Cyprien - 14. Châtiments;
Je vous en supplie, mes frères bien-aimés, confessez tous vos péchés, pendant que vous êtes encore sur cette terre, pendant que votre confession peut être entendue, pendant que la rémission de vos fautes, opérée par le prêtre, peut être agréée de Dieu. Convertissons-nous au Seigneur de toute notre âme; ayons un regret véritable de nos crimes, et implorons la divine miséricorde. Que notre âme se prosterne devant lui; pénétrée d'une douleur profonde, qu'elle expie ses fautes et qu'elle ranime son espérance. Revenez à moi, dit le Seigneur, de tout votre coeur, livrez-vous aux jeûnes, aux gémissements, aux larmes, et déchirez vos coeurs et non vos vêtements.
C'est ainsi qu'on apaise la justice divine. Mais il est des pécheurs qui, depuis leur chute, vont chaque jour aux bains, qui prennent place à. des tables somptueuses, qui chargent leur estomac d'une multitude de viandes et ne partagent jamais leur nourriture avec le pauvre: est-ce là ce qu'on appelle déplorer sa faute, s'abandonner aux jeûnes, aux larmes, aux gémissements? Pleurent-ils sur leur mort spirituelle quand ils s'avancent d'un air joyeux et satisfait? Malgré la défense de l'Écriture, ils arrachent leur barbe et fardent leur visage; ils cherchent à plaire aux hommes, alors qu'ils déplaisent à. Dieu. Cette femme (95) gémit-elle sur sa chute, lorsqu'oubliant le vêtement du Christ qu'elle a perdu, elle ne songe qu'à se parer avec magnificence? Elle a perdu la grâce et elfe pense à ses bijoux et à ses colliers! Ah! vous avez beau vous couvrir d'étoffes étrangères et de robes de soie, vous êtes nue. Vous avez beau entasser sur vos épaules l'or, les perles et les diamants, si le Christ ne vous sert de parure, il n'y a en vous que difformité. Cessez du moins de parfumer vos cheveux, puisque c'est le temps des grandes douleurs. Vous qui souillez vos yeux d'ornements empruntés essuyez-les du moins avec vos larmes. Si vous perdiez un des êtres qui vous sont chers, on vous verrait gémir et pleurer; votre visage inculte, vos habits de deuil, votre chevelure négligée, votre front soucieux, vos regards abattus trahiraient la douleur de votre âme. Malheureux, c'est votre âme que vous avez perdue! morte spirituellement, vous vous survivez à vous-même, vous portez vos propres funérailles; et vous ne pleurez pas, vous ne gémissez pas amèrement! Honteux de votre crime, vous n'allez pas cacher vos larmes dans une retraite obscure! Ah! il est une chose plus grave que le crime lui-même, c'est de s'obstiner à ne pas le reconnaître et à ne pas le déplorer.
Les trois enfants captifs à Babylone, Ananias, Azarias, Misael confessaient leurs fautes à. Dieu au milieu des flammes d'une fournaise ardente. Malgré le témoignage de leur conscience, malgré la grâce divine qu'ils avaient méritée par leur obéissance et leur fidélité, ils étaient toujours humbles et, au sein de leur glorieux martyre, ils ne cessaient de satisfaire à Dieu. Écoutez l'Écriture: Azarias debout au milieu des flammes, commença sa prière et fit avec ses compagnons la confession de ses fautes (Dan., III).
Telle fut aussi la conduite de Daniel. Après avoir, dans plusieurs circonstances, donné des preuves de son innocence et de sa fidélité, après avoir vu ses vertus honorées des éloges de (97) Dieu lui-même, il s'efforce encore d'attirer sur lui la miséricorde divine; il se couvre d'un sac, il se roule sur la cendre, il confesse ses fautes avec douleur. Seigneur, s'écrie-t-il, Dieu grand, Dieu fort et redoutable, qui conserves ton alliance et tes miséricordes avec ceux qui t'aiment et qui obéissent à ta loi, nous avons péché, nous avons commis l'impiété et le crime; nous avons transgressé et abandonné tes préceptes et tes commandements; nous n'avons pas prêté l'oreille aux paroles de tes prophètes qui ont prophétisé en ton nom sur nos rois, nos peuples et notre patrie. A toi, Seigneur, la gloire et la sainteté; à nous la confusion.
