1979 Catechesi Tradendae 19
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La spécificité de la catéchèse, distinguée de la première annonce de l'Evangile qui a suscité la conversion, poursuit le double objectif de faire mûrir la foi initiale et d'éduquer le vrai disciple du Christ par le moyen d'une connaissance plus approfondie et plus systématique de la personne et du message de Notre Seigneur Jésus-Christ (49).
49- Cf. Synodus Episcoporum, De Catechesi hoc nostro tempore tradenda praesertim pueris atque iuvenibus, Ad Populum Dei Nuntius, n. 1 : loc. cit., pp. 3 ss ; cf. L'Osservatore Romano, 30 octobre 1977, p. 3.
Mais dans la pratique catéchétique, cet ordre exemplaire doit tenir compte du fait que souvent la première évangélisation n'a pas eu lieu. Un certain nombre d'enfants baptisés dès la première enfance viennent à la catéchèse paroissiale sans avoir reçu aucune autre initiation à la foi, et sans avoir encore aucun attachement explicite et personnel à Jésus-Christ, mais seulement la capacité de croire mise en eux par le baptême et la présence de l'Esprit Saint; et les préjugés d'un milieu familial peu chrétien ou de l'esprit positiviste de l'éducation créent vite un certain nombre de réticences. Il faut y ajouter d'autres enfants, non baptisés, pour lesquels les parents n'acceptent que tardivement l'éducation religieuse: pour des raisons pratiques, leur étape catéchuménale se fera souvent en grande partie au cours de la catéchèse ordinaire. Ensuite, beaucoup de préadolescents et d'adolescents, qui ont été baptisés et qui ont reçu une catéchèse systématique ainsi que les sacrements, demeurent encore longtemps hésitants pour engager toute leur vie avec Jésus-Christ, quand ils ne cherchent pas à esquiver une formation religieuse au nom de leur liberté. Enfin les adultes eux-mêmes ne sont pas à l'abri des tentations de doute ou d'abandon de la foi, par suite notamment du milieu incroyant. C'est dire que la "catéchèse" doit souvent se soucier, non seulement de nourrir et d'enseigner la foi, mais de la susciter sans cesse avec l'aide de la grâce, d'ouvrir le coeur, de convertir, de préparer une adhésion globale à Jésus-Christ chez ceux qui sont encore sur le seuil de la foi. Ce souci commande en partie le ton, le langage et la méthode de la catéchèse.
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Le but spécifique de la catéchèse n'en demeure pas moins de développer, avec le secours de Dieu, une foi encore initiale, de promouvoir en plénitude et de nourrir quotidiennement la vie chrétienne des fidèles de tous âges. Il s'agit en effet de faire croître, au niveau de la connaissance et dans la vie, le germe de foi semé par l'Esprit Saint avec la première annonce et transmis efficacement par le baptême.
La catéchèse tend donc à développer l'intelligence du mystère du Christ à la lumière de la Parole, pour que l'homme tout entier soit imprégné par elle. Transformé par l'action de la grâce en nouvelle créature, le chrétien se met ainsi à suivre le Christ et, dans l'Eglise, apprend toujours mieux à penser comme lui, à juger comme lui, à agir en conformité à ses commandements, à espérer comme il nous y invite.
Plus précisément, le but de la catéchèse, dans l'ensemble de l'évangélisation, est d'être l'étape de l'enseignement et de la maturation, c'est-à-dire le temps ou le chrétien, ayant accepté par la foi la personne de Jésus-Christ comme le seul Seigneur et lui ayant donné une adhésion globale par une sincère conversion du coeur, s'efforce de mieux connaître ce Jésus auquel il s'est livré: connaître son "mystère", le Royaume de Dieu qu'il annonce, les exigences et les promesses contenues dans son message évangélique, les sentiers qu'il a tracés pour quiconque veut le suivre.
Si donc il est vrai qu'être chrétien signifie dire "oui" à Jésus-Christ, rappelons que ce "oui" a deux niveaux: il consiste à se livrer à la Parole de Dieu et à s'appuyer sur elle, mais il signifie aussi, dans une seconde instance, s'efforcer de connaître toujours mieux le sens profond de cette Parole.
