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L'Eglise, qui observe et vit l'urgence actuelle d'une nouvelle évangélisation, ne peut esquiver la mission permanente qui est celle de porter l'Evangile à tous ceux qui et ils sont des millions et des millions d'hommes et de femmes ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l'homme. C'est là la tâche la plus spécifiquement missionnaire que Jésus a confiée et de nouveau confie chaque jour à Son Eglise.
Le travail des fidèles laïcs, qui par ailleurs n'a jamais fait défaut dans ce domaine, se révèle aujourd'hui toujours plus nécessaire et de plus grand prix. En fait, l'ordre du Seigneur "Allez dans le monde entier" continue à trouver beaucoup de laïcs généreux, prêts à quitter leur milieu de vie, leur travail, leur province, et leur patrie, pour se rendre, au moins pour une période déterminée, en pays de mission. Même des couples chrétiens, à l'exemple d'Aquila et de Priscille (cf. Ac 18 Rm 16,3 cf. et suiv.), offrent un témoignage réconfortant d'amour passionné du Christ et de l'Eglise par leur présence active dans des pays de mission. Autre présence missionnaire authentique, celle de chrétiens qui, vivant pour des motifs divers dans des pays ou des milieux ou l'Eglise n'est pas encore établie, témoignent de leur propre foi.
Mais le problème missionnaire se présente de nos jours à l'Eglise avec une ampleur et une gravité telles que seule une prise en charge vraiment solidaire des responsabilités de la part de tous les membres de l'Eglise, individuellement ou en groupe, peut donner l'espoir d'une réponse plus efficace.
L'invitation que le Concile Vatican II a adressée aux Eglises particulières garde toute sa valeur; elle demande même aujourd'hui un accueil plus étendu et plus décidé: "L'Eglise particulière, étant tenue de représenter le plus parfaitement possible l'Eglise universelle, doit savoir nettement qu'elle a été envoyée aussi ceux qui ne croient pas au Christ" (126).
129-
L'Eglise doit faire aujourd'hui un grand pas en avant dans l'évangélisation, elle doit entrer dans une nouvelle étape historique de son dynamisme missionnaire. En un monde ou ont été éliminées les distances et qui se fait plus petit, les communautés ecclésiales doivent s'unir entre elles, échanger leurs énergies et leurs moyens, s'engager ensemble dans l'unique et commune mission d'annoncer et de vivre l'Evangile. "Les Eglises qu'on appelle jeunes Eglises ont déclaré les Pères du Synode ont besoin de la force des Eglises anciennes, et en même temps celles-ci ont besoin du témoignage et de la poussée des jeunes Eglises, de sorte que chacune de ces Eglises puise aux richesses des autres"(127).
127- Propositio 29
Au cours de cette nouvelle étape, la formation non seulement d'un clergé local mais aussi d'un laïcat mûr et responsable se pose dans les jeunes Eglises comme élément essentiel et inéluctable de l'implantation de l'Eglise (128). Et ainsi les communautés évangélisées s'élancent elles-mêmes vers de nouveaux pays du monde pour répondre à leur tour à la mission d'annoncer l'Evangile du Christ et d'en porter témoignage.
128-
Par l'exemple de leur vie et par leur action, les fidèles laïcs peuvent améliorer les rapports entre les adeptes des différentes religions, comme l'ont noté fort à propos les Pères du Synode: "Aujourd'hui l'Eglise vit partout au milieu d'hommes pratiquant des religions différentes... Tous les fidèles, spécialement les laïcs qui vivent au milieu de peuples d'autres religions, que ce soit leur pays d'origine ou un pays ou ils ont émigré, ces laïcs devront être pour les habitants de ces pays un signe du Seigneur et de son Eglise, d'une façon adaptée aux circonstances de vie de chaque pays. Le dialogue entre les religions est de toute première importance parce qu'il conduit à l'amour et au respect réciproque; il efface ou tout au moins atténue les préjugés entre les adeptes des diverses religions et promeut l'unité et l'amitié entre les peuples"(129).
129- Propositio 30bis
Pour l'évangélisation des peuples, il faut avant tout des apôtres. A cette fin, nous devons tous, à commencer par les familles chrétiennes, percevoir la responsabilité qui est la nôtre de favoriser l'essor et la maturation de vocations spécifiquement missionnaires, sacerdotales, religieuses ou laïques, en usant de tous les moyens favorables, sans jamais négliger le moyen privilégié qu'est la prière, selon la parole même du Seigneur Jésus: "La moisson est abondante, et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson" (Mt 9,37-38).
