Catéchisme France 527
528 Toute la vie de celui qui croit au Dieu et Père de Jésus Christ est transformée par la foi.
Don de Dieu, initiative du Seigneur, grâce, la foi est aussi réponse de l'homme qui engage son intelligence et sa liberté dans "l'obéissance de la foi" (Rm 1,5). Crucifiante, en nous mettant en face de nos limites, la foi est libératrice, puisqu'elle nous situe dans la vérité de notre condition d'hommes mortels, limités et pécheurs, mais pécheurs pardonnés, appelés à vivre de la vie de Dieu et à être coopérateurs du salut à notre tour.
La foi est don gratuit de Dieu. L'humilité et une certaine inclination du coeur vers la vérité qui nous dépasse (ce qui n'est point crédulité) nous disposent à l'accueillir: "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange: ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout petits" (Mt 11,25).
Aujourd'hui, beaucoup de gens perçoivent mal le domaine et les limites de la démarche scientifique, au moment où beaucoup de savants deviennent plus humbles: ils ne s'appellent plus des savants, mais des chercheurs. Les sciences de l'homme elles-mêmes commencent à reconnaître que l'homme est un mystère. C'est là déjà une ouverture à une réponse possible qui vient de plus loin que l'homme. L'intelligence de l'intelligence, c'est l'humilité, la capacité de reconnaître ses propres limites. Ceci n'est pas encore la foi, mais une préparation à l'accueil de la foi.
529 La foi est adhésion à la Parole de Dieu, déposée dans l'Écriture et confiée à l'Église. C'est pourquoi les chrétiens soucieux de vivre selon l'Évangile sont attentifs à l'enseignement de l'Église.
La foi, en tant que libre adhésion de l'intelligence de l'homme à Dieu qu'il ne voit pas, est le lieu d'un combat. Elle doit être nourrie par la Parole de Dieu, la prière, les sacrements et la vie chrétienne. Elle doit se cultiver. Acquérir une formation doctrinale, adaptée aux responsabilités exercées par chacun, est un devoir urgent face aux questions actuelles, aux possibles dérives morales et à la prolifération des sectes.
530 L'espérance est cette inclination du coeur par laquelle le Seigneur nous dispose à attendre avec confiance tout ce qu'il nous a promis. L'espérance est le dynamisme de la foi, projeté vers l'avenir. Elle rend confiants en la fidélité de Dieu à mettre en oeuvre ses promesses de vie.
Elle culmine dans l'abandon total au Père capable de retourner les situations les plus désespérées, comme il a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts. Abraham, le père des croyants, est aussi le père de ceux qui espèrent: "Il est notre père devant Dieu en qui il a cru, Dieu qui donne la vie aux morts et qui appelle à l'existence ce qui n'existait pas. Espérant contre toute espérance, il a cru, et ainsi il est devenu le père d'un grand nombre de peuples" (Rm 4,17-18).
L'espérance a porté les saints dans leurs épreuves et dans les obscurités de la foi. Elle a donné force aux martyrs d'hier. Elle permet à beaucoup de chrétiens de notre époque de rester fidèles, persuadés qu'ils sont de ce que dit saint Paul: "Aucun don spirituel ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui vous fera tenir solidement jusqu'au bout. [...] Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur" (1Co 1,79).
531 La foi et l'espérance sont ordonnées à la charité: "Ce qui demeure aujourd'hui, c'est la foi, l'espérance et la charité; mais la plus grande des trois, c'est la charité" (1Co 13,13). La racine de la vie chrétienne, c'est l'amour "car Dieu est Amour", et tout le reste s'efface devant l'amour. C'est pourquoi nous serons jugés sur l'amour.
Pour les Chrétiens, le coeur de la vie est inséparablement l'amour de Dieu et l'amour du prochain. L'Alliance ancienne soulignait déjà le rôle central de l'amour du peuple élu en réponse à l'amour gratuit de Dieu (cf. Dt 6,5). Le Christ ressuscité, après avoir scellé l'Alliance nouvelle dans son sang et donné sur la croix le signe du plus grand amour, répand dans nos coeurs l'amour de Dieu par le don de l'Esprit Saint (cf. Rm 5,5).
Depuis que, dans le sein de la Vierge Marie, Dieu s'est fait homme, rien ni personne ne pourra plus jamais nous séparer de Dieu. La vérité de l'amour de l'homme se trouve dans l'amour que Dieu a pour lui et dans sa réponse à cet amour. "Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu" (1Jn 4,7). Aimer Dieu véritablement, c'est aimer les hommes, ses frères.
