1979 Catechesi Tradendae 59
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Un problème proche du précédent est celui du langage. Chacun sait combien cette question est brûlante aujourd'hui. N'est-il pas paradoxal aussi de constater que les études contemporaines, dans le domaine de la communication, de la sémantique et de la science des symboles, par exemple, donnent une remarquable importance au langage, mais que par ailleurs le langage est utilisé abusivement aujourd'hui au service de la mystification idéologique, de la massification de la pensée, de la réduction de l'homme à l'état d'objet?
Tout cela a des influences notables dans le domaine de la catéchèse. C'est en effet pour elle un impérieux devoir de trouver le langage adapté aux enfants et aux jeunes de notre temps en général et à bien d'autres catégories de personnes: langage des étudiants, des intellectuels, des hommes de science; langage des analphabètes ou des personnes de culture simple, langage des handicapés, etc. Saint Augustin avait déjà rencontré ce problème et avait contribué à le résoudre pour son époque dans son ouvrage bien connu De catechizandis rudibus. En catéchèse comme en théologie, la question du langage est, sans aucun doute, primordiale. Mais il n'est pas superflu de le rappeler ici: la catéchèse ne saurait admettre aucun langage qui, sous quelque prétexte que ce fût, même soi-disant scientifique, aurait comme résultat de dénaturer le contenu du Credo. Ne convient pas davantage un langage qui trompe ou qui séduit. La loi suprême est, au contraire, que les grands progrès dans la science du langage doivent pouvoir être mis au service de la catéchèse pour qu'elle soit vraiment en mesure de "dire" ou de "communiquer" à l'enfant, à l'adolescent, aux jeunes et aux adultes d'aujourd'hui tout le contenu doctrinal sans déformation.
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Un défi plus subtil vient parfois de la conception même de la foi. Certaines écoles philosophiques contemporaines, qui semblent exercer une forte influence sur quelques courants théologiques et, à travers eux, sur la pratique pastorale, soulignent volontiers que l'attitude humaine fondamentale est celle d'une recherche à l'infini, une recherche qui n'atteint jamais son objet. En théologie, cette vision des choses affirmera très catégoriquement que la foi n'est pas une certitude mais une interrogation, qu'elle n'est pas une clarté mais un saut dans l'obscurité.
Ces courants de pensée ont certes l'avantage de nous rappeler que la foi regarde des choses qu'on ne possède pas encore puisqu'on les espère, qu'on ne voit pas encore sinon "dans un miroir, en énigme" (103), et que Dieu habite toujours une lumière inaccessible (104). Ils nous aident à ne pas faire de la foi chrétienne une attitude d'installé, mais bien une marche en avant comme celle d'Abraham. A plus forte raison faut-il éviter de présenter comme certaines les choses qui ne le sont pas.
103- 1Co 13,12
104- 1Tm 6,16
Il ne faut pas toutefois tomber, comme on le fait trop souvent, dans l'excès opposé. La lettre aux Hébreux dit que "la foi est la garantie des choses que l'on espère, la preuve des réalités qu'on ne voit pas" (105). Si nous n'avons pas une pleine possession, nous avons une garantie et une preuve. Quand nous éduquons des enfants, des adolescents et des jeunes, ne leur donnons pas de la foi un concept tout négatif - comme un non-savoir absolu, une sorte de cécité, un monde de ténèbres - , mais sachons leur montrer que la recherche humble et courageuse du croyant, loin de partir de rien, de simples illusions, d'opinions faillibles, d'incertitudes, se fonde sur la Parole de Dieu qui ne se trompe ni ne trompe, et se construit sans cesse sur le roc inébranlable de cette Parole. C'est la recherche des Mages au gré d'une étoile (106), recherche au sujet de laquelle Pascal, reprenant une formule de saint Augustin, écrivait en des termes si profonds: "Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais trouvé" (107).
105- He 11,1
106- Mt 2,1
107- Blaise PASCAL, Le mystère de Jésus : Pensées, n. 553.