Voilà ce qu'ont fait ces âmes simples et innocentes pour se rendre Dieu favorable: et maintenant ceux qui l'ont renié refusent de le prier et de satisfaire à sa justice! Je vous en prie, mes frères, suivez nos conseils, profitez du remède salutaire. Unissez vos larmes à. nos larmes, vos gémissements à nos gémissements. Nous vous prions d'abord, afin que nos prières soient efficaces auprès de Dieu et qu'elles fléchissent sa justice en votre faveur. Faites pénitence; qu'on voie en vous la tristesse et les gémissements du repentir. Ne vous laissez pas arrêter par l'erreur ou la stupidité de certains hommes qui poussent l'aveuglement jusqu'à. méconnaître leurs crimes et à. ne pas les pleurer. C'est le châtiment le plus sévère que Dieu puisse infliger à. un pécheur; c'est l'esprit de vertige dont parle le prophète. Saint Paul nous dit à son tour (Thess., II): Ils n'ont pas reçu l'amour de la vérité, qui aurait pu les sauver; c'est pourquoi le Seigneur leur enverra l'esprit d'erreur, et ils croiront au mensonge. Ainsi la justice de Dieu frappe ceux qui repoussent la vérité et se complaisent dans le crime. En effet, ces hommes superbes paraissent en proie à la folie, ils méprisent les préceptes du Seigneur; ils négligent le remède; ils s'obstinent dans l'impénitence. Imprudents avant le crime, ils (99) deviennent ensuite rebelles. Ils cèdent à la menace et'ils rougissent de paraître en suppliants. Quand ils devaient se tenir debout, ils sont tombés; et maintenant qu'on leur dit de se prosterner devant Dieu, ils veulent rester debout; ils usurpent une paix que personne n'a mission de leur donner. Séduits par des promesses trompeuses, ils s'unissent aux apostats et aux traîtres; ils reçoivent l'erreur au lieu de la vérité; ils se mettent en communion avec des excommuniés. Naguère la crainte des hommes les empêchait de croire en Dieu maintenant la crainte de Dieu ne les empêche pas de croire aux hommes. Fuyez-les, évitez-les avec soin. Leur parole se glisse comme un serpent; elle pénètre les âmes comme une contagion mortelle; c'est un venin qui tue plus cruellement encore que la persécution. Je le répète, il n'y a qu'un moyen d'expiation, la pénitence: ceux qui vous enlèvent la pénitence vous enlèvent l'expiation; ainsi, en acceptant témérairement une fausse sécurité promise par des téméraires, on se ferme à. soi-même le chemin du véritable salut.
Pour vous, mes frères biens-aimés, qui conservez la crainte de Dieu, vous dont la conscience coupable ne perd pas le souvenir de son état, reconnaissez vos péchés avec douleur, repassez-les dans l'amertume de votre âme, ouvrez les yeux du coeur pour en comprendre toute la gravité et, pleins d'espoir dans la miséricorde du Seigneur, gardez-vous bien de vous attribuer un pardon trop facile. Si Dieu a tout l'amour, toute la bonté, toute l'indulgence d'un père, il a aussi la sévère majesté d'un juge.
Que nos larmes soient en rapport avec la grandeur de nos fautes. Si la plaie est profonde, appliquons un remède, énergique; que la pénitence ne soit pas inférieure au péché. Vous avez renié votre Dieu, vous lui avez préféré votre patrimoine, vous avez violé son temple par un sacrilège, et vous croyez pouvoir l'apaiser facilement? Vous avez dit qu'il n'était pas votre Dieu, et vous croyez avoir sur-le-champ des droits à sa (101) miséricorde? Priez, prolongez vos supplications; passez les jours dans les larmes, les nuits dans les veilles, étendus sur le cilice; n'interrompez pas vos gémissements; roulez-vous dans la cendre et dans la poussière. Le Christ vous couvrait comme un manteau; vous l'avez perdu: quel autre vêtement pourriez-vous désirer? Vous avez mangé la nourriture du démon, choisissez le jeûne; vous avez commis des fautes, effacez-les par des, oeuvres de miséricorde; vos âmes sont menacées de la mort éternelle, délivrez-les par d'abondantes aumônes. Donnez au Christ ce que l'ennemi cherchait à vous ravir. Pourriez-vous vous attacher à des biens qui, en vous trompant, ont causé votre rune? On doit les sacrifier pour échapper à l'ennemi; on doit les fuir pour échapper aux voleurs, les vendre pour échapper au glaive. S'il vous en reste, le seul avantage que vous puissiez en retirer c'est le rachat et l'expiation de vos fautes. Multipliez donc vos bonnes oeuvres; employez tous vos revenus à la guérison de vos blessures; remettez toute votre fortune entre les mains de ce Dieu qui doit vous juger.
C'est ainsi qu'agissaient les premiers chrétiens. Leur foi était active et généreuse. Ils confiaient tout leur bien aux apôtres pour les distribuer en aumônes; et pourtant ils n'avaient pas à racheter les fautes sur lesquelles vous gémissez. Si vous priez, si vous avez recours aux larmes et aux gémissements de la pénitence, si vous fléchissez, par vos oeuvres, la justice divine, le Seigneur vous fera miséricorde. Il vous a dit lui-même: Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Revenez au Seigneur votre Dieu, dit-il encore, car il est bon, miséricordieux, patient, prêt à pardonner toutes nos iniquités. Il peut faire grâce au coupable et révoquer ses arrêts; il peut pardonner au pénitent qui multiplie ses bonnes oeuvres et ses prières; il peut avoir égard à ce que demandent les martyrs et à ce que font les prêtres. Si quelqu'un le touche davantage par ses oeuvres satisfactoires, s'il apaise son indignation par l'ardeur de ses prières, il lui (103) donnera des armes nouvelles;jusque dans sa défaite, il lui enverra de nouveaux secoure pour renouveler et fortifier sa foi. Alors le soldat retournera au combat, il rentrera dans la mêlée, il provoquera l'ennemi et le regret d'avoir été vaincu doublera ses forces. Celui qui satisfera ainsi au Seigneur et qui, animé par la honte et le repentir, tirera de sa chute, avec l'aide de Dieu, une augmentation de courage et de foi, celui-là réjouira l'Église qu'il avait attristée, et obtiendra, avec son pardon, la couronne de vie. (105)
1. Exhortation à la vigilance; - 2. Les hérésies; - 3. Principe de l'unité; - 4. Obligation de s'en tenir à l'unité; - 5. Figures; - 6. Les chefs de secte; - 7. Leur crime; - 8. Les hérésies prédites; - 9. Union des premiers fidèles; - 10. Affaiblissement de la foi.
