Catéchisme France 290
290 Le mystère de foi que constitue l'Église se manifeste dans le nom même par lequel on la désigne. Église transcrit le mot grec Ekklèsia (assemblée), choisi dès l'âge apostolique pour désigner le groupe des disciples de Jésus ressuscité.
Les langues latines, comme le français, ont généralement transcrit le grec directement en Ecclesia, Chiesa, Iglesia. Les langues germaniques et anglo-saxonnes ont le mot Kirche, Church, d'un adjectif grec, kyriakê, qui signifie du Seigneur. L'Église est alors désignée comme l'oeuvre du Christ, le Seigneur. Quel que soit l'aspect que le nom privilégie, l'Église se reconnaît comme l'assemblée des hommes convoqués par le Seigneur, Jésus ressuscité (cf LG 9).
L'Église est la communauté de la Nouvelle Alliance établie dans le sang du Christ. Elle prolonge l'assemblée convoquée par Dieu, faisant alliance avec son peuple par l'intermédiaire de Moïse. "Le Christ a établi ce lien nouveau, l'Alliance nouvelle en son sang (cf. 1Co 11,25); il appelle juifs et païens à devenir un seul peuple, rassemblé non pas par des liens charnels, mais dans l'unité de l'Esprit, pour constituer le nouveau peuple de Dieu" (LG 9).
291 Peuple convoqué par son Seigneur, l'Église se distingue des autres sociétés et groupes humains. Seuls, cependant, mesurent cette particularité les chrétiens qui reçoivent l'Église de la part de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Pénétrer dans ce mystère divin de l'Église, c'est pénétrer dans l'Alliance établie par Dieu avec les hommes et offerte à notre foi.
C'est dans l'Église, dans la communauté des croyants, que nous confessons notre foi au Dieu Père, Fils et Esprit. Et, ce faisant, nous reconnaissons l'Église comme la communauté nécessaire pour dire et vivre la foi en vérité.
S'il est vrai que l'Église ne peut se comprendre qu'en relation avec l'Esprit Saint qui la soude et l'anime, cet Esprit Saint continue cependant de "souffler où il veut" (cf Jn 3,8), y compris en dehors des limites visibles de cette Église (cf GS 38 LG 16).
292 Telle est la singularité de l'Église: à la fois réalité humaine, "sujet historique", qui agit dans l'histoire, et "mystère", fruit de la miséricorde de Dieu qui appelle ses enfants à vivre avec lui.
Les deux aspects sont indissociables. Si la réalité humaine de l'Église lui permet d'être l'objet d'observations, d'analyses, voire de sondages, ces modes d'approche sont incapables de rendre compte de la totalité de ce qui fait l'Église. Car si elle comporte certains traits d'une société, d'une administration, d'une entreprise, elle est avant tout communion d'amour dans l'Esprit Saint. Celui-ci rassemble des hommes et des femmes partageant la même foi au Christ, dans la totalité de leur être, avec leur intelligence et leur coeur.
Même les chrétiens, dans les jugements qu'ils portent sur l'Eglise, ont trop souvent tendance à "séparer ce que Dieu a uni". L'Eglise n'est pas le Christ. Il convient de ne pas les confondre et de ne pas méconnaître l'aspect humain de l'Église. Mais il ne faut pas non plus les opposer. L'Église vit du Christ, témoigne du Christ. Elle l'annonce, dans la faiblesse des moyens humains et malgré le péché. Mais elle est toujours l'Église du Christ et on ne peut prétendre être du Christ en refusant l'Église.
Si le Christ est lui-même signe de contradiction (cf. Lc 2,34), l'Église l'est aussi à sa façon. Elle est un mystère de foi.
293 Le mystère de l'Église ne peut se laisser enfermer dans une seule définition. Aussi est-ce "sous des images variées que la nature intime de l'Église nous est montrée" (LG 6). Les images et les noms qui, dans la Bible, servent à l'évoquer, et que Vatican II rappelle (cf LG 6-9) sont un bon guide pour en saisir la richesse.
