Catéchisme France 409


L'eucharistie

410 L'eucharistie est le troisième sacrement de l'initiation chrétienne. Elle en est l'accomplissement. Dans le cas d'un baptême d'adulte, la liturgie la situe immédiatement après le baptême et la confirmation L'unité des trois sacrements de l'initiation chrétienne alors mieux signifiée puisqu'une même célébration les réunit.

Les Églises d'Orient ont conservé cette unité visible de l'initiation. Les trois sacrements y sont donnés dans la même célébration, par le prêtre généralement. En Occident, la confirmation des petits enfants, réservée à l'évêque, a été le plus souvent séparée de leur baptême et de leur première communion. Puis la confirmation et la première communion ont été précédées; d'une préparation en vue d'une participation plus consciente. En France actuellement, la confirmation est généralement conférée à l'entrée de l'adolescence, alors que l'eucharistie a été reçue quelques années plus tôt.

L'eucharistie est le "sacrement des sacrements", le "Saint Sacrement". Elle rend réellement présent l'auteur même de la dans le don qu'il fait de sa propre vie sur la croix. C'est pourquoi "tous les autres sont ordonnés à ce sacrement comme à leur fin" (saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, III 65,3).

Située au coeur de l'Église, elle est pour celle-ci l'objet d'un soin jaloux: toucher à l'eucharistie, c'est toucher au Christ et toucher ainsi à l'unité de cette Église.


Le pain de la vie

411 Depuis les origines, l'homme cherche la nourriture de la vie véritable.

Israël, au désert, risquait de mourir de faim. Le Seigneur l'avait alors gratifié d'une nourriture mystérieuse, la manne, venant du ciel, chaque jour renouvelée (cf.
Ex 16). Cependant le peuple s'était lassé de ce "pain de misère". Il attendait confusément une autre nourriture et un autre repas.

Après avoir multiplié les pains pour nourrir une foule désemparée, Jésus se réfère à ce signe de la manne pour faire entendre qu'il est le vrai "pain de la vie" (Jn 6,35). Il l'est dans le don de sa Parole qui nourrit et de sa vie offerte en sacrifice: "Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. [...] Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, nous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson" (Jn 6,51-55).

Le pain consacré est destiné à être mangé et le vin consacré à être bu. La vie que Jésus propose dans cette nourriture est une vie réellement donnée. Une vie qui ressuscite et fait vivre par le don qu'à son tour elle suscite.


Testament de Jésus

412 Le don qu'évoque Jésus dans son discours sur le pain de vie est pleinement réalisé sur la croix.

"La veille de sa passion", au cours de la dernière Cène à laquelle il a convié ses disciples, il célèbre l'Alliance nouvelle et éternelle. Il fait connaître et livre son "Testament": un Testament fait du don de son corps et de son sang, laissés en nourriture et en boisson. "Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le partagea et le leur donna, en disant: Prenez, ceci est mon corps. Puis, prenant la coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit: "Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude" (
Mc 14,22-24).

413 Dans la Cène, à l'heure de passer de ce monde à son Père, Jésus vit pleinement, ressaisit et conduit à son accomplissement toute l'histoire de l'Alliance.

Cette histoire va de l'offrande "d'Abel le juste", en passant par le sacrifice d'Abraham, puis par le mystérieux rite du pain et du vin accompli par le grand prêtre Melchisédech (cf. prière eucharistique 1), jusqu'au vin des noces de Cana, à la multiplication des pains et aux repas de réconciliation partagés par Jésus, pendant sa vie publique, avec les pécheurs.

Jésus révèle et déploie en même temps la signification attachée au don de sa vie en forme de nourriture. Ce don, ce "Testament" est à la fois le pain qui est son corps et le vin qui est son sang. Il est aussi expression de son désir le plus profond: "Je vous donne un commandement nouveau: c'est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres" (
Jn 13,34), déclare Jésus après avoir lavé les pieds de ses disciples.

