascal de Jésus qu'elle trouve son accomplissement.

Sur la croix s'opère d'abord la réconciliation des hommes pécheurs avec Dieu. Telle est la bonne nouvelle que Saint Paul annonce aux Romains: "Si Dieu nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils, quand nous étions encore ses ennemis, à plus forte raison, maintenant que nous sommes réconciliés, nous serons sauvés par la vie du Christ ressuscité. Bien plus, nous mettons notre orgueil en Dieu, grâce à Jésus Christ, notre Seigneur, qui nous a réconciliés avec Dieu" (
Rm 5,10-11).

De cette réconciliation l'Apôtre est le ministre. Il est essentiellement porteur de cette "parole de réconciliation". "Au nom du Christ, nous vous le demandons, déclare-t-il aux Corinthiens, laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,20).

271 Mais la réconciliation avec Dieu est immédiatement principe d'une réconciliation avec soi-même. L'homme pécheur est toujours un homme intérieurement divisé, désuni, tiraillé, voire déchiré par des passions contradictoires. Le fruit de la réconciliation avec Dieu est d'abord la paix du coeur.

Cependant, cette réconciliation avec Dieu et avec soi-même est inséparable de celle à laquelle sont appelés les hommes entre eux et dont le principe est également posé sur la croix.

Dans le Nouveau Testament, la réconciliation fraternelle est représentée de manière exemplaire par celle des juifs et des païens. "Maintenant, écrit Saint Paul aux Éphésiens, en Jésus Christ, vous qui étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C'est lui, le Christ, qui est notre paix: des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine, en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau. Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix" (
Ep 2,13-16 cf. Col 1,19-20).

272 L'Église est le lieu dans et par lequel ne cesse de se poursuivre l'oeuvre réconciliatrice du Christ (cf. LG 1). Elle l'est par sa prédication, par ses sacrements, par ses initiatives au sein de la société humaine.

Ces initiatives gagneront d'autant plus en efficacité qu'elles seront le fait de l'ensemble des chrétiens. A cet égard le mouvement oecuménique est inséparable des efforts menés et faveur de la paix entre les peuples et les nations.

Oeuvrer à la réconciliation et à la paix, telle est bien pour l'Église la manière de montrer, à l'intérieur du monde, ce qu'elle est au plus intime de son mystère: une communauté d'alliance, la communauté de la Nouvelle Alliance, scellée dans le sang du Christ.

273 Le Christ est la lumière des peuples:
réuni dans l'Esprit Saint,
le Saint concile souhaite donc ardemment,
en annonçant à toutes les créatures
la bonne nouvelle de l'Évangile,
répandre sur tous les hommes
la clarté du Christ qui resplendit
sur le visage de l'Église (cf.
Mc 16,15).
L'Église étant, dans le Christ,
en quelque sorte le sacrement,
c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen
de l'union intime avec Dieu
et de l'unité de tout le genre humain,
elle se propose de préciser davantage,
pour ses fidèles et pour le monde entier,
en se rattachant à l'enseignement
des précédents conciles,
sa propre nature et sa mission universelle.
A ce devoir qui est celui de l'Église,
les conditions présentes ajoutent
une nouvelle urgence:
il faut en effet que tous les hommes,
désormais plus étroitement unis entre eux
par les liens sociaux, techniques, culturels,
réalisent également leur pleine unité
dans le Christ.
(Constitution dogmatique sur l'Église LG 1, Concile Vatican II).