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En recevant et en annonçant l'Evangile dans la force de l'Esprit, l'Eglise devient une communauté évangélisée et évangélisante, et par là elle se fait la servante des hommes.
En son sein, les fidèles laïcs participent à la mission de servir la personne et la société. Il est certain que l'Eglise a comme fin suprême le Royaume de Dieu, dont "elle constitue sur terre le germe et le commencement"(130), elle est donc totalement consacrée à la glorification du Père. Mais le Royaume est source de complète libération et de salut total pour les hommes: l'Eglise avance donc avec les hommes et vit dans une solidarité totale et intime avec leur histoire.
130- LG 5
Ayant reçu la charge de manifester au monde le mystère de Dieu qui resplendit en Jésus-Christ, l'Eglise, en même temps, révèle l'homme à l'homme lui-même; elle lui enseigne le sens de son existence, elle l'introduit dans la vérité totale sur lui-même et sur son destin(131). Dans cette perspective, l'Eglise est appelée, en vertu même de sa mission évangélisatrice, à servir l'homme. Ce service s'enracine tout d'abord dans le fait prodigieux et bouleversant que, "par son Incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni Lui-même à tout homme"(132).
131- GS 22
132- GS 22
C'est pourquoi l'homme "est la première route que l'Eglise doit suivre pour l'accomplissement de sa mission: il est la première route fondamentale de l'Eglise, route tracée par le Christ, route qui passe à travers le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption"(133).
133- RH 14
C'est précisément dans ce sens qu'à plusieurs reprises et avec une clarté et une force particulières, le Concile Vatican II s'est exprimé dans ses divers documents. Relisons le texte singulièrement éclairant de la Constitution Gaudium et spes: "L'Eglise, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre, ne communique pas seulement à l'homme la vie divine; elle répand aussi, et d'une certaine façon sur le monde entier, la lumière que cette vie divine irradie, notamment en guérissant et en élevant la dignité de la personne humaine, en affermissant la cohésion de la société et en procurant à l'activité quotidienne des hommes un sens plus profond, la pénétrant d'une signification plus haute. Ainsi, par chacun de ses membres comme par toute la communauté qu'elle forme, l'Eglise croit pouvoir largement contribuer à humaniser toujours plus la famille des hommes et son histoire"(134).
134- GS 40
Dans cette contribution apportée à la famille des hommes, dont l'Eglise porte la responsabilité, une place spéciale revient aux fidèles laïcs, en raison de leur "caractère séculier" qui les engage, selon des modalités propres et irremplaçables, "dans l'animation chrétienne de l'ordre temporel".
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Découvrir et faire découvrir la dignité inviolable de toute personne humaine constitue une tâche essentielle et même, en un certain sens, la tâche centrale et unifiante du service que l'Eglise, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes.
Parmi toutes les créatures terrestres, seul l'homme est une "personne, sujet conscient et libre", et, pour cela, "centre et sommet" de tout ce qui existe sur la terre(135).
135- GS 12
Sa dignité de personne est le bien le plus précieux que l'homme possède, grâce à quoi il dépasse en valeur tout le monde matériel. La parole de Jésus "Que sert à l'homme de gagner le monde entier, s'il se porte tort à lui-même?" (Mc 8,36) implique une affirmation anthropologique lumineuse et stimulante: l'homme ne vaut pas par ce qu'il "a" même s'il possédait le monde entier! mais par ce qu'il "est".Les biens du monde ne comptent pas autant que le bien de la personne, le bien qui est la personne même.
La dignité de la personne se manifeste dans tout son éclat quand on en considère l'origine et la destinée: créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, et racheté par le Sang très précieux du Christ, l'homme est appelé à être "fils dans le Fils" et temple vivant de l'Esprit, et destiné à l'éternelle vie de communion béatifiante avec Dieu. Pour ces raisons, toute violation de la dignité personnelle de l'être humain crie vengeance en présence de Dieu et devient une offense au Créateur de l'homme.
En vertu de sa dignité personnelle, l'être humain est toujours une valeur en lui-même et pour lui-même, et il doit être considéré et traité comme tel; jamais il ne peut être considéré et traité comme un objet dont on se sert, un instrument, une chose.