C'est aussi un but de la catéchèse que de donner aux jeunes catéchumènes les quelques certitudes, simples mais solides, qui les aident à chercher davantage et mieux la connaissance du Seigneur.
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Dans ce contexte, il me paraît important que soit bien compris le lien entre la catéchèse et la théologie.
Ce lien est de toute évidence profond et vital pour qui comprend la mission irremplaçable de la théologie au service de la foi. Il n'est pas étonnant dès lors que tout remous dans le champ de la théologie provoque des répercussions également sur le terrain de la catéchèse. Or l'Eglise vit, dans cet immédiat après Concile, un moment important mais risqué de recherche théologique. Et il faudrait en dire autant de l'herméneutique en exégèse.
Des Pères synodaux venus de tous les continents ont abordé cette question en un langage fort net: ils ont parlé d'un "équilibre instable" qui, de la théologie, risque de passer à la catéchèse et ils ont souligné la nécessité d'apporter un remède à ce mal. Le Pape Paul VI avait lui-même abordé le problème en des termes non moins nets dans l'introduction à sa Profession solennelle de Foi (108), et dans l'Exhortation apostolique qui marquait le Ve anniversaire de la clôture du Concile Vatican II (109).
108- Paul VI, Sollemnis Professio Fidei, n. 4 : AAS 60 (1968), p. 434.
109- Paul VI, Exhortation apostolique Quinque iam anni : AAS 63 (1971), p. 99.
Il convient d'insister à nouveau sur ce point. Conscients de l'influence de leurs recherches et de leurs affirmations sur l'enseignement catéchétique, les théologiens et les exégètes ont le devoir d'être très attentifs à faire en sorte qu'on ne prenne pas pour des vérités certaines ce qui est, au contraire, du domaine des questions d'opinion ou de la discussion entre experts. Les catéchistes auront à leur tour la sagesse de cueillir dans le champ de la recherche théologique ce qui peut éclairer leur propre réflexion et leur enseignement, en puisant comme les théologiens eux-mêmes aux véritables sources, à la lumière du Magistère. Il refuseront de troubler l'esprit des enfants et des jeunes, à ce stade de leur catéchèse, avec des théories étrangères, de vains problèmes ou de stériles discussions, souvent fustigés par saint Paul dans ses lettres pastorales (110).
110- 1Tm 1,3 1Tm 4,1 2Tm 2,14 2Tm 4,1-5 Tt 1,10-12 EN 78
Le don le plus précieux que l'Eglise puisse offrir au monde de ce temps, désorienté et inquiet, c'est d'y former des chrétiens affermis dans l'essentiel et humblement heureux dans leur foi. La catéchèse leur apprendra ceci, et elle en fera d'abord elle-même son profit: "L'homme qui veut se comprendre lui-même jusqu'au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s'approcher du Christ. Il doit, pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, il doit "s'approprier" et assimiler toute la réalité de l'Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même" (111).
111- RH 10
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Maintenant, Frères et Fils bien-aimés, je voudrais que mes paroles, conçues comme une grave et ardente exhortation de mon ministère de Pasteur de l'Eglise universelle, brûlent vos coeurs à la manière des lettres de saint Paul à ses compagnons d'Evangile, Tite et Timothée, à la manière de saint Augustin lorsqu'il écrivait au diacre Deogratias, découragé devant sa tâche de catéchiste, un véritable petit traité sur la joie de catéchiser (112). Oui, je désire semer abondamment dans le coeur de tous les responsables, si nombreux et si divers, de l'enseignement religieux et de l'entraînement à la vie selon l'Evangile, le courage, l'espérance, l'enthousiasme!
112- Cf. De catechizandis rudibus : PL 40, 310-347.
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Je me tourne avant tout vers mes Frères Evêques: le deuxième Concile du Vatican vous a déjà rappelé explicitement vos tâches dans le domaine catéchétique (113), et les Pères de la IVe Assemblée générale du Synode les ont eux-mêmes fortement soulignées.
