Catéchisme France 619

Communisme et libéralisme

619 Le souci s'impose d'opérer une juste répartition des fruits du travail commun et, en même temps, d'assurer à chacun le maximum de liberté et de responsabilité dans l'organisation de son travail. Solidarité et liberté sont deux valeurs à honorer simultanément pour respecter la justice et la vérité des rapports humains.

Certains font de la liberté économique un principe absolu. Conformément à l'idéologie du libéralisme, ils abandonnent le développement au jeu quasi automatique de l'activité économique et à de soi-disant lois économiques (cf
GS 65 GS 67). Ils croient au rôle exclusif du marché pour équilibrera la production, la consommation et la répartition des biens. L'expérience montre que le seul recours au marché fausse les équilibres au bénéfice des plus forts. D'où la nécessité de correctifs importants de la part des responsables politiques: ici "le passage de l'économique au politique s'avère nécessaire" (Paul VI, Lettre au cardinal Roy, 46).

620 D'autres, par souci d'une plus juste répartition des biens, veulent mettre l'accent sur l'organisation de la solidarité. A cet effet, ils privilégient la valeur sociale de l'égalité dans l'appropriation et l'usage des biens économiques. Mais un tel souci est trop souvent porté par des idéologies qui ne voient en l'homme que sa capacité de travail et sa dimension sociale. On aboutit alors à aliéner la liberté de tous, à écraser l'homme que l'on prétendait libérer et, finalement, à stériliser la responsabilité et la créativité des acteurs économiques, comme on l'a trop souvent vu dans les expériences des collectivismes communistes.

"Il n'est pas possible d'imaginer une conception d'ensemble le la vie sociale qui allie, dans une synthèse équilibrée, toutes les valeurs essentielles" (Assemblée plénière des évêques de France, Pour une pratique chrétienne de la politique, 1, 2). Et pourtant, une organisation économique soucieuse de l'homme ne peut sacrifie la liberté à la solidarité ni la solidarité à la liberté. Il faut tenir ensemble ces deux exigences fondamentales. Les pouvoirs publics, mais aussi les citoyens, doivent travailler à des aménagements toujours délicats et imparfaits pour tenter de sauvegarder au mieux ces ceux exigences.


Une organisation économique au service de l'homme

621 La complexité des circuits économiques interdit les vues simplistes. Mais l'économie concerne la vie des personnes et des collectivités humaines. Aussi importe-t-il que les spécialistes, les responsables (et, à leur mesure, tous les citoyens) allient, à la compétence technique, un sens authentique de l'humain et du bien commun. l'activité financière, quand elle est déconnectée de l'économie réelle, fait peser de graves menaces sur l'équilibre des marchés de la planète. Les conséquences humaines prévisibles d'une catastrophe en ce domaine indiquent que nous sommes là en présence d'in problème éthique majeur. L'expérience montre qu'à long terme le mépris des facteurs humains peut gripper les machines économiques les plus perf! orma ntes. Mais, en même temps, on se rappellera que, à méconnaître les mécanismes propres de l'économie, on perd et l'équilibre économique et la paix sociale.

622 "La doctrine sociale de l'Église n'est pas une "troisième voie" entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste [...]. Elle n'entre pas dans le domaine de l'idéologie, mais dans celui de la théologie et particulièrement de la théologie morale" (SR 41). Son but principal est d'interpréter ces réalités complexes de l'existence des hommes "dans la société et dans le contexte international". Elle examine "leur conformité ou leurs divergences" avec l'enseignement de l'Évangile sur l'homme et sur "sa vocation à la fois terrestre et transcendante". Elle a pour conséquence "l'engagement pour la justice", chacun suivant son rôle, sa condition, ses possibilités. Elle oriente le "comportement chrétien". Elle fait partie de la mission d'évangélisation de l'Église, connue le rappelle souvent Jean-Paul Il à la suite de l'enseignement continuel des papes depuis Léon XIII (1891).