274 Oui, il est bon, il est doux pour des frères
de vivre ensemble et d'être unis!
Ps 132,1

275 Prenons une comparaison: notre corps forme un tout,
il a pourtant plusieurs membres;
et tous les membres, malgré leur nombre,
ne forment qu'un seul corps.
Il en est ainsi pour le Christ.
Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres,
nous avons été baptisés dans l'unique Esprit
pour former un seul corps.
Tous nous avons été désaltérés par l'unique Esprit.
Le corps humain se compose de plusieurs membres,
et non pas d'un seul.
Le pied aura beau dire: "Je ne suis pas la main,
donc je ne fais pas partie du corps",
il fait toujours partie du corps.
L'oreille aura beau dire: "Je ne suis pas l'oeil,
donc je ne fais pas partie du corps",
elle fait toujours partie du corps.
Si, dans le corps, il n'y avait que les yeux,
comment pourrait-on entendre?
S'il n'y avait que les oreilles,
comment pourrait-on sentir les odeurs?
Mais, dans le corps,
Dieu a disposé les différents membres comme il l'a voulu.
Or, vous êtes le corps du Christ
et, chacun pour votre part,
vous êtes les membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l'Église,
il y a premièrement des apôtres,
deuxièmement des prophètes,
troisièmement ceux qui sont chargés d'enseigner,
puis ceux qui font des miracles,
ceux qui ont le don de guérir,
ceux qui ont la charge d'assister leurs frères
ou de les guider,
ceux qui disent des paroles mystérieuses.
Tout le monde évidemment n'est pas apôtre,
tout le monde n'est pas prophète,
ni chargé d'enseigner;
tout le monde n'a pas à faire des miracles,
à guérir,
à dire des paroles mystérieuses,
ou à les interpréter.
1Co 12,12-18 1Co 12,27-30



L'Église appelée, envoyée et sanctifiée par Dieu

L'initiative du Père

276 Le Dieu qui rassemble l'Église pour le salut des hommes est le Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, confessé dans le Credo. L'Église "tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père" (AGD 2).

A l'origine de l'Église, il y a " la disposition absolument libre et mystérieuse de la sagesse et de la bonté " du Père éternel qui, après avoir créé le monde, " a décidé d'élever les hommes à la communion de sa vie divine "(LG 2).

Ce dessein, réalisé à travers l'oeuvre rédemptrice du Christ, s'accomplit dans l'Église: " Tous ceux qui croient au Christ, il a voulu les appeler à former la sainte Église qui, annoncée en figure dès l'origine du monde, merveilleusement préparée dans l'histoire d'Israël et dans l'Ancienne Alliance, établie enfin dans ces temps qui sont les derniers, s'est manifestée grâce à l'effusion du Saint-Esprit et, au terme des siècles se consommera dans la gloire" (LG 2).

277 L'Église est bien un peuple convoqué, appelé, rassemblé pour, à son tour et au nom de Dieu, convoquer et appeler les hommes à la communion pour laquelle ils sont faits.

L'Église n'est donc pas la simple résultante de désirs ou de projets qu'ont des hommes et des femmes de se réunir ou de coordonner leurs ressources pour un but déterminé.

Les membres de l'Église ne se choisissent pas les uns les autres. Ils se reçoivent plutôt comme frères et soeurs des mains de Dieu, dans la diversité de leur condition, de leur culture, de leurs goûts ou de leurs opinions. Ils se laissent ainsi hausser au delà des limites de leurs projets humains, pour être introduits dans la fraternité sans frontières à laquelle les convie le Père commun, désireux de leur dévoiler tout ce qu'il a préparé pour ceux qui l'aiment (cf.
1Co 2,9).


L'oeuvre du Christ

278 L'annonce de la venue du règne de Dieu

L'initiative du Père a trouvé sa réalisation dans l'oeuvre du Christ, par qui tout existe (cf.
Jn 1,3) et qui est venu "rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jn 11,52).

Pendant sa vie mortelle, "le Seigneur Jésus donna naissance à son Église en prêchant l'avènement du règne de Dieu promis dans les Écritures depuis des siècles" (LG 5). Les miracles, opérés par lui, manifestaient la réalisation déjà commencée de ce règne de Dieu. Par de nombreuses paraboles, Jésus annonçait la croissance attendue de ce qui était semé (cf. Mt 13,1-53). Sa vie, toute filiale et toute donnée aux hommes, révélait l'intention de Dieu sur l'humanité.


L'appel de disciples

279 Dès le début de sa vie publique, Jésus, désigné par le Père comme son Fils et habité par l'Esprit, constitua autour de lui une Communauté de disciples.

Tous appartenaient au peuple juif, mais les évangélistes font apparaître leur diversité: selon Marc, quatre sont des pêcheurs galiléens, et Lévi est publicain (cf
Mc 1,16-20 Mc 2,14); selon Jean, il y a des hommes de l'entourage de Jean Baptiste (cf Jn 1,35-51). Luc mentionne également des femmes qui deviendront témoins de la passion et seront les premières à annoncer la Résurrection (cf. Lc 8,2-3 Lc 23,49 Lc 24,8-10); il ajoute Marie (cf Lc 10,38-40), mais aussi la mère et les "frères" de Jésus, et tous ceux-là qui l'écoutent (cf. Lc 8,19-21).