Le Seigneur nous dit: Vous êtes le sel de la terre (Matt. V). Il nous recommande l'innocence et la simplicité; mais il veut qu'a ces. vertus nous joignions la prudence. Cela posé, quoi de plus utile pour nous, mes frères bien-aimés, que de nous tenir sur nos gardes, de veiller avec sollicitude, de comprendre et de déjouer les embûches de notre mortel ennemi? Quelle honte en effet si, revêtus de Jésus-Christ, la sagesse du père, nous manquions de cette sagesse élémentaire qui nous conduit au salut? Nous n'avons pas à craindre seulement la persécution et ses dangereuses tentatives: quand le péril est manifeste, on se tient facilement sur ses gardes; on se prépare au combat, quand l'ennemi marche le front levé. Il est bien plus à craindre lorsqu'il s'approche en secret, lorsque, sous l'apparence d'une paix trompeuse, il se glisse dans l'ombre, comme le serpent dont il porte le nom. Son astuce est toujours la même; les (107) moyens ténébreux qu'il emploie pour nous séduire n'ont pas changé. Dès le commencement du monde, il s'attaqua au premier couple humain, et, à l'aide de mensonges flatteurs, il trompa ces âmes encore neuves et simples. Il s'attaqua de même à Jésus-Christ; il s'approcha de lui en secret, espérant réussir de nouveau dans son entreprise; mais il fut découvert, et par suite repoussé. Apprenons par cet exemple à ne pas suivre la voie du premier homme, à marcher sur les traces du Christ victorieux. Par là nous ne tomberons pas en téméraires dans le piège de la mort; mais, grâce à notre prudence, nous acquerrons des droits à l'immortalité.
Or comment jouir de l'immortalité, si vous n'observez les préceptes du Christ, qui nous rendent vainqueurs de la mort? Il nous dit lui-même: Si vous voulez arriver à la vie, observez les commandements (Matt., XIX.); et dans un autre endroit: Si vous faites ce que je vous prescris, je ne vous donnerai plus le nom d'esclaves, mais celui d'amis (Joan., XV). Tel sont les hommes, au jugement de Dieu, forts et inébranlables, les hommes appuyés sur le rocher solide, capables de résister aux tempêtes et aux tourbillons du siècle. Celui qui entend mes paroles et les met en pratique, dit Jésus-Christ, ressemble à l'homme sage qui bâtit sur le rocher les fondements de sa demeure. La pluie tombe, les fleuves débordent, les vents se déchaînent et se précipitent sur la maison; mais elle ne tombe pas parce qu'elle est fondée sur la pierre (Matt., VII.). Nous devons donc nous attacher aux paroles du Maître, recueillir ses enseignements, imiter ses actions.
Or, comment peut-on dire qu'on croit en Jésus-Christ quand on n'accomplit pas ses commandements? Peut-on recevoir la récompense de la foi quand on n'a pas foi aux préceptes? (109) Non; on ne peut qu'errer, tourbillonner sous le souffle de l'erreur, comme la poussière que le vent emporte, et on doit désespérer d'arriver au salut puisqu'on n'en suit pas le chemin.
Evitez donc tous les pièges, mes frères bien-aimés, non-seulement ceux qui se montrent aux yeux; mais encore ceux, qui cachent dans les ténèbres leur astuce et leur malice. Quoi de plus astucieux, quoi de plus subtil que notre ennemi? Jésus, en s'incarnant, triomphe de ses artifices et de sa puissance; alors, en effet, la lumière se montre aux nations pour les sauver; les sourds entendent la voix de la grâce; les aveugles ouvrent les yeux pour voir le Dieu véritable; les infirmes reviennent pour toujours à la santé; les boiteux courent à l'Eglise; les muets, sentant leur langue se délier, font entendre l'accent de la prière, Mais l'ennemi ne s'avoue pas vaincu. Voyant les idoles abandonnées et ses temples désertés par la foule devenue croyante, il imagine un nouveau piège afin de tromper les impudents par l'apparence même du nom chrétien. Il invente les hérésies et les schismes pour troubler la foi, corrompre la vérité, scinder l'unité. Il séduit ceux qu'il ne peut retenir dans la voie des anciennes erreurs, et il les trompe en leur montrant de nouveaux chemins. Il ravit les fidèles à l'Eglise, et tout en leur persuadant qu'ils évitent la nuit du siècle et qu'ils approchent de la lumière, il les plonge, sans qu'ils s'en aperçoivent, dans de nouvelles ténèbres. Ainsi, déserteurs du l'Évangile et de la loi de Jésus-Christ, ils s'obstinent à se dire chrétiens; ils marchent dans les ténèbres, et ils croient jouir de la lumière. L'ennemi les flatte, il les trompe, cet ennemi qui, selon l'apôtre, se transfigure en ange de lumière, qui transforme ses ministres eux-mêmes en prédicateurs de la vérité, donnant la nuit au lieu du jour, la mort au lieu du salut, le désespoir à la place de l'espérance, la perfidie. sous le voile de la foi, l'antéchrist sous le nom adorable du Christ. C'est ainsi qu'au moyen d'une vraisemblance menteuse, ils privent les âmes de la vérité. (111) .
