Catéchisme France 589
589 Le devoir de défendre les autres s'étend aussi à la communauté nationale. Si un pays est injustement attaqué, il peut avoir le droit et même le devoir de se défendre. Et c'est la guerre. Celle-ci est un drame majeur. Mais la passivité et le défaitisme peuvent être une faute et conduire à perdre, à la fois, la paix, la guerre et l'honneur.
Cependant l'horreur de la guerre oblige à y voir seulement un ultime recours. Elle n'est licite que si les conditions du recours à la force, indiquées plus haut, sont remplies. Or la guerre moderne, en particulier la guerre ABC (atomique, bactériologique et chimique) exerce des ravages incommensurables. Jamais ne peuvent être justifiées les destructions massives de population.
590 Les principes classiques ont-ils encore cours dans ces conditions? Les moyens sont-ils encore proportionnés à la fin poursuivie, et le résultat escompté supérieur au coût (financier, politique et surtout humain)? L'incapacité pratique de limiter les effets d'un conflit nucléaire ou chimique rend la moralité du déclenchement d'une guerre plus que problématique, moralement. En effet, la guerre totale "est un crime contre Dieu et contre l'homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation" (GS 80). Cependant, dans l'état actuel des choses, le concile Vatican II n'a pas cru pouvoir condamner la possession et la fabrication d'armes proportionnée à la menace adverse pour la dissuader. C'est évidemment une situation extrême qui n'est acceptable que si! tou t est fait pour en sortir au plus tôt. "Dans les conditions actuelles, une dissuasion basée sur l'équilibre, non certes comme une fin en soi mais comme une étape sur la voie d'un désarmement progressif, peut encore être jugée comme moralement acceptable. Toutefois, Pour assurer la paix, il est indispensable de ne pas se contenter d'un minimum toujours grevé d'un réel danger d'explosion" (Jean-Paul II, message à l'ONU, juin 1982, no. 8).
On gagnera à relire ici les développements du Magistère sur ces questions complexes. Elles évoluent et demandent des mises au point périodiques, prévues d'ailleurs par le concile Vatican II (cf. GS 91). Aussi les fidèles soucieux d'éclairer leur conscience prêteront attention aux déclarations de Jean-Paul Il et des évêques sur ce problème (pour la France, on pourra consulter, par exemple, la déclaration des évêques de France, Gagner la paix, Lourdes 1983).
591 D'autres formes de violence apparaissent, qui appellent une condamnation sans équivoque. Par exemple le terrorisme. Certains voudraient le justifier comme étant la guerre imposée aux pauvres et aux minorités opprimées. Mais l'injustice radicale et la violence incontrôlée exercée sur des innocents le condamnent sans appel: la fin ne justifie pas les moyens, à supposer même que la cause soit bonne.
Le drame de la violence souligne le caractère raisonnable de la préférence systématique de l'Église pour les solutions négociées.
Si, normalement, les hommes, y compris les chrétiens, doivent, au titre de la justice, défendre leur pays, le caractère limite de la guerre moderne invite à reconnaître un statut légal aux objecteurs de conscience et aux non-violents authentiques: par leur témoignage critique, ils rappellent à tous la menace mortelle de la logique de la force, même légitime. Bien plus, certains d'entre eux veulent transmettre leur conviction qu'une défense non violente peut être aussi efficace qu'une défense armée. Leurs recherches sont à encourager. Cependant, pour que leur témoignage soit recevable, il faut qu'ils reconnaissent qu'une légitime défense est licite; il faut qu'ils acceptent aussi un service civil au nom de la solidarité nationale.
592 La course aux armements engendre une menace permanente. Son coût se double d'un scandale face au sous-développement et à la dette des pays du tiers monde. Aussi l'Église prône-t-elle le désarmement. Mais pas n'importe comment. Pour que celui-ci ne soit pas une prime à la violence d'agresseurs éventuels, l'Église rappelle que le désarmement doit être mutuel, progressif et contrôlé.