Le mot "frère" a ici, comme dans la langue hébraïque, une extension très large et ne signifie pas nécessairement "enfants du même père". De la même manière, en français, le mot " parent " peut désigner des personnes ayant une parenté plus ou moins lointaine, et pas seulement le père et la mère des enfants.

Appelés par Jésus, les disciples le suivent, vivent dans son intimité et reçoivent un enseignement plus profond et plus exigeant que celui qui s'adresse à la foule. Jésus leur apprend à prier. Il envoie soixante-douze d'entre eux annoncer en paroles et en actes la Venue du règne de Dieu.


Le choix des Douze

280 C'est parmi ses disciples et en leur présence que, après avoir prié son Père (cf. Lc 6,12), Jésus choisit les Douze: "Il appela ceux qu'il voulait. Ils vinrent auprès de lui, et il en institua douze pour qu'ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher" (Mc 3,13-14). Leur nombre rappelle symboliquement les douze tribus d'Israël. En tant que compagnons quotidiens de Jésus, ils témoignent, pour les générations à venir, de l'authenticité des actes et des paroles de Jésus, depuis son baptême par Jean jusqu'à son ascension (cf. Ac 1,22).

"Leur donnant la forme d'un collège, c'est-à-dire d'un groupe stable, le Seigneur Jésus mit à leur tête Pierre, choisi parmi eux (LG 19). Pierre est le roc, sur lequel Jésus a voulu bâtir son Église (cf. Mt 16,18-19), auquel il demande d'affermir ses frères" (cf. Lc 22,32), et auquel, une fois ressuscité, il confie la charge de "paître" l'ensemble de son troupeau (cf. Jn 21,15-17).


La Pâque du Christ

281 Le Christ a fondé l'Église, rassemblement de ses disciples, en confiant au groupe des apôtres la charge de continuer son oeuvre Plus largement, cette fondation repose sur la vie de Jésus, sur tous les actes qui font apparaître la puissance d'amour qui habitait son coeur, et surtout sur l'oeuvre de sa Pâque.

Avant la fête de la Pâque, quand "l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père" (
Jn 13,1), Jésus laissa à ses disciples, afin qu'ils puissent continuer son oeuvre, un triple héritage: l'eucharistie, sacrement de la Nouvelle Alliance; son "commandement", celui d'un amour fraternel et humble, semblable au sien; la promesse de la venue de l'Esprit Saint. L'Église procède de ces trois dons, étroitement unis.

Le commencement et le développement futur de l'Église, évoqués par Jésus lui-même (cf. Jn 12,32), sont signifiés par "le sang et l'eau sortant du côté ouvert de Jésus crucifié" (LG 3). Quant à la mission de l'Église, elle fait l'objet d'un ordre formel du Ressuscité: "De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie" (Jn 20,21).


Le don de l'Esprit Saint

282 Présence et mission de l'Esprit

L'initiative du Père, réalisée par l'oeuvre du Fils, le Christ, trouve son achèvement dans le don de l'Esprit.

L'Esprit Saint, qui a "reposé" sur le Christ, est envoyé sur les apôtres et sur les disciples.

Toute la mission de Jésus avait déjà été accomplie dans l'Esprit Saint: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, avait-il déclaré dans la synagogue de Nazareth. [...] Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle" (
Lc 4,18). Dans tout ce qu'il disait et faisait, Jésus manifestait la présence en lui de l'Esprit Saint. Quand il annonçait le Royaume, quand il pardonnait aux pécheurs, quand il guérissait les malades, quand il choisissait ses apôtres, l'Esprit de Dieu était toujours "sur lui".

Et il avait promis ce même Esprit à ceux qui croiraient en lui. Après son départ, celui-ci serait leur "consolateur" et leur "défenseur". En même temps qu'il devait leur permettre d'accéder "à la vérité tout entière" (Jn 16,13) que Jésus leur avait livrée, il les soutiendrait dans le témoignage qu'ils auraient à porter devant le inonde, en demeurant eux-mêmes dans l'unité.