Pour tous les problèmes particuliers, les chrétiens auront le souci de s'éclairer à la lumière de la doctrine sociale de l'Église et, en particulier, de ce que dit Vatican II dans la deuxième partie de Gaudium et spes, au chapitre 3 consacré à la vie économique, périodiquement ajusté par les encycliques sociales et les interventions des évêques.


Tiers monde et quart monde

623 La solidarité ne vaut pas seulement à l'intérieur des pays ou des ensembles de pays, comme l'Europe. Elle s'impose comme une tâche particulièrement urgente envers les pays du tiers monde, avant que n'explose "la colère des pauvres aux imprévisibles conséquences" (PP 49). La parabole de Lazare et du riche a pris une dimension mondiale (cf. RH 16).

La solidarité doit viser au développement "de tout homme et de tout l'homme" (PP 14). C'est pourquoi elle ne peut se contenter de simples dépannages d'urgence. Il faut une réforme profonde des circuits économiques et internationaux.

La réponse aux défis de la pauvreté et de la faim dans le monde passe par une politique internationale de développement et, actuellement, par le traitement économique et politique de l'écrasante dette du tiers monde.

624 Le sous-développement sévit aussi chez nous dans ce qu'on appelle le quart monde. Des hommes, des femmes et des enfants sont laissés pour compte dans nos sociétés "performantes" qui marginalisent ceux qui ne peuvent pas suivre. Une solidarité effective doit se manifester ici encore. D'où l'intérêt de toutes les procédures qui, au-delà de l'assistance, visent à rendre aux laissés pour compte une place dans la vie sociale et culturelle et, bien sûr, dans le monde du travail.

La justice s'impose à tous les hommes. Mais les chrétiens ont une raison supplémentaire de la pratiquer. Appelés à l'amour de Dieu et du prochain, ils ne peuvent pas vivre la charité sans respecter la justice. Le sens véritable de la charité aide au respect et à la promotion des droits.

Les chrétiens ne prétendent pas en avoir le monopole. Mais les progrès de la justice et de la solidarité dans les institutions nationales et internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, doivent beaucoup à l'inspiration et à l'action de chrétiens convaincus.

Diverses organisations catholiques permettent à beaucoup de prendre leur place dans ce combat pour le développement intégral de l'homme. Elles sont autant de signes indiquant que l'Église est au service des pauvres. La solidarité est un devoir à la portée de tous.


Développement et progrès

625 Le développement économique a créé de meilleures conditions d'existence chez certains peuples, mais les avantages réels apportés par la science et la technique laissent toujours l'homme inquiet devant la tragique expérience des guerres dans divers pays, le péril atomique, le surarmement des grandes puissances, et le commerce des armes...

Le surdéveloppement met à la disposition de certains une accumulation de biens et de services, avec la possibilité de remplacement de modèles encore utiles par des modèles nouveaux, toujours plus perfectionnés. La civilisation de consommation pousse au gaspillage et produit d'innombrables déchets. Le problème moral de la multitude qui n'arrive pas à vivre, parce qu'elle est privée de biens élémentaires, ne doit pas cacher le danger moral du matérialisme pratique souvent lié à la surconsommation. Pour que le développement devienne progrès pour l'homme, il ne doit pas se limiter aux réalités économiques. Le véritable développement est celui de tout l'homme puisque sa vocation est à la fois humaine et divine (cf. SR 27-30).


Faire et dire la vérité

Chercher la vérité

626 L'homme n'a pas faim seulement de pain et de liberté. Il a faim de vérité. L'intelligence de l'homme est faite pour la vérité. La révélation chrétienne, en ce domaine, peut étonner. Pour elle' la vérité est fondamentalement le Christ, reconnu dans la foi comme celui en qui se révèle la vérité de l'homme et la vérité de Dieu. L'intelligence de l'homme se renierait en ne cherchant pas la vérité, comme elle se renie en se contentant de la bonne foi et de la sincérité, et en n'accueillant pas ce que Dieu dit par la Révélation, les hommes et les événements.