L'absence de guerre n'est pas la paix. L'Église, avec constance, rappelle qu'il ne peut y avoir de paix durable, tant à l'intérieur des pays qu'entre les nations, sans un effort permanent de vérité, de justice, de solidarité et de liberté (cf. Pacem in terris, 149). Ce sont là des composantes spirituelles qui doivent se traduire en actes et en institutions. L'humanité, mise en face des perspectives d'une guerre totale par sa capacité récente de détruire plusieurs fois la planète, doit avancer vers ce monde fraternel sous peine de s'auto-détruire.
C'est pourquoi tous les efforts doivent être faits pour réduire les grands déséquilibres mondiaux, pour dépasser les luttes idéologiques, pour soutenir et perfectionner les organisations internationales qui, malgré leurs déficiences, oeuvrent en ce sens (cf. GS 83 et suiv.)
Les chrétiens ne doivent pas oublier que la paix, fruit des efforts des hommes, est aussi, et plus encore, un don de Dieu et un signe de la venue du Royaume. C'est pourquoi ils n'oublieront jamais le rôle de la prière en cette grave affaire.
593 L'agressivité fait partie intégrante de l'homme. Il ne s'agit donc pas de la supprimer, mais d'en canaliser l'énergie au service de tous, et de l'évangéliser. Les anciens moralistes appelaient vertu de force la maîtrise de cette énergie.
En beaucoup de domaines, l'éducation morale des citoyens s'impose d'urgence. Elle a été souvent abandonnée, faute sans doute d'une conception commune de l'homme et faute de motivations éthiques et spirituelles. Mais une communauté humaine ne peut pas vivre longtemps sans un souffle spirituel. Il y a donc là une oeuvre à entreprendre. Celle-ci exigera beaucoup de temps et d'efforts.
594 "Il les créa homme et femme" (Gn 1,27). La différence sexuelle apparaît comme au sommet de la Création. L'émerveillement d'Adam devant Ève (cf. Gn 2,23) se répercutera en écho jusqu'à la fin des temps. L'amour est la seule des bénédictions que nous ayons gardée du paradis terrestre, comme le suggérait une liturgie ancienne du mariage. L'humanité est créée comme hommes et femmes, appelés à la rencontre et à la communion; cette condition est chance, mais aussi source de joie et parfois de tourment.
595 La différence sexuelle, inscrite dans la chair, retentit dans tout l'être humain. La sexualité représente une énergie humaine fondamentale. Elle est la source d'un instinct puissant, de désir et de plaisir. Chez l'être humain, elle peut s'humaniser et devenir le lieu de la reconnaissance de l'autre, de la rencontre et de l'amour. Elle est inséparable de cette merveille qu'est la procréation. Parmi les activités humaines, l'une des plus grandes n'est-elle pas de "donner naissance" à un autre être humain et, d'un "petit", faire un "grand" par l'éducation? Les parents sont coopérateurs de Dieu, source de la vie et Père de tout homme.
L'expression, aujourd'hui courante, "faire" un enfant est impropre. Elle introduit d'emblée dans cette logique de fabrication dont nous soulignons les méfaits.
La fécondité de l'amour déborde la procréation. L'amour a inspiré une bonne part de la culture, de la poésie, de l'histoire, de la littérature, de l'art et même des grandes démarches politiques.
596 Seul un lent investissement de la chair par l'esprit peut progressivement humaniser la sexualité. Celle-ci sert le don de soi et l'accueil de l'autre dans l'amour, qui caractérisent le mariage. Ce qui, au départ, était marqué par un instinct de jouissance et de domination devient chemin de communion et de rencontre, corps et âme. Le plaisir lui-même, au lieu de renvoyer chacun à lui-même, peut traduire la communion des personnes dans la joie.
Le dynamisme, la vertu qui préside à l'humanisation de la sexualité, s'appelle la chasteté. Être chaste, c'est savoir épanouir pleinement ses désirs dans la ligne de sa propre vocation, et en fidélité au dessein de Dieu. C'est le refus de céder à l'anarchie des pulsions sexuelles. Il ne faut pas réduire la chasteté à la continence, qui est l'abstention de l'acte sexuel. Par contre la chasteté est liée à la tempérance.