113- CD 14
Vous avez là, Frères très chers, une mission particulière dans vos Eglises: vous y êtes les tout premiers responsables de la catéchèse, les catéchètes par excellence. Vous portez aussi avec le Pape, dans l'esprit de la collégialité épiscopale, la charge de la catéchèse dans l'Eglise entière. Acceptez donc que je vous parle à coeur ouvert.
Je vous sais affrontés à un ministère épiscopal chaque jour plus complexe et écrasant. Mille engagements vous sollicitent, de la formation de nouveaux prêtres à la présence active au milieu des communautés de fidèles, de la célébration vivante et digne du culte et des sacrements au souci de la promotion humaine et de la défense des droits de l'homme. Eh bien, que le souci de promouvoir une catéchèse active et efficace ne le cède en rien à quelque autre préoccupation que ce soit! Ce souci vous portera à transmettre vous-mêmes à vos fidèles la doctrine de vie. Mais il doit vous porter aussi à assumer dans vos diocèses, en correspondance avec les plans de la Conférence épiscopale à laquelle vous appartenez, la haute direction de la catéchèse, tout en vous entourant de collaborateurs compétents et dignes de confiance. Votre rôle principal sera celui de susciter et de maintenir dans vos Eglises une véritable passion de la catéchèse, une passion qui s'incarne dans une organisation adaptée et efficace, mettant en oeuvre les personnes, les moyens et les instruments, et aussi les ressources nécessaires. Soyez assurés que si la catéchèse est bien faite dans les Eglises locales, tout le reste se fera plus facilement. D'ailleurs - est-il besoin de vous le dire? - si votre zèle doit vous imposer parfois la tâche ingrate de dénoncer des déviations, corriger des erreurs, il vous vaudra bien plus souvent la joie et la consolation de voir vos Eglises florissantes parce que la catéchèse y est donnée comme le veut le Seigneur.
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Quant à vous, prêtres, voilà un terrain sur le quel vous êtes les collaborateurs immédiats de vos Evêques. Le Concile vous a appelés "éducateurs dans la foi" (114): comment le seriez-vous mieux qu'en donnant le meilleur de vos efforts à la croissance de vos communautés dans la foi? Que vous soyez chargés d'une paroisse, aumôniers d'écoles, de lycée ou d'université, responsables de la pastorale à n'importe quel niveau, animateurs de petites ou de grandes communautés mais surtout de groupes de jeunes, l'Eglise attend de vous que vous ne négligiez rien en vue d'une oeuvre catéchétique bien structurée et bien orientée. Les diacres et les autres ministres, si vous avez la chance d'en avoir avec vous, sont pour cela vos coopérateurs nés. Tous les croyants ont droit à la catéchèse, tous les pasteurs ont le devoir d'y pourvoir. Aux chefs civils je demanderai toujours de respecter la liberté de l'enseignement catéchétique; vous, ministres de Jésus-Christ, je vous supplie de toutes mes forces: ne permettez pas que, par un certain défaut de zèle, par suite de quelque malencontreuse idée préconçue, les fidèles restent sans catéchèse. Que l'on ne puisse pas dire: "Les petits enfants réclament du pain: personne ne leur en partage" (115)!
114- PO 6
115- Lm 4,4
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Bien des familles religieuses masculines et féminines sont nées pour l'éducation chrétienne des enfants et des jeunes, surtout des plus abandonnés. Au cours de l'histoire, les religieux et les religieuses se sont trouvés très engagés dans l'activité catéchétique de l'Eglise, en y réalisant un travail particulièrement adapté et efficace. A un moment ou l'on veut accentuer les liens entre les religieux et les pasteurs et, par conséquent, la présence active des communautés religieuses et de leurs membres dans les projets pastoraux des Eglises locales, je vous exhorte de tout coeur, vous que la consécration religieuse doit rendre encore plus disponibles au service de l'Eglise, à vous préparer le mieux possible à la tâche catéchétique, selon les vocations diverses de vos instituts et les missions qui vous sont confiées, portant partout cette préoccupation. Que les communautés consacrent le maximum de leurs capacités et de leurs possibilités à l'oeuvre spécifique de la catéchèse!