Ces images sont multiples. Aucune n'a la prétention de dire la totalité du mystère. Chacune en souligne un aspect. L'important est de les faire jouer les unes avec les autres, sans se limiter à une seule. Tel croyant, ou telle communauté ecclésiale, ou telle époque peut donner sa préférence à l'une ou à l'autre. Tous ont à admettre que le regard qu'ils portent sur l'Église est partiel et qu'ils ne peuvent laisser dans l'ombre les aspects de l'Église auxquels ils portent moins d'attention.
294 Des noms empruntés à l'expérience des hommes
Certaines de ces images sont empruntées à la vie pastorale: l'Église est alors le bercail, dont le Christ est la porte, ou encore le troupeau dont le Christ est le vrai pasteur. Cette image permet à Jésus de parler d'autres brebis qu'il possède et qui ne sont pas encore de cet enclos: il faut qu'il les mène elles aussi (cf. Jn 10,1-16).
D'autres images sont empruntées à la vie des champs. l'Église est alors le terrain dans lequel est déposée la semence, le champ cultivé de Dieu (cf. 1Co 3,9) ou encore la vigne qu'il a plantée (cf. LG 6 Mt 21,33-43).
Plusieurs images tournent autour de l'idée de construction ou d'habitation. l'Église est appelée l'édifice de Dieu (cf. 1Co 3,9), la maison de Dieu (cf. 1Tm 3,15) ou le temple saint (cf. Ep 2,21). De cet édifice, le Christ est la pierre de fondation; les croyants, devenus temples de l'Esprit, y sont intégrés comme des pierres vivantes. Les édifices ne trouvent, en effet, leur sens que par ceux qui y habitent.
l'Église peut être dite également la famille de Dieu (cf. Ep 2,19). Elle "s'appelle encore 'la Jérusalem d'en haut' et 'notre mère' (Ga 4,26 cf. Ap 12,17); elle est décrite comme l'épouse immaculée (LG 6) et bien-aimée du Christ (cf. Ap 21,2 Ep 5,26).
295 Le concile Vatican II ne manque pas d'accorder la place qui convient à l'image paulinienne de l'Église, Corps du Christ, en insistant sur son importance pour la vie des chrétiens.
L'image du corps permet d'exprimer "l'incorporation" de chaque membre de l'Église au Christ Jésus, telle qu'elle se réalise par le baptême et l'eucharistie. C'est par le baptême que les croyants sont incorporés au Christ, c'est en recevant le corps eucharistique du Seigneur qu'ils deviennent son corps ecclésial. Dans la célébration du Repas du Seigneur, "si nombreux que nous soyons, nous sommes un seul pain, un seul corps" (saint Augustin).
Mais l'image du corps et de ses membres permet aussi de rendre compte de la diversité des grâces et des responsabilités représentées dans l'Église. Entre le Christ, qui est la Tête du corps, et ceux qu'il anime de son Esprit, existe une véritable union organique.
Enfin, cette image de l'Église Corps du Christ, étroitement unie à son Seigneur, fait comprendre comment l'Église réalise dans le monde une authentique présence du Christ ressuscité: elle est le sacrement du Christ.
296 Le concile a également remis en valeur une autre dénomination: celle de peuple de Dieu (cf. LG 9).
Si l'on emploie le même mot pour désigner Israël et l'Église du Christ, c'est pour marquer à la fois la continuité et la radicale nouveauté de cette dernière par rapport au peuple d'Israël: continuité et nouveauté qui sont exactement celles de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance.
L'expression "peuple de Dieu" exprime aussi l'égale dignité de tous les baptisés.
Elle indique enfin que l'Église est appelée à vivre son histoire à travers les siècles en étant tout à la fois fidèle à l'Évangile et mêlée à tous les peuples de la terre.
"Bien qu'il ne comprenne pas encore effectivement l'universalité des hommes et qu'il garde souvent les apparences d'un petit troupeau", le peuple assemblé dans l'Église est ouvert à tous ceux qui "regardent avec la foi vers Jésus, auteur du salut" et "constitue pour tout l'ensemble du genre humain le germe le plus fort d'unité, d'espérance et de salut" (LG 9).