Dire la vérité - vérité et mensonge

627 Les relations humaines reposent sur la confiance. Et la confiance n'est pas possible sans la vérité. On doit donc dire la vérité. On peut se tromper, mais l'erreur n'est pas le mensonge. Le mensonge, lui, est une faute contre Dieu et la communauté humaine.

Cette question de la vérité dans les relations est particulièrement délicate. Elle met en jeu un rapport à la vérité, mais aussi un rapport à la justice et à la charité qui règlent nos relations humaines.

L'amour du prochain n'autorise pas le mensonge. Mais il n'oblige pas nécessairement à dire toute la vérité: " Toute vérité n'est pas bonne à dire."

Il y a, en effet, des vérités qui tuent. Une mère doit-elle révéler inconditionnellement à son enfant qu'il n'est pas le fils de son père? Un ministre des Finances, non seulement n'est pas obligé d'annoncer une dévaluation prochaine, mais il ne doit pas le faire, sous peine de donner libre cours à des spéculations ruineuses pour le bien commun. Un industriel peut cacher la situation difficile que vit son entreprise, etc. Cela dit, il y a aussi des silences qui tuent.

Si donc on peut parler d'un "droit à la vérité", on doit ajouter qu'il n'est pas inconditionnel et que la vérité se situe aussi dans l'ordre de la relation. On ne doit pas cacher la vérité à qui a le droit de la connaître. En revanche, un secret confié doit être gardé.


Médisances et calomnies

628 On ne doit pas dénoncer sans raison les défauts ou les vices d'autrui. La question d'une dénonciation peut cependant se poser si ces défauts ou ces vices représentent une menace pour autrui. C'est encore la justice et la charité qui éclairent la position à prendre.

La calomnie, qui est une fausse accusation, est plus grave encore, car elle atteint l'autre injustement et mensongèrement. Même si l'on s'efforce ensuite de réparer.

On peut rapprocher de ces atteintes à la vie sociale l'indiscrétion qui cherche à surprendre ou à divulguer les secrets du prochain. Toutes ces pratiques ruinent la confiance.


Médias

629 Les questions morales autour de la vérité prennent une nouvelle dimension avec les moyens de communication sociale. Ceux-ci élargissent, pour chacun, le devoir de s'informer. Mais ils appellent des règles précises pour les journalistes de la presse écrite, parlée ou télévisée. Ces derniers jouent un rôle positif pour divulguer la vérité, informer les hommes des réalités qui les concernent, pour rendre publiques des pratiques préjudiciables au bien commun, éduquer les citoyens, etc. Mais leur pouvoir peut aussi servir à répandre le mensonge ou à créer des climats passionnels peu propices à l'éclosion de la vérité.

La "déontologie des médias" a encore de grands progrès à faire pour une information vraie, respectueuse des faits et des personnes. Les autres pouvoirs (politique, judiciaire et économique) ont suscité des "pouvoirs compensateurs": parlement, magistrature, syndicats, etc. Le quatrième pouvoir, celui de l'information, n'a d'autre contre-pouvoir que le sens des responsabilités de chaque citoyen. Celui-ci peut ne pas écouter, ne pas regarder, ne pas acheter ce qui lui semble mauvais ou, au contraire, se faire l'ardent propagateur des médias qui le méritent.

Les chrétiens soucieux du lien entre les vérités partielles de la communication humaine et la vérité de la Parole de Dieu ne peuvent pas oublier l'appel prophétique du Christ: "Quand vous dites "oui", que ce soit un "oui", quand vous dites "non", que ce soit un "non"" (
Mt 5,37) A quoi fait écho saint Paul dans l'épître aux Éphésiens: "Débarrassez-vous donc du mensonge, et dites tous la vérité à votre prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres" (Ep 4,25).