La tempérance permet aussi une juste mesure dans les plaisirs de la table qui peuvent être légitimes. Il est bon d'apprécier les bonnes choses, mais l'excès de gourmandise et, en particulier, l'abus de l'alcool et du vin, l'ivrognerie et l'alcoolisme aboutissent à une dégradation de l'homme.
Pour les chrétiens, l'énergie humaine de la sexualité est assumée par la puissance de la grâce. En effet, les baptisés sont membres saints du corps du Christ, temples de l'Esprit Saint (cf. 1Co 6,19).
597 La grandeur de la sexualité humaine a pour corollaire la gravité des déviations et des contrefaçons de l'amour. Celles-ci sont objectivement graves et ne doivent pas être minimisées. Mais la sexualité, lieu de rencontre de la chair et de l'esprit, est aussi le lieu de fragilités qui pèsent sur nos libertés.
Pour accéder en ce domaine à la liberté véritable, il faut souvent une longue lutte. Celle-ci peut être grandement facilitée par une éducation positive sans raideur ni laxisme, soutenue par la rencontre du Christ dans la prière et dans les sacrements de l'eucharistie et de la réconciliation. Le climat social aide puissamment à la pacification progressive de la pulsion sexuelle, assez anarchique au départ. Mais il peut aussi l'exacerber au point de dégrader le désir en besoin et l'amour en assouvissement égoïste.
598 L'Église porte un regard positif sur la sexualité humaine. Elle voit dans le mariage des baptisés, "deux en une seule chair", le reflet de l'Alliance de Dieu avec l'humanité, scellée dans la chair du Christ. La réponse de Dieu à l'amour des hommes est un "oui" enthousiaste et une bénédiction, celle de l'amour et de la fécondité (cf. Gn 1,28). La sexualité humaine s'accomplit normalement dans le mariage par l'engagement total l'un envers l'autre de l'homme et de la femme. Seuls la parole, l'aveu de l'amour et l'engagement réciproque, total et définitif des personnes, donnent son plein sens humain au don charnel. La parole se fait chair et la chair alors se fait parole et langage vrai.
Parole et signe d'une réalité qui la dépasse, la sexualité n'est pas une affaire privée. Elle est aussi réalité sociale, comme toute réalité humaine. Aussi l'engagement des époux doit être reconnu et accueilli par le groupe humain, la famille et la société. Pour des chrétiens, il doit être aussi accueilli par l'Église, d'autant plus qu'ils ont conscience, non point de se "prendre", mais plutôt de se "recevoir" l'un l'autre des mains de Dieu.
599 Pourtant, la vie sexuelle est une réalité de ce monde qui passe. Hommes et femmes sont appelés à découvrir la source de tout amour en Dieu vivant et éternel, qui est communion totale des personnes, Père, Fils et Saint-Esprit. Au ciel, plongées dans la Source même de l'amour, les attaches humaines les plus légitimes sont à la fois accomplies et relativisées (cf. Lc 20,35).
Pour le rappeler à tous, le Seigneur appelle certains à renoncer au mariage, au nom de cette rencontre avec Dieu, aimé plus que tout dès cette terre. Tel est le sens du célibat consacré de laïcs, des religieuses et des religieux, que l'Église latine demande aussi aux prêtres. Par ce célibat consacré, ils annoncent le Royaume à venir (cf. Mt 19,10-12). D'autres personnes ont à vivre un célibat imposé par les circonstances. Elles sont appelées à lui donner un sens positif: les célibataires qui acceptent cette situation difficile mettent souvent leur liberté au service de leurs amis, de leur famille, d'associations, de la vie de la cité ou de l'Église.
600 La transfiguration de la sexualité et de l'amour humain par la grâce explique les exigences du Christ en ce domaine et son refus des contrefaçons et des régressions (cf. Mt 19,1-9).