297 L'Église se plaît à faire appel à plusieurs de ces images ou désignations traditionnelles, lorsqu'elle célèbre la dédicace des édifices qu'elle construit pour s'y assembler.
La liturgie chante alors poétiquement ce mystère de l'Église du Christ édifiée pour la gloire de Dieu: " Dans cette maison que tu nous as donnée, où tu accueilles le peuple qui marche vers toi, tu nous offres un signe merveilleux de ton Alliance: ici, tu construis pour ta gloire le temple vivant que nous sommes; ici, tu édifies l'Église, ton Église universelle, pour que se constitue le Corps du Christ; et cette oeuvre s'achèvera en vision de bonheur dans la Jérusalem céleste " (préface de la Dédicace d'une église).
298 C'est un autre type de réflexion sur sa propre nature qui conduit l'Église à se désigner "comme un sacrement".
Le mot français "sacrement" vient du latin sacramentum qui correspond au grec mysterion. En employant ce terme d'allure technique, on rejoint, à travers les Pères de l'Église, la réflexion de saint Paul sur le mystère, qui est le projet de Dieu révélé aux croyants dans l'Église (cf Ep 3,8-11).
L'Église, enseigne Vatican II, est "dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (LG 1). Autrement dit, c'est dans l'Église que se réalise le salut, sous la forme de cette Alliance que Dieu a, dans son Fils, scellée avec les hommes.
La formule "hors de l'Église pas de salut", qui fait difficulté pour beaucoup, peut ainsi se comprendre dans sa signification très positive. Elle ne préjuge pas de la situation de ceux qui, sans faute de leur part, mais par suite des circonstances ou pour quelque autre raison (cf. LG 16), ne sont pas parvenus à reconnaître dans l'Église ce lieu unique du salut de Dieu. Le salut n'est pas impossible pour un non-chrétien. Mais il est vrai que, pour les hommes que Dieu aime, l'Église est signe efficace de cet amour. L'homme sauvé l'est toujours, en définitive, par la passion et la résurrection du Christ, c'est-à-dire par le mystère pascal dont l'Église est le témoin et auquel l'Esprit Saint l'associe d'une façon mystérieuse mais réelle (cf. GS 22).
Dire que l'Église est comme un sacrement, c'est affirmer sa totale subordination à Dieu qui se révèle dans le Christ.
Le concile Vatican II n'identifie pas purement et simplement l'Église au sacrement (il déclare qu'elle est "en quelque sorte" sacrement, LG 1).
L'Église ne possède pas en elle-même la source de sa sacramentalité. Elle la reçoit de l'Esprit Saint et du Christ. Le Christ en est la Tête et la remplit de sa plénitude (cf Ep 1,22-23). Une différence demeure donc toujours entre le Christ et son Église, son Épouse (cf. Ep 5,25-27).
299 L'Église, qui est comme un sacrement, n'est pas une société close sur elle-même. Elle a mission universelle. Missionnaire, elle s'associe au travail du Sauveur, en poursuivant son oeuvre de réconciliation. Missionnaire, elle collabore activement aux efforts humains de justice, d'amour et clé paix, et en se faisant messagère de la charité de Dieu. Entrer dans l'Église, en accueillant la Bonne Nouvelle dont elle est porteuse, c'est avoir accès aux sources même du salut.
300 L'Église est sacrement du royaume de Dieu, prêché et inauguré par le Christ. Elle est, en effet, ce lieu où Dieu règne réellement aujourd'hui. La souveraine présence de Dieu est déjà attestée, même si son Règne, tant que dure l'histoire, n'est pas encore réalisé dans sa totalité.