Résister à la convoitise

630 L'appel du Christ à le suivre dans le don total de soi-même invite chaque chrétien à considérer tout ce qu'il est physiquement, psychologiquement, spirituellement, et tout ce qu'il a, comme ne lui appartenant pas, comme des talents confiés par Dieu et destinés à le glorifier.

Il ne s'agit aucunement d'un mépris du monde ou de soi-même, mais il s'agit de remettre le monde dans l'ordre qu'a détruit le péché. Tout, absolument tout dans le monde, trouve son épanouissement dans ce pour quoi il est fait, et tout est fait pour chanter la gloire de Dieu. Toute action n'a de sens que si elle contribue à la gloire de Dieu. Saint Paul l'affirme: "Tout ce que vous faites: manger, boire ou n'importe quoi d'autre, faites-le pour la gloire de Dieu" (
1Co 10,31).

631 Gérer sa vie comme ne nous appartenant pas, mais appartenant à Dieu, et donc aussi aux autres hommes, conduit à refuser la convoitise qui est "la racine de tous les maux" (1Tm 6,10). Saint Jean dénonce, dans une progression calculée, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et la confiance orgueilleuse dans les biens (cf. 1Jn 2,16). La tradition des moralistes voit dans la convoitise la source de ce qu'on appelle les péchés capitaux, c'est-à-dire les péchés les plus caractéristiques. La convoitise de la chair recherche pour lui-même le plaisir que donne la satisfaction des instincts les plus naturels de l'homme (manger, boire, dormir, se reproduire) et conduit ainsi à la gourmandise (avec ses formes perverses de l'alcoolisme et des toxicomanies), à la paresse et à la luxure. La convoitise des yeux recherche pour lui-même le plaisir d'être vu et apprécié. Elle conduit à la vanité, aux dépenses excessives pour le paraître; par son goût du superficiel, elle entretient le dégoût de tout ce qui est spirituel. Enfin, l'orgueil est une déformation du plaisir légitime d'être soi-même devant Dieu. C'est le détournement à notre profit de ce qui nous constitue le plus profondément: la ressemblance avec Dieu. L'orgueil entraîne souvent l'envie et le refus de l'autre manifesté par la mauvaise colère. Il entraîne, par une sorte de déplacement pervers de l'essentiel sur l'argent, l'avarice.

632 De tout temps, les maîtres spirituels ont invité les chrétiens à s'entraîner à combattre la convoitise par la prière, certes, mais aussi par l'ascèse étymologie du mot suggère la notion même d'entraînement). Le jeûne, signifiant symboliquement que l'homme doit se nourrir prioritairement de la Parole de Dieu, a été, dans l'histoire, une des formes les plus répandues de cet entraînement à la maîtrise de soi, pour être capable de se donner ou plutôt, puisque l'homme ne s'appartient pas, de rendre à Dieu ce qui est à Dieu.

On en revient à l'essentiel; il n'y a qu'un commandement dans la Loi nouvelle: aimer.


Vers la plénitude de l'amour

La seconde naissance de l'homme

633 Les commandements de Dieu indiquent concrètement les chemins d'un amour qui ne se paie pas de mots. La manière dont ils sont vécus par les saints montre à quel point la morale chrétienne n'est pas une simple règle de bonne conduite, mais bien un chemin de vie et de bonheur vrai. Nés par le baptême à la vie nouvelle d'enfants de Dieu, marchant selon l'Esprit à la suite du Christ, associés à si passion et à sa résurrection, nous devenons peu à peu les bienheureux de l'Évangile.

Toute naissance est un "travail". Commencée dans l'effort et dans la peine, elle s'achève dans la vie et dans la joie. Après sa première naissance, l'homme doit naître pleinement à lui-même, accéder à la liberté, à la responsabilité, à l'amour. Cela ne se fait pas sans mal. Il lui faut lutter contre toutes les forces de régression en lui-même et dans le monde.