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Je tiens à vous remercier au nom de toute l'Eglise, vous, catéchistes paroissiaux, laïcs, hommes, et femmes en plus grand nombre encore, qui partout dans le monde vous êtes dévoués à l'éducation religieuse de nombreuses générations. Votre activité, souvent humble et cachée, mais accomplie avec un zèle ardent et généreux, est une forme éminente d'apostolat laïc, particulièrement importante là ou, pour différentes raisons, les enfants et les jeunes ne reçoivent pas dans leur foyer une formation religieuse convenable. Combien sommes-nous qui avons reçu de personnes comme vous les premières notions de catéchisme et la préparation au sacrement de pénitence, à la première communion et à la confirmation? La IVe Assemblée générale du Synode ne vous a pas oubliés. Avec elle je vous encourage à poursuivre votre collaboration à la vie de l'Eglise.
Mais ce sont les catéchistes en terre de mission qui portent par excellence ce titre de "catéchistes". Nés de familles déjà chrétiennes ou convertis un jour au christianisme et instruits par les missionnaires ou par un autre catéchiste, ils consacrent ensuite leur vie, pendant de longues années, à catéchiser enfants et adultes de leur pays. Des Eglises aujourd'hui florissantes ne se seraient pas édifiées sans eux. Je me réjouis des efforts déployés par la S. Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples en vue de perfectionner toujours davantage la formation de ces catéchistes. J'évoque avec reconnaissance la mémoire de ceux que le Seigneur a déjà rappelés à lui. Je demande l'intercession de ceux que mes prédécesseurs ont élevés à la gloire des autels. J'encourage de tout coeur ceux qui sont à l'oeuvre. Je souhaite que beaucoup d'autres prennent la relève et que leur nombre s'accroisse pour une oeuvre si nécessaire à la mission.
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Je veux évoquer maintenant le cadre concret ou oeuvrent habituellement tous ces catéchètes, en revenant encore de manière plus synthétique sur les "lieux" de la catéchèse, dont certains ont déjà été évoqués au chapitre VI: paroisse, famille, école, mouvement.
S'il est vrai que l'on peut catéchiser partout, je tiens à souligner - conformément au voeu de très nombreux Evêques - que la communauté paroissiale doit demeurer l'animatrice de la catéchèse et son lieu privilégié. Certes, en bien des pays, la paroisse a été comme ébranlée par le phénomène de l'urbanisation. Certains ont peut-être accepté trop facilement qu'elle soit jugée dépassée, sinon vouée à la disparition, au bénéfice de petites communautés plus adaptées et plus efficaces. Qu'on le veuille ou non, la paroisse demeure une référence majeure pour le peuple chrétien, même pour les non-pratiquants. Le réalisme et la sagesse demandent donc de continuer dans la voie qui vise à lui redonner, au besoin, des structures plus adéquates, et surtout un nouvel élan grâce à l'intégration croissante de membres qualifiés, responsables et généreux. Ceci dit, et compte tenu de la nécessaire diversité des lieux de catéchèse, à la paroisse même, dans les familles qui accueillent enfants ou adolescents, dans les aumôneries des écoles d'Etat, dans les institutions scolaires catholiques, dans les mouvements d'apostolat qui maintiennent des temps catéchétiques, dans des centres ouverts à tous les jeunes, dans des week-ends de formation spirituelle, etc., il importe souverainement que tous ces canaux catéchétiques convergent réellement vers une même confession de foi, vers une même appartenance à l'Eglise, vers des engagements dans la société vécus dans le même esprit évangélique: "... un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père..." (116). C'est pourquoi, toute paroisse importante et tout regroupement de paroisses numériquement plus réduites ont le grave devoir de former des responsables totalement donnés à l'animation catéchétique - prêtres, religieux, religieuses et laïcs - , de prévoir l'équipement nécessaire pour une catéchèse sous tous ses aspects, de multiplier et d'adapter les lieux de catéchèse dans la mesure ou c'est possible et utile, de veiller à la qualité de la formation religieuse et à l'intégration des divers groupes dans le corps ecclésial.