414 Mes frères, ces mystères
portent le nom de "sacrements",
parce que l'apparence ne correspond pas
à leur réalité profonde.
Que voit-on? Un objet matériel.
Mais l'esprit y discerne une grâce spirituelle. Veux-tu comprendre ce qu'est le corps du Christ?
Écoute l'Apôtre dire aux fidèles:
Vous êtes le corps du Christ et ses membres.
Si donc vous êtes le corps du Christ et ses membres,
c'est votre propre symbole
qui repose sur la table du Seigneur.
C'est votre propre symbole que vous recevez.
A ce que vous êtes, vous répondez: "Amen",
et cette réponse est votre adhésion.
Tu entends: "Le corps du Christ", et tu réponds: "Amen." Sois un membre du corps du Christ
afin que ton "Amen" soit vrai.
Augustin, évêque d'Hippone (Afrique du Nord), mort en 430.


Sacrement de la Pâque de Jésus, célébrée dans l'Église

415 Les évangiles soulignent le lien entre l'institution de l'eucharistie et la célébration de la Pâque (cf. Mt 26,17-19 Mc 14,12-16 Lc 22,7-13).

L'eucharistie est le sacrement qui rend présente à l'Église et aux croyants la Pâque de Jésus. L'Église, en célébrant l'eucharistie, "fait mémoire" de lui et de son sacrifice (cf. Lc 22,19). L'eucharistie est le "mémorial" de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur: Jésus est l'Agneau pascal, "l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde" (Jn 1,29).


Oeuvre de l'Esprit

416 Mais le mémorial eucharistique est tout autre qu'une "cérémonie du souvenir", qu'une minute de silence pendant laquelle chacun évoque le passé. Il s'agit d'une mémoire vivante et efficace qui rend actuel le sacrifice pascal du Christ Jésus. C'est là l'oeuvre de l'Esprit qui rend présent celui dont nous faisons mémoire.

Après la Cène, Jésus promet à ses disciples l'envoi de l'Esprit Saint: "Le Père l'enverra en mon nom, [...] et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit" (
Jn 14,26). L'Esprit ne cesse d'actualiser, autrement dit de faire passer dans l'actualité de l'Église, le sacrifice de Jésus et la Rédemption qu'il a opérée "une fois pour toutes" (He 9,12). C'est pourquoi le prêtre, à la messe (prières eucharistiques II, III, IV), demande d'abord au Père d'envoyer son Esprit Saint sur le pain et sur le vin pour qu'ils deviennent le corps et le sang du Christ, "dans la célébration de ce grand mystère, que lui-même nous a laissé en signe de l'Alliance éternelle". Après la consécration, le prêtre implore à nouveau la venue de ce même Esprit sur "tous ceux qui vont partager ce pain et boire à cette coupe", pour qu'ils soient "rassemblés en un seul corps" et "qu'ils soient eux-mêmes une vivante offrande à la louange de sa gloire" (cf prière eucharistique IV).

417 Le mémorial eucharistique réalise la présence du Christ, à la fois comme Rédempteur s'offrant à son Père et comme nourriture pour tous les membres de son Église.

L'Église emploie des mots spécifiques pour parler de l'action eucharistique. Le mot anamnèse désigne la mémoire que nous faisons, par l'action sacramentelle elle-même, de la passion, de la mort, de la résurrection et de l'ascension du Christ, dans l'attente de son retour. L'anamnèse est l'action sacramentelle qui, en signifiant ces mystères dans la consécration du pain et du vin, mous apporte leur puissance de salut. Le mot épiclèse définit la double demande de la venue de l'Esprit Saint, sur le pain et sur le vin, puis sur l'assemblée. Comme à l'Annonciation l'Esprit a donné au monde le Sauveur clans le sein de Marie, ce même Esprit agit ainsi mystérieusement pour donner sacramentellement au monde le Christ, par l'Église.