Les chrétiens risquent toujours de gauchir, à ce propos, l'enseignement de Jésus. Les uns, se fondant sur le fait que le règne de Dieu est là, risquent d'identifier leurs entreprises terrestres, et le type de société dans laquelle ils vivent, avec ce Royaume; ils tendent à dénier toute autonomie aux réalités créées. D'autres, se fondant sur l'appel à la "venue" du Règne, risquent de rejeter dans le futur et hors de ce monde la souveraineté de Dieu, et de vivre sans intérêt pour ce monde où Dieu leur semble ne pas répondre. Pourtant, ce monde est fait pour être déjà quelque peu transfiguré en attendant activement le monde nouveau où Dieu sera tout en tous.
Ainsi l'Église est sur terre "le germe et le commencement du Royaume" (LG 5). Mais, comme le Règne est encore à venir dans sa totalité, elle sait qu'elle n'aura son achèvement que dans la gloire céleste.
301 "Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique." Lorsque les chrétiens, dans le Credo, proclament leur foi, ils affirment que l'Église se caractérise par ces qualificatifs. Ce sont les "notes" de l'Église. Elles ne décrivent pas seulement l'Église de l'extérieur; elles indiquent la vérité profonde de son mystère. Les affirmer relève de la foi et pas seulement d'un regard sur les apparences.
"L'Église universelle apparaît comme un peuple qui tire son unité de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint" (LG 4, citant saint Cyprien).
302 La source de l'unité de l'Église est exprimée dans la lettre de Paul aux Éphésiens: "Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit. Il n'y a qu'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous, et en tous" (Ep 4,4-6).
Ainsi, l'Église affirme qu'elle ne tire pas son unité d'elle-même. Elle la reçoit comme un don de l'Esprit Saint.
303 Cette unité est visible et, selon la promesse du Christ (cf. Mt 16,18), elle ne peut jamais être perdue. Elle s'exprime dans la profession d'une seule et même foi, formulée par un même Credo (ou "symbole de foi"). Elle est fondée dans l'unique baptême qui fait de tous les disciples du Christ un seul peuple. L'eucharistie, sacrement de l'unité, fortifie, construit et renouvelle sans cesse cette communion des croyants, les gardant unis par "les liens de la charité". Le ministère apostolique, le service des évêques, des prêtres et des diacres, est service de la communion ecclésiale.
Car l'unité de l'Église n'est pas seulement celle d'une bonne organisation ou d'une ferme discipline. Elle est de l'ordre de la "communion". L'ecclésiologie de communion est "l'idée centrale et fondamentale" (synode extraordinaire de 1985) qui se dégage des documents du second concile de Vatican. Cette communion est communion avec le Père et avec son Fils, Jésus Christ, dans l'Esprit (cf. 1Jn 1,3), et communion des disciples entre eux dans la charité.
L'unité est aussi un élément fondamental et nécessaire du témoignage des chrétiens dans le monde et de la crédibilité de la mission (cf Jn 13,35 Jn 17,21).
304 Cette unité se manifeste de façon privilégiée dans la communion des évêques entre eux et avec le successeur de Pierre, à qui est confiée l'autorité sur l'Église universelle.
"De même que, par disposition du Seigneur, saint Pierre et les autres apôtres constituent un seul Collège, d'une manière semblable, le pontife romain, successeur de Pierre, et les évêques, successeurs des apôtres, sont unis entre eux" (CIC 330). "L'évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement" (CIC 331 cf. LG 22). Le pape a aussi "sur toutes les Églises particulières et leurs regroupements la primauté du pouvoir ordinaire par laquelle est à la fois affermi et garanti le pouvoir propre ordinaire et immédiat que les évêques possèdent sur les Églises particulières, confiées à leur soin" (CIC 333).
"Il est le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles" (LG 23). Les évêques, unis à l'évêque de Rome, constituent en effet le Collège épiscopal succédant au Collège des apôtres envoyés par le Christ. La fidélité à cette communion est, pour les évêques, une exigence particulièrement grave et une nécessité absolue pour la vérité et la fécondité de leur ministère.