La dignité personnelle constitue le fondement de l'égalité de tous les hommes entre eux. De là la nécessité absolue de refuser toutes les formes, si diverses, de discrimination, qui, hélas! continuent à diviser et à humilier la famille humaine, discriminations raciales, économiques, sociales, culturelles, politiques, géographiques, etc. Toute discrimination constitue une injustice absolument intolérable, non pas tant en raison des tensions et des conflits qu'elle peut engendrer dans le tissu social qu'en raison du déshonneur infligé à la dignité de la personne: et non seulement à la dignité de qui est victime de l'injustice, mais, davantage encore, de qui la commet.
Base de l'égalité de tous les hommes entre eux, la dignité de la personne est aussi le fondement de la participation et de la solidarité des hommes entre eux: le dialogue et la communion s'enracinent finalement en ce que les hommes "sont", plus encore qu'en ce que les hommes "ont".
La dignité personnelle est une propriété indestructible de tout être humain. Il est fondamental de noter toute la force explosive de cette affirmation qui se base sur l'unicité irremplaçable de toute personne. Il en découle que l'individu résiste de façon absolument irréductible à toute tentative d'écrasement ou d'anéantissement dans l'anonymat de la collectivité, de l'institution, de la structure, du système. La personne, dans son individualité, n'est pas un numéro, elle n'est pas un anneau dans une chaîne, ni un engrenage dans un système. L'affirmation la plus radicale et la plus exaltante de la valeur de tout être humain a été établie par le Fils de Dieu lorsqu'Il s'est incarné dans le sein d'une femme. De cela le Noël chrétien continue à nous parler(136).
136- "Si nous célébrons si solennellement la naissance de Jésus, nous le faisons pour témoigner que chaque homme est unique et irremplaçable. Si nos statistiques humaines, nos classifications humaines, les systèmes humains, politiques, économiques et sociaux, les simples possibilités humaines ne parviennent pas à assurer à l'homme qu'il puisse naître, exister et agir comme un être unique et irremplaçable, alors tout cela, c'est Dieu qui le lui assure. Pour Dieu et devant Dieu, l'homme est toujours unique et irremplaçable ; quelqu'un qui a été pensé de toute éternité, choisi de toute éternité, quelqu'un qui a été appelé et nommé de son nom propre" (Jean Paul II, Premier message de Noël au monde ; AAS 71 (1979), 66).
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La reconnaissance effective de la dignité personnelle de tout être humain exige le respect, la défense et la promotion des droits de la personne humaine. Il s'agit de droits naturels, universels et inviolables: personne, ni l'individu, ni le groupe, ni l'autorité, ni l'Etat, ne peut les modifier, encore moins les supprimer, parce que ces droits procèdent de Dieu Lui-même. Or l'inviolabilité de la personne, reflet de l'absolue inviolabilité de Dieu Lui-même, trouve son expression première et fondamentale dans l'inviolabilité de la vie humaine. Il est juste, assurément, de parler des droits de l'homme comme, par exemple, le droit à la santé, au logement, au travail, à la famille, à la culture mais c'est propager l'erreur et l'illusion que d'en parler, comme on le fait souvent, sans défendre avec la plus grande vigueur le droit à la vie, comme droit premier, origine et condition de tous les autres droits de la personne.
L'Eglise ne s'est jamais avouée vaincue en face de toutes les violations que le droit à la vie, droit précisément de tout être humain, a subies et continue à subir de la part des particuliers ou des autorités elles-mêmes. Le sujet de ce droit c'est l'être humain, à tout moment de son développement, depuis sa conception jusqu'à sa mort naturelle; et en toutes les conditions, en santé ou en maladie, en état de perfection physique ou de handicap, de richesse ou de misère. Le Concile Vatican II le proclame très haut: "Tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré; tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l'homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable: toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l'honneur du Créateur"(137).
137- GS 27
Or si chacun a la mission et la responsabilité de reconnaître la dignité personnelle de tout être humain et de défendre son droit à la vie, certains fidèles laïcs sont appelés à le faire à un titre particulier: les parents, les éducateurs, le personnel médical et infirmier, et tous ceux qui assument le pouvoir économique et politique.