Sous l'action de l'Esprit Saint promis à l'Eglise, par les rôles du Christ que prononce le prêtre, agissant "dans la personne du Christ", le pain et le vin deviennent véritablement le corps le sang du Christ. Tout en gardant leur apparence ordinaire, ils ne sont plus du pain et du vin mais le Seigneur glorifié, invisiblement mais réellement présent. Ce changement accompli par la puissance de Dieu, l'Église l'appelle transsubstantiation (cf. concile de Trente,
DS 1642 FC 739). Le mot ne prétend pas expliquer ce qui demeure "le mystère de la foi", mais affirmer que, grâce à cette "conversion de toute la substance du pain", le Christ est vraiment et réellement présent et se donne en nourriture.

418 L'eucharistie n'est pas un simple signe rappelant la fidélité du Christ. Lui, la Parole créatrice et vivante du Père, transforme en "pain de la vie" et en "vin du royaume éternel" ces éléments de notre terre, fruit de la création et du travail de l'homme. Le Fils de Dieu a la puissance d'accomplir ce qu'il dit lorsqu'il affirme: "Ceci est mon corps"; "Ceci est mon sang". C'est pourquoi nous accueillons dans la foi le sacrement de son corps "livré pour nous" et de son sang "répandu pour la multitude". L'eucharistie n'est pas une évocation de sa venue sous la forme d'un pain qui resterait du pain. Elle est présence réelle et substantielle du corps et du sang du Christ maintenant glorifié.

La présence de Jésus ainsi réalisée n'est pas celle des jours de sa vie sur la terre. C'est sa présence de Seigneur glorieux et ressuscité: une présence d'ordre sacramentel mais qui n'en est pas moins réelle; une présence pour nous, qui sommes en chemin aujourd'hui; une nourriture pour pèlerins; une présence efficace qui nous fait communier réellement à sa mort et à sa résurrection.


Offerte en sacrifice de communion et de louange

419 L'eucharistie est étroitement liée au sacrifice de la croix, puisque le pain y devient le "corps livré" et le vin le "sang versé". L'eucharistie est la représentation et l'offrande sacramentelles du sacrifice de la croix.

La Tradition chrétienne a emprunté le mot sacrifice au langage de l'Ancien Testament. Il rappelle les multiples sacrifices de la première Alliance. Le prêtre sacrificateur, préposé au culte, immolait alors des animaux. Le sang répandu signifiait l'Alliance entre Dieu et les hommes. Il demeurait incapable de la réaliser. Le Christ, lui, est l'unique prêtre de la Nouvelle Alliance. Et c'est sa propre vie qu'il a consacrée et offerte au Père. Il en a fait une réalité sainte pour la rémission de tous les péchés. Le mot sacrifice le rappelle. Sacrifier une réalité, c'est en faire une chose sainte, consacrée, sanctifiée. L'eucharistie nous invite à faire librement de toute notre existence une réalité sainte, consacrée à l'amour de Dieu et des autres.

Que l'on puisse parler du sacrifice eucharistique ne veut pas dire que l'eucharistie constitue un sacrifice nouveau, indépendant, qui viendrait s'ajouter ou se substituer au sacrifice de la croix. L'unique sacrifice du Christ est actualisé et rendu sacramentellement présent dans l'eucharistie. A la Cène, Jésus consentait déjà à son sacrifice, anticipant, par ses paroles et ses gestes, l'événement pascal. De même, dans l'eucharistie de l'Église le pain et le vin deviennent le sacrement de la présence du Christ, son corps et son sang, dans l'acte même par lequel il s'offre en sacrifice pour le salut des hommes.