Au soir de Pâques, Jésus ressuscité transmet aux apôtres l'Esprit Saint pour continuer l'oeuvre de salut par la rémission des péchés, opérée en son principe par sa mort et sa résurrection: " "De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. "Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et leur dit: Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus" (Jn 20,21-23).


L'Église de Pentecôte

283 Au jour de la Pentecôte, cet Esprit communiqué par le Christ à ses apôtres manifeste sa présence et son action. Il ne devait plus cesser de "sanctifier l'Église en permanence", de "la rajeunir" et de "la renouveler sans cesse, l'acheminant à l'union parfaite avec son Époux" (cf. LG 4).

L'Esprit Saint qui "donne la vie" et a "parlé par les prophètes" était à l'oeuvre dès les origines, créant tout être vivant. Il préparait dans le peuple d'Israël l'Église du Christ. Il était en plénitude sur Jésus durant sa vie terrestre. Mais il ne s'est manifesté pleinement comme don fait aux croyants que le jour de Pentecôte, où l'Église a pris naissance.

284 Ce jour-là, après que chacun eut entendu l'annonce des merveilles de Dieu dans sa propre langue (cf. Ac 2,6), saint Pierre exposa le mystère de cette Église née de l'oeuvre commune du Père, du Fils et du Saint-Esprit: "Élevé dans la gloire par la puissance de Dieu, il a reçu de son Père l'Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous: c'est cela que vous voyez et que vous entendez" (Ac 2,33).

En accueillant le message. de Pierre qui proclame le don de l'Esprit à "toute chair" et qui invite à la conversion, les croyants deviennent la première communauté chrétienne. Cette Église naissante est communauté de foi, de prière et de partage. Elle est chargée d'annoncer la résurrection du Seigneur Jésus, en vivant la communion fraternelle (cf. Ac 2,42-47 Ac 4,32-37).

Le cénacle, où les apôtres sont réunis avec des disciples et quelques femmes, est un premier lieu de communion. C'est aussi un premier lieu de diffusion de la foi, annoncée dans leur propre langue aux Juifs de tout pays, venus à Jérusalem pour la fête et rejoints dans leur propre culture.

Les frères assemblés, en tant que disciples de Jésus, se trouvent transformés spirituellement et deviennent le peuple nouveau. Ils avaient suivi Jésus et l'avaient vu ressuscité; ils sont désormais son Église.

285 Pierre et les autres apôtres occupent dans cette Église une place essentielle. Ils en sont, pour toujours, les colonnes (cf. Ga 2,9), les fondements et les portes (cf. Ap 21,12-14). Transformés eux aussi, ils sont, au sens plein, des apôtres, envoyés par Jésus ressuscité avec la puissance de l'Esprit pour rassembler tous les peuples (cf. Mt 28,16-20). A partir de Jérusalem d'autres Églises se constituent, en Samarie, à Antioche, à travers le bassin méditerranéen et jusqu'à Rome. Chacune porte justement le nom d'Église de Dieu et toutes le portent aussi ensemble. Depuis les temps apostoliques, la même mission se poursuit, pour atteindre, jusqu'à aujourd'hui, tous les peuples de la terre.

La vocation de Paul donne une dimension nouvelle à la charge apostolique. Paul n'avait pas appartenu au groupe des Douze. Cependant il tient à accomplir sa mission auprès des nations païennes en communion avec Pierre et Jacques, et avec l'Église de Jérusalem (cf Ga 2,7-10). L'Église commençait ainsi son expansion dans la fidélité à son origine.


L'Église, Temple sanctifié et vivifié par l'Esprit

286 L'Esprit Saint, qui est donné à tout baptisé (cf. GS 22), vivifie, anime et sanctifie l'Église, peuple de fidèles qui ont reçu "la dignité et la liberté des fils de Dieu". Dans leur coeur "habite, comme dans un temple, l'Esprit Saint" (LG 9).

Dans le Credo, la confession de l'Église est liée à celle de l'Esprit Saint: "Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique." Une des versions les plus anciennes du Symbole des Apôtres liait même encore plus étroitement le Saint-Esprit et l'Église en déclarant: "Je crois au Saint-Esprit dans l'Église."