En accueillant avec amour et générosité toute vie humaine, surtout si elle est faible et malade, l'Eglise vit aujourd'hui un moment capital de sa mission, d'autant plus nécessaire que s'affirme davantage une "culture de mort". En effet "l'Eglise croit fermement que la vie humaine, même faible et souffrante, est toujours un magnifique don du Dieu de bonté. Contre le pessimisme et l'égoïsme qui obscurcissent le monde, l'Eglise prend parti pour la vie, et dans chaque vie humaine elle sait découvrir la splendeur de ce "Oui", de cet "Amen" qu'est le Christ (cf.2Co 1,19 Ap 3,14). Au "non" qui envahit et attriste l'homme et le monde, elle oppose ce "oui" vivant, défendant ainsi l'homme et le monde contre ceux qui menacent la vie et lui portent atteinte"(138). Il revient aux fidèles laïcs qui sont plus directement, par vocation ou par profession, responsables de l'accueil de la vie, de rendre concret et efficace le "Oui" de l'Eglise à la vie humaine.
138- FC 30
Aux frontières de la vie humaine, de nouvelles possibilités et responsabilités se sont largement ouvertes grâce à l'énorme développement des sciences biologiques et médicales, qui va de pair avec les progrès étonnants de la technologie: l'homme est en mesure aujourd'hui non seulement "d'observer" mais aussi de "manipuler"la vie humaine dès sa première origine et dans les premiers stades de son développement.
La conscience morale de l'humanité ne peut rester étrangère ni indifférente devant les pas de géant réalisés par un pouvoir technologique qui conquiert une emprise toujours plus vaste et plus profonde sur les dynamismes qui président à la procréation et aux premières phases du développement de la personne humaine. Jamais peut-être autant qu'aujourd'hui et qu'en ce domaine la Sagesse ne s'est révélée la seule ancre de salut, pour que l'homme, dans la recherche scientifique et dans la recherche appliquée, puisse agir toujours avec intelligence et amour, ce qui veut dire en respectant, ou mieux encore, en vénérant l'inviolable dignité personnelle de tout être humain, dès le premier moment de son existence. C'est ce qui se réalise lorsque, avec des moyens licites, la science et la technique s'engagent dans la défense de la vie et dans le soin des maladies dès le commencement, se refusant au contraire au nom de la dignité même de la recherche aux interventions qui altéreraient le patrimoine génétique de l'individu et de la race humaine(139).
139- Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction Donum vitae sur le respect de la vie humaine à la naissance et dignité de la procréation. Réponse à quelques questions d'actualité (22 février 1987): AAS 80 (1988), 70-102.
Les fidèles laïcs qui se trouvent, à des titres et à des plans divers, engagés dans la science et la technique, comme aussi ceux qui ont une responsabilité médicale, sociale, législative ou économique, doivent avec courage accepter "les défis" lancés par les nouveaux problèmes de la bioéthique. Comme l'ont affirmé les Pères du Synode: "Les chrétiens doivent exercer leur responsabilité comme maîtres de la science et de la technologie et non pas comme leurs esclaves... Dans la perspective des "défis" moraux qui vont être provoqués par la formidable puissance technologique nouvelle et qui mettent en péril non seulement les droits fondamentaux des hommes, mais jusqu'à l'essence biologique de l'espèce humaine, il est de la plus haute importance que les laïcs chrétiens avec l'aide de l'Eglise entière assument la charge de rappeler la culture aux principes d'un authentique humanisme, afin que la promotion et la défense des droits de l'homme puissent trouver un fondement dynamique et solide dans son essence même, cette essence que la prédication évangélique a révélée aux hommes"(140).
140- Propositio 36
Aujourd'hui, la plus grande vigilance s'impose à tous de façon urgente devant le phénomène de la concentration du pouvoir, et en premier lieu, du pouvoir technologique. Cette concentration, en effet, tend à manipuler non seulement l'essence biologique, mais encore l'intérieur même de la conscience des hommes, et leurs modes de vie, et aggrave ainsi la discrimination et la marginalisation de peuples entiers.