Cela arrive, mes frères bien aimés, parce qu'on ne remonte pas à l'origine de la vérité; parce qu'on ne cherche pas le principe, parce qu'on ne conserve pas la doctrine du maître céleste. Si on se livrait à cet examen, on n'aurait besoin ni de longs traités, ni d'arguments. Rien de plus facile que d'établir sur ce point la foi véritable. Dieu parle à Pierre: Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les puissances des enfers n'en triompheront jamais. Je te donnerai les clefs du royaume du Ciel, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le Ciels et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel (Matt., XVI.). Après sa résurrection, il dit au même apôtre: Pais mes brebis. Sur lui seul il bâtit son Église, à lui seul il confie la conduite de ses brebis. Quoique, après sa résurrection,. il donne à tous ses apôtres un pouvoir égal, en leur disant: Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie; recevez le Saint-Esprit les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Joan., XX), cependant, afin de rendre l'unité évidente, il a établi une seule chaire et, de sa propre autorité, il a placé dans un seul homme le principe de cette même unité. Sans doute les autres apôtres étaient ce que fut Pierre; ils partageaient le même honneur, la même puissance, mais tout se réduit à l'unité. La primauté est donnée à Pierre, afin qu'il n'y ait qu'une seule Église du Christ et une seule chaire. Tous sont pasteurs; mais on ne voit qu'un troupeau dirigé par les apôtres avec un accord unanime. L'Esprit-Saint avait en vue cette Eglise une, quand il disait dans le Cantique des cantiques: Elle est une ma colombe, elle est parfaite, elle est unique pour sa mère; elle est l'objet de toutes ses complaisances (Cant., VI). Et celui qui ne tient pas à l'unité de l'Église croit avoir la foi! Et celui qui résiste à l'Église, qui déserte la chaire de Pierre sur laquelle l'Église repose, se flatte (113) d'être dans l'Église! écoutez l'apôtre saint Paul; il expose lui aussi le dogme de l'unité: Un seul corps, un seul esprit, une seule espérance de votre vocation, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu (Ephés., IV).
Nous devons tenir fortement à cette unité, nous devons la défendre, nous surtout évêques, qui occupons la première place dans l'Église, afin que le corps épiscopal soit un et indivisible. Que personne n'altère, par le mensonge, la fraternité qui nous unit; que personne, par des enseignements perfides, ne nuise à la sincérité de notre foi. L'épiscopat est un, chacun de nous possède cette dignité solidairement avec ses frères. L'Église aussi est une, quoique, par l'effet de sa fécondité, elle s'étende sur une immense superficie. Ainsi les rayons innombrables du soleil ne font qu'une seule lumière; l'arbre a des rameaux nombreux, mais un tronc unique solidement attaché au sol; plusieurs ruisseaux coulent de la source et portent au loin leurs, eaux abondantes, mais la source est unique. Cherchez à, enlever au soleil un de ses rayons, l'unité de la lumière ne souffrira pas cette division; séparez un rameau de l'arbre, il se flétrira; écartez un ruisseau de la fontaine, il se desséchera. Il en est de même de l'Église de Dieu: répandue partout, elle éclaire l'univers de ses rayons; mais il n'y a qu'une seule lumière inséparable du corps qui la produit; arbre gigantesque, elle étend partout ses rameaux chargés de fruits; fontaine intarissable, elle porte au loin ses eaux abondantes et fécondes; mais il n'y a qu'un principe, un tronc, une source, une mère dont la fécondité remplit l'univers. Le sein de cette mère nous donne la naissance, son lait nous nourrit, son souffle nous anime. L'épouse du Christ ne peut souffrir l'adultère; elle est incorruptible; elle ne connaît qu'une seule maison, qu'un seul lit conjugal. C'est elle qui nous conserve pour Dieu, et qui, après nous avoir engendrés, nous conduit au (115) royaume céleste. Quiconque se sépare de l'Église véritable, pour se joindre à. une secte adultère, renonce aux promesses de l'Église. Les promesses du Christ ne sont pas pour celui qui abandonne son Église. Cet homme est un étranger, un profane, un ennemi. Non, on ne peut avoir Dieu pour père si on n'a pas l'Église pour mère. Au temps du déluge, pouvait-on se sauver hors de l'arche de Noé? De même aujourd'hui, hors de l'Église, le naufrage est certain. C'est l'enseignement de Jésus-Christ: Celui qui n'est pas avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe (Matt., XII). Celui qui rompt les liens de la paix et de la concorde établis par le Christ agit contre le Christ; celui qui recueille hors de l'Église dissipe l'Église du Christ. Le Seigneur a dit encore: Moi et mon Père ne sommes qu'un (Joan., X.); et Jean, en parlant du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ajoute, et ces trois ne sont qu'un. Qui donc pourrait croire que cette unité, née de l'unité divine, cimentée par les sacrements célestes, peut être scindée selon le caprice des volontés rivales? Perdre cette unité, c'est perdre la loi divine, la foi dans le Père et le Fils, la vie, le salut.