Ce combat est celui de l'amour, dont les commandements ne sont qu'une expression concrète: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur [...]. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Écriture, -dans la Loi et les Prophètes, - dépend de ces deux commandements" (
Mt 22,37-40). Car la loi tout entière tire son accomplissement de cette unique parole: "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Ga 5,14).

Ce combat est celui de la vie. Dans la foi, notre mort charnelle elle-même est passage, entrée définitive dans la vie de Dieu, une Pâque. C'est pourquoi l'Église appelle le jour de la mort des martyrs, des saints et des bienheureux, leur dies natalis, le jour de leur vraie naissance, en écho aux paroles de Jésus à Nicodème (cf. Jn 3,3).


Bienheureux

634 Les chrétiens ont reçu la promesse du vrai bonheur. Sans l'amour, les commandements sont ressentis comme une lourde obligation. Quand les baptisés sont animés par la foi, l'espérance et la charité, ils entrent joyeusement dans la vie nouvelle qui leur est proposée dès ici-bas comme un chemin de bonheur authentique.

"Heureux les pauvres de coeur
le royaume des cieux est à eux!
Heureux les doux:
ils obtiendront la Terre promise!
Heureux ceux qui pleurent
ils seront consolés!
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice
ils seront rassasiés!
Heureux les miséricordieux
ils obtiendront miséricorde!
Heureux les coeurs purs
ils verront Dieu!
Heureux les artisans de paix
ils seront appelés fils de Dieu!
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice:
le royaume des cieux est à eux!
Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, persécuté
et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux! C'est bien ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés."
(
Mt 5,1-12).

L'Esprit Saint déploie alors, dans la vie des fidèles, ses propres dons qu'ils ont reçus au baptême et à la confirmation, et qui leur permettent d'agir pleinement en enfants de Dieu: la sagesse, l'intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu. L'Esprit les conduit ainsi vers le Père, à travers toutes les rencontres humaines. Et l'eucharistie les consacre peu à peu tout entiers pour la gloire du Père (cf. prière eucharistique IV).


Peuple de prêtres, peuple de rois

635 Finalement la vie chrétienne est tout entière un culte spirituel rendu à Dieu. Appelés à dominer la terre et à la soumettre, hommes et femmes ont la responsabilité du monde dont Dieu leur a confié la gérance (cf. Gn 1,28). Mais ils ne peuvent être "les gérants" de la création en refusant d'en être les prêtres. Pour dominer le monde et eux-mêmes, ils doivent se tourner vers Dieu comme leur Source, leur Créateur et Père. L'organisation du monde, la tâche de libération et d'accomplissement du monde et d'eux-mêmes est alors une véritable consécration: "Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu; vous êtes donc chargés d'annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (1P 2,9).

636 Toute l'activité des chrétiens devient un culte rendu à Dieu. Tout l'homme, corps et âme, est appelé dès ici-bas à rendre gloire: "Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu: c'est là pour vous l'adoration véritable" (Rm 12,1). La vie du monde et la vie morale prennent ainsi une dimension de louange et d'adoration.

Au terme de l'histoire, l'humanité et le monde entier récapitulés dans le Christ (cf. Ep 1,10) pourront alors vivre pleinement de Dieu: "Quand tout sera sous le pouvoir du Fils, il mettra lui-même sous le pouvoir du Père qui lui aura tout soumis, et ainsi, Dieu sera tout en tous" (1Co 15,28).