Car c'est en étant unis à leur propre évêque et, avec lui, au pape que les chrétiens prennent place dans la communion universelle et peuvent en recueillir les fruits. Dans une Eglise particulière, dans un diocèse, la communion se vit de multiples façons, par la participation à la vie sacramentelle, au témoignage, à la mission et par les responsabilités assumées à l'intérieur de la communauté des croyants. Ainsi l'Église, vivant dans l'unité, témoigne de l'amour du Christ pour tous les hommes, et concourt à l'unité du genre humain.
305 L'unité de l'Église est riche de la variété des charismes, qui correspond à la diversité des dons de Dieu. Les charismes sont, en effet, des grâces particulières, des "manifestations" (cf. 1Co 12,7) du Saint-Esprit pour l'édification du peuple de Dieu.
Le mot charisme, formé en grec sur la même racine que le mot "grâce", souligne la gratuité de ces dons, la liberté avec laquelle l'Esprit les distribue.
Saint Paul décrit la variété des charismes (cf. 1Co 12,130), et souligne qu'elle est au bénéfice de tous et de chacun, à l'intérieur de l'unique Église. Car ils procèdent tous du même et unique Esprit.
306 L'Eglise est une,
elle forme une multitude
toujours plus étendue
grâce à une fécondité
toujours plus grande.
Ainsi les rayons du soleil sont nombreux,
mais sa lumière est unique
nombreuses sont les branches de l'arbre,
mais unique est le tronc vigoureux,
planté sur des racines tenaces;
d'une seule source
viennent bien des ruisseaux,
et bien que leur multiplicité
ne découle que de la surabondance des eaux,
leur origine est cependant unique.
Sépare un rayon de soleil de sa masse
et l'unité de la lumière
n'en subit pas de division;
arrache une branche à l'arbre
et la branche arrachée
ne pourra plus germer;
coupe un ruisseau de sa source,
et coupé il tarit.
Il en est de même de l'Église.
Illuminée de la lumière du Seigneur,
elle répand ses rayons dans le monde entier:
mais une est sa lumière partout diffusée,
sans que l'unité de son corps en soit morcelée.
Ses branches couvrent la terre entière
de leur vitalité exubérante,
ses ruisseaux s'épanchent au loin avec largesse;
pourtant unique est la tête,
unique la source,
unique la mère aux fécondes et successives maternités.
C'est elle qui nous enfante,
son lait qui nous nourrit,
son esprit qui nous anime.
(Cyprien, évêque de Carthage, mort martyr en 258)
"Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l'Église sont variées, mais c'est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous" (1Co 12,47).
307 Les charismes "peuvent prendre les formes les plus diverses, soit comme expression de la liberté absolue de l'Esprit qui les accorde, soit comme réponse aux multiples exigences de l'histoire de l'Église" (CL 24). Extraordinaires ou simples et courants, les charismes sont toujours soumis au primat de la charité et de la vérité évangélique.
Accueillis avec reconnaissance comme "manifestations de l'Esprit en vue du bien de tous" (cf. 1Co 12,7), ils sont à discerner avec prudence. Car il faut s'assurer qu'il s'agit véritablement de dons venus de l'Esprit Saint et exercés de manière conforme à ses impulsions. C'est pourquoi il revient tout particulièrement aux pasteurs de l'Église de discerner l'authenticité de ces dons. "C'est à eux qu'il convient spécialement, non pas d'éteindre l'Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon (1Th 5,12 1Th 5,19-21)" (LG 12).
L'histoire passée et présente de l'Église laisse apparaître des tensions, des conflits, voire des divisions. Celles-ci peuvent devenir de véritables ruptures. On parle alors de schismes, dont l'origine peut être disciplinaire, mais aussi doctrinale. Ces ruptures, qui contredisent la volonté formelle du Christ (cf. Jn 17,21), sont "pour le monde un objet de scandale" (UR 1) et constituent un obstacle à l'évangélisation. C'est pourquoi le dernier concile a fait de la restauration de l'unité entre tous les chrétiens une de ses grandes préoccupations. Des progrès ont été réalisés depuis lors, même s'il reste encore du chemin à parcourir.