La grandeur du mariage demande aux conjoints de progresser dans l'amour et la fidélité, et de donner généreusement la vie qu'ils ont eux-mêmes reçue.
Refuser de partager la vie, alors qu'on le peut, c'est se soustraire à la vocation du mariage. Tout mariage, même physiquement infécond, doit s'ouvrir sur une véritable fécondité spirituelle.
601 Pourtant, pour vivre une paternité vraiment responsable, une saine régulation des naissances s'impose pratiquement à tous. Si un couple doit surseoir ou renoncer définitivement à de nouvelles naissances, il doit aussi s'interroger sur les moyens qu'il choisit. Ceux-ci ne sont pas innocents. Au nom de l'Évangile, le Magistère de l'Église attache beaucoup d'importance à ce que l'acte conjugal soit toujours ordonné à signifier l'amour. Or l'amour est tendresse, don de soi, accueil et respect de l'autre, dialogue véritable, ouverture à la vie. C'est pourquoi il faut refuser tout ce qui n'exprimerait pas naturellement la vocation réciproque et totale des époux et risquerait de blesser l'amour en permettant de se dispenser du nécessaire dialogue, en troublant la rencontre, en se fermant à la vie. La Position de l'Eglise en ce domaine est bien connue: sa doctrine "est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal: union et procréation" (HV 12, repris par FC 32). Ainsi "tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie" (HV 11). La connaissance et la maîtrise de soi, en respectant les rythmes naturels des périodes fécondes et infécondes, empêchent le désir de se dégrader en besoin et gardent le coeur ouvert au dialogue.
602 La fidélité conjugale reflète la fidélité du Christ pour l'Église. C'est pourquoi toute atteinte à cette fidélité est perçue dans la foi comme une faute contre ce mystère d'Alliance. C'est la dimension sacramentelle du mariage, l'engagement de Dieu, qui fonde en dernière instance l'indissolubilité du mariage.
L'adultère s'oppose très gravement à la justice et à la charité. Il est une trahison de l'amour.
Le divorce détruit le couple. Il blesse les conjoints. Les enfants, quand il y en a, sont comme divisés dans leurs racines communes que sont les parents. Parfois, la séparation peut s'imposer quand la vie commune devient préjudiciable au conjoint et aux enfants. Les divorcés, conscients de l'indissolubilité de leur mariage, sont appelés à ne pas contracter une nouvelle union. Ceux qui vivent cette séparation et les divorcés non remariés peuvent recevoir les sacrements dont ils ont grand besoin pour faire face à cet état de vie éprouvant.
603 De nombreux divorcés aujourd'hui contractent un autre mariage civil. Certaines situations de concubinage ont aussi engagé des chrétiens dans une impasse. Même si leur situation n'est pas régulière, la source sacramentelle de leur baptême n'est pas tarie et ils sont, comme chacun, appelés à vivre leur vie chrétienne jusqu'à la sainteté. Cependant ils ne peuvent communier à l'eucharistie. En effet, dans l'eucharistie le Christ se donne jusqu'à la mort pour établir une Alliance irrévocable avec l'humanité. Communier à l'eucharistie, c'est signifier - et en particulier vis-à-vis de son conjoint - que l'on accepte d'entrer pour sa part dans la fidélité et le don total du Christ. Le concubinage comme le remariage démentent, en quelque sorte, cette acceptation. C'est là une! situ ation dure à vivre, et pourtant très fréquente aujourd'hui. L'Église invite les divorcés remariés à garder le contact avec la communauté, dont ils sont toujours membres, par la prière, l'assistance à la messe et les activités qu'ils peuvent mener dans le respect de leur situation particulière à l'intérieur de l'Église (cf. FC 84).