637 Voici quelle sera l'Alliance
que je conclurai avec la maison d'Israël
quand ces jours-là seront passés,
déclare le Seigneur.
Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes;
je l'inscrirai dans leur coeur.
Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
(
Jr 31,33)

638 Les disciples de Jean
rapportèrent tout cela à leur maître.
Alors il appela deux d'entre eux,
et les envoya demander au Seigneur:
"Es-tu celui qui doit venir,
ou devons-nous en attendre un autre?"
Arrivés près de Jésus, ils lui dirent:
"Jean Baptiste nous a envoyés te demander:
Es-tu celui qui doit venir,
ou devons-nous en attendre un autre?"
A ce moment-là,
Jésus guérit beaucoup de malades,
d'infirmes et de possédés,
et il rendit la vue à beaucoup d'aveugles.
Puis il répondit aux envoyés:
"Allez rapporter à Jean
ce que vous avez vu et entendu:
les aveugles voient, les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, les sourds entendent,
les morts ressuscitent,
la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Heureux celui qui ne tombera pas
à cause de moi!"
(
Lc 7,18-23)

639 La Nouvelle Alliance dans le sang du Christ est une "Alliance éternelle" (He 13,20). Dans la mort et la résurrection de Jésus, nous avons reçu l'assurance de l'accomplissement des promesses divines, faites à Abraham et à sa descendance. L'Esprit nous a été donné, qui déjà nous fait participer à la vie même de Dieu. "Dans le Christ, écrit saint Paul aux Éphésiens, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de votre salut; en lui, devenus des croyants, vous avez reçu la marque de l'Esprit Saint. Et l'Esprit que Dieu avait promis, c'est la première avance qu'il nous a faite sur l'héritage dont nous prendrons possession, au jour de la délivrance finale, à la louange de sa gloire!" (Ep 1,13-14).

Ainsi, la foi chrétienne demeure ouverte à un accomplissement ultime et transcendant qui n'est pas encore entièrement dévoilé. "Car nous avons été sauvés, mais c'est en espérance" (Rm 8,24), et "ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons: lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est" (1Jn 3,2).

640 L'ouverture sur l'avenir et sur l'éternité, comme la foi "dans le monde qui vient", sont déjà présentes dans la foi juive (cf. Is 26,19 Da 12,2 2M 12,44 Ps 15,10-11) et sont une dimension essentielle de la foi chrétienne. En effet, toutes les réalités chrétiennes comportent une dimension "eschatologique".

Eschatologique vient du mot grec eschatos qui signifié "dernier". Parler d'eschatologie ou d'eschatologique, c'est parler de la destinée finale de l'homme et du monde, de l'orientation dernière de l'histoire, du sens ultime de toute l'économie du salut.

Le Christ appelle tous les hommes à connaître, au-delà de leur vie et au-delà du temps, un bonheur parfait. Depuis l'oeuvre du Christ, la vie missionnaire et sacramentelle de l'Église atteste que la vie des hommes est ordonnée à un épanouissement, à un accomplissement.

C'est cet accomplissement que, dans la lumière de la Révélation, il nous faut regarder. Ce regard, bien loin de nous conduire au sentiment de la vanité de tout ce que nous entreprenons ici-bas, nous poussera, au contraire, à nous engager plus résolument sur les chemins ouverts par Dieu au coeur de la création et de l'histoire, et qui conduisent à une vie éternelle. "Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle" (DV 4).


De la foi à l'espérance

Difficile espérance - pas de vie sans espoir

641 Personne ne peut vivre sans aucun espoir. Toute action suppose qu'on en attend quelque chose, ne serait-ce que de s'y accomplir et de pouvoir continuer à vivre.

En dépit des désillusions qui jalonnent son itinéraire, l'humanité est soutenue dans ses efforts par l'attente d'une vie meilleure, par l'espoir de changer le cours des choses.

Cependant, nous ne pouvons pas ignorer que des personnes vivent dans le désespoir et que certaines d'entre elles, en particulier des jeunes, en arrivent au suicide. De redoutables questions sont ainsi posées: qu'est-ce qui peut faire fuir ou redouter la vie? Quelle sont les raisons de vivre que propose notre monde? Quelles sont celles que nous proposons?


Une espérance qui souvent tourne court devant la mort

La mort éloignée et pourtant présente

642 L'humanité contemporaine, du moins dans les sociétés occidentales, entretient un rapport ambigu avec la mort. Celle-ci est à la fois refoulée, escamotée, et omniprésente, voire envahissante.