116- Ep 4,5-6
En somme, sans monopoliser et sans uniformiser, la paroisse demeure, comme je l'ai dit, le lieu privilégié de la catéchèse. Elle doit retrouver sa vocation, qui est d'être une maison de famille, fraternelle et accueillante, ou les baptisés et les confirmés prennent conscience d'être peuple de Dieu. Là, le pain de la bonne doctrine et le pain de l'eucharistie leur sont rompus en abondance dans le cadre d'un seul acte de culte (117); de là ils sont renvoyés quotidiennement à leur mission apostolique sur tous les chantiers de la vie du monde.
117- SC 35 ; cf. aussi Institutio generalis Missalis Romani promulguée par décret de la S. Congrégation des Rites le 6 avril 1969, n. 33, et ce qui a été dit ci-dessus au chapitre VI sur l'homélie.
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L'action catéchétique de la famille a un caractère particulier et dans un certain sens irremplaçable, souligné à juste titre par l'Eglise, notamment par le Concile Vatican II (118). Cette éducation de la foi par les parents - qui doit commencer dès le plus jeune âge des enfants (119) - s'accomplit déjà lorsque les membres d'une famille s'aident les uns les autres à croître dans la foi grâce à leur témoignage de vie chrétienne, souvent silencieux, mais persévérant au fil d'une vie quotidienne vécue selon l'Evangile. Elle est plus marquante lorsque, au rythme des événements familiaux - tels que la réception des sacrements, la célébration de grandes fêtes liturgiques, la naissance d'un enfant, un deuil - , on prend soin d'expliciter en famille le contenu chrétien ou religieux de ces événements. Mais il importe d'aller plus loin: les parents chrétiens s'efforceront de suivre et de reprendre dans le cadre familial la formation plus méthodique reçue ailleurs. Le fait que ces vérités sur les principales questions de la foi et de la vie chrétienne soient ainsi reprises dans un cadre familial imprégné d'amour et de respect permettra souvent de marquer les enfants de manière décisive et pour la vie. Les parents eux-mêmes profitent de l'effort que cela leur impose, car dans un tel dialogue catéchétique chacun reçoit et donne.
118- Dès le haut moyen âge, des conciles provinciaux insistaient sur la responsabilité des parents en matière d'éducation de la foi: cf. VIe Concile d'Arles (813), can. 19 ; Concile de Mayence (813), cann. 45, 47 ; VIe Concile de Parie (829), livre I, chap 7: Mansi, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, XIV, col. 62, 74, 542. Parmi les documents les plus récents du Magistère, il faut citer l'Encyclique Divini illius Magistri de Pie XI, 31 décembre 1929 : AAS 22 (1930), pp. 49-86 ; de multiples discours et messages de Pie XII ; et surtout les textes du Concile Vatican II : LG 11 LG 35 AA 11 AA 30 GS 52 GE 3.
119- GE 3
La catéchèse familiale précède donc, accompagne, enrichit toute autre forme de catéchèse. En outre, là ou une législation anti-religieuse prétend même empêcher l'éducation de la foi, là ou une incroyance diffuse ou un sécularisme envahissant rend pratiquement impossible une véritable croissance religieuse, "cette sorte d'Eglise qu'est le foyer" (120) reste l'unique milieu ou enfants et jeunes peuvent recevoir une authentique catéchèse. Aussi les parents chrétiens ne feront-ils jamais assez d'efforts pour se préparer à ce ministère de catéchistes de leurs propres enfants et pour l'exercer avec un zèle infatigable. Et il faut également encourager les personnes ou les institutions qui, par des contacts individuels, par des rencontres ou réunions, par toutes sortes de moyens pédagogiques, aident ces parents à accomplir leur tâche: ils rendent à la catéchèse un service inestimable.