604 La "cohabitation juvénile" s'est rapidement développée en France pour des raisons multiples et difficiles à analyser: allongement de l'adolescence, peur de la solitude, témoignages multiples clés échecs conjugaux, développement des moyens contraceptifs, incertitude par rapport à l'avenir, peur de s'engager, besoin de tout vérifier par l'expérience, illusion d'une meilleure préparation à un engagement définitif. Pourtant, la cohabitation juvénile s'oppose gravement au dessein de Dieu sur l'amour humain. Elle laisse dans le flou et l'incertitude, alors que l'amour prend ses responsabilités et s'engage. Elle contribue à déshumaniser la société en ne lui demandant plus de reconnaître la dimension familiale de l'homme. Elle risque même de mutiler la sexualité en privatisant le couple. Elle débouche quelquefois sur des situations d'injustice caractérisées dont les femmes et les enfants sont souvent les victimes.
Mais la pression sociale est telle qu'il faut parfois de l'héroïsme aux jeunes pour ne pas céder à la mode... et à leurs faiblesses. Il importe d'accueillir ceux qui sont dans ces situations pour les aider à avancer vers un sens plus vrai de l'amour humain.
605 Les fiançailles vécues dans la continence, le respect de soi et de l'autre, favorisent un dialogue constructif et l'accueil de la personne de chacun. Elles permettent à l'égoïsme caché dans toute relation humaine de s'atténuer pour faire place de plus en plus à un amour positif et constructif.
Leur amour éprouvé permettra normalement aux fiancés de faire l'apprentissage de la fidélité à travers les inévitables difficultés conjugales. Mais la chasteté suppose un effort commun de liberté vraie, nourri dans la prière et les sacrements, et dans le témoignage de foyers convaincus de l'importance du sens chrétien de l'amour. Elle se construit dès l'enfance et l'adolescence par l'apprentissage de la maîtrise de soi et du respect des autres. Le rôle de la famille est irremplaçable.
La pudeur est une des composantes de la chasteté. Une éducation à la pudeur est donc nécessaire pour développer le sens de la valeur de la sexualité humaine.
606 Un certain contexte social et culturel tend à banaliser les relations sexuelles. Loin de servir la maturation de la personnalité, le vagabondage sexuel la freine et aboutit à la chute dans l'insignifiance de ce don sans prix qu'est la sexualité.
Il faut aussi souligner la prolifération des MST (maladies sexuellement transmissibles) et du SIDA, dont la prévention véritable repose sur la chasteté, bien plus que sur la diffusion massive de préservatifs. Ceux-ci peuvent même paradoxalement étendre le danger en favorisant la banalisation des rencontres sexuelles. De toute façon, ils ne protègent pas de la désillusion de l'amour au rabais. Ils desservent plutôt le bonheur vrai des jeunes en leur proposant des paradis mensongers.
La prostitution doit être ici dénoncée: le métier qui consiste à se livrer aux plaisirs sexuels d'autrui contre de l'argent est, le plus souvent, pratiqué par des femmes qui vivent un véritable esclavage. Les proxénètes et les clients de ces femmes les traitent en objet. L'État est gravement coupable lorsqu'il ne combat pas ce fléau social.
607 L'opinion publique, après avoir brocardé l'homosexualité, tend aujourd'hui à en faire une autre manière de vivre la sexualité. Refusant de s'affronter à la différence sexuelle, l'homosexualité est une déviation objectivement grave. Souvent victimes de leur éducation ou du milieu où elles ont vécu, les personnes homosexuelles doivent être reçues et accueillies avec respect, mais dans la vérité. On doit les aider à dépasser leur déviation et à en porter les souffrances. Il ne faut d'ailleurs pas confondre les tendances homosexuelles, qui peuvent être vécues dans une chasteté parfois difficile, avec les actes homosexuels.
Mais une société qui prétend reconnaître l'homosexualité comme une chose normale est elle-même malade de ses confusions.
608 S'il est un domaine où la liberté et l'équilibre se conquièrent parfois lentement et difficilement, c'est bien celui de la sexualité. Il faut se rappeler ici tout ce qui a été dit sur la progressive libération de la liberté.