532 Le Christ s'identifie aux membres de l'Église: "Je suis Jésus, celui que tu persécutes" (Ac 9,5), et même à tout homme quel qu'il soit: "Car j'avais faim, et vous m'avez donné à manger [...]. Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,35.49). Le lien indissoluble de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain est affirmé par Jésus lui-même, dans un dialogue avec un docteur de la Loi qui lui avait demandé quel était le plus grand commandement: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il! y a dans l'Écriture - dans la Loi et les Prophètes dépend de ces deux commandements" (Mt 22,37-40).
533 Il n'y a pas de vie morale chrétienne sans vie sacramentelle car les grandes composantes de la vie des baptisés (les dimensions pascale, ecclésiale et théologale) s'expriment dans les sacrements. Chaque sacrement en effet, selon sa grâce propre, associe le chrétien à la passion, à la mort et à la résurrection du Seigneur, l'enracine dans l'Église, déploie en lui la foi, l'espérance et la charité, et le renvoie à sa mission dans le monde.
La vie chrétienne consiste à grandir dans l'amour de Dieu et du prochain. Au légiste qui lui a redit le double commandement de l'amour, Jésus affirme: "Tu as bien répondu. Fais ainsi et tu auras la vie" (Lc 10,28). Le commandement de l'amour de Dieu et de celui de l'amour du frère qui lui est semblable - est le coeur de l'agir chrétien. L'amour s'exprime dans des actes concrets tout au long de la vie. Les commandements balisent les chemins de la croissance de l'homme dans l'amour. Plus encore qu'ils ne mettent en relief les transgressions, ils promettent l'aide de Dieu pour l'accomplissement de l'homme.
534 La Loi de Dieu est loi de sainteté, de liberté et d'amour. Elle ouvre aux hommes un chemin de vie.
En l'homme, cependant, elle se heurte à des obstacles. Le premier est la tentation. Lorsque le Christ, en nous apprenant à prier, nous fait demander "ne nous soumets pas à la tentation", il manifeste que, dans le quotidien de nos vies, nous rencontrons l'appel de Dieu, certes, mais aussi la séduction du Tentateur. En effet, le mot tentation, dans le Notre Père, ne se réfère pas seulement à la psychologie humaine, mais à celui qui veut faire tomber l'homme dans le péché comme il a tenté Jésus dans le désert. Être tenté, c'est subir la tentation du "Mauvais".
535 Pécher, c'est dire "non" à l'amour de Dieu et à ses commandements. C'est manquer de confiance en Dieu en cherchant son bonheur dans d'autres directions.
Avoir le sens du péché, c'est prendre conscience de ce refus de l'amour de Dieu lorsque nous posons certains actes contraires à sa volonté ou que nous en omettons d'autres qui lui sont conformes.
Chez certaines personnes, ce sens du péché peut être exagéré par suite d'un trouble maladif de la conscience. Elles peuvent alors éprouver un sentiment de culpabilité sans véritable objet. Chez d'autres, en revanche, il peut être atrophié par suite de troubles du même ordre. Mais, pour la plupart, la transgression des commandements de Dieu engendre inquiétude et remords, qui sont signe de l'existence du péché, appel à le reconnaître devant Dieu et à se convertir en faisant l'expérience de son pardon.
536 Tous les péchés offensent Dieu mais certains ne remettent pas fondamentalement en cause l'orientation d'une vie ouverte à Dieu et aux autres. On parle alors de Péchés véniels. Ceux-ci ne sont pourtant pas innocents: ils peuvent blesser l'homme et la communauté humaine.
D'autres péchés s'opposent en eux-mêmes gravement au bien de l'homme. On parle alors de "matière grave". Quand, dans de tels actes, l'homme ne s'engage pas totalement, par manque de liberté vraie et de connaissance, ses péchés demeurent alors véniels.
D'autres péchés traduisent un engagement conscient et voulu en matière grave. Ils sont alors considérés par l'Église comme des péchés mortels, car ils conduisent effectivement à la mort de la relation entre l'homme et le Dieu de Vie, fondement de toutes les autres relations de l'homme.
Jérémie traduit bien cette folie mortelle de l'homme qui se coupe de ses sources: "Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive, et ils se sont creusé des citernes: des citernes fissurées, qui ne retiennent pas l'eau!" (Jr 2,13).