"Dans ce divin sacrifice qui s'accomplit à la messe, le même Christ est contenu et immolé de manière non sanglante [...]. C'est une seule et même victime, c'est le même qui s'offre maintenant par le ministère des prêtres, qui s'est offert lui-même sur la croix; seule la manière d'offrir diffère" (concile de Trente,
DS 1743 FC 768). "Comme sa mort ne devait pas mettre fin à son sacerdoce, à la dernière Cène, la nuit où il fut livré, il voulut laisser à l'Église, son épouse bien-aimée, un sacrifice visible comme le réclame la nature humaine" (concile de Trente, DS 1740 FC 766).

420 Dans son sacrifice, Jésus accomplit les significations variées des divers sacrifices de la première Alliance. Ces significations doivent être prises en compte si l'on veut saisir la richesse du sacrifice eucharistique.

L'eucharistie est sacrifice de louange et d'action de grâce. Le mot même d'eucharistie le dit expressément. La "prière eucharistique" est une longue action de grâce rendue au Père par le Fils dans l'Esprit.

L'eucharistie est en même temps un sacrifice d'expiation et de propitiation pour les péchés. "Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés" (
Mt 26,28). Celui qui participe à l'eucharistie reçoit le pardon de ses fautes quotidiennes ou vénielles. Il reçoit la force de lutter pour éviter les fautes graves. Le sacrifice de la messe est également célébré à l'intention des défunts pour le pardon des péchés qu'ils ont commis durant leur existence terrestre.

L'eucharistie concerne tous ceux qui appartiennent à la "communion des saints". Elle est sacrifice d'intercession pour les vivants et pour les morts. Dans l'eucharistie, le Christ intercède pour tous ceux qui ne sont pas encore entrés dans la gloire de Dieu.

L'eucharistie est sacrifice de communion. Pour ceux qui participent au repas de l'Alliance, l'eucharistie traduit et réalise la communion avec Dieu et entre eux. Sacrifice de communion, l'eucharistie est, au sens fort, communion au sacrifice du Christ. C'est déjà cela qui scandalisait les juifs: "Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger?" (Jn 6,52). Jésus les appelle à dépasser leur vue trop charnelle pour accéder à la réalité spirituelle que dévoilent ses paroles et ses gestes. "C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie" (Jn 6,63).

421 Les fidèles sont tenus de communier au moins une fois l'an au cours du temps pascal. Ils sont tenus de participer à l'eucharistie dominicale, en écoutant la Parole de Dieu et en s'associant à la prière de l'Église. La même exigence vaut à l'égard de ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas être admis à la communion (cf. CIC 915-916).

Avant de communier à la Table du Seigneur, le fidèle doit "s'examiner". Est-ce bien le Seigneur qu'il a conscience de recevoir? Pour quelles raisons va-t-il communier: routine, désir de faire comme le reste de l'assemblée, ou décision de s'unir très profondément à son Seigneur et à ses frères? La vie qu'il mène est-elle en harmonie avec la communion au Christ? S'il a conscience d'avoir commis un péché grave, il doit rentrer en grâce avec Dieu en sollicitant d'abord le sacrement de la réconciliation ou, si ce n'est vraiment pas possible, au moins en revenant vers lui par un acte de contrition parfaite qui inclut la résolution de se confesser au plus tôt (cf. CIC 916). "Celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement se rendra coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun s'éprouve soi-même, avant de manger ce pain et de boire cette coupe; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur mange et boit sa propre condamnation" (1Co 11,27-29).

422 Le Christ a voulu rendre présent à son Église son sacrifice pour la faire vivre de sa charité et de l'Esprit d'amour qui l'unit au Père, pour nourrir en chaque croyant la vie divine. Sacrement du sacrifice de Jésus Christ, l'eucharistie est aussi sacrifice de l'Église, Corps du Christ. "Que l'Esprit Saint fasse de nous, demande-t-on dans la troisième prière eucharistique, une éternelle offrande à ta gloire." Elle est aussi pour chacun exigence et soutien d'une existence appelée à être tout entière sacrificielle: "Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu: c'est là pour vous l'adoration véritable" (1 Rm 12,1). L'eucharistie est ainsi "source et sommet de toute la vie chrétienne" (LG 11).