Ce dogme de l'unité est figuré dans l'Évangile par la tunique du Christ: les soldats ne la partagèrent pas; mais ils La tirèrent au sort et ainsi elle resta dans son entier. Écoutez l'évangéliste: Quant à la tunique, comme elle n'était pas cousue, mais entièrement tissée, ils se dirent les uns aux autres: ne la partageons pas, mais tirons au sort pour voir à qui elle appartiendra (Joan., XIX.). Elle représentait cette unité qui vient du Ciel, c'est-à-dire de Dieu, qui ne peut être violée par les hommes, mais qui doit subsister en entier et sans la moindre altération. Or, comment posséder le vêtement du Christ, quand on scinde et qu'on divise l'Église du Christ? (117)
Le Livre des Rois nous offre un exemple contraire. A la mort de Salomon, le royaume et le peuple se divisèrent. Alors le prophète Achias alla dans la campagne au devant de Jéroboam et, faisant de son manteau douze parts, il lui dit: Prends dix de ces morceaux, car voilà ce que dit le Seigneur Je diviserai le royaume de Salomon et je te donnerai dix tribus; deux tribus resteront à son héritier, à cause de David mon serviteur et de Jérusalem que j'ai choisie pour y établir mon nom (III Reg., XI.). Lorsque les douze tribus d'Israël étaient divisées, le prophète Achias déchira son manteau; mais il n'en est pas de même du peuple du Christ: là toute scission est impossible; aussi sa tunique tissée et d'une seule pièce ne fut pas déchirée par les soldats. Elle nous montre, par son intégrité, la concorde qui doit exister parmi les disciples du Christ; elle est la figure de l'unité de l'Église.
Qui donc pousserait assez loin la scélératesse, la perfidie ou la fureur de la discorde pour croire qu'on peut scinder l'unité divine pour oser déchirer la robe du Seigneur, l'Église du Christ? Il nous dit lui-même dans son Évangile: Il n'y aura qu'un seul troupeau et un seul pasteur (Joan., X.); et vous croyez que, dans le même lieu, il peut exister plusieurs pasteurs ou plusieurs troupeaux? L'apôtre saint Paul nous recommande la même unité: Je vous supplie, mes frères, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de suivre tous la même doctrine, afin qu'il n'y ait pas de schismes parmi vous. Soyez unis dans le même sentiment, dans la même croyance (I Cor., I). Il dit encore: Supportez-vous les uns les autres dans la charité; efforcez -vous de conserver l'unité de l'esprit dans le lien de la paix. Vous croyez qu'on peut vivre hors de l'Église, qu'on peut s'y établir une demeure, alors qu'il fut dit à Raab, qui était la figure de l'Église: Introduis dans ta maison ton père, ta mère, tes (119) frères, toute ta famille, et quiconque en franchira le seuil périra ( Jos., II)? De même, dans l'Exode, la cérémonie de la Pâque porte que l'agneau, qui est la figure du Christ, doit être mangé dans une seule maison. Écoutez plutôt la parole du Seigneur: Il sera mangé dans une seule maison et vous ne jetterez dehors aucune partie de sa chair (Exod., XII.). Jeter dehors la chair de Jésus-Christ, le Saint du Seigneur, serait un sacrilège: les croyants n'ont donc. qu'une seule maison, qu'une seule Église. C'est cette maison,. c'est l'harmonie qui y règne que le Saint-Esprit a en vue quand il dit dans les Psaumes: Dieu réunit dans la même, demeure ceux qui sont unis par la même pensée, le même sentiment (Ps. LXVII.); c'est-à-dire, dans la maison de Dieu, dans l'Église du Christ, habitent les âmes simples, unies ensemble par les liens d'une foi commune. Voilà pourquoi l'Esprit-Saint se montre sous la forme d'une colombe. La colombe est un oiseau simple et joyeux, sans fiel, sans violence; il ne déchire ni avec son bec ni avec ses ongles; il aime les habitations humaines, se contente d'une seule demeure. Les colombes élèvent leurs petits en commun, volent ensemble serrées les unes contre les autres, vivent en famille, témoignent leur amour par des caresses, en un mot, elles paraissent n'avoir toutes qu'un même sentiment. Ainsi, dans l'Église, ayons cette simplicité, cette charité qui fait de nous des colombes, cette douceur et cette innocence qui nous rend semblables aux agneaux et aux brebis. La férocité des loups, la rage des chiens, le venin mortel des serpents, la cruauté des bêtes sauvages peuvent-ils trouver place dans un coeur chrétien? Lorsque des hommes souillés de ces passions infâmes se séparent de l'Église, il faut s'en féliciter; du moins ils n'infecteront pas de leur contagion mortelle les colombes et les brebis du Christ. L'amertume ne peut s'unir à la douceur, l'obscurité à la lumière, la pluie à la (121) sérénité, la lutte à la paix, la stérilité à. l'abondance, la sécheresse â la source, la tempête au calme de l'atmosphère.