308 La sainteté est un qualificatif que beaucoup peuvent avoir du mal à accorder à l'Église. Son histoire n'est-elle pas entachée de médiocrités, de crimes et de violences? Les chrétiens sont-ils meilleurs que les autres?
La sainteté ne signifie pas d'abord la perfection morale, mais le fait d'être mis à part et d'appartenir à Dieu. La sainteté de l'Église fait partie de sa nature la plus intime. L'Église est sainte parce qu'elle prend sa source en Dieu qui est saint. Elle est sainte parce qu'elle est étroitement liée au Christ et qu'elle est animée par l'Esprit qui ne lui fait pas défaut.
Elle est sainte par son Credo, par ses sacrements, par les ministères qui lui permettent d'accomplir son oeuvre. Le Christ "voulait se la présenter à lui-même, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni aucun défaut; il la voulait sainte et irréprochable" (Ep 5,27). Comment ne serait-elle pas sainte si elle est, de par la volonté de Dieu et du Christ, instituée en instrument et lieu de sanctification?
309 La sainteté de l'Église suscite la sainteté de ses membres. L'Église manifeste dans le monde que la foi qu'elle professe est capable de produire d'authentiques fruits de sainteté. Ceux-ci se reconnaissent dans l'innombrable cortège des saints illustres, dont les noms jalonnent son histoire. Ils affleurent aussi dans le témoignage de ces vies qu'inspire le contact de l'Évangile et qui reflètent quelque chose de la sainteté du Christ.
L'Église ne cesse pourtant pas d'implorer pour elle-même la miséricorde et d'entendre l'appel à la conversion. Elle sait, en effet, que ses membres sont pécheurs. Elle est, pour eux, communauté de pardon et de réconciliation: "Nous avons constamment besoin de la miséricorde de Dieu et nous devons tous les jours dire dans notre prière: Pardonne-nous nos offenses" (Mt 6,12 LG 40).
310 Dans l'Église, tous sont appelés à la sainteté. Le concile Vatican II, dans la Constitution sur l'Église, consacre un chapitre entier à "l'appel universel à la sainteté" (LG 39-42). Le baptême implique cette vocation, commune à tous les membres du peuple de Dieu (cf. LG 40), qu'ils soient laïcs ou ministres ordonnés, qu'ils vivent dans le monde ou dans une communauté religieuse, qu'ils soient mariés ou célibataires. Quelle que soit sa condition physique, culturelle, intellectuelle ou sociale, qu'il soit homme ou femme, enfant 'ou vieillard, tout(e) baptisé(e) travaille à faire rayonner le royaume de Dieu par la sainteté de sa vie.
C'est par la fidélité à leur baptême que les croyants répondent à cet appel, en "persévérant dans la prière et la louange de Dieu" (cf. Ac 2,42-47), en offrant leur personne et leur vie "en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu" (Rm 12,1) par le Christ, avec lui et en lui, dans l'unité du Saint-Esprit, pour la gloire de Dieu le Père.
311 Cette sainteté se déploie en charité, don de Dieu qui est Amour. Charité à l'égard des frères, mais aussi de chacun des hommes, aimés de l'amour que leur porte Dieu lui-même.
La mission et la responsabilité des chrétiens dans le monde sont liées à leur vocation à la sainteté. La source la plus abondante de la fécondité apostolique et missionnaire de l'Église demeure la sainteté de ses membres.
L'Esprit Saint nous fait découvrir que la sainteté, de nos jours, est d'autant mieux perçue corn me un signe de Dieu qu'elle est vécue au service des pauvres.
L'appel commun à la sainteté atteint chacun là où il vit, suivant sa condition propre, dans l'Église particulière à laquelle il appartient.
312 "Commune est la dignité des membres [de l'Église] du fait de leur régénération dans le Christ; commune la grâce d'adoption filiale; commune la vocation à la perfection; il n'y a qu'un salut, une espérance, une charité sans division" (LG 32). Cette dignité commune, conférée par le baptême et la confirmation, rend les laïcs responsables, pour leur part, de la mission de l'Église, en relation avec les ministres ordonnés.
