1997 Directoire pour la catechèse 91
Le message évangélique
" La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ " ( Jn 17,3) .
" Jésus vint en Galilée, proclamant l'Evangile de Dieu et disant: "Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche; repentez-vous et croyez à l'Evangile" " (Mc 1,14-15) .
" Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé. Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, qu'il a été mis au tombeau, qu'il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures " (1Co 15,1-4) .
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La foi chrétienne, qui permet à une personne de dire " oui " à Jésus-Christ, peut être envisagée sous deux aspects:
- soit comme adhésion à Dieu qui se révèle - adhésion donnée sous l'influence de la grâce.
En ce cas, la foi consiste à se confier et à s'abandonner à la parole de Dieu (fides qua);
- soit comme contenu de la Révélation et du message évangélique.
En ce sens, la foi s'exprime dans l'engagement à connaître toujours mieux le sens profond de cette Parole (fides quae).
Ces deux aspects sont, de par leur nature, indissociables. La maturation et la croissance de la foi exigent leur développement organique et cohérent. Cependant, pour des raisons de méthode, il est possible de les considérer séparément. (296)
Notes:
(296) Cf. DGC (1971) 36a.
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Cette deuxième partie traite du contenu du message évangélique (fides quae).
- Le premier chapitre indique les normes et les critères que la catéchèse doit suivre pour fonder, formuler et exposer ses contenus. Chaque forme du ministère de la Parole, en effet, ordonne et présente le message évangélique selon son caractère propre.
- Le deuxième chapitre traitera du contenu de la foi, tel que le présente le Catéchisme de l'Eglise catholique, texte de référence doctrinale pour la catéchèse. A cet effet on présente quelques indications pouvant aider à assimiler et à intérioriser le Catéchisme, et aussi à le situer au sein de l'action catéchétique de l'Eglise. Cette deuxième partie fournit en outre quelques critères afin que, en référence au Catéchisme de l'Eglise Catholique, les Eglises particulières élaborent des Catéchismes locaux qui - en sauvegardant l'unité de la foi - prennent en compte comme il se doit les diverses situations et cultures.
" Ecoute, Israël: Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Que ces paroles que je te dicte aujourd'hui restent dans ton coeur; tu les répéteras à tes fils, tu les leur diras aussi bien assis dans ta maison que marchant sur la route, couché aussi bien que debout; tu les attacheras à ta main comme un signe, sur ton front comme un bandeau; tu les écriras sur les poteaux de ta maison et sur tes portes " (Dt 6,4-9) .
" Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous " (Jn 1,14) .
La parole de Dieu, source de la catéchèse
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" La catéchèse puisera toujours son contenu à la source vivante de la Parole de Dieu, transmise dans la Tradition et dans les Ecritures, car la sainte Tradition et la sainte Ecriture constituent un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu, confié à l'Eglise ". (297)
Ce " dépôt de la foi ", (298) tel le trésor du maître de maison, est confié à l'Eglise, famille de Dieu; elle en tire sans cesse du neuf et de l'ancien. (299) Tous les fils du Père, animés de son Esprit, se nourrissent de ce trésor de la Parole. Ils savent que la Parole c'est Jésus-Christ, le Verbe fait homme et que sa voix continue de retentir, par l'Esprit Saint, dans l'Eglise et dans le monde.
La parole de Dieu, par une remarquable " condescendance " (300) divine, nous est adressée et nous parvient par des " oeuvres et des paroles " humaines, de même que " jadis le Verbe du Père éternel, ayant pris l'infirmité de notre chair, est devenu semblable aux hommes ". (301) Sans cesser d'être parole de Dieu, elle s'exprime en parole humaine. Bien que proche, elle reste cependant voilée, dans un état de " kénose ". Aussi l'Eglise, guidée par l'Esprit-Saint, a-t-elle besoin de l'interpréter continuellement et, tandis qu'elle la contemple dans un profond esprit de foi, elle " l'écoute avec piété, la garde saintement et l'expose avec fidélité ". (302)
Notes:
(297) CTR 27
(298) Cf. DV 10 a et b; 1Tm 6,20
(299) Cf. Mt 13,52
(300) DV 13
(301) Ibid
(302) DV 10
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La parole de Dieu contenue dans la sainte Tradition et dans la sainte Ecriture:
- est méditée et comprise toujours plus profondément par le biais du sens de la foi de tout le Peuple de Dieu, sous la conduite du Magistère qui l'enseigne avec autorité;
- est célébrée dans la liturgie où elle est constamment proclamée, écoutée, intériorisée et commentée;
- resplendit dans la vie de l'Eglise, dans son histoire deux fois millénaire, et surtout dans le témoignage des chrétiens, des saints particulièrement;
- est approfondie dans la recherche théologique, qui aide les croyants à progresser dans l'intelligence vitale des mystères de la foi;
- se manifeste dans les valeurs religieuses et morales authentiques qui sont répandues dans la société humaine et dans les diverses cultures en tant que semences de la Parole.
Notes
(303) On le voit, les deux expressions sont utilisées: la source et " les sources ". Nous parlons de " la " source de la catéchèse pour souligner l'unicité de la Parole de Dieu, en rappelant le concept de Révélation dans Dei Verbum On suit CTR 27 qui parle aussi de la source de la catéchèse. On maintient cependant l'expression " les sources" selon l'usage catéchistique ordinaire de l'expression, pour indiquer les lieux concrets où la catéchèse puise son message; cf. DGC (1971) 45.