Ce ne sont pas les bons, croyez-le bien, qui peuvent se séparer de l'Église. Le vent n'emporte pas le pur froment, la tempête ne renverse pas le chêne solidement assis sur ses racines. C'est la paille inutile que le vent emporte; c'est l'arbre faible et sans vigueur qui est renversé par les tourbillons. Ils sont sortis du milieu de nous, dit l'apôtre saint Jean, mais ils ne furent jamais des mitres; s'ils l'avaient été, ils seraient restés avec nous (I Joan., II). La cause des hérésies passées et présentes ce sont ces esprits pervers qui ne peuvent rester en paix, ces hommes perfides qui brisent les liens de l'unité. Dieu permet et souffre ces désordres pour laisser à la liberté humaine toute son intégrité. Ainsi l'examen de la vérité devient pour le coeur et l'esprit une épreuve décisive, et la foi des élus en sort victorieuse pour se montrer au grand jour. L'Esprit-Saint, d'ailleurs, a eu soin de nous en prévenir par la bouche de l'apôtre: Il faut qu'il y ait des hérésies pour faire connaître les vrais disciples du Christ (I Corint., XI.). Par là les fidèles sont éprouvés, les perfides. découverts; même avant le jour du jugement, les âmes des justes sont séparées de celles des méchants et le froment delà paille.
Ces chefs de secte se placent d'eux-mêmes et sans l'ordre divin à la tête de leurs concitoyens; ils s'emparent du pouvoir, sans s'inquiéter de l'ordination qui le donne; ils prennent le titre d'évêques, sans que personne leur confère l'épiscopat. L'esprit nous les représente, au livre des Psaumes, assis dans la chaire empestée; ce sont, dit-il, les fléaux de la foi; sur leur langue réside la malice du serpent; ils sont habiles à corrompre la vérité; ils vomissent de leur bouche empoisonnée des venins mortels; leur parole se glisse comme la vipère; leur (123) contact seul frappe d'une blessure mortelle les esprits et les coeurs (I Corint., XI). Le Seigneur s'élève contre ces faux prophètes; il cherche à en détourner son peuple: N'écoutez pas leurs paroles, dit-il, car ils sont le jouet de leurs propres visions. Ils parlent, mais ce n'est pas Dieu qui parle par leur bouche. Ils disent à ceux qui repoussent la parole du Seigneur: la paix sera avec vous. Ils disent à ceux qui suivent leurs conseils perfides: tout homme qui suit le mouvement de son coeur n'a à craindre aucun mal. Je n'ai jamais parlé à ces faux prophètes, dit le Seigneur; ils prophétisent de leur propre autorité. S'ils étaient restés fidèles à ma loi, s'ils avaient écouté ma parole, s'ils avaient travaillé à instruire mon peuple, je les aurais détournés de leurs funestes pensées (Jér. XXIII). Le Seigneur désigne encore ces mêmes prophètes lorsqu'il dit: Ils m'ont abandonné, moi la fontaine d'eau vive, et ils se sont creusé des réservoirs vermoulus qui ne peuvent contenir l'eau (Jér., II.). Il ne peut y avoir qu'un baptême, et eux pensent pouvoir baptiser (On peut voir ici le principe des erreurs de Saint Cyprien relativement au baptême conféré par les hérétiques.). Après avoir quitté la fontaine de vie, ils promettent la grâce de l'eau régénératrice. Loin de purifier les. hommes, ils les souillent davantage; loirs de laver les fautes, ils les multiplient. Une telle génération donne des enfants, non à Dieu, mais au démon. Nés du mensonge, ils n'ont aucun droit aux promesses de la vérité; issus de la perfidie, ils perdent la grâce de la foi. Peuvent-ils compter sur, la paix ceux qui, aveuglés par l'esprit de discorde, ont ruiné la paix du Seigneur?