120- LG 11 AA 11
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A côté de la famille et en liaison avec elle, l'école offre à la catéchèse des possibilités non négligeables. Dans les pays, de plus en plus rares hélas, ou il est possible de donner à l'intérieur du cadre scolaire une éducation dans la foi, c'est pour l'Eglise un devoir de le faire le mieux possible. Ceci se réfère évidemment tout d'abord à l'école catholique: mériterait-elle encore son nom si, fût-elle brillante par un très haut niveau d'enseignement dans les matières profanes, on avait quelque motif justifié de lui reprocher une négligence ou une déviation dans l'éducation proprement religieuse? Et qu'on ne dise point que celle-ci sera toujours donnée implicitement ou de manière indirecte! Le caractère propre et la raison profonde de l'école catholique, ce pour quoi les parents catholiques devraient la préférer, c'est précisément la qualité de l'enseignement religieux intégré dans l'éducation des élèves. Si les institutions catholiques doivent respecter la liberté de conscience, c'est-à-dire éviter de peser sur celle-ci de l'extérieur, par des pressions physiques ou morales, spécialement en ce qui concerne les actes religieux des adolescents, elles ont le grave devoir de proposer une formation religieuse adaptée aux situations souvent très diverses des élèves, et aussi de leur faire comprendre que l'appel de Dieu à le servir en esprit et en vérité, selon les commandements de Dieu et les préceptes de l'Eglise, sans contraindre l'homme, ne l'oblige pas moins en conscience.
Mais je pense aussi à l'école non confessionnelle et à l'école publique. J'exprime le souhait ardent que, en réponse à un droit très clair de la personne humaine et des familles et dans le respect de la liberté religieuse de tous, il soit possible à tous les élèves catholiques de progresser dans leur formation spirituelle avec la contribution d'un enseignement religieux qui relève de l'Eglise, mais qui, selon les pays, peut être offert par l'école ou dans le cadre de l'école, ou encore dans le cadre d'une entente avec les pouvoirs publics sur les rythmes scolaires, si la catéchèse a lieu seulement à la paroisse ou dans un autre centre pastoral. En effet, même là ou existent des difficultés objectives, par exemple lorsque les élèves sont de religions diverses, il faut aménager les horaires scolaires de façon à permettre aux catholiques d'approfondir leur foi et leur expérience religieuse, avec des éducateurs qualifiés, prêtres ou laïcs.
Certes, beaucoup d'éléments vitaux autres que l'école contribuent à influencer les mentalités des jeunes: loisirs, milieu social, milieu de travail. Mais ceux qui font des études sont forcément marqués par celles-ci, initiés à des valeurs culturelles ou morales dans le climat de l'institution d'enseignement, confrontés à de multiples idées reçues à l'école: il importe que la catéchèse tienne largement compte de cette scolarisation pour rejoindre vraiment les autres éléments du savoir et de l'éducation, afin que l'Evangile imprègne la mentalité des élèves sur le terrain de leur formation et que l'harmonisation de leur culture se fasse à la lumière de la foi. J'encourage donc les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs qui s'emploient à soutenir la foi de ces élèves. C'est par ailleurs l'occasion de réaffirmer ici ma ferme conviction que le respect manifesté à la foi catholique des jeunes jusqu'à en faciliter l'éducation, l'enracinement, la consolidation, la libre profession et la pratique ferait certainement honneur à tout Gouvernement, quel que soit le système sur lequel il se base ou l'idéologie qui l'inspire.
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Il importe enfin d'encourager les associations, mouvements et groupements de fidèles, qu'ils soient destinés à la pratique de la piété, à l'apostolat direct, à la charité et à l'assistance, à la présence chrétienne dans les réalités temporelles. Tous, ils accompliront mieux leurs objectifs propres et serviront mieux l'Eglise si, dans leur organisation interne et dans leur méthode d'action, ils savent donner une place importante à une sérieuse formation religieuse de leurs membres. Dans ce sens, toute association de fidèles dans l'Eglise a le devoir d'être, par définition, éducatrice de la foi.