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Dans son discours de clôture de la IVe Assemblée générale du Synode, le Pape Paul VI se félicitait "de constater que la nécessité absolue d'une catéchèse bien structurée et cohérente (avait) été soulignée par tous, car un tel approfondissement du mystère chrétien lui-même distingue fondamentalement la catéchèse de toutes les autres formes d'annonce de la Parole de Dieu" (50).
50- Discours de clôture du Synode, 29 octobre 1977 : AAS 69 (1977), p. 634.
Face aux difficultés pratiques, quelques caractéristiques de cet enseignement sont à souligner parmi d'autres:
il doit être un enseignement non pas improvisé mais systématique, selon un programme qui lui permette d'arriver à un but précis;
un enseignement qui porte sur l'essentiel sans prétendre aborder toutes les questions disputées ni se transformer en recherche théologique ou en exégèse scientifique;
un enseignement assez complet, toutefois, qui ne s'arrête pas à la première annonce du mystère chrétien, tel que nous l'avons dans le kérygme;
une initiation chrétienne intégrale, ouverte à toutes les composantes de la vie chrétienne.
Sans oublier l'intérêt des multiples occasions de catéchèse en relation avec la vie personnelle, familiale, sociale ou ecclésiale, qu'il faut savoir saisir et sur lesquelles je reviendrai au chapitre VI, j'insiste sur la nécessité d'un enseignement chrétien organique et systématique, parce que de divers côtés on tend à en minimiser l'importance.
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Il est vain de jouer l'orthopraxie contre l'orthodoxie: le christianisme est inséparablement l'une et l'autre. Des convictions fermes et réfléchies portent à l'action courageuse et droite; l'effort pour éduquer les fidèles à vivre aujourd'hui en disciples du Christ appelle et facilite une découverte approfondie du Mystère du Christ dans l'histoire du salut.
Il est tout aussi vain de prôner l'abandon d'une étude sérieuse et ordonnée du message du Christ au nom d'une méthode qui privilégie l'expérience vitale. "Personne ne peut atteindre la vérité intégrale par une simple expérience privée, c'est-à-dire sans une explication adéquate du message du Christ, qui est "Chemin, Vérité et Vie" ( Jn 14,6) " (51).
51- Discours de clôture du Synode, 29 octobre 1977 : AAS 69 (1977), p. 634.
On n'opposera pas non plus une catéchèse à partir de la vie à une catéchèse traditionnelle, doctrinale et systématique (52). La catéchèse authentique est toujours initiation ordonnée et systématique à la révélation que Dieu a faite de lui-même à l'homme, en Jésus-Christ, révélation gardée dans la mémoire profonde de l'Eglise et dans les Saintes Ecritures, et constamment communiquée, par une "traditio" vivante et active, d'une génération à l'autre. Mais cette révélation n'est pas isolée de la vie ni juxtaposée artificiellement à elle. Elle concerne le sens dernier de l'existence qu'elle éclaire tout entière, pour l'inspirer ou pour la critiquer, à la lumière de l'Evangile.
52- Directoire général de la Catéchèse, nn. 40 et 46 : AAS 64 (1972), pp. 121 et 124-125.
C'est pourquoi nous pouvons appliquer aux catéchistes ce que le Concile Vatican II a dit plus spécialement des prêtres: éducateurs - de l'homme et de la vie de l'homme - dans la foi (53).
53- PO 6
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La catéchèse est intrinsèquement reliée à toute l'action liturgique et sacramentelle, car c'est dans les sacrements, et surtout dans l'Eucharistie, que le Christ Jésus agit en plénitude pour la transformation des hommes.