Certains pourraient peut-être se faire illusion, en interprétant mal ces paroles du Christ: Là où se trouvent deux ou trois personnes réunies en mon nom, je suis au milieu (125) d'elles ( Matt., XVIII..). Ces corrupteurs de l'Évangile, ces faux interprètes des Écritures citent la fini du texte et en suppriment le commencement, selon les besoins de leur cause. De même qu'ils sont eux-mêmes retranchés de l'Église, ils scindent, pour en altérer le sens, les paroles de l'Écriture. Le Seigneur, exhortant ses disciples à la concorde et à la paix, leur dit: Si deux d'entre vous s'entendent sur la terre pour une chose à demander, quelle qu'elle soit, elle vous sera accordée par mon Père qui est dans le Ciel; car là où se trouvent deux ou trois personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d'elles. Il montre par là que la grâce est accordée, non à la multitude de ceux qui prient, mais à la concorde et à la charité qui les animent. Si deux d'entre vous, dit-il, s'entendent sur la terre: voilà la concorde; il la place en première ligne, il nous y exhorte de tout son pouvoir.
Or, comment peut-on se mettre d'accord avec quelqu'un, lorsqu'on est séparé du corps de l'Église et de toute la société des frères? Comment deux ou trois personnes peuvent-elles se réunir au nom de Jésus-Christ, lorsqu'il est certain qu'elle sont séparées de Jésus-Christ et de son Évangile? Ce n'est pas nous qui nous sommes éloignés d'eux, mais ils se sont éloignés de nous. De là les hérésies et les schismes: en cherchant à former des assemblées hors du sein de l'Église, ils ont abandonné le principe et la source de la vérité.
Mais le Seigneur parle du milieu de l'Église; il parle à ceux sont dans l'Église et il leur dit: Ne fussiez-vous que deux ou trois, si vos âmes sont unies par les liens de la charité, vous obtiendrez de Dieu l'effet de vos prières. Là où se trouvent deux ou trois personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d'elles, c'est-à-dire avec les simples, avec les amis de la paix, avec ceux qui craignent Dieu et qui observent ses commandements. Il est avec, ces hommes, quoiqu'ils ne soient (127) que deux ou trois, comme il était autrefois avec les trois enfants dans la fournaise. Ils se confiaient simplement à Dieu; ils persévéraient dans l'union fraternelle: aussi un souffle rafraîchissant vint tempérer l'ardeur des flammes qui les enveloppaient. Deux apôtres étaient en prison; eux aussi persévéraient dans la simplicité et l'union fraternelle le Seigneur vint à leur secours, il brisa leurs liens et les renvoya sur la place publique pour prêcher l'Évangile à la multitude. Ainsi donc lorsqu'il dit: Là où seront deux ou trois personnes réunies en mon nom, je serai au milieu d elles, il ne sépare pas les hommes de l'Eglise, lui qui en est le fondateur, mais il reproche aux perfides hérétiques l'esprit de discorde qui les anime, il recommande la paix aux fidèles, il montre qu'il se trouve plutôt avec deux ou trois personnes priant d'une voix unanime qu'au milieu d'une foule en discorde, et que les voeux des premiers, vivifiés par la charité, auront plus d'empire sur le coeur de Dieu que les voix tumultueuses des autres.
C'est pour cela que Jésus a dit en nous imposant la loi de la prière: Lorsque vous vous mettrez a prier, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans le Ciel vous pardonne vos péchés (Marc., XI.). Il repousse de l'autel celui qui vient offrir son sacrifice avec la haine dans le coeur; il lui ordonne d'aller d'abord se réconcilier avec son frère et de venir ensuite présenter son offrande. Dieu n'accueillit pas les présents de Cain: il ne pouvait être en paix avec Dieu celui qui par jalousie avait voué à son frère une haine aveugle. Quelle paix peuvent donc se promettre nos ennemis? quels sacrifices croient-ils célébrer quand ils dressent autel contre autel? s'imaginent-il, s que le Christ assiste à leurs réunions, alors que ces réunions se font hors de l'Église? Leur crime est si grand que, s'ils mouraient en confessant la foi, leur sang ne suffirait pas à le laver. La discorde anéantit toute charité; (129) rien ne peut l'expier, pas même le martyre. Peut-il y avoir des martyrs hors de l'Église? Peut-on arriver au royaume céleste, quand on abandonne celle en qui nous devons régner? Le Christ nous a donné la paix; il nous a recommandé la concorde et l'union; il nous a prescrit de conserver dans leur intégrité les liens de la charité et de l'amour il ne peut donc se dire martyr celui qui ne persévère pas dans la charité fraternelle. C'est aussi la doctrine de l'apôtre saint Paul: Quand ma foi serait capable de transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens aux pauvres, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, je ne gagne rien. La charité est magnanime, bienveillante, sans jalousie, sans pensée amère; elle ne s'enfle pas, ne s'irrite pas, ne pense pas le mal; elle aime tout, croit tout, espère tout, supporte tout. La charité ne périt pas (I Corint., XIII). Vous l'entendez, mes bien-aimés, la charité ne périt pas; elle vivra dans le royaume céleste; elle sera le lien éternel et indissoluble des élus. Mais, pour la discorde, elle sera à tout jamais frappée d'exclusion.