Ainsi apparaît plus manifeste la part donnée aux laïcs dans la catéchèse aujourd'hui, toujours sous la direction pastorale de leurs Evêques, comme d'ailleurs les Propositions laissées par le Synode l'ont souligné à maintes reprises.
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Cette contribution des laïcs dont nous devons être reconnaissants au Seigneur, constitue en même temps un défi à notre responsabilité de Pasteurs. Ces catéchistes laïcs en effet doivent être soigneusement formés à ce qui est, sinon un ministère formellement institué, tout au moins une fonction de très haut relief dans l'Eglise. Or cette formation nous invite à organiser des Centres et Instituts adaptés, auxquels les Evêques porteront une attention assidue. C'est un domaine ou une concertation diocésaine, interdiocésaine, voire nationale, se révèle féconde et fructueuse. C'est ici également que l'aide matérielle offerte par les Eglises plus aisées à leurs soeurs plus pauvres pourra manifester sa plus grande efficacité: qu'est-ce qu'une Eglise peut apporter de meilleur à l'autre, sinon de l'aider à croître par elle-même comme Eglise?
A tous ceux qui travaillent généreusement au service de l'Evangile et auxquels j'ai exprimé ici mes vifs encouragements, je voudrais rappeler une consigne chère à mon vénéré prédécesseur Paul VI: "Evangélisateurs, nous devons offrir... l'image... de personnes mûries dans la foi, capables de se rencontrer au-delà des tensions réelles grâce à la recherche commune, sincère et désintéressée de la vérité. Oui, le sort de l'évangélisation est certainement lié au témoignage d'unité donné par l'Eglise. Voilà une source de responsabilité mais aussi de réconfort" (121).
121- EN 77
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Au terme de cette Exhortation apostolique, le regard du coeur se tourne vers Celui qui est le principe inspirateur de toute l'oeuvre catéchétique et de ceux qui l'accomplissent: l'Esprit du Père et du Fils, l'Esprit Saint.
En décrivant la mission qu'aurait cet Esprit dans l'Eglise, le Christ utilise ces mots significatifs: "Lui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (122). Et d'ajouter: "Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière..., il vous dévoilera les choses à venir" (123).
122- Jn 14,26
123- Jn 16,13
L'Esprit est donc promis à l'Eglise et à chaque fidèle comme un Maître intérieur qui, dans le secret de la conscience et du coeur, fait comprendre ce qu'on avait entendu mais qu'on n'était pas capable de saisir: "Le Saint-Esprit dès maintenant instruit les fidèles - disait à cet égard saint Augustin - selon la capacité spirituelle de chacun. Et il allume dans leur coeur un désir plus vif dans la mesure ou chacun progresse dans cette charité qui lui fait aimer ce qu'il connaît déjà et désirer ce qu'il ne connaît pas encore" (124).
124- In Ioannis Evangelium Tractatus, 97,1 : PL 35, 1877.
En outre, la mission de l'Esprit est aussi de transformer les disciples en témoins du Christ: "Il me rendra témoignage" et "vous aussi, vous témoignerez" (125).
125- Jn 15,26-27
Mais il y a davantage. Pour saint Paul, qui synthétise sur ce point une théologie latente dans tout le Nouveau Testament, c'est tout l'"être chrétien", toute la vie chrétienne, vie nouvelle des fils de Dieu, qui est une vie selon l'Esprit (126). Seul l'Esprit nous permet de dire à Dieu: "Abba, mon Père" (127). Sans l'Esprit nous ne pouvons pas dire: "Jésus est Seigneur" (128). De l'Esprit viennent tous les charismes qui édifient l'Eglise, communauté de chrétiens (129). C'est dans ce sens que saint Paul donne à tout disciple du Christ cette consigne: "Cherchez dans l'Esprit votre plénitude" (130). Saint Augustin est très explicite: "Le fait de croire et le fait de bien agir sont bien nôtres en raison du libre choix de notre volonté, et pourtant l'un et l'autre sont un don venant de l'Esprit de foi et de charité" (131).