Le péché revêt souvent aussi une dimension sociale, de bien des façons. Mais "ces cas de péché social sont le fruit, l'accumulation et la concentration de nombreux péchés personnels" (RP 16).
537 "Désobéissance" à Dieu à travers sa loi, le péché est une folie, une oeuvre de mort pour l'homme et la communauté humaine. En se détournant de son vrai bien, l'homme tend à s'autodétruire dans ce qu'il a de meilleur. Mal de l'homme, le péché est aussi offense à Dieu, atteint dans son image qu'est l'homme, quand celui-ci est blessé par d'autres ou par lui-même. Mais Dieu est atteint aussi directement dans son amour refusé, dans l'Alliance récusée. C'est pourquoi la Bible parle parfois du péché en termes d'adultère (cf. Os 2 Ez 16): l'essentiel se passe au niveau de l'amour renié. De fait, les péchés les plus graves sont ceux qui s'opposent directement à l'amour de Dieu et du prochain, d'abord l'oubli, puis le refus, et enfin la haine.
Aux confins de la tendresse insondable de Dieu et de la liberté de l'homme qui s'y refuse, le péché est un mystère. Il porte à l'extrême le tragique de la condition humaine. C'est seulement dans la contemplation de l'agonie, de la passion et de la croix du Christ qu'on peut en entrevoir la profondeur: "Le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés" (Mt 26,28) interdit de réduire le mystère du péché à un modeste incident de parcours.
538 Une approche de la condition humaine oublieuse de Dieu tend aujourd'hui à évacuer le péché de notre horizon, et cela de bien des manières. Ici l'homme devient un objet, le jouet de ses pulsions ou de son horoscope, il n'est plus un sujet responsable. Là il se disculpe par la tactique du bouc émissaire: le mal existe, mais c'est toujours l'autre, "le juif", "l'arabe", l'immigrant, etc. D'une manière ou d'une autre, dans cette perspective, l'essentiel est de libérer l'homme de sa culpabilité. Celui-ci y échoue parce qu'il méconnaît la profondeur mystérieuse du péché.
Ces manoeuvres ne peuvent empêcher le mal. Nos grands drames collectifs et personnels nous interdisent de passer sous silence nos responsabilités précises ou diffuses, personnelles ou collectives (cf. RP 16).
L'Église a pu accorder parfois trop de place à l'enfer dans sa prédication. Aujourd'hui, par réaction, on évacue trop souvent l'idée du jugement et le risque de la damnation. Ces réalités tiennent pourtant une grande place dans la Bible. Il ne s'agit pas seulement de thèmes littéraires.
539 A vrai dire, le repentir et l'aveu de sa misère ne sont possibles au chrétien que dans l'amour et la miséricorde qui président. à l'Alliance. Hors du champ de la tendresse de Dieu, l'homme ne peut assumer sa culpabilité. Il oscille entre une pseudo-innocence, la révolte ouverte et la désespérance, à moins d'ériger son désir en règle suprême, en décrétant que le mal est devenu le bien. Dans l'amour, au contraire, il est capable de faire la vérité, cette vérité qui rend libre (cf. Jn 8,32): "Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi" (Lc 15,18). Et là, il peut s'entendre dire: "Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus" (Jn 8,11).
Pour la Bible, le péché n'est jamais ni premier, ni dernier. La priorité est à la grâce, à l'amour prévenant et pardonnant. La dénonciation du péché ne va jamais sans l'annonce du pardon et d'une réconciliation possibles: "Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de tout ce qui nous oppose à lui" (1Jn 1,8-9).
540 Toujours donnée par le Seigneur à celui qui se repent, la réconciliation s'opère de bien des manières: "la charité couvre la multitude des péchés" (1P 4,8). La prière, le pardon, le partage, la dynamique même de la vie chrétienne restaurent nos relations avec le Seigneur et nos frères. Mais lorsque l'Alliance a été rompue par une faute grave, l'action du Christ qui réconcilie doit être célébrée dans le sacrement du pardon.