Le Christ a dit: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés moi-même. Il a promis une récompense à ceux qui observeraient ce précepte: comment mériterait-il la récompense celui qui, par des dissensions perfides, anéantit la charité du Christ? Celui qui n'a pas la charité ne possède pas Dieu, dit l'apôtre saint Jean, car Dieu est amour; celui qui persévère dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu en lui (I Joan., IV.). Les déserteurs de l'Église de Dieu rie peuvent demeurer en Dieu. Qu'ils périssent dans les flammes, qu'ils meurent sous la dent des bêtes, ce n'est pas un-titre à la récompense, mais le châtiment de leur perfidie; ce n'est pas la fin glorieuse d'une vie chrétienne, mais le dernier acte d'un aveugle désespoir. Ils (131) peuvent recevoir la mort, mais non pas la couronne. Ils se disent chrétiens, comme le démon se dit le Christ, selon cet avertissement du Maître: Plusieurs viendront en mon nom, disant: Je suis le Christ; et ils séduiront la multitude (Marc., XIII.). De même que le démon n'est pas le Christ, quoiqu'il se serve de son nom pour séduire, ainsi l'homme qui ne persévère pas dans la vérité (le l'Évangile et de la foi ne peut se dire chrétien. Certes, c'est une chose sublime et admirable que de prophétiser, chasser les démons, opérer des prodiges; et pourtant le dépositaire de tous ces pouvoirs ne peut arriver au royaume céleste qu'autant qu'il suit le chemin de la vérité et de la justice. Le Maître nous en avertit lui-même: Plusieurs diront en ce jour: Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé, n'avons-nous pas chassé les démons, n'avons-nous pas fait de grands prodiges en votre nom? et je leur dirai: Je ne vous connais pas; éloignez-vous de moi, hommes d'iniquité (Matt., VII.). C'est par la justice qu'on peut fléchir la justice de Dieu; c'est en obéissant à ses préceptes que nous pouvons obtenir la récompense due à nos mérites.
Le Seigneur établit en deux mots, dans l'Évangile, les fondements de notre espérance et de notre foi: Votre Dieu, dit-il, est un Dieu unique. Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de tout votre esprit et de toutes vos forces c'est là le premier commandement. Le second commandement est semblable au premier: Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Dans ces deux commandements se trouvent toute la loi et les prophètes (Marc, XII). En renfermant dans deux préceptes les prophètes et la loi, le Seigneur nous recommande l'unité et la charité. L'unité et la charité! ils s'en occupent bien ces fauteurs de discordes qui. emportés par une haine aveugle, scindent l'Église, détruisent la foi, troublent la paix, ruinent la charité, profanent nos mystères. (133)
Ce fléau, mes frères bien-aimés, a commencé depuis longtemps; mais, de nos jours, ses ravages deviennent plus affreux. Les hérésies et les schismes, en se multipliant, répandent davantage leurs poisons. N'en soyons pas étonnés; il doit en être ainsi au déclin du monde; l'Esprit-Saint, par la bouche de l'apôtre, l'a prédit: Aux derniers jours, viendront des temps difficiles. On verra paraître des hommes pleins de confiance en eux-mêmes, superbes, vaniteux, avares, blasphémateurs, désobéissants, ingrats, impies, sans affection, sans bonne foi, délateurs, débauchés, cruels, ennemis de tout bien, traîtres, insolents, enflés d'orgueil, préférant leurs passions à Dieu, altérant les dogmes de la religion et ne croyant pas à son origine et à sa vertu divine. Ces hommes se glissent dans les maisons; ils séduisent des femmes faibles et chargées de fautes qui se laissent conduire par de vains désirs. Ils cherchent sans cesse à apprendre et n'arrivent jamais à la science de la vérité. Autrefois Jamnès et Mambrès résistèrent à Moïse: eux de même résistent à la vérité, égarés qu'ils sont par leur corruption et leurs erreurs. Mais leur succès sera de courte durée; bientôt leur perversité sera découverte, comme celle des ennemis de Moïse (II Thess., III).
Toutes ces prophéties s'accomplissent, et comme la fin du monde approche, ces hommes paraissent pour nous éprouver. Grâce à la fureur du démon, toutes les passions s'agitent à la fois: l'erreur séduit les âmes déjà. égarées par l'orgueil, la jalousie les enflamme, la cupidité les aveugle, l'impiété les déprave, la vanité les enfle, la discorde les exaspère, la colère les précipite à leur ruine. Ne nous laissons pas troubler ou émouvoir par l'excessive perfidie d'un si grand nombre; mais plutôt, puisque la chose est prédite, servons-nous-en pour fortifier notre foi. La conduite des hérétiques est conforme à la prédiction. Donc, mes frères, appuyés sur la prophétie, tenez-vous en garde contre eux, car le Seigneur a dit: Méfiez-vous; (135) je vous ai tout annoncé d'avance. Évitez ces hommes, je vous en supplie, repoussez leurs paroles perverses comme une contagion mortelle, selon cette parole des Livres saints: Fermez rigoureusement vos oreilles et n'écoutez pas les méchants; et ailleurs: Les mauvais propos corrompent les bonnes moeurs.
Cyprien - 14. Châtiments;