La participation du croyant au mystère eucharistique ne s'arrête pas avec la célébration de la messe. Après celle-ci "l'unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel [...] demeure présente [...] dans le Saint-Sacrement qui est, au tabernacle, le coeur vivant de chacune de nos églises" (Credo de Paul VI). Le pain consacré, conservé après la messe (la "réserve" eucharistique), était avant tout, dans la pratique ancienne de l'Église, destiné à être porté aux malades. Cette destination demeure.

Mais la présence du Christ dans le Saint-Sacrement garde son sens indépendamment de la communion aux malades. Celui qui prie en présence du Saint-Sacrement exprime son désir de communier plus intensément à la personne du Christ et à son mystère pascal. Cependant, il est important de se rappeler que c'est toujours en référence au sacrifice de la messe et à la communion que l'adoration eucharistique, sous le mode de l'exposition ou de la procession du Saint-Sacrement, ou simplement devant le tabernacle, trouve tout son sens.


L'assemblée, la Parole et le Pain

423 La célébration de l'eucharistie comporte toujours comme partie constitutive, à côté de la liturgie eucharistique, une liturgie la Parole de Dieu. Ces deux parties de la célébration sont "si étroitement unies entre elles qu'elles constituent un seul acte culte" (SC 56).

La liturgie de la Parole est précédée par un rite pénitentiel qui ouvre le coeur à Dieu. C'est comme si les chrétiens rassemblés s'entendaient dire: "Aujourd'hui, ne fermez pas votre coeur, mais écoutez la voix du Seigneur." Après l'acclamation joyeuse du Gloria, des textes bibliques sont lus, un psaume est chanté; ces textes préparent à l'écoute de l'Évangile, sommet de cette liturgie, proclamé par le prêtre ou le diacre. Après un temps de méditation et d'assimilation, favorisé par l'homélie ou le silence, l'assemblée donne son adhésion en proclamant, le dimanche et les jours de fête, la foi de l'Église et on s'unissant à sa prière pour le monde.

424 La liturgie eucharistique se compose d'un rite de préparation du pain et du vin qui vont être offerts, puis de la grande prière eucharistique, introduite par la préface. L'Esprit Saint est invoqué pour que le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ: c'est l'épiclèse. Le prêtre prononce alors les paroles consécratoires: "Au moment d'être livré et d'entrer librement clans sa passion, il prit le pain, il rendit grâce, il le rompit et le donna à ses disciples, en disant: Prenez, et mangez-en tous, ceci est mon corps livré pour vous. De même, à la fin du repas, il prit la coupe; de nouveau il rendit grâce et la donna à ses disciples, en disant: Prenez, et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi (prière eucharistique II) ." Vient alors l'anamnèse: l'assemblée d'abord reconnaît et acclame le Christ présent en son mystère pascal, puis le prêtre, faisant mémoire de ce mystère, présente au Père l'offrande de Jésus. Le prêtre demande ensuite que l'assemblée tout entière soit transformée par l'Esprit Saint en un seul corps pour devenir dans le Christ une vivante offrande à la louange du Père: c'est l'épiclèse sur le peuple de Dieu. Puis, après les intercessions et les demandes pour l'Église, pour les vivants et pour les morts, vient la doxologie, c'est-à-dire la grande acclamation à la gloire de Dieu à laquelle l'assemblée répond par son "Amen": "Par lui [le Christ], avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen." On parvient alors aux rites de commun on, qui commencent par la récitation commune du Notre Père.

Les croyants rassemblés sont envoyés pour vivre ce qu'ils ont entendu, compris et reçu, en communiant à leur Seigneur.

425 Notre Père qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd'hui
notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation,
mais délivre-nous du Mal.
Car c'est à toi qu'appartiennent
le règne, la puissance et la gloire
pour les siècles des siècles.
Amen!