Des blocages dans l'éducation et les multiples accidents de parcours expliquent souvent des retards, des régressions et des pratiques comme l'auto-érotisme, la masturbation, etc. Ce sont des désordres objectivement graves. Cependant, en ce domaine surtout, en raison d'une immaturité fréquente, il ne faut pas identifier manquement à la loi objective et faute morale subjective. L'effort pour nouer une vie tournée vers l'autre et vers Dieu, et la volonté d'observer la loi sont plus fondamentaux que tel acte particulier. Le faux pas, qui demande le pardon, doit être une invitation à sortir de soi, à se donner et à accueillir la grâce de Dieu. La meilleure aide est souvent d'inviter ceux qui pèchent à sortir de leur moi et de leur égoïsme par le don d'eux-mêmes et l'accueil de la grâce de Dieu. Une fois de plus, c'est l'amour qui, seul, guérit des contrefaçons de l'amour.
Le sens chrétien du corps, de l'amour et de la vie permet à chacun d'avancer sans se laisser écraser par les difficultés, les lenteurs ou les chutes. Bien des épisodes de l'Évangile: la femme adultère, la pécheresse aux pieds de Jésus, le pardon proposé à Pierre... sont des invitations à se mettre en route et à marcher vers le Seigneur " venu appeler non pas les justes mais les pécheurs " (Lc 5,32), pour leur rendre progressivement leur liberté, leur dignité et leur joie. A cet égard, de nombreux mouvements ou associations, inspirés parle sens chrétien de l'amour, jouent un rôle éducatif très positif.
Le mien, le tien, le nôtre
609 Pour vivre et pour grandir, les hommes ont besoin d'un minimum de biens. Des biens matériels: nourriture, vêtements, logement... Et des biens spirituels: instruction, culture, liberté, religion... L'homme revendique spontanément un droit sur ce dont il a besoin et sur ce qui lui appartient en propre, sur ce qui est sa propriété.
Il y a, en effet, des biens pour lesquels l'usage et la propriété se confondent pratiquement, par exemple la nourriture que l'on consomme. Pour d'autres biens, l'usage et la propriété sont distincts, par exemple le logement dont on est seulement locataire L'homme cherche non seulement l'usage, mais aussi une certaine propriété. Celle-ci, en effet, lui assure un espace de liberté (même les animaux ont leur territoire). Elle lui permet en outre une part d'initiative et de créativité. La propriété privée favorise un meilleur usage et une meilleure gestion des biens de ce monde.
610 Cependant, selon l'enseignement le plus traditionnel de l'Église, la propriété privée est grevée d'une " hypothèque sociale ". En fait, la terre est un don de Dieu pour tous les hommes et le "propriétaire", pour sa part, est un "gérant" de ce don. Certes, il est légitime qu'il en bénéficie, mais il ne doit pas oublier que la "terre est à tous".
La propriété n'est pas partout revêtue du même caractère de nécessité. Le minimum vital est sacré. Il n'est d'ailleurs pas le même selon les temps, les pays et les cultures: un vêtement chaud n'est pas aussi nécessaire à Tombouctou qu'au pôle Nord. Au-delà du minimum vital, le lien de nécessité entre le propriétaire et ses biens peut se distendre plus ou moins. Le lien entre le petit paysan brésilien et son lopin de terre est vital; il ne l'est pas de la même façon pour le richissime propriétaire de dizaines de milliers d'hectares. C'est pourquoi le droit de propriété doit être aménagé selon les exigences du bien commun. La loi peut légitimement le restreindre pour des biens largement superflus et, au contraire, le renforcer pour des biens nécessaires, afin d'assurer un meilleur usage au profit de tous. L'impôt a, en principe, pour un de ses objets d'assurer aussi plus d e justice et de solidarité: c'est pourquoi le paiement de l'impôt selon les règles établies par un État légitime, soucieux du bien commun, est une obligation morale et pas seulement légale.
Notre pratique quotidienne doit s'ouvrir à une perspective internationale et tenir compte des multitudes immenses d'affamés, de mendiants, de sans-abri, de personnes sans assistance médicale, sans instruction de base.
La morale va plus loin que la loi civile. La solidarité est le chemin de la paix et en même temps du développement (cf. SR 39).