Les laïcs "sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment" (LG 31). Par là ils se sanctifient. "Le monde devient ainsi le milieu et le moyen de la vocation chrétienne des fidèles laïcs, parce qu'il est lui-même destiné à glorifier Dieu le Père dans le Christ" (CL 15).
313 Le mariage et la famille sont un domaine privilégié où les laïcs vivent leur vocation à la sainteté: sainteté dans la vie conjugale, dans la vie de père ou de mère de famille. Les parents sont aussi, auprès de leurs enfants, les premiers messagers de la foi, dans le service de la vocation propre de chacun (cf LG 11).
La mission des laïcs s'exerce également dans tous les domaines de l'existence sociale, culturelle, scientifique et politique. Ils peuvent s'associer pour s'entraider dans leur apostolat et leur vie spirituelle (cf CIC 298 et suiv.; GS 43 CL 2).
Les laïcs peuvent aussi prendre des responsabilités dans la vie de l'Église. Les femmes, dont le rôle est de grande importance, notamment dans la transmission de la foi et l'animation des communautés, doivent se voir reconnues dans ces responsabilités (cf AA 9). Les fidèles laïcs ont leur place dans les conseils pastoraux, les conseils paroissiaux, les conseils pour les affaires économiques, les équipes d'animation paroissiale, ainsi que le prévoit le Droit de l'Église (cf CIC 517 CIC 536-537).
314 Parmi les baptisés, hommes et femmes, quelques-uns sont appelés, non pas à une sainteté plus grande que les autres, mais à choisir un état de vie qui est précisément, dans l'Église, signe de la sainteté à laquelle, sous des modalités diverses, tous les disciples du Christ sont appelés (cf. LG 44).
Ils décident de professer publiquement les conseils évangéliques proposés à tous: ils s'engagent par voeux à pratiquer la chasteté, la pauvreté et l'obéissance, qu'ils vivent en communauté (cf PC 12-15 CIC 607).
La vie religieuse revêt des formes diverses: vie contemplative, vie apostolique. Chaque forme possède son histoire.
Don de Dieu à l'Église, solidaire de la condition humaine, exposée aux défis du monde, la vie religieuse est pour tous les membres de l'Eglise un rappel de leur vocation à une sainteté toujours plus grande (cf LG 44).
Elle témoigne au milieu des hommes, par les choix et les ruptures qu'elle implique, d'une vie évangélique dans l'esprit des béatitudes.
A côté des instituts de vie religieuse qui ont chacun leur charisme particulier, les instituts séculiers sont également des instituts de vie consacrée dont les membres gardent les conditions de vie communes à ceux qui les entourent.
315 C'est saint Ignace d'Antioche qui, le premier, au début du 2e siècle, emploie le mot "catholique" pour désigner l'Église: "Là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique" (Lettre aux chrétiens de Smyrne, 2).
Catholique est souvent pris dans un sens confessionnel pour désigner exclusivement l'ensemble des chrétiens unis au pape.
Cela s'explique par l'histoire. On désignait comme catholique la grande Église répandue en tous lieux, vivant par la communion des Églises particulières unies entre elles et avec le Siège apostolique de Rome, en la distinguant des communautés locales qui se voulaient autonomes et liées à un seul peuple.
L'adjectif vient d'un mot grec qu'on traduit parfois par "universel". Mais "universel" ne recouvre qu'imparfaitement le contenu du mot "catholique" qui comporte un sens à la fois plus riche et plus concret.
L'adjectif "catholique" évoque d'abord l'expansion géographique: l'Église est destinée à s'étendre à toutes les nations (elle a, dans ce sens, vocation universelle).
Mais le mot évoque surtout la "plénitude de grâce et de vérité" (UR 3) qui est confiée à l'Église catholique, dès le jour de la Pentecôte, et qui lui permet d'évangéliser tout l'homme en même temps que tous les hommes. La catholicité de l'Église se manifeste dans la capacité qu'elle a d'accueillir dans leur diversité les aspirations et les situations des hommes, de réunir dans l'unité, et sans les réduire, l'infinie variété des cultures et des réalités humaines, tant individuelles que sociales.