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Le respect de la dignité de la personne, qui comporte la défense et la promotion des droits de l'homme, exige que soit reconnue la dimension religieuse de l'homme. Ce n'est pas là une exigence simplement "confessionnelle", mais bien une exigence qui trouve sa racine indestructible dans la réalité même de l'homme. Le rapport avec Dieu, en effet, est un élément constitutif de l'"être" et de l'"existence" de l'homme: c'est en Dieu qu'il "nous est donné de vivre, de nous mouvoir et d'exister" ( Ac 17,28). Si tous n'admettent pas cette vérité, tous ceux qui en sont pénétrés ont le droit au respect de leur foi et des choix de vie, individuelle ou communautaire, qui en dérivent. C'est cela le droit à la liberté de conscience et à la liberté religieuse; le reconnaître effectivement, c'est l'un des biens les plus nobles et l'un des devoirs les plus graves de chaque peuple, s'il veut vraiment assurer le bien de la personne et de la société: "La liberté religieuse, exigence indestructible de la dignité de tout homme, est une pierre angulaire de l'édifice des droits de l'homme, et donc un facteur irremplaçable du bien de la personne et de toute la société, comme elle l'est de l'épanouissement personnel de chacun. Il en découle que la liberté pour les individus et les communautés de professer et de pratiquer sa religion est un élément essentiel de la cohabitation pacifique des hommes... Le droit civil et social à la liberté religieuse, parce qu'il touche à la sphère la plus intime de l'esprit, se manifeste comme le point de référence et, en un certain sens, devient la mesure des autres droits fondamentaux"(141).
141- Jean Paul II, Message pour la 21ème Journée mondiale de la Paix (8 décembre 1987); AAS 80 (1988), 278-280.
Le Synode n'a pas oublié les nombreux frères et soeurs qui ne jouissent pas encore de ce droit, et qui doivent affronter tant de difficultés, de marginalisations, de souffrances, de persécutions et parfois la mort, à cause de la confession de leur foi. Le plus grand nombre d'entre eux sont des frères et des soeurs qui appartiennent au laïcat chrétien. L'annonce de l'Evangile et le témoignage d'une vie chrétienne dans la souffrance et dans le martyre constituent le sommet de l'apostolat des disciples du Christ, tout comme l'amour du Seigneur Jésus jusqu'au don de sa propre vie constitue une source extraordinairement féconde pour l'édification de l'Eglise. La vigne mystique témoigne ainsi de sa vigueur, comme le notait Saint Augustin: "Cette vigne, comme l'avaient annoncé les Prophètes et le Seigneur Lui-même, répandait sur le monde entier ses sarments chargés de fruits et devenait d'autant plus vigoureuse qu'elle était davantage arrosée du sang abondant des martyrs"(142).
142- S. Augustin, De Catech. Rud., XXIV,44 ; CCL 46,168.
L'Eglise tout entière est profondément reconnaissante pour cet exemple et pour ce don: en ces chrétiens si généreux, elle trouve un motif de renouveler son élan de vie sainte et apostolique. C'est dans ce sens que les Pères du Synode ont estimé qu'il était de leur devoir spécialement "de remercier les laïcs qui vivent en infatigables témoins de la foi, fidèlement unis au Siège Apostolique, en dépit des restrictions imposées à leur liberté et de la privation ou ils sont de ministres sacrés. Ils mettent tout en jeu, jusqu'à leur vie. Ainsi les laïcs fournissent le témoignage d'une caractéristique essentielle de l'Eglise, à savoir: l'Eglise de Dieu naît de la grâce de Dieu, et nous en voyons la manifestation la plus sublime dans le martyre"(143).
143- Propositio 32.
Tout ce que nous avons dit jusqu'ici sur le respect de la dignité de la personne et sur la reconnaissance des droits de l'homme concerne bien sûr la responsabilité de chaque chrétien, de chaque homme. Mais il nous faut noter aussitôt que ce problème a une dimension mondiale: c'est, en effet, une question qui touche des groupes humains entiers, et même des peuples entiers, qui sont violemment frappés dans leurs droits fondamentaux. Ces formes d'inégalité dans le développement entre les différents Mondes sont très nettement dénoncées dans la récente Encyclique Sollicitudo rei socialis.
Le respect de la personne humaine dépasse l'exigence d'une morale individuelle et elle s'établit comme un critère de base, comme le pilier fondamental, pour ainsi dire, en vue de la structuration de la société elle-même, étant donné que la société tout entière a comme finalité la personne.
Ainsi donc, c'est en liaison étroite avec la responsabilité de servir la personne que se situe la responsabilité de servir la société. On peut définir globalement de cette manière la mission d'animation chrétienne de l'ordre temporel que les fidèles sont appelés à remplir selon leurs modalités propres et spécifiques.
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La personne humaine a dans sa structure naturelle une dimension sociale, car, au plus profond d'elle-même, elle est appelée à vivre en communion avec les autres, et à se donner aux autres: "Dieu, qui veille paternellement sur tous, a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des frères"(144). Ainsi la société, fruit et signe du caractère social de l'homme, manifeste sa pleine réalité lorsqu'elle est une communauté de personnes.