611 Si l'on revendique le respect de ses propres biens, on ne peut pas récuser le droit de l'autre. La vertu de justice est ce dynamisme qui conduit à respecter et à promouvoir le droit et les droits des autres. Elle vise à "rendre à chacun son dû". Elle est capitale pour une vie sociale harmonieuse. Et elle ne s'arrête pas à la justice institutionnelle. Notre pays, par exemple, a des devoirs de justice à l'égard des peuples souffrant de la faim dans le monde.
Pour la paix sociale et la bonne entente des gens, il importe que la loi civile délimite clairement le droit de chacun et que les institutions publiques le garantissent. Au-delà de la loi, mais réglé encore par elle, s'étend le domaine des contrats. Ceux-ci doivent être conclus dans la vérité et l'honnêteté. Ils doivent être respectés. En raison du caractère personnel de la propriété, on peut légitimement gérer ses biens comme on l'entend, dans le cadre de la loi (qui par exemple favorise, comme il est normal, les enfants et les proches...), en se souvenant de la fonction sociale de la propriété.
612 L'homme, créé à l'image de Dieu, participe par son travail à l'oeuvre du Créateur. Le chrétien est donc appelé à voir dans son travail un service de l'humanité tout entière et un apport personnel à la réalisation du projet de Dieu sur le monde (cf. LE 25). Celui-ci est un droit, mais aussi un devoir. Cela dit, tout travail comporte une part de peine qui, vécue dans la foi avec l'Esprit du Christ, peut permettre à l'homme de "collaborer en quelque manière avec le Fils de Dieu à la rédemption de l'humanité".
Le travail permet à l'homme de se procurer ce dont il a besoin. En même temps il aide l'homme à s'accomplir. En transformant le monde, il se transforme lui-même et développe ses capacités, surtout là où il peut faire preuve d'initiative et de créativité. Car, s'il y a des travaux épanouissants, d'autres sont déshumanisants et aliénants.
613 Devenu de plus en plus collectif, le travail multiplie les rapports entre les hommes. Pour le meilleur et pour le pire. Il peut servir la collaboration des hommes, mais il peut aussi donner prise à de terribles conflits autour des conditions de travail, du chômage, du salaire, de l'organisation socio-économique et de l'immigration. Pour que la solution des conflits soit plus juste, le Magistère de l'Église a toujours mis en avant le principe de la priorité du travail par rapport au capital et, plus encore, la nécessité du respect absolu de l'homme.
Ce respect passe, dans les formes les plus appropriées, par la participation des travailleurs aux décisions qui les concernent, à l'organisation de leur travail, et même aux bénéfices de celui-ci.
614 Priver injustement le prochain de ses biens et du fruit de son travail est une injustice grave, doublée d'un réel mépris de sa personne. Celui qui prend conscience de son injustice ne peut prétendre au pardon sans restituer ce qu'il détient injustement.
La gravité de l'injustice varie avec la valeur de ce qu'on vole. La gravité varie aussi avec le tort réel causé au prochain. Pourtant, dès que le vol porte sur une somme représentant la survie quotidienne d'un homme, les moralistes y voient une "matière grave" en raison du caractère social des biens.
Hier, la pauvreté pouvait pousser au vol, et l'extrême pauvreté l'excusait parfois totalement. Aujourd'hui, l'abondance est peut-être la cause la plus fréquente des vols. Le désir de consommer et de posséder est savamment cultivé par une publicité envahissante, et une sollicitation permanente met en condition les clients, riches ou pauvres.
Frauder ou voler les grands magasins, l'État, la Sécurité sociale, son entreprise, sous prétexte que le vol, dans ces cas, ne lèse personne en particulier, est aussi condamnable que les autres formes de vol.
615 Enfin, les vols les plus graves ne sont pas nécessairement les plus visibles: escroqueries, manoeuvres frauduleuses et opérations financières malhonnêtes, production obtenue par une main d'oeuvre sous-payée et placée hors de la protection sociale, exploitation du tiers monde sans transfert de technologie... Le respect des normes légales ne suffit pas à les rendre moralement licites.