Dans l'Eglise primitive, catéchuménat et initiation aux sacrements du baptême et de l'Eucharistie s'identifiaient. Quoique l'Eglise ait changé sa pratique en ce domaine dans les vieux pays chrétiens, le catéchuménat n'y a jamais été aboli; il y connaît au contraire un renouveau (54) et il est abondamment pratiqué dans les jeunes Eglises missionnaires. De toute manière, la catéchèse garde toujours une référence aux sacrements. D'une part, une forme éminente de catéchèse est celle qui prépare aux sacrements, et toute catéchèse conduit nécessairement aux sacrements de la foi. D'autre part, une authentique pratique des sacrements a forcément un aspect catéchétique. En d'autres termes, la vie sacramentelle s'appauvrit et devient très vite un ritualisme creux, si elle n'est pas fondée sur une connaissance sérieuse de la signification des sacrements. Et la catéchèse s'intellectualise si elle ne prend pas vie dans une pratique sacramentelle.
54- Cf. Ordo initiationis christianae adultorum.
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La catéchèse, enfin, a un lien étroit avec l'action responsable de l'Eglise et des chrétiens dans le monde. Quelqu'un qui a adhéré à Jésus-Christ par la foi et s'efforce de consolider cette foi par la catéchèse a besoin de la vivre dans la communion avec ceux qui ont fait la même démarche. La catéchèse risque de se stériliser si une communauté de foi et de vie chrétienne n'accueille pas le catéchumène à un certain stade de sa catéchèse. C'est pourquoi la communauté ecclésiale à tous ses niveaux est doublement responsable par rapport à la catéchèse: elle a la responsabilité de pourvoir à la formation de ses membres, mais aussi la responsabilité de les accueillir dans un milieu ou ils pourront vivre le plus pleinement possible ce qu'ils ont appris.
La catéchèse est également ouverte au dynamisme missionnaire. Si elle est bien faite, les chrétiens auront à coeur de rendre témoignage de leur foi, de la transmettre à leurs enfants, de la faire connaître à d'autres, de servir de toutes manières la communauté humaine.
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Ainsi donc, grâce à la catéchèse, le kérygme évangélique - première annonce pleine de chaleur qui un jour a bouleversé l'homme et l'a porté à la décision de se livrer à Jésus-Christ par la foi - est peu à peu approfondi, développé dans ses corollaires implicites, expliqué par un discours qui fait appel aussi à la raison, orienté vers la pratique chrétienne dans l'Eglise et dans le monde. Tout ceci n'est pas moins évangélique que le kérygme, quoi qu'en disent certains pour qui la catéchèse viendrait forcément rationaliser, dessécher et finalement tuer ce qu'il y a de vivant, de spontané et de vibrant dans le kérygme. Les vérités qu'on approfondit dans la catéchèse sont celles-là mêmes qui ont touché l'homme au coeur lorsqu'il les a écoutées pour la première fois. Le fait de les connaître mieux, loin de les émousser ou de les tarir, doit les rendre encore plus provocantes et décisives pour la vie.
Dans la conception qu'on vient d'exposer, la catéchèse garde l'optique toute pastorale sous laquelle le Synode a voulu la considérer. Ce sens large de catéchèse ne contredit point mais comprend, en le débordant, un sens plus étroit, autrefois communément retenu par les exposés didactiques: le simple enseignement des formules qui expriment la foi.
En définitive, la catéchèse est nécessaire aussi bien pour la maturation de la foi des chrétiens que pour leur témoignage dans le monde: elle veut amener les chrétiens "à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu et à constituer cet homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ" (55); elle veut aussi les rendre prêts à justifier leur espérance devant tous ceux qui leur en demandent compte (56).
55- Ep 4,13
56- 1P 3,15
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La catéchèse étant un moment ou un aspect de l'évangélisation, son contenu ne saurait être autre que celui de l'évangélisation tout entière: le même message - Bonne Nouvelle du salut - une fois, cent fois entendu, accueilli avec le coeur, est, dans la catéchèse, sans cesse approfondi par la réflexion et l'étude systématique; par une prise de conscience, toujours plus engageante, de ses répercussions dans la vie personnelle de chacun; par son insertion dans le tout organique et harmonieux qu'est l'existence chrétienne dans la société et dans le monde.