144- GS 24
Il existe une interdépendance et une réciprocité entre personne et société: tout ce qui se fait en faveur de la personne est fait au service de la société, et tout ce qui se fait pour la société tourne aussi au bien de la personne. C'est pourquoi l'engagement apostolique des fidèles laïcs dans l'ordre temporel prend toujours et inséparablement le sens d'un service rendu à la personne individuelle, dans son unicité irremplaçable, et le sens d'un service rendu à tous les hommes.
L'expression première et originelle de la dimension sociale de la personne, c'est le couple et la famille: "Mais Dieu n'a pas créé l'homme solitaire: dès l'origine, "Il les créa homme et femme" (Gn 1,27). Cette société de l'homme et de la femme est l'expression première de la communion des personnes"(145). Jésus a eu soin de restituer au couple toute sa dignité et à la famille sa solidité (cf.Mt 19,3-9) ; Saint Paul a montré le rapport profond du mariage avec le mystère du Christ et de l'Eglise (cf. Ep 5,22 cf. Ep 6,4 Col 3,18-21 1P 3,1-7).
145- GS 12
Le couple et la famille constituent le premier espace pour l'engagement social des fidèles laïcs. C'est un engagement qui ne peut être assumé de façon valable que dans la conviction de la valeur unique et irremplaçable de la famille pour le développement de la société et de l'Eglise elle-même.
Berceau de la vie et de l'amour, dans lequel l'homme "naît" et "grandit", la famille est la cellule fondamentale de la société. A cette communauté, il faut réserver une sollicitude privilégiée, chaque fois surtout que l'égoïsme humain, les campagnes contre la natalité, et aussi les conditions de pauvreté et de misère physique, culturelle et morale, et encore la mentalité de recherche du plaisir et de course à la consommation, tarissent les sources de la vie, pendant que les idéologies et différents systèmes, ainsi que des formes d'absence d'intérêt et de manque d'affection, s'attaquent à la fonction éducative propre à la famille.
Dans ces conditions, il est urgent de déployer une activité vaste, profonde et systématique, soutenue non seulement par la culture mais encore par des moyens économiques et des institutions législatives, dans le but d'assurer à la famille sa place de lieu premier d'"humanisation" de la personne et de la société.
L'engagement apostolique des fidèles laïcs envers la famille est avant tout de rendre celle-ci consciente de son identité, qui est d'être le premier noyau social de base, et aussi de son rôle original dans la société, afin qu'elle devienne elle-même toujours davantage la protagoniste active et responsable de sa propre croissance et de sa propre participation à la vie sociale. De cette façon, la famille pourra et devra exiger de tous, et d'abord des autorités publiques, le respect de ses droits qui, en sauvant la famille, sauvent la société elle-même.
Ce que tous peuvent lire dans l'Exhortation Familiaris consortio au sujet de la participation de la famille au développement de la société(146) et ce que le Saint-Siège, à l'invitation du Synode des Evêques en 1980, a formulé dans la "Charte des Droits de la Famille" constitue un programme d'action complet et organique pour tous les fidèles laïcs qui, à des titres divers, sont intéressés à la promotion des valeurs et des exigences de la famille: un programme dont la réalisation est à mener avec d'autant plus de promptitude et de décision que se font plus graves les menaces contre la stabilité et la fécondité de la famille et que plus lourde et plus systématique se révèle la tendance à marginaliser la famille et à annihiler son importance sociale.
146- FC 42-48
L'expérience le montre, la civilisation et la solidité des peuples dépendent surtout de la qualité humaine de leurs familles. De là vient que l'engagement apostolique envers la famille a une valeur sociale incomparable. L'Eglise en est profondément convaincue; elle sait bien que "l'avenir de l'humanité passe par la famille"(147).
147- FC 85
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Le service de la société s'exprime et se réalise de manières très variées: depuis celles qui sont libres et informelles jusqu'à celles qui ont un caractère institutionnel, depuis le secours porté aux personnes en particulier à celui qui va à des groupes divers et à des communautés de personnes.