A la messe, l'Église se rassemble. Par là, elle dit ce qu'elle est: "assemblée convoquée" (c'est le sens même du mot Eglise). Elle se rassemble pour entendre la Parole et faire, en mémoire du Seigneur, ce qu'il lui a dit de faire avant de mourir. "L'Église fait l'eucharistie." Mais, quand lui est donné, par l'Esprit Saint qu'elle demande au Père, le corps eucharistique de Jésus, c'est pour qu'elle soit son corps ecclésial. "L'Église fait l'eucharistie et l'eucharistie fait l'Église."


"Jusqu'à ce qu'il vienne"

426 Mémorial de la mort et de la résurrection du Christ, sacrement de sa présence parmi nous et de son sacrifice rédempteur, l'eucharistie est, pour les croyants, nourriture de la route, tandis qu'ils cheminent encore "loin du Seigneur" (2Co 5,6) et cela jusqu'à la dernière étape, comme le suggère le nom de viatique. Ce mot désigne la communion donnée aux mourants: c'est la nourriture de la Pâque ultime, du passage vers le Père. Mais pour tous, l'eucharistie est "remède d'immortalité" (saint Ignace d'Antioche), sacrement de la vie éternelle. Elle transforme ceux qui s'en nourrissent, pour qu'ils deviennent ce qu'ils célèbrent et reçoivent. En effet, selon la formule de saint Jean Chrysostome, "l'eucharistie ne sera jamais achevée tant que nous ne serons pas devenus nous-mêmes eucharistie", entrés définitivement dans le royaume de Dieu.

427 L'eucharistie est la source de la vie chrétienne. Elle maintient vivante l'espérance de la pleine réalisation de ce qu'elle signifie et produit. Elle commence à rendre présent dès maintenant le monde nouveau. Au sein même d'un monde divisé, traversé par tant de haines, "le Repas du Seigneur" (1Co 11,20) rassemble dans l'unité des hommes et des femmes qui s'ignoraient et peut-être se rejetaient. Au milieu des obscurités et des épreuves, l'eucharistie soutient l'attente ardente du Seigneur ressuscité, "jusqu'à ce qu'il vienne".

Elle demeure au coeur de la mission, tout ensemble source et aboutissement de l'évangélisation. Loin d'en détourner, elle la réalise. Elle est signe d'une Église vivant de la Bonne Nouvelle.


L'eucharistie du dimanche

428 Dans l'ensemble de ces perspectives, on perçoit mieux l'importance de la célébration eucharistique du dimanche ("jour du Seigneur"). L'eucharistie, où "s'exerce l'oeuvre de notre rédemption", réalise singulièrement ce que le concile Vatican II dit de la liturgie, qui "contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église" (SC 2). C'est pour cela que l'Église fait une obligation grave aux fidèles de participer à la célébration eucharistique dominicale et qu'elle insiste pour que leur participation soit consciente et active. On comprend cette recommandation que l'on trouve déjà dans un document du début du IIIème siècle: "Qu'il [le peuple] se réunisse et que personne ne diminue l'Église en n'allant pas à l'assemblée et ne prive d'un membre le corps du Christ" (Didascalie des apôtres, 59, 1).

Dans les lieux où, faute de prêtre disponible, il est impossible de célébrer l'eucharistie chaque dimanche, l'Église recommande que la communauté chrétienne locale célèbre cependant le jour du Seigneur, notamment en se rassemblant pour une célébration de la Parole de Dieu et, selon l'opportunité, par la communion eucharistique.

Le partage de la Parole et du pain eucharistique engage les croyants à se faire des hommes de partage. La quête, mieux désignée par le nom de "collecte", est le signe de ce partage réel des biens et de cette entraide, qui tenaient une si grande place dans l'Église primitive (cf. Ac 2,44 et suiv.; Ac 11,29-30 1Co 16,1-4).