Le texte de l'Exode: "Tu ne commettras pas de rapt" (Ex 20,15) nous conduit à souligner la gravité des atteintes multiples à la liberté et à la dignité de l'homme: prises d'otages, viol, prostitution, trafic d'enfants, de travailleurs immigrés...: "Toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes" (GS 27).
La justice ne vise pas seulement à respecter le droit de l'autre. Elle demande, au nom de la charité, qui normalement l'inspire, de le promouvoir autant que faire se peut.
616 Le respect du bien d'autrui implique aussi le respect de ce bien commun de l'humanité qu'est le monde dans lequel nous vivons.
Le chrétien voit en tous les êtres, et spécialement dans les animaux, un don et un reflet de l'acte créateur de Dieu. Même s'il en use légitimement, il sait qu'il doit les respecter.
De même, l'aménagement de la terre ne peut évacuer désormais la question "écologique". L'exploitation "sauvage" des ressources du monde se retourne facilement contre les hommes. Les effets pervers des conquêtes techniques menacent les écosystèmes.
Pensons aux maladies des forêts d'Europe et à la pollution des lacs et des mers, sans compter désormais celle de l'atmosphère. Nous sommes acculés à une autorégulation de nos pouvoirs, à une sagesse nouvelle capable de maîtriser nos puissances neuves, chimiques, nucléaires ou génétiques.
"La norme fondamentale que doit respecter un juste progrès économique, industriel et scientifique, c'est le respect de la vie et, en premier lieu, de la dignité de la personne humaine" (Jean-Paul II, message pour la journée de la Paix, ler janvier 1990)
Il faut inventer ensemble les voies et les moyens d'exercer les vertus de force et de tempérance sociales pour ordonner avec et sagesse l'usage collectif des biens de la terre.
617 Les lois sociales qui organisent le travail et la protection des travailleurs, la Sécurité sociale, etc., représentent un progrès considérable. Fruits de conquêtes sociales difficiles, elles doivent être respectées et favorisées. Les organisations syndicales en ont été le plus souvent les promotrices. Elles ont un rôle essentiel à jouer Pour la défense des travailleurs, mais leur action doit demeurer ouverte au bien commun et ne pas s'enfermer sur une sorte d'égoïsme de groupe ou de classe.
L'Église privilégie les solutions négociées dans les conflits sociaux comme dans tous les autres conflits. La grève est
618 Du social à l'économique
Les problèmes de production et d'échange des biens se posent de plus en plus à l'échelle du monde. Les réseaux de relations économiques toujours plus serrés augmentent les interdépendances des hommes et des groupes. Aussi les problèmes de justice se posent désormais en termes de solidarité nationale et internationale. Toutes les consciences chrétiennes sont concernées. Chacun est responsable pour sa part de la recherche et de la mise en oeuvre de solutions plus justes.
Le chômage est un drame humain: l'homme sans travail perd sa responsabilité, sa dignité sociale, quelquefois sa santé. Le traitement social du chômage est, à lui seul, une mesure insuffisante. Le chômage appelle des mesures économiques d'organisation du travail et des échanges. Mais s'en tenir à la seule répartition des biens serait gravement insuffisant. Une conception dynamique de la justice invite à la création et à l'augmentation de la masse des biens et des revenus disponibles pour tous. "Pour de nouveaux modes de vie", afin de parer aux "nouvelles pauvretés", il faut "créer et partager" (cf. les déclarations de la Commission sociale de la conférence des évêques de France en 1982, 1984 et 1988).
L'évolution rapide du monde rural entraîne de son côté des problèmes de restructuration, d'autant plus difficiles à résoudre que l'industrie, en proie au chômage, n'absorbe plus autant qu'hier la main-d'oeuvre rurale. L'enseignement social de l'Église, ici encore, peut apporter une aide pour sauvegarder les exigences humaines dans les mutations économiques.
Catéchisme France 589