Dieu agit par les sacrements, mais ceux-ci n'enferment pas son action. Pourtant, le moyen ordinaire de la réconciliation, au moins pour les péchés graves, est la rencontre salutaire avec le Christ ressuscité dans le sacrement de la réconciliation. Réellement présent et agissant dans son Église, et très particulièrement dans les sacrements qu'il a institués, le Seigneur vient à notre rencontre par le ministère de ceux qu'il a consacrés pour cette oeuvre de vie. Dans le peuple de Dieu, la désaffection présente pour ce sacrement vient pour une part de la méconnaissance de la réalité profonde de l'amour divin tel qu'il se donne à nous à travers les gestes de miséricorde que sont les sacrements de l'Église. On ne peut pourtant pas faire appel au pardon du Seigneur si l'on néglige le chemin normal qu! 'il ouvre pour nous dans les sacrements.
541 L'acteur principal du sacrement de la réconciliation est le Christ lui-même présent par son ministre. Mais notre liberté engagée dans le péché doit s'engager aussi dans la réconciliation. La vérité de la démarche appelle un aveu authentique. C'est la raison pour laquelle l'Église catholique rappelle l'importance de l'aveu et de l'absolution personnels.
La vérité de la démarche appelle aussi le désir de réparer les torts causés. Jésus pardonne à Zachée et Zachée sent la nécessité de distribuer ce qu'il a pris injustement, et même bien plus.
Le sacrement de la réconciliation, comme toute la vie chrétienne, apporte salut et joie dans une libération onéreuse qui renvoie à la croix et à la résurrection. Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (cf. Rm 8,28), "même le péché", commente saint Augustin.
Le péché lui-même devient, à travers la voie royale de la miséricorde éprouvée, un lieu de la grâce: "Là où le péché s'était multiplié, la grâce a surabondé" (Rm 5,20). Et l'interminable procession des pardonnés, confus et heureux, proclame au long des siècles la felix culpa, l'heureuse faute: David, la pécheresse (cf. Lc 7,36-50), le "bon larron", Pierre, Augustin, Charles de Foucauld... Le chemin du pardon est le chemin de la joie véritable pour l'homme, le chemin de sa libération.
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543 Parfois les commandements sont formulés d'une manière négative: "Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d'adultère" (Ex 20,13-14). Le précepte est alors clair, mais le risque serait de se contenter d'un minimum. Des précisions ou des nuances vont parfois devoir s'imposer. En face de l'interdiction de tuer, ne peut-il pas y avoir des cas de légitime défense? Mais si l'on envisage des exceptions, la pointe du commandement ne va-t-elle vas s'émousser?
Certains commandements sont formulés de manière positive: "Honore ton père et ta mère" (Ex 20,12). Ici la porte est ouverte à l'infini. On peut ne pas savoir exprimer son amour ou mal l'exprimer; mais on n'aimera jamais trop. La voie de la sainteté est dégagée.
En réalité, il faut tenir les deux formulations: l'interdit comme limite à ne pas dépasser et l'appel comme invitation à aimer toujours davantage. De plus, les commandements sont formulés au futur, comme des promesses: si tu entends l'appel de Dieu, un jour tu arriveras à aimer, à respecter l'autre.
544 Voici le texte des commandements tel qu'on le lit dans le livre du Deutéronome (Dt 5,6-21):
Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage.
Tu n'auras pas d'autres dieux que moi.
Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. [...]
Tu n'invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal.
Observe le Sabbat comme un jour sacré, selon l'ordre du Seigneur ton Dieu. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est le jour du repos, Sabbat en l'honneur du Seigneur ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton boeuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l'immigré qui réside dans ta ville. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante se reposeront. Tu te souviendras que tu as été esclave au pays d'Égypte, et que le Seigneur ton Dieu t'en a fait sortir par la force de sa main et la vigueur de son bras. C'est pourquoi le Seigneur ton Dieu t'a commandé de célébrer le jour du Sabbat.
Honore ton père et ta mère comme te l'a commandé le Seigneur ton Dieu, afin d'avoir longue vie et bonheur sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu.
Tu ne commettras pas de meurtre.
Tu ne commettras pas d'adultère.
Tu ne commettras pas de vol.
Tu ne porteras pas de faux témoignages contre ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, tu ne désireras ni sa maison ni son champ, ni son serviteur ni sa servante, ni son boeuf ou son âne: rien de ce qui lui appartient.
545 Dieu est Dieu. Il est l'origine de tout. Il nous a créés. Ce n'est pas nous qui l'avons créé. Nous dépendons de lui et non l'inverse. Cette dépendance, cette origine, nous pouvons la vivre en un amour confiant ou dans une rébellion agressive. Dans une famille, un enfant confiant reconnaît tout ce qu'il doit à ses parents et se met à les aimer d'une manière de plus en plus désintéressée. Au contraire, un autre peut s'enfermer dans le refus, cultiver le soupçon et se mettre à haïr ses parents.