Le sacrement de pénitence et de réconciliation

L'oeuvre divine de réconciliation

429 La vie sainte dans laquelle introduisent les sacrements de l'initiation chrétienne continue d'être entretenue et structurée, non seulement par l'eucharistie, mais aussi par un certain nombre d'autres sacrements, parmi lesquels celui de la pénitence et de la réconciliation, destiné au rétablissement de l'amitié avec Dieu, détruite ou entachée par le péché.

Pendant sa vie terrestre, Jésus accueille les pécheurs et pardonne leurs péchés. Il parle et ceux qui accueillent sa Parole se convertissent. Il les invite à devenir "adorateurs du Père en esprit et en vérité". Il scelle la Nouvelle Alliance en versant son sang "en rémission des péchés" (
Mt 26,28). Ressuscité, le Christ envoie l'Esprit Saint sur les apôtres. Il leur donne mission et pouvoir de remettre les péchés: "Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis" (Jn 20,23). Ainsi les apôtres sont envoyés pour continuer son oeuvre de réconciliation et de réhabilitation de l'homme. "Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation" (2Co 5,18).

430 L'histoire d'Israël a été, elle aussi, l'histoire du pardon de Dieu toujours offert et toujours renouvelé alors que le peuple, lui, multiplie les infidélités à l'Alliance. Il se laisse séduire par le culte du veau d'or. Il se livre à la persécution des justes, des faibles ou des émigrés. Dieu, lui, demeure fidèle. Quels que soient les refus de l'homme, il ne cesse de rappeler son amour. Il cherche à toucher le coeur du peuple infidèle. Il lui envoie des prophètes. Ceux-ci dénoncent avec vigueur les comportements mauvais aussi bien du peuple tout entier que de ses rois ou de ses prêtres. Ils les invitent à reconnaître leurs fautes, à se détourner du mal et à revenir à Dieu et à l'Alliance. Dieu conduit son peuple au désert ou en exil. Il lui demande, en l'appelant "épouse infidèle", de raviver son amour de "fiancée" (cf. Os 2-3 Ez 16). Il annonce enfin une Nouvelle Alliance. Ce sera celle d'un peuple réconcilié avec son Dieu, porteur de paix en lui-même et pour le monde entier (cf. Jr 31,31 et suiv.; Ez 16,60 et suiv.).

431 Cette Nouvelle Alliance est effectivement réalisée par le don que Dieu fait de son propre Fils, venu "chercher et sauver ce qui était perdu" (Lc 19,10). "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé" (Jn 3,16-17).

A cet effet Jésus, par l'Esprit Saint, confère à de simples hommes, les apôtres, et après eux les évêques et les prêtres, qui sont eux-mêmes pécheurs, le pouvoir de remettre les péchés par son autorité.


La réconciliation: un long itinéraire

432 La rémission des péchés, proclamée dans le Credo, est d'abord et fondamentalement l'oeuvre du baptême. Il inaugure la Vie nouvelle des fils de Dieu, arrachés au péché et à son monde de perdition.

Mais les disciples et les apôtres, illuminés par la vie nouvelle qu'ils venaient de découvrir, l'ont toujours su: les chrétiens demeurent des hommes fragiles et pécheurs.

Dès les premiers temps de l'Église, certains baptisés ont abandonné la foi, renié leur Seigneur (apostasie) ou commis des actes gravement contraires à l'amour de Dieu ou à l'amour des autres: homicide, adultère, faux témoignages ou injustices aux conséquences meurtrières. Ils se sont mis en état de rupture avec Dieu et avec l'Église. L'apôtre Jean leur rappelle qu'ils ne sont pas abandonnés dans leur faiblesse. Il écrit dans sa première lettre: "Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché. Mais, si l'un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père: Jésus Christ, le juste" (
1Jn 2,1).

433 L'Église les invite alors à vivre ce que l'Évangile enseigne pour se disposer à la réconciliation avec Dieu. Jésus, en effet, a laissé à ses disciples le tracé de tout un itinéraire de réconciliation: "Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l'affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l'Église; s'il refuse encore d'écouter l'Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis: tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel" (Mt 18,15-18).