L'Église est le lieu d'habitation de l'Esprit Saint dans ce monde. Elle en est le "Temple" (PO 1 AGD 7). Ce Temple, dans lequel officie une "nation sainte" (1P 2,9), est constitué de "pierres vivantes" (1P 2,5). Certes, l'Esprit est présent dans le Inonde entier et à l'oeuvre dans toute la création, mais de façon discrète et difficile à reconnaître bien souvent. Il est présent et agissant dans l'Église de façon certaine et assurée, ce qui ne veut pas dire évidente.

"N'oubliez pas, dit saint Paul aux chrétiens de Corinthe, que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous" (1Co 3,16). "Ne savez-vous pas, demande-t-il encore avec plus de précision pour fonder le rejet de la débauche, que votre corps est le temple de l'Esprit Saint qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu? [...] Rendez gloire à Dieu dans votre corps" (1Co 6,19-20).


L'Église de Dieu parmi les hommes

Singularité de l'Église

Réalité humaine

287 L'Église a été fondée pour être dans le monde le peuple qui vit et témoigne de l'Alliance nouvelle et éternelle que Dieu a, dans le Christ, conclue avec les hommes.

L'Église "prend place dans l'histoire humaine, bien qu'elle soit en même temps transcendante aux limites des peuples dans le temps et dans l'espace" (
LG 9). Mystère de foi, l'Église est en même temps réalité humaine. Vivant de l'Esprit, elle est cependant visible aux yeux des hommes.

L'Église se présente comme une communauté humaine. Elle se distingue, certes, des groupes humains dont la finalité est d'ordre purement culturel, politique, social ou économique. Même si sa vie et son action ont des répercussions dans le domaine temporel, sa finalité est d'ordre religieux. En ce sens, le christianisme se rapproche des grandes religions telles que le judaïsme, l'islam ou l'hindouisme qui, elles aussi, proposent aux hommes, dans des perspectives universelles, des voies pour aller vers Dieu à l'intérieur d'une démarche communautaire.

288 Comme toute société humaine, l'Église, dont la vitalité et le rayonnement dépendent de l'adhésion libre et de l'engagement responsable de ses membres, est organisée, pourvue d'institutions. Certaines de ces institutions sont liées à sa nature même (Écriture Sainte, sacrements, ministères ordonnés, etc.). D'autres, comme en tout groupe, portent la marque de circonstances historiques (langues et formes liturgiques, structures territoriales, etc.).

L'Église peut profiter des avancées de la civilisation, en même temps que porter les stigmates de l'histoire humaine. Mais elle a aussi marqué cette histoire de son empreinte.

Une part visible de son histoire est accessible à tous, avec la richesse de ses traditions caritatives, culturelles, artistiques, liturgiques et théologiques, avec aussi les marques du péché qui ont terni son visage et nui à son rayonnement.

289 Aujourd'hui encore, les regards portés sur l'Église sont des plus contrastés. Pour un certain nombre de nos contemporains, elle est le vestige d'une religion appartenant au passé. D'autres, au contraire, continuent à en redouter la puissance au sein de la société.

Chez les chrétiens eux-mêmes, les sentiments éprouvés ou les attentes entretenues à l'égard de l'Église varient considérablement. Nombreux sont ceux qui trouvent avec bonheur dans l'Église un lieu de vie fraternelle, de respect, de liberté; un lieu où ils reçoivent soutien et stimulation pour une vie plus généreuse; un lieu d'espérance et de paix: cette paix profonde que le Christ a laissée aux siens, et qui n'est "pas à la manière du monde" (
Jn 14,27). Cependant, un certain nombre voudraient se réclamer de Jésus Christ indépendamment de l'Église, car ils trouvent que celle-ci fait écran entre la figure du Sauveur et le croyant, ou dénature la simplicité et l'efficacité de son Évangile.

D'autres, au contraire, veulent voir avant tout dans l'Église catholique une institution solide, propre à contrebalancer les ferments de désordre enfouis dans les sociétés contemporaines. Elle serait la gardienne de l'ordre et des principes de la moralité. Le Christ et son Évangile, avec leurs appels à la conversion et à un continuel dépassement, tendent alors à être tenus pour secondaires, à moins qu'ils ne soient simplement oubliés.



Catéchisme France 259