L'amour désintéressé de Dieu appelle une réponse aimante de notre part. Cette inclination du coeur est source de joie et de liberté. Elle correspond à la vérité de Dieu, notre Créateur et Père très aimant, qui nous envoie son Fils pour faire de nous ses enfants par le don de son Esprit. Elle correspond à notre vérité d'hommes et de femmes, créatures, fils et filles de Dieu. L'amour que Dieu nous porte suscite en nos coeurs le désir de Dieu, de le connaître et de l'aimer.
Cet appel nous entraîne à la reconnaissance étonnée de la grâce de Dieu, de sa tendresse et de sa grandeur. Sa toute-puissance, loin d'être ressentie par nous comme une menace, nous appelle au contraire à faire la vérité, à la reconnaître et à la proclamer joyeusement: " Tu es grand, Seigneur, éternellement. " Pour évacuer de nos coeurs la peur de sa puissance et de sa sainteté, il s'est fait faible, petit et vulnérable en Jésus. Par sa vulnérabilité, il nous manifeste sa tendresse et éveille la nôtre.
546 Jésus Christ nous révèle tout autre chose de Dieu et plaçant son Esprit au coeur de l'homme, il permet à chacun de se tourner vers Dieu en disant: "Père." Encore faut-il comprendre que Dieu, en se révélant comme Père, ne veut pas que nous soyons infantiles, mais que, adultes, nous vivions de sa grâce, qui nous établit "de sa race" (cf. Ac 17,28), "fils héritiers" (cf. Rm 8,17), sachant de quel amour nous sommes issus.
L'expérience de Dieu, que nous acquérons par grâce au long de notre relation avec lui, entraîne à le reconnaître comme Dieu à vouloir le servir, à accueillir dans l'action de grâce sa vérité de Dieu dans notre vérité d'hommes. Alors, adoration, louange et action ne font plus qu'un: "Nous te rendons grâce pour ton immense gloire", chantons-nous à la messe.
Ainsi l'adoration et l'amour sont intimement unis. L'adoration met davantage l'accent sur la vérité des êtres, sur la vérité de Dieu, reconnu comme Dieu, dans une distance. L'amour met davantage l'accent sur une proximité, sur la communion avec Dieu, sur la rencontre et le partage de son amour dans l'Esprit Saint. Mais les deux attitudes, l'amour et l'adoration, se rejoignent dans la louange de nos alléluia et de nos acclamations.
547 L'amour et l'adoration conduisent, sous la mouvance de l'Esprit, à servir Dieu et à le reconnaître pour ce qu'il est. Le second commandement demande le respect du Nom. Plus profondément que le refus des blasphèmes, des jurons, c'est le respect du mystère de Dieu lui-même qui est ici en jeu.
L'amour et l'adoration de Dieu exigent un dépouillement de soi-même. Peu à peu, si l'on refuse de faire place à Dieu, "les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie" (Lc 8,14) étouffent la Parole. L'homme en proie au "divertissement" oublie Dieu. Cet oubli est tragique: à la longue, coupé de sa source vivante, l'homme se déshumanise.
L'homme moderne, comme l'homme primitif, cède facilement à la tentation des idoles... L'argent, la réussite, le plaisir, le pouvoir sont des serviteurs utiles. Mais quand ils deviennent les maîtres, ils se transforment en idoles qui prennent la place du Dieu vivant et vrai, dans nos coeurs et dans nos civilisations (cf. Lc 8,14).
548 Le refus de Dieu, à notre époque, prend des formes diverses, depuis l'athéisme serein ou militant jusqu'à l'indifférence. Il arrive même que, par une mystérieuse hostilité vis-à-vis de Dieu (dans laquelle le croyant peut déceler la présence de l'Adversaire), des hommes et des femmes cultivent une véritable haine du Seigneur, de tout ce qui l'évoque et de tous ceux qui l'invoquent. Littérature, presse et films nous montrent parfois ce genre de dérision et de blasphème alors que d'autres oeuvres ouvrent sur le mystère de l'homme et de la vie spirituelle.
Il est donc important d'évangéliser la culture, les milieux et les mentalités pour que la référence à Dieu y trouve sa juste place et ne soit pas systématiquement écartée.