En réponse à l'appel de Jésus, l'Église tout entière s'engage dans cette aide au "retour vers Dieu" des pécheurs qui sont ses membres.

Elle organise un ensemble de démarches fraternelles, de prières et d'actes de conversion. Elle propose au pécheur jeûne, aumônes, correction fraternelle dans le sens des recommandations de Jésus, appels à la miséricorde de Dieu, dont les psaumes sont remplis. S'il s'y engage, le chrétien ne cesse de rechercher, sous l'impulsion de la grâce, le pardon de ses péchés et le rétablissement de la paix. Il se remet à vivre selon l'Alliance. Il laisse l'Esprit de Dieu opérer en lui une oeuvre de retournement et de conversion.


La réconciliation, oeuvre du Christ confiée à l'Église

434 Au coeur de ces démarches le sacrement destiné à ceux qui, après le baptême, se sont écartés du chemin de vie, opère le pardon et la réconciliation.

L'évêque, le jeudi saint, prononçait l'absolution personnelle sur le chrétien pénitent. Il le réconciliait avec l'Église et lui ouvrait l'accès à la communion eucharistique.

Durant les six premiers siècles, l'Église réserve le sacrement aux pêcheurs coupables de fautes particulièrement graves, telles que l'apostasie, le meurtre ou l'adultère. Mais à tous les baptisés, quotidiennement pécheurs, l'Église enseigne que Dieu pardonne sans délai leurs fautes légères, Pour qu'il en soit ainsi, certaines conditions s'imposent. Elle leur demande de reconnaître ces fautes en vérité. Elle les invite à rester proches de Dieu par la prière quotidienne, spécialement celle du Notre Père. Elle leur indique les voies quotidiennes d'un authentique pardon: la réconciliation accordée aux frères, l'aide apportée à leur retour avec Dieu, l'aumône et le partage des biens, la visite des malades et des prisonniers, le jeûne, l'affliction du coeur et l'humilité, et surtout la charité et la foi vécues avec le plus d'intensité possible. Dans la Tradition de l'Église, les voies de la sanctification sont aussi des voies du pardon pour toutes les fautes légères commises par faiblesse et manque de générosité (cf
RP 26). Et ceci demeure toujours vrai aujourd'hui.

Progressivement, à partir du VIème siècle, on assiste dans l'Église à la disparition de la longue préparation à la réconciliation sacramentelle. Sans doute est-elle devenue trop exigeante pour que beaucoup s'y engagent.

Guidée par l'expérience des moines, l'Église ouvre alors le sacrement de réconciliation à tous les fidèles, autant de fois qu'ils le désirent, quelle que soit la gravité des péchés dont ils demandent à être purifiés. Elle aménage l'ordre des démarches pénitentielles. Elle accorde l'absolution dès que le pécheur regrette ses fautes et les avoue humblement.

Le concile de Trente reconnaît et organise cette pratique sacramentelle du pardon et de la réconciliation pour toutes les fautes et autant de fois que le chrétien pénitent les confesse.

435 Dans la célébration du sacrement du pardon et de la réconciliation, le prêtre, ordonné par l'Église, agit comme ministre du Christ qui accueille et guérit. Il en appelle à Dieu le Père, qui a réalisé l'oeuvre de notre salut par le Christ et l'Esprit Saint, et agissant par le pouvoir qu'il tient du Christ, il prononce et communique l'absolution personnelle: "Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde; par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l'Esprit Saint pour la rémission des péchés: par le ministère de l'Église, qu'il vous donne le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés."

C'est le moment où Dieu, en réponse au pénitent, se rend présent à lui pour le réconcilier avec lui. Signe efficace de l'intervention du Père qui réconcilie ses fils par son Esprit, en considération de l'immense amour de son Fils unique.



Catéchisme France 409