316 Certes, tout n'est pas accompli. La foi catholique et l'Église n'ont pas encore rejoint la totalité des hommes ni la totalité de leur vie, sur toute la surface de la terre, ni à l'intérieur de chaque diocèse. Pourtant, par la puissance de l'Esprit qui lui est donné, l'Église est capable d'enraciner l'Évangile dans les diverses cultures, de sorte qu'il soit une force de conversion des courants de pensée et des systèmes de valeur en désaccord avec les vues de Dieu. Par ce même Évangile dont elle est dépositaire, l'Église est en mesure d'épanouir dans les cultures ce qui correspond au bien des hommes.
La confession de la catholicité de l'Église est l'affirmation d'un fait. Pour les croyants, elle définit aussi une tâche: tâche d'ouverture, d'évangélisation, d'élargissement de la communauté chrétienne qui, comme la "maison du Père", doit pouvoir contenir beaucoup de demeures (cf. Jn 14,2).
317 L'Église n'existe que réalisée en des lieux divers, parmi les peuples de la terre, où se sont constituées les Églises particulières. "Celles-ci sont formées à l'image de l'Église universelle; c'est en elles et à partir d'elles qu'existe l'Église catholique une et unique" (LG 23).
"Universelle par vocation et par mission", l'Église, "jetant ses racines dans la variété des terrains culturels, sociaux, humains, prend dans chaque portion du monde des visages, des expressions extérieures diverses" (EN 62).
Déjà au temps de saint Paul qui parle, par exemple, de façon significative de "l'Église de Dieu qui est à Corinthe" (cf 1Co 1,2 2Co 1,1), on voit comment l'Église se manifeste dans sa réalité catholique, à la fois en étant implantée ici et là, et aussi par les liens de communion de chaque communauté avec les autres, de chaque Église avec les autres.
318 Inversement les Églises particulières ne peuvent exister authentiquement que dans leur pleine relation avec l'Église universelle dont elles sont, en un lieu déterminé, la figure et la réalisation. Cette relation implique la communion de chacune des Églises particulières avec les autres Églises et d'abord avec l'Église de Rome. Au service de l'Église universelle, le successeur de Pierre "préside à la charité". Par son ministère apostolique, il assure la cohésion de la foi et la communion entre les Églises particulières.
"Dans l'exercice de sa charge de Pasteur suprême de l'Église, le pontife romain est toujours en lien de communion avec les autres évêques ainsi qu'avec l'Église tout entière; il a cependant le droit, selon les besoins de l'Église, de déterminer la façon personnelle ou collégiale d'exercer cette charge" (CIC 333). La communion des Églises se noue ainsi toujours autour du pape, l'évêque de Rome, qui "garantit les légitimes diversités et veille en même temps à ce que, loin de porter préjudice à l'unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables" (LG 13).
319 Plus habituellement, plutôt que "d'Église particulière" on parle d'Église diocésaine ou de diocèse. "Un diocèse est une portion du peuple de Dieu confiée à un évêque pour qu'avec l'aide de son presbyterium, il en soit le pasteur: ainsi le diocèse, lié à son pasteur et par lui rassemblé dans le Saint Esprit, grâce à l'Évangile et à l'eucharistie, constitue une Église particulière en laquelle est vraiment présente et agissante l'Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique" (CD 11).
Dans le cadre du diocèse, et donc de l'Église universelle, existent divers types de communautés ecclésiales plus restreintes. Dans ces communautés unies à leurs pasteurs, souvent petites et pauvres et éloignées les unes des autres (cf. LG 26), le Christ est présent; il y construit son Église une, sainte, catholique et apostolique.
Parmi ces communautés il faut mentionner spécialement la paroisse, communauté de fidèles, cellule de l'Église particulière, qui "rassemble dans l'unité tout ce qui se trouve en elle de diversités humaines et les insère dans l'universalité de l'Église "(AA 10).
Catéchisme France 290