Mais ces refus, nous le savons, ont de multiples causes surestimation de la connaissance scientifique, révolte devant le scandale du mal, notamment les injustices et la souffrance des innocents, répulsion à l'égard de Dieu et de la religion rencontrés dans leurs caricatures.
549 Certaines oppositions, toutefois, peuvent être plus proches d'une véritable attitude religieuse que des conformismes sans âme. N'oublions pas non plus que les saints eux-mêmes ont connu la tentation de se révolter contre le scandale de la souffrance: "Cela ne m'étonne pas, Seigneur, que vous ayez si peu d'amis, à la manière dont vous les traitez", disait sainte Thérèse d'Avila. Et le concile Vatican II, dans son Message aux pauvres, aux malades, à tous ceux qui souffrent, ose nous dire: "Le Christ n'a pas supprimé la souffrance; il n'a même pas voulu en dévoiler entièrement le mystère; il l'a prise sur lui, et c'est assez pour que nous en comprenions tout le prix."
On doit donc se garder de juger ceux qui semblent refuser Dieu. L'indifférence et l'athéisme militant doivent nous trouver lucides sur le mal, mais humbles et respectueux des personnes. Le concile Vatican II souligne en même temps ce que peut être la responsabilité des chrétiens dans la genèse de l'athéisme: "Les croyants peuvent [y] avoir une part qui n'est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l'éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d'eux qu'ils voilent l'authentique visage de Dieu et de la religion plus qu'ils ne le révèlent" (GS 19).
550 Prières attitudes et comportements religieux
L'amour et l'adoration de Dieu se traduisent par des comportements appropriés. C'est ainsi que des hommes éprouvent le besoin d'exprimer à Dieu, comme ils le peuvent, qu'ils sont ses créatures.
Chrétiens, nous savons que le Dieu et Père de Jésus Christ nous aime, nous parle et nous écoute. Cette certitude est au coeur de notre vie chrétienne et de notre expérience de foi. Habités par l'Esprit, nous nous tournons vers le Père et nous l'appelons "Abba". Prière personnelle et prière liturgique scandent la vie chrétienne tout entière.
551 La prière est la respiration de l'âme. Elle consiste à se rendre attentif à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, à écouter sa Parole, à lui parler: passer du "il" au "tu". Elle se nourrit de la Parole de Dieu, des psaumes en particulier, des grandes prières de l'Église, des écrits des saints- et des cantiques populaires. La prière s'achève dans le silence du don et de l'accueil du Christ.
Mais prier, c'est aussi placer toute sa vie devant Dieu. Cela n'est possible que si certains moments sont donnés gratuitement à Dieu.
La prière est avant tout affaire du coeur. Mais elle prend normalement forme dans la prière vocale, parlée et chantée, dans les attitudes et gestes du corps qui expriment l'adoration, l'action de grâce, le repentir, la demande et l'abandon à Dieu.
Une redécouverte de la prière dans toutes ses dimensions se manifeste aujourd'hui. Des écoles de prière fleurissent un peu partout. Et de plus en plus de chrétiens éprouvent le besoin de faire des retraites et des récollections. C'est un signe de vitalité.
552 La redécouverte de l'intériorité ne risque-t-elle pas de détourner les fidèles de la construction du monde? L'expérience démontre le contraire: on ne peut pas prier en vérité sans s'attacher à réaliser la volonté de Dieu, à aider ses frères et à travailler à changer le monde. Inversement, le chrétien engagé dans le monde trouvera force et lumière dans la prière.
La prière a aussi une composante communautaire. Le Christ ressuscité se rend présent à la prière de ceux qu'il rassemble dans la foi: "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d'eux" (Mt 18,20).
553 Dieu et l'homme sont des personnes libres: aucun rite, aucune formule ne garantit la rencontre entre eux tant que n'existent pas la volonté et la possibilité de se rencontrer. Or cette volonté existe totalement dans le Christ qui vit "dans le sein du Père" (Jn 1,18). Il est le seul adorateur parfait du Père. Et toute vraie prière ne peut se faire que "par lui, avec lui et en lui" (doxologie finale de la prière eucharistique). Si, pour le chrétien, toute sa vie est le culte qu'il rend à Dieu, c'est dans la prière liturgique et plus précisément dans l'eucharistie que ce culte quotidien trouve "sa source et son sommet". La participation active de tous les membres du peuple de Dieu à la prière officielle de l'Église doit être, au-delà de l'obligation, une exigence de cette ch! arité fraternelle inséparable de l'adoration chrétienne. Elle manifeste le lien indissociable qui, pour les disciples du Seigneur, unit la vie du monde et le salut en Jésus Christ célébré par l'Église. "Pour l'accomplissement de cette grande oeuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s'associe toujours l'Église, son Épouse bien-aimée, qui l'invoque comme son Seigneur et qui passe par lui pour rendre son culte au Père éternel. [...] Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'oeuvre du Christ Prêtre et de son Corps qui est l'Église, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Église ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré" (SC 7).