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La catéchèse puisera toujours son contenu à la source vivante de la Parole de Dieu, transmise dans la Tradition et dans les Ecritures, car "la sainte Tradition et la sainte Ecriture constituent un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu, confié à l'Eglise", comme l'a rappelé le Concile Vatican II en souhaitant que "le ministère de la parole, qui comprend la prédication pastorale, la catéchèse, et toute l'instruction chrétienne.... trouve... dans cette même Parole de l'Ecriture, une saine nourriture et une sainte vigueur" (57).
57- DV 10 DV 24 ; cf. aussi S. Congrégation pour le Clergé, Directoire général de la Catéchèse, n. 45 (AAS 64 (1972), p. 124), qui situe bien les sources principales ou complémentaires de la catéchèse.
Parler de la Tradition et de l'Ecriture comme source de la catéchèse, c'est souligner que celle-ci doit s'imprégner et se pénétrer de la pensée, de l'esprit et des attitudes bibliques et évangéliques par un contact assidu avec les textes eux-mêmes; mais c'est aussi rappeler que la catéchèse sera d'autant plus riche et efficace qu'elle lira les textes avec l'intelligence et le coeur de l'Eglise et qu'elle s'inspirera de la réflexion et de la vie deux fois millénaires de l'Eglise.
L'enseignement, la liturgie et la vie de l'Eglise surgissent de cette source et y ramènent, sous la conduite des Pasteurs et notamment du Magistère doctrinal que le Seigneur leur a confié.
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Une expression privilégiée de l'héritage vivant dont ils ont reçu la garde se trouve dans le Credo ou, plus concrètement, dans les Symboles qui, à des moments cruciaux, ont ressaisi en d'heureuses synthèses la foi de l'Eglise. Au cours des siècles, un élément important de la catéchèse était précisément la "traditio Symboli" (ou transmission du résumé de la foi), suivie de la tradition de l'oraison dominicale. Ce rite expressif a été réintroduit de nos jours dans l'initiation des catéchumènes (58). Ne faudrait-il pas lui trouver une utilisation adaptée plus large, pour marquer l'étape importante entre toutes ou un nouveau disciple de Jésus-Christ accueille en pleine lucidité et courage le contenu de ce qu'il approfondira désormais avec sérieux?
58- Cf. Ordo initiationis christianae adultorum, nn. 25-26 ; 183- 187.
Mon prédécesseur Paul VI a voulu rassembler, dans le "Credo du Peuple de Dieu" proclamé à l'occasion du XIXe centenaire du martyre des Apôtres Pierre et Paul, les éléments essentiels de la foi catholique, surtout ceux qui offraient une plus grande difficulté ou qui risquaient d'être méconnus (59). C'est une référence sûre pour le contenu de la catéchèse.
59- Cf. AAS 60 (1968), pp. 436-445. A côté de ces grandes professions de foi du Magistère, on peut noter des professions de foi populaires, enracinées dans la culture chrétienne traditionnelle de certains pays ; cf. ce que je disais aux jeunes de Gniezno, le 3 juin 1979, à propos du chant-message, la "Bogurodzica" : "Ce n'est pas seulement un chant : c'est aussi une profession de foi, un symbole du Credo polonais, c'est une catéchèse et même un document d'éducation chrétienne. Les principales vérités de la foi et les principes de la morale y sont contenus. Ce n'est pas seulement un objet historique. C'est le document de la vie. (On l'a même appelé) le "catéchisme polonais"": cf. AAS 71 (1979), p. 754.
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Le même Souverain Pontife a rappelé, dans le troisième chapitre de son Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, "le contenu essentiel, la substance vivante" de l'évangélisation (60). Il est nécessaire, pour la catéchèse elle-même, de garder en mémoire chacun de ces éléments ainsi que la synthèse vivante dans laquelle ils sont intégrés (61).
60- EN 25
61- EN 26-39 ; les "éléments principaux du message chrétien" sont exposés de façon plus systématique encore dans le Directoire général de la Catéchèse, nn. 47-69 (AAS 64 (1972), pp. 125-141), où l'on trouve ainsi la norme du contenu doctrinal essentiel de la catéchèse.