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Ce sont là les sources, principales ou subsidiaires, de la catéchèse, qui, en aucun cas, ne doivent être comprises dans un sens univoque. (304) La Sainte Ecriture " est parole de Dieu en tant que, sous l'inspiration de l'Esprit divin, elle est consignée par écrit "; (305) et la sainte Tradition " transmet intégralement aux successeurs des Apôtres la parole de Dieu qui fut confiée à ceux-ci par le Christ Seigneur et par l'Esprit-Saint ". (306) Le Magistère a la charge " d'interpréter de façon authentique la parole de Dieu ", (307) exerçant, au nom de Jésus-Christ, un service ecclésial fondamental. Tradition, Ecriture et Magistère, étroitement liés et solidaires entre eux, sont, " chacun à sa façon ", (308) les sources principales de la catéchèse.
Les " sources " de la catéchèse ont, chacune, leur langage propre, que l'on exprime par une riche variété de " documents de foi ". La catéchèse est la tradition vivante de ces documents: (309) péricopes bibliques, textes liturgiques, écrits des Pères de l'Eglise, formulations du Magistère, symboles de la foi, témoignages des saints, réflexions théologiques.
La source vive de la parole de Dieu et les " sources " qui en découlent et par lesquelles elle s'exprime, dictent à la catéchèse les critères pour transmettre son message à tous ceux qui ont mûri leur décision de suivre Jésus-Christ.
Notes:
(304) Cf. DGC (1971) 45b.
(305) DV 9
(306) Ibid
(307) DV 10.
(308) DV 10.
(309) Cf. MPD 9.
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Les critères pour présenter le message évangélique dans la catéchèse sont étroitement liés entre eux puisqu'ils jaillissent d'une même source.
- Le message centré sur la personne de Jésus-Christ (christocentrisme), de par sa dynamique interne, introduit à la dimension trinitaire du message.
- L'annonce de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, centrée sur le don du salut, implique un message de libération ".
- Le caractère ecclésial du message renvoie à son caractère historique, puisque la catéchèse - comme l'évangélisation en général - s'exerce dans le " temps de l'Eglise ".
- Le message évangélique en tant que Bonne Nouvelle destinée à tous les peuples, recherche l'inculturation; celle-ci ne pourra se réaliser en profondeur que si le message est présenté dans son intégrité et sa pureté.
- Le message évangélique est nécessairement un message organique, avec sa propre hiérarchie des vérités. C'est cette vision harmonique de l'Evangile qui le transforme en un événement riche de sens pour la personne humaine.
Bien que ces critères soient valables pour tout le ministère de la Parole, nous allons les développer en rapport à la catéchèse.
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Jésus-Christ ne transmet pas seulement la parole de Dieu: Il est la parole de Dieu. Aussi est-ce la catéchèse tout entière qui Lui est référée.
En ce sens, ce qui caractérise avant tout le message transmis par la catéchèse, c'est le " christocentrisme ", (310) qu'il faut comprendre selon plusieurs sens:
- Il signifie en premier lieu, qu'" au coeur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité ". (311) En réalité, la tâche fondamentale de la catéchèse est de présenter le Christ, et tout le reste en référence à Lui. Ce qu'elle sert, en définitive, c'est la suite de Jésus, la communion avec Lui: chaque élément du message tend à cela.
- Le christocentrisme signifie en second lieu que le Christ est au " centre de l'histoire du Salut " (312) que présente la catéchèse. Il est, en effet, l'événement ultime, vers lequel converge toute l'histoire sainte. Lui qui est venu dans la " plénitude des temps " (Ga 4,4) , il est " la clé, le centre et la fin de toute l'histoire humaine ". (313) Le message catéchistique aide le chrétien à se situer dans l'histoire et à y prendre une part active, en montrant comment le Christ est le sens ultime de celle-ci.
- Le christocentrisme signifie, en outre, que le message évangélique n'est pas oeuvre de l'homme, mais parole de Dieu. L'Eglise et, en son nom, tout catéchiste, peut dire en vérité: " Ma doctrine n'est pas de moi mais de Celui qui m'a envoyé " (Jn 7,16) . C'est pourquoi, ce que transmet la catéchèse c'est l'" enseignement de Jésus-Christ, la Vérité qu'il communique ou, plus exactement, la Vérité qu'il est ". (314) Le christocentrisme oblige la catéchèse à transmettre ce que Jésus enseigne sur Dieu, sur l'homme, sur le bonheur, sur la vie morale, sur la mort. sans se permettre de changer en rien sa pensée. (315)
Les Evangiles qui racontent la vie de Jésus sont au centre du message de la catéchèse. Dotés eux mêmes d'une " structure catéchétique ", (316) ils expriment l'enseignement que l'on proposait aux premières communautés chrétiennes et qui transmettait la vie de Jésus, son message et ses oeuvres de salut. Dans la catéchèse, " les quatre Evangiles tiennent une place centrale puisque le Christ Jésus en est le centre ". (317)
Notes:
(310) Cf. CEC 426-429 CTR 5-6 DGC (1971) 40.
(311) CTR 5
(312) DGC (1971) 41a; cf. DCG (1971) 39, 40, 44.
(313) GS 10
(314) CTR 6
(315) Cf. 1Co 15,1-4 EN 15 e, f.
(316) CTR 11.
(317) CEC 139
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La parole de Dieu, incarnée en Jésus de Nazareth, Fils de Marie toujours vierge, est la Parole même du Père qui parle au monde par son Esprit. Jésus renvoie sans cesse au Père, dont il sait qu'il est le Fils Unique, et à l'Esprit-Saint, dont il se sait l'Oint. Il est le " chemin " qui introduit dans le mystère intime de Dieu. (318)
Le christocentrisme de la catéchèse, en vertu de sa dynamique interne, mène à la profession de foi en Dieu: Père, Fils et Saint-Esprit. C'est un christocentrisme essentiellement trinitaire. Dans le Baptême, les chrétiens sont configurés au Christ, " Un de la Trinité " (319) et, " fils dans le Fils ", ils entrent en communion avec le