Les morts sont tenus à distance, dans des services spécialisés. On fait en sorte que les enfants ne les voient pas. On initie à la vie, à la profession, aux beaux-arts ou aux différents sports. Mais on n'envisage presque jamais une préparation à la mort. Nous ne connaissons plus ces " arts de mourir "auxquels s'exercèrent nos ancêtres.

Les tentatives de refoulement de la mort ne l'empêchent pas d'être obsédante. Les médias et la littérature la montrent accomplissant son oeuvre sur les hommes politiques, sur les vedettes, ceux qu'on croyait les heureux de ce monde. Les médias parlent et reparlent des menaces qui pèsent aujourd'hui sur l'humanité: l'accident nucléaire, les armes chimiques et biologiques, mais aussi, en dépit des admirables progrès de la médecine, les maladies, et le SIDA qui s'ajoute au cancer.


La mort et la réincarnation

643 En même temps qu'on évite de penser à la mort, l'au-delà fascine. Nous avons déjà évoqué le succès de l'ésotérisme et des nouvelles gnoses.

La doctrine de la réincarnation en particulier, empruntée aux systèmes de pensée orientaux, exerce une véritable séduction aujourd'hui dans les pays occidentaux, dont le nôtre.

Même si ce qui est retenu en Occident de la croyance en la réincarnation ressemble parfois fort peu à ce qu'est la réincarnation dans les religions d'Extrême-Orient, cette croyance est, dans nos pays, significative de l'aspiration à vivre au-delà de la mort.

La doctrine de la réincarnation affirme la possibilité d'une nouvelle vie après la mort, par la transmigration de l'âme dans d'autres corps. Elle fait ainsi du corps un simple support provisoire, banalise la vie individuelle et lui enlève sa valeur singulière: le prix infini que Dieu lui accorde. Elle exclut la résurrection de la chair et aussi la réalité du pardon, puisqu'une de ses raisons serait de nous purifier de la vie antérieure. Aussi la foi chrétienne, qui tient que chaque homme est aimé par Dieu de manière unique et éternelle, et qu'il est destiné à vivre en communion avec lui, rejette formellement la doctrine de la réincarnation.


L'espérance chrétienne: voir Dieu

644 Les chrétiens se sentent solidaires de toutes les formes d'espérance, sans lesquelles l'humanité ne pourrait pas vivre. Ils y discernent quelque chose de la présence mystérieuse de Dieu dans le monde qu'il crée et qu'il aime. "Mû par la foi, se sachant conduit par l'Esprit du Seigneur qui remplit l'univers, le peuple de Dieu s'efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu" (GS 11).

Cependant, l'espérance chrétienne ne se limite pas à ces mouvements d'espoir qui naissent au coeur des hommes. Prenant sa source dans la foi et dans les horizons nouveaux que la foi ouvre devant les yeux, elle permet d'affronter la mort et fait accéder celui qui espère à des réalités situées au-delà de la mort: la résurrection, la vie éternelle, la vision béatifiante de Dieu. Elle puise en Jésus ressuscité son secret, son audace et sa force.

645 L'espérance chrétienne n'est pas une fuite devant les réalités, parfois douloureuses, de ce monde, en particulier l'obstacle que représente la mort. Elle prend la mort tout à fait au sérieux. C'est une réalité humaine qu'elle ne considère pas simplement comme une donnée "naturelle", comme une fatalité, mais d'abord comme un scandale, comme un mal lié à tous les maux, au péché: quelque chose à quoi l'homme ne peut pas uniquement se résigner.