L'Eglise entière comme telle est directement appelée au service de la charité: "La Sainte Eglise en joignant l'agapè à la Cène eucharistique se manifestait tout entière réunie autour du Christ par le lien de la charité; ainsi en tout temps elle se fait reconnaître à ce signe d'amour; tout en se réjouissant des initiatives d'autrui, elle tient aux oeuvres charitables comme à une partie de sa mission propre et comme à un droit inaliénable. C'est pourquoi la miséricorde envers les pauvres et les faibles, les oeuvres dites de charité et de secours mutuel pour le soulagement de toutes les souffrances humaines sont en particulier honneur"(148). La charité envers le prochain, sous les formes anciennes et toujours nouvelles des oeuvres de miséricorde corporelle et spirituelle, représente le contenu le plus immédiat, le plus commun et le plus habituel de l'animation chrétienne de l'ordre temporel, qui constitue l'engagement spécifique des fidèles laïcs.
148- AA 8
Par leur charité envers le prochain les fidèles laïcs vivent et manifestent leur participation à la royauté de Jésus-Christ, c'est-à-dire au pouvoir du Fils de l'homme qui "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir" (Mc 10,45) : ils vivent et manifestent cette royauté de la façon la plus simple, à la portée de tous et toujours, et tout à la fois de la façon la plus exaltante, parce que la charité est le don le plus élevé que l'Esprit offre pour l'édification de l'Eglise (cf. 1Co 13,13) et pour le bien de l'humanité: La charité, en effet, anime et soutient une solidarité active, très attentive à la totalité des besoins de l'être humain.
Une pareille charité, pratiquée non pas seulement par des particuliers, mais aussi solidairement par des groupes et des communautés, est et sera toujours nécessaire: rien ni personne ne pourra en tenir lieu, pas même les nombreuses institutions et les initiatives publiques, qui cependant s'efforcent de répondre aux besoins souvent graves et étendus aujourd'hui d'une population. Paradoxalement, cette charité se fait plus nécessaire du fait que les institutions, qui deviennent compliquées dans leur organisation et prétendent gérer tout domaine disponible, finissent par être neutralisées par un fonctionnarisme impersonnel, une bureaucratie exagérée, des intérêts privés excessifs, un désintéressement facile et généralisé.
C'est justement dans ce contexte que continuent à surgir et à se répandre, en particulier dans les sociétés organisées, différentes formes de bénévolat, qui s'expriment en une multitude de services et d'oeuvres. Bien vécu dans sa vérité de service désintéressé en faveur des personnes, spécialement des plus nécessiteuses et des plus négligées par les services sociaux eux-mêmes, le bénévolat doit être considéré comme une expression importante d'apostolat ou les fidèles laïcs, hommes et femmes, ont un rôle de premier plan.
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La charité qui aime et qui sert la personne ne doit pas se séparer de la justice: l'une et l'autre, chacune à sa manière, exigent la reconnaissance totale et effective des droits de la personne, à laquelle est ordonnée la société avec toutes ses structures et ses institutions(149). Pour une animation chrétienne de l'ordre temporel, dans le sens que nous avons dit, qui est celui de servir la personne et la société, les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la "politique", à savoir à l'action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun. Les Pères du Synode l'ont affirmé à plusieurs reprises: tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique; cette participation peut prendre une grande diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de responsabilités. Les accusations d'arrivisme, d'idolâtrie du pouvoir, d'égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis politiques, comme aussi l'opinion assez répandue que la politique est nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l'absentéisme des chrétiens pour la chose publique.
149- Sur le rapport entre justice et miséricorde cf. DM 12
A l'inverse, la parole du Concile Vatican II est des plus significatives: "L'Eglise tient en grande considération et estime l'activité de ceux qui se consacrent au bien de la chose publique et en assument les charges pour le service de tous"(150).
150- GS 75
Une politique pour la personne et pour la société trouve son critère fondamental dans la poursuite du bien commun, en tant que bien de tous les hommes et bien de tout homme, bien offert et garanti à l'accueil libre et responsable des personnes, individuellement ou en association: "La communauté politique existe pour le bien commun; elle trouve en lui sa pleine justification et sa signification, et c'est de lui qu'elle tire l'origine de son droit propre. Quant au bien commun, il comprend l'ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s'accomplir plus complètement et plus facilement"(151).
151- GS 74
Au surplus, une politique pour la personne et pour la société prend comme orientation constante la défense et la promotion de la justice, comprise comme une "vertu" à laquelle il faut former tout le monde, et comme une "force" morale qui soutient ceux qui s'efforcent de favoriser les droits et les devoirs de tous et de chacun sur la base de la dignité personnelle de l'être humain.