Je me contenterai donc ici de quelques rappels simples (62). Chacun voit par exemple combien il importe de faire comprendre à l'enfant, à l'adolescent, à celui qui progresse dans la foi, "ce qu'on peut connaître de Dieu" (63); de pouvoir, dans un certain sens, leur dire: "Ce que vous adorez sans le connaître, je viens vous l'annoncer" (64); de leur exposer en peu de mots (65) le mystère du Verbe de Dieu fait homme et qui accomplit le salut de l'homme par sa Pâque, c'est-à-dire à travers sa mort et sa résurrection, mais aussi par sa prédication, par les signes qu'il accomplit, par les sacrements de sa présence permanente au milieu de nous. Les Pères du Synode ont été bien inspirés quand ils ont demandé qu'on se garde de réduire le Christ à son humanité et son message à une dimension simplement terrestre, mais qu'on le reconnaisse comme le Fils de Dieu, le médiateur qui nous donne libre accès auprès du Père dans l'Esprit (66).
62- On se reportera aussi au chapitre du Directoire général de la Catéchèse sur ce point, nn. 37-46 (l. c., pp. 120-125).
63- Rm 1,19
64- Ac 17,23
65- Ep 3,3
66- Ep 2,18
Il importe de déployer aux yeux de l'intelligence comme aux yeux du coeur, sous la clarté de la foi, ce sacrement de sa présence qu'est le Mystère de l'Eglise, assemblée d'hommes pécheurs mais en même temps sanctifiés et constituant la famille de Dieu réunie par le Seigneur sous la conduite de ceux que "l'Esprit Saint... a établis gardiens pour paître l'Eglise de Dieu" (67).
67- Ac 20,28
Il importe d'expliquer que l'histoire des hommes, avec ses marques de grâce et de péché, de grandeur et de misère, est assumée par Dieu en son Fils Jésus-Christ et "offre déjà quelque ébauche du siècle à venir" (68).
68- GS 39
Il importe enfin de révéler sans ambages les exigences, faites de renoncement mais aussi de joie, de ce que l'Apôtre Paul aimait appeler "vie nouvelle" (69), "création nouvelle" (70), être ou exister dans le Christ (71), "vie éternelle dans le Christ Jésus" (72), et qui n'est autre chose que la vie dans le monde, mais une vie selon les béatitudes et une vie appelée à se prolonger et à se transfigurer dans l'au-delà.
69- Rm 6,4
70- 2Co 5,17
71- 2Co 5,17
72- Rm 6,23
D'ou l'importance, dans la catéchèse, des exigences morales personnelles correspondant à l'Evangile, des attitudes chrétiennes devant la vie et devant le monde, qu'elles soient héroïques ou très simples: nous les appelons les vertus chrétiennes ou vertus évangéliques. D'ou aussi le souci qu'aura la catéchèse de ne pas omettre, d'éclairer au contraire comme il convient, dans son effort d'éducation de la foi, des réalités telles que l'action de l'homme pour sa libération intégrale (73), la recherche d'une société plus solidaire et plus fraternelle, les combats pour la justice et la construction de la paix.
73- EN 30-38
Il ne faudrait d'ailleurs pas croire que cette dimension de la catéchèse soit absolument nouvelle. Dès l'époque patristique, saint Ambroise et saint Jean Chrysostome, pour ne citer qu'eux, avaient mis en valeur les conséquences sociales des exigences évangéliques et, tout près de nous, le catéchisme de saint Pie X citait explicitement parmi les péchés qui crient vengeance à la face de Dieu le fait d'opprimer les pauvres comme celui de frustrer les travailleurs de leur juste salaire (74). Spécialement depuis l'encyclique Rerum novarum, la préoccupation sociale est activement présente dans l'enseignement catéchétique des papes et des évêques. Beaucoup de Pères du Synode ont demandé avec une légitime insistance que le riche patrimoine de l'enseignement social de l'Eglise trouve sa place, sous des formes appropriées, dans la formation catéchétique commune des fidèles.