Dans l'Ancien Testament la mort, qui pèse sur l'homme comme un châtiment, est une énigme. Elle est vue comme la conséquence du péché d'Adam, le premier homme (cf.
Gn 2,17 Gn 3,19). Car "Dieu n'a pas fait la mort, il, ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent" (Sg 1,13-14). Dans le Nouveau Testament, l'apôtre Paul indique le lien du péché et de la mort: "Par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort, et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché" (Rm 5,12). La venue du Christ va bousculer cette situation. En affrontant lui-même la mort, il en sort victorieux par la Résurrection. Pardonnant ses fautes, il donne à l'homme d'entrer pour toujours avec lui et avec ses frères dans la communion éternelle de vie divine inaltérable (cf GS 18). Tel est le "salut", telle est l'Alliance éternelle réalisée par Jésus Christ, le Sauveur.


La mort vaincue

646 La mort est entrée dans le monde par le péché "dès le début de l'histoire" (GS 13). C'est désormais par la mort que tout homme accède à la rencontre définitive avec Dieu. Mais, dans cette rencontre, Dieu ne juge l'homme qu'en s'instituant en même temps son allié, son libérateur. Jésus, le Fils de Dieu, est venu prendre sur lui la mort des hommes, afin d'en changer totalement le sens. En Jésus crucifié la mort devient un passage à une vie nouvelle, transfigurée: la résurrection et la vision de Dieu.

"Oui, nous sommes destinés à mourir, mais quand la mort nous atteint, nous qui sommes pécheurs, ton coeur de Père nous sauve par la victoire du Christ qui nous fait revivre avec lui" (préface des défunts, no. 5).

647 En attendant de voir Dieu, nous croyons et nous espérons. Mais l'espérance et la foi, ce n'est pas encore la vision de Dieu: "Voir ce qu'on espère, ce n'est plus espérer: ce que l'on voit, comment peut-on l'espérer encore? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance" (Rm 8,24-25). La foi, pourtant, nous donne une certaine connaissance des réalités qui dépassent les frontières de cette vie et de ce monde. "Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle; ce jour-là, je connaîtrai vraiment, comme Dieu m'a connu" (1Co 13,12).

Dès maintenant la foi permet de vivre autrement la mort: dans l'abandon, en union avec le Christ, alors même que la nature continue de regimber.


Fermeté de l'espérance chrétienne

648 Même quand elle reste comme cachée dans le coeur du croyant, l'espérance chrétienne dépasse infiniment en réalisme toute espérance purement humaine. Cela vient de l'assurance que donne la foi. La foi, en effet, est solidement fondée sur Dieu lui-même et sur ses promesses, dont elle tient la réalisation pour certaine (cf. Tt 1,2).

L'espérance chrétienne fortifie le croyant dans toute son existence, dans le bonheur comme dans le malheur. Elle le soutient dans la persévérance, car elle n'est pas seulement une vertu humaine. Elle reçoit sa force de l'Esprit de Dieu qui habite l'âme du croyant: "Nous gommes ainsi en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a donné, par la foi, l'accès au monde de la grâce dans lequel nous sommes établis; et notre orgueil à nous, c'est d'espérer avoir part à la gloire de Dieu. Mais ce n'est pas tout: la détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance; la persévérance produit la valeur éprouvée; la valeur éprouvée produit l'espérance; et l'espérance ne trompe pas, puisque l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné" (Rm 5,1-5).

Les chrétiens ne cessent de renouveler et de nourrir leur espérance par la prière et les sacrements, par la lecture et l'écoute en Église des Écritures, qui leur rappellent la solidité des promesses de vie éternelle avec Dieu, cette vie que Jésus nous a déjà acquise. Accueillant le don de l'Esprit Saint, arrhes de leur héritage (cf. Ep 1,14), les chrétiens travaillent à ce monde qui passe en attendant la venue du Christ dans la gloire.

649 Des profondeurs
je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel!
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière!
Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l'homme te craigne.
J'espère le Seigneur de toute mon âme;
je l'espère, et j'attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu'un veilleur ne guette l'aurore.
Plus qu'un veilleur ne guette l'aurore,
attends le Seigneur, Israël.
Oui, près du Seigneur, est l'amour;
près de lui, abonde le rachat.
C'est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.
(
Ps 129)



Catéchisme France 619