L'exercice du pouvoir politique doit se baser sur l'esprit de service qui, joint à la compétence et à l'efficacité nécessaires, est indispensable pour rendre "transparente" et "propre" l'activité des hommes politiques, comme du reste le peuple l'exige fort justement. Cela requiert la lutte ouverte et la victoire contre certaines tentations, comme le recours à des manoeuvres déloyales, au mensonge, le détournement des fonds publics au profit de quelques-uns ou à des fins de "clientélisme", l'usage de procédés équivoques et illicites pour conquérir, maintenir et élargir le pouvoir à tout prix.
Les fidèles laïcs engagés dans la politique doivent sans le moindre doute respecter l'autonomie des réalités terrestres, à comprendre dans le sens ou la définit la Constitution Gaudium et spes: "... Il est d'une haute importance que l'on ait une vue juste des rapports entre la communauté politique et l'Eglise; et que l'on distingue nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par leur conscience chrétienne, et les actions qu'ils mènent au nom de l'Eglise, en union avec leurs pasteurs. L'Eglise, qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune manière avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine"(152). En même temps et ceci est ressenti comme une urgence et une responsabilité les fidèles laïcs doivent porter témoignage des valeurs humaines et évangéliques qui sont intimement liées avec l'activité politique elle-même, comme la liberté et la justice, la solidarité, le dévouement fidèle et désintéressé au bien de tous, le style de vie simple, l'amour préférentiel pour les pauvres et les plus petits. Cela exige que les fidèles laïcs trouvent toujours plus d'élan spirituel grâce à une participation réelle à la vie de l'Eglise et qu'ils soient éclairés par sa doctrine sociale. En cette tâche, ils pourront être accompagnés et aidés par les communautés chrétiennes et leurs pasteurs(153).
152- GS 76
153- Propositio 28
Le style et le moyen pour réaliser une politique qui veuille viser un véritable développement humain, c'est la solidarité: cette solidarité requiert la participation active et responsable de tous à la vie politique, de la part de chaque citoyen et des groupements les plus variés, depuis les syndicats jusqu'aux partis; ensemble, tous et chacun, nous sommes à la fois destinataires et participants actifs de la politique. En de telles coordonnées, comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Sollicitudo rei socialis, la solidarité "n'est pas un sentiment de vague compassion ou d'attendrissement superficiel devant les maux de tant de personnes, proches ou lointaines. Tout au contraire, c'est la détermination ferme et persévérante d'un engagement pour le bien commun, en d'autres termes pour le bien de tous et de chacun, afin que tous nous soyons vraiment responsables de tous" (154).
154- SRS 38
La solidarité politique doit aujourd'hui se réaliser à la hauteur d'une ligne d'horizon qui, dépassant chaque nation ou chaque bloc de nations, se présente avec des dimensions proprement continentales ou mondiales.
Le fruit de l'activité politique solidaire, si désiré de tous, mais jusqu'ici toujours loin de son point de maturité, c'est la paix. Les fidèles laïcs ne peuvent rester indifférents, étrangers ou paresseux devant tout ce qui est négation et compromission de la paix: violence et guerre, torture et terrorisme, camps de concentration, militarisation de la politique, course aux armements, menace nucléaire. Au contraire, en tant que disciples de Jésus-Christ, "Prince de la paix" ( Is 9,5) et "notre Paix" (Ep 2,14), les fidèles laïcs doivent assumer la tâche d'être des "artisans de paix" ( Mt 5,9), autant par la conversion du coeur que par l'action en faveur de la vérité, de la liberté, de la justice et de la charité, qui sont les fondements inaliénables de la paix(155).
155- Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in terris; AAS 55 (1963), 265- 266
En collaborant avec tous ceux qui cherchent vraiment la paix et en utilisant les organismes spécifiques et les institutions nationales et internationales, les fidèles laïcs doivent promouvoir une oeuvre éducative capillaire, destinée à vaincre la culture dominatrice de l'égoïsme, de la haine, de la vengeance et de l'inimitié, et à développer la culture de la solidarité à tous les niveaux. Cette solidarité, en effet, "est le chemin de la paix et du développement" (156).Dans cette perspective, les Pères du Synode ont invité les chrétiens à repousser les formes inacceptables de violence, et à promouvoir des attitudes de dialogue et de paix, et aussi à s'engager pour instaurer un ordre social et international juste(157).
156- SRS 39
157- Propositio 26
1988 Christifideles laici 35