74- Cf. Catechismo maggiore, Ve partie, chap. 6, nn. 695-966.
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Au sujet du contenu de la catéchèse, trois points importants méritent de nos jours une attention particulière.
Le premier regarde l'intégrité de ce contenu. Afin que l'oblation de sa foi (75) soit parfaite, celui qui devient disciple du Christ a le droit de recevoir la "parole de la foi" (76) non pas mutilée, falsifiée, diminuée, mais pleine et entière, dans toute sa rigueur et toute sa vigueur. Trahir en quelque chose l'intégrité du message, c'est vider dangereusement la catéchèse elle-même et compromettre les fruits que le Christ et la communauté ecclésiale sont en droit d'en attendre. Ce n'est certainement pas un hasard si la consigne finale de Jésus dans l'Evangile de Matthieu porte la marque d'une certaine totalité: "Tout pouvoir m'a été donné... De toutes les nations faites des disciples... leur apprenant à observer tout... Je suis avec vous pour toujours". C'est pourquoi, lorsqu'un homme, pressentant "la supériorité de la connaissance du Christ Jésus" (77) rencontré par la foi, porte en lui le désir, inconscient peut-être, de le connaître davantage et mieux par "une prédication et un enseignement conformes à la vérité qui est en Jésus" (78), aucun prétexte n'est valable pour lui refuser une partie quelconque de cette connaissance. Que serait une catéchèse qui ne donnerait pas toute leur place à la création de l'homme et à son péché, au dessein de rédemption de notre Dieu et à sa longue et amoureuse préparation et réalisation, à l'Incarnation du Fils de Dieu, à Marie - l'Immaculée, la Mère de Dieu, toujours Vierge, élevée en corps et en âme à la gloire céleste - et à son rôle dans le mystère du salut, au mystère d'iniquité qui est à l'oeuvre dans nos vies (79) et à la force de Dieu qui nous en libère, à la nécessité de la pénitence et de l'ascèse, aux gestes sacramentels et liturgiques, à la réalité de la présence eucharistique, à la participation à la vie divine ici-bas et dans l'au-delà, etc.? Aussi, aucun vrai catéchète ne saurait légitimement opérer, de sa propre initiative, une sélection dans le dépôt de la foi entre ce qu'il estime important et ce qu'il estime sans importance, pour enseigner ceci et refuser cela.
75- Ph 2,17
76- Rm 10,8
77- Ph 3,8
78- Ep 4,20-21
79- 2Th 2,7
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D'ou cette seconde remarque: il se peut que dans la situation présente de la catéchèse, des raisons de méthode ou de pédagogie conseillent d'organiser, de telle façon plutôt que de telle autre, la communication des richesses du contenu de la catéchèse. Du reste l'intégrité ne dispense pas de l'équilibre ni du caractère organique et hiérarchisé grâce auxquels on donnera aux vérités à enseigner, aux normes à transmettre, aux voies de la vie chrétienne à indiquer, l'importance respective qui leur revient. Il se peut aussi que tel langage se révèle préférable pour transmettre ce contenu à telle personne ou à tel groupe de personnes. Un choix sera valable dans la mesure ou, loin d'être commandé par des théories ou préjugés plus ou moins subjectifs et marqués par une certaine idéologie, il sera inspiré par l'humble souci de mieux rejoindre un contenu qui doit demeurer intact. La méthode et le langage utilisés doivent rester vraiment des instruments pour communiquer la totalité et non une partie des "paroles de vie éternelle" (80) ou des "chemins de vie" (81).
80- Jn 6,69 Ac 5,20 Ac 7,38
81- Ac 2,28 citant Ps 16,11
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Le grand mouvement, certainement inspiré par l'Esprit de Jésus, qui, depuis un certain nombre d'années, porte l'Eglise catholique à chercher avec d'autres Eglises ou confessions chrétiennes le rétablissement de la parfaite unité voulue par le Seigneur, me conduit à parler du caractère oecuménique de la catéchèse. Ce mouvement a pris tout son relief dans le Concile Vatican II (82) et, à partir du Concile, il a connu dans l'Eglise une nouvelle ampleur concrétisée dans une série impressionnante de faits et d'initiatives qui sont désormais connus de tous.
82- Cf. tout le Décret sur l'oecuménisme Unitatis redintegratio: AS 57 (1965), pp. 90-112.
La catéchèse ne peut pas être étrangère à cette dimension oecuménique alors que tous les fidèles, selon leur capacité propre et leur situation dans l'Eglise, sont appelés à participer au mouvement vers l'unité (83).
83- UR 5 ; S. Congrégation pour le Clergé, Directoire général de la Catéchèse, n. 27 : AAS 64 (1972), p. 115.
La catéchèse aura une dimension oecuménique si, sans renoncer à enseigner que la plénitude des vérités révélées et des moyens de salut institués par le Christ demeure dans l'Eglise catholique (84), elle le fait cependant dans un sincère respect, en paroles et en actes, envers les communautés ecclésiales qui ne sont pas en parfaite communion avec cette même Eglise.
84- UR 3 UR 4
Dans ce contexte, il est extrêmement important de faire une présentation correcte et loyale des autres Eglises et communautés ecclésiales dont l'Esprit du Christ ne refuse pas de se servir comme de moyens de salut; et "parmi les éléments ou les biens par l'ensemble desquels l'Eglise elle-même se construit et est vivifiée, plusieurs et même beaucoup, et de grande valeur, peuvent exister en dehors des limites visibles de l'Eglise catholique" (85). Entre autres cette présentation aidera les catholiques, d'une part à approfondir leur propre foi, et d'autre part à mieux connaître et estimer les autres frères chrétiens en facilitant ainsi la recherche en commun du chemin vers la pleine unité dans la vérité tout entière. Elle devrait aussi aider les non-catholiques à mieux connaître et apprécier l'Eglise catholique et sa conviction d'être "le moyen général de salut".
85- UR 3
La catéchèse aura une dimension oecuménique si, en outre, elle suscite et alimente un vrai désir de l'unité; davantage encore, si elle inspire des efforts sérieux - y compris l'effort pour se purifier dans l'humilité et la ferveur de l'Esprit afin de désencombrer les chemins - non pas en vue d'un irénisme facile fait d'omissions et de concessions au plan doctrinal, mais en vue de l'unité parfaite, quand le Seigneur le voudra et par les voies qu'il voudra.
La catéchèse sera oecuménique, enfin, si elle s'efforce de préparer les enfants et les jeunes, ainsi que les adultes catholiques, à vivre en contact avec des non-catholiques, en affirmant leur identité catholique dans le respect de la foi des autres.
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Dans des situations de pluralité religieuse, les Evêques peuvent juger opportunes ou même nécessaires certaines expériences de collaboration dans le domaine de la catéchèse entre catholiques et autres chrétiens, en complément de la catéchèse normale que, de toute façon, les catholiques doivent recevoir. De telles expériences trouvent leur fondement théologique dans les éléments qui sont communs à tous les chrétiens (86). Mais la communion de foi entre les catholiques et les autres chrétiens n'est pas complète et parfaite; il existe même, en certains cas, de profondes divergences. En conséquence, cette collaboration oecuménique est de par sa nature même limitée: elle ne doit jamais signifier une "réduction" au minimum commun. De plus, la catéchèse ne consiste pas seulement à enseigner la doctrine, mais à initier à toute la vie chrétienne, en faisant pleinement participer aux sacrements de l'Eglise. D'ou la nécessité, là ou il y a une expérience de collaboration oecuménique dans le domaine de la catéchèse, de veiller à ce que la formation des catholiques soit bien assurée dans l'Eglise catholique en matière de doctrine et de vie chrétienne.
86- UR 3 LG 15
Un certain nombre d'Evêques ont signalé, au cours du Synode, les cas - toujours plus fréquents, disaient-ils - ou l'autorité civile ou d'autres circonstances imposent dans les écoles de quelques pays un enseignement de la religion chrétienne - avec ses manuels, heures de cours, etc. - commun à des catholiques et à des non-catholiques. Il est à peine besoin de dire qu'il ne s'agit pas là d'une vraie catéchèse. Mais cet enseignement a aussi une importance oecuménique quand il présente avec loyauté la doctrine chrétienne. Dans le cas ou les circonstances imposeraient cet enseignement, il importe que soit assurée par ailleurs, avec d'autant plus de soin, une catéchèse spécifiquement catholique.
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Il faut ajouter ici une autre observation qui se situe dans la même ligne, quoique dans une autre optique. Il arrive que des écoles d'Etat mettent à la disposition des élèves des livres ou sont présentées, à titre culturel - historique, moral ou littéraire - , les diverses religions, y compris la religion catholique. Une présentation objective des faits historiques, des différentes religions et des diverses confessions chrétiennes peut ici contribuer à une meilleure compréhension réciproque. On veillera alors à faire tout le possible pour que la présentation soit vraiment objective, à l'abri de systèmes idéologiques et politiques ou de préjugés prétendus scientifiques qui en déformeraient le véritable sens. De toute façon, ces manuels ne sauraient évidemment être considérés comme des ouvrages catéchétiques: il leur manque pour cela le témoignage de croyants exposant la foi à d'autres croyants, et la compréhension des mystères chrétiens et de la spécificité catholique saisis de l'intérieur de la foi.
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Le thème qui avait été désigné par mon prédécesseur Paul VI pour la IVe Assemblée générale du Synode des Evêques s'intitulait: "La catéchèse en notre temps, particulièrement celle des enfants et des jeunes". La montée des jeunes est sans doute le fait le plus riche d'espoir et en même temps d'inquiétude pour une bonne partie du monde actuel. Certains pays, spécialement ceux du Tiers-Monde, ont plus de la moitié de leur population en dessous de vingt-cinq ou trente ans. Cela signifie des millions et millions d'enfants et de jeunes qui se préparent à leur avenir d'adultes. Et il n'y a pas que le facteur numérique: des événements récents ainsi que la chronique quotidienne nous disent que cette multitude innombrable de jeunes, même si elle est dominée ici et là par l'incertitude et la peur, ou séduite par l'évasion dans l'indifférence et dans la drogue, voire tentée par le nihilisme et la violence, constitue cependant en sa majeure partie la grande force qui, parmi bien des risques, se propose de construire la civilisation à venir.
Or, nous nous demandons dans notre sollicitude pastorale: comment révéler à cette multitude d'enfants et de jeunes Jésus-Christ, Dieu fait homme, le révéler non pas simplement dans l'exaltation d'une première rencontre fugitive, mais à travers la connaissance chaque jour plus approfondie et plus lumineuse de sa personne, de son message, du dessein de Dieu qu'il a voulu révéler, de l'appel qu'il adresse à chacun, du Règne qu'il veut inaugurer en ce monde avec le "petit troupeau" (87) de ceux qui croient en lui, et qui ne sera achevé que dans l'éternité? Comment faire connaître le sens, la portée, les exigences fondamentales, la loi d'amour, les promesses, les espérances de ce Règne?
87- Lc 12,32
Il y aurait bien des observations à faire sur les caractéristiques propres qu'assume la catéchèse aux différentes étapes de la vie.
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Un moment souvent décisif est celui ou le tout petit enfant reçoit des parents et du milieu familial les premiers éléments de la catéchèse qui ne seront peut-être qu'une simple révélation du Père céleste, bon et prévenant, vers lequel il apprend à tourner son coeur. De très courtes prières que l'enfant apprendra à balbutier seront le début d'un dialogue aimant avec ce Dieu caché dont il commencera à écouter ensuite la Parole. Je ne saurais trop insister auprès des parents chrétiens sur cette initiation précoce, ou les facultés de l'enfant sont intégrées dans un rapport vital à Dieu: oeuvre capitale, qui demande un grand amour et un profond respect de l'enfant, lequel a droit à une présentation simple et vraie de la foi chrétienne.
1979 Catechesi Tradendae 19