126- Rm 8,14-17 Ga 4,6
127- Rm 8,15
128- 1Co 12,3
129- 1Co 12,4-11
130- Ep 5,18
131- Retractationum liber I,23,2 : PL 32, 621.
La catéchèse, qui est croissance dans la foi et maturation de la vie chrétienne en vue de la plénitude, est par conséquent une oeuvre de l'Esprit Saint, oeuvre que lui seul peut susciter et alimenter dans l'Eglise.
Cette constatation, née de la lecture des textes cités ci-dessus et de nombreux autres passages du Nouveau Testament, nous amène à deux convictions.
Tout d'abord il est clair que l'Eglise, lorsqu'elle accomplit sa mission de catéchète - comme d'ailleurs chaque chrétien qui s'y emploie dans l'Eglise et au nom de l'Eglise - doit être très consciente d'agir en instrument vivant et docile de l'Esprit Saint. Invoquer constamment cet Esprit, être en communion avec lui, s'efforcer de connaître ses authentiques inspirations doit être l'attitude de l'Eglise enseignante et de tout catéchiste.
Ensuite, il faut que le désir profond de mieux comprendre l'action de l'Esprit et de se livrer davantage à lui - alors que "nous vivons dans l'Eglise un moment privilégié de l'Esprit", comme le remarquait mon prédécesseur Paul VI dans son Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (132) - provoque un réveil catéchétique. En effet, le "renouveau dans l'Esprit" sera authentique et aura une véritable fécondité dans l'Eglise, non pas tant dans la mesure ou il susciterait des charismes extraordinaires, mais dans la mesure ou il amènera le plus grand nombre possible de fidèles, sur les chemins quotidiens, à l'effort humble, patient, persévérant pour connaître toujours mieux le mystère du Christ et pour en témoigner.
132- EN 75
J'invoque ici sur l'Eglise catéchisante cet Esprit du Père et du Fils, et je le supplie de renouveler dans cette Eglise le dynamisme catéchétique.
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Que la Vierge de la Pentecôte nous l'obtienne par son intercession! Par une vocation singulière, elle a vu son Fils Jésus "croître en sagesse, en taille et en grâce" (133). Sur ses genoux et puis en l'écoutant, au long de la vie cachée à Nazareth, ce Fils, qui était le Fils unique du Père, "plein de grâce et de vérité", a été formé par elle dans la connaissance humaine des Ecritures et de l'histoire du dessein de Dieu sur son Peuple, dans l'adoration du Père (134). D'autre part, elle a été la première de ses disciples: première dans le temps, car déjà en le retrouvant dans le Temple elle reçoit de son Fils adolescent des leçons qu'elle conserve dans son coeur (135); la première surtout parce que personne n'a été "enseigné par Dieu" (136) à un tel degré de profondeur. "Mater simul et discipula", "Mère en même temps que disciple", disait d'elle saint Augustin, en ajoutant hardiment que ceci a été pour elle plus important que cela (137). Ce n'est pas sans raison que dans l'Aula synodale on a dit de Marie qu'elle est "un catéchisme vivant", "mère et modèle des catéchistes".
133- Lc 2,52
134- Jn 1,14 He 10,5 S. Thomas art. 3 ad 3.
135- Lc 2,51
136- Jn 6,45
137- Sermo 25,7 : PL 46, 937-938.
Puisse donc l'Esprit Saint, par les prières de Marie, accorder à l'Eglise un élan sans précédent dans l'oeuvre catéchétique qui lui est essentielle! Alors l'Eglise accomplira avec efficacité, en ce temps de grâce, la mission inaliénable et universelle reçue de son Maître: "Allez, de toutes les nations faites des disciples" (138).
138- Mt 28,19
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 16 octobre 1979, en la seconde année de mon pontificat.
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