554 L'année liturgique, qui structure le temps selon cette perspective chrétienne, constitue, pour les fidèles, une authentique école de la foi. "Chaque semaine, au jour qu'elle a appelé 'Jour du Seigneur', elle fait mémoire de la résurrection du Seigneur, qu'elle célèbre, encore une fois par an, en même temps que sa bienheureuse passion, par la grande solennité de Pâques. Et elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l'année, de l'Incarnation et la Nativité jusqu'à l'Ascension, jusqu'au jour de la Pentecôte, et jusqu'à l'attente de la bienheureuse espérance et de l'avènement du Seigneur" (SC 102).
555 L'eucharistie est le lieu de rencontre avec le Christ Sauveur: là, en attendant le banquet du Royaume, les chrétiens se rassemblent pour faire corps avec le Christ qui offre à son Père tout ce qu'il a été, ce qu'il est et ce qu'il sera, et le monde avec lui.
C'est pourquoi la "sanctification" du dimanche est capitale: elle appelle une rupture avec le travail de la semaine et le rythme habituel de nos occupations. L'homme a besoin du repos du dimanche, à la fois pour son équilibre personnel et familial et pour la prière du jour du Seigneur; c'est une exigence grave de l'amour et de la vie. Dès l'origine de l'Église, les chrétiens se sont voulus assidus "à la fraction du pain" (nom donné alors à l'eucharistie) chaque dimanche pour célébrer la résurrection du Christ, tous et chacun se sachant invités par Dieu à participer, dans l'adoration, au sacrifice et à la victoire du Christ.
556 Les enfants ont réellement leur place à la messe. A la maison, entourés des paroles et des gestes d'affection de leurs parents, ils s'éveillent à la parole et à la communication. De même, en participant à l'eucharistie, les jeunes baptisés sont peu à peu imprégnés de la Parole et des signes qui l'accompagnent: c'est la meilleure initiation à la foi et à la vie chrétienne.
Là où la célébration de l'eucharistie est impossible, faute d'un prêtre en mesure de la présider, une Assemblée dominicale en l'absence de prêtre (ADAP), ou mieux dans l'attente d'un prêtre, peut être envisagée, mais pour les communautés chrétiennes, cela reste un état de manque dans lequel doit s'approfondir le désir de l'eucharistie.
La composante ecclésiale de la foi éclaire aussi la question posée par beaucoup sur la "validité" de l'assistance à la messe retransmise par la télévision. Cette messe revêt une grande importance pour tous ceux qui, malades ou âgés, ne peuvent se joindre à l'assemblée. Pour d'autres, elle représente un des seuls liens avec l'Église. Mais il est clair que la foi du croyant s'exprime normalement par la participation à l'assemblée eucharistique. L'amour ne se contente pas de relations à distance: il cherche la rencontre quand elle est possible.
557 Pour vivre l'Alliance, l'Église, épouse du Christ, est soucieuse de participer activement à la prière perpétuelle que le Christ adresse à son Père. Elle demande aux évêques, prêtres et diacres, aux religieuses et religieux de célébrer "la liturgie des Heures" (autrefois, pour les prêtres, on parlait de "bréviaire" et beaucoup connaissaient la prière du soir, "les vêpres"); elle la propose aussi plus largement à tous les chrétiens. Cette "liturgie des Heures" est chantée, jour et nuit, dans les monastères.
Cette prière, qui appartient à tout le corps de l'Église, est composée de lectures bibliques et de psaumes. Elle rythme la journée et comporte l'office des lectures, la prière du matin "Laudes", la prière du milieu du jour, la prière du soir "Vêpres", et "Complies" au moment du coucher. Les psaumes représentent la prière de l'Ancien Testament par excellence et ont été utilisés par Jésus lui-même, seul ou avec ses disciples (cf. Mc 14,26).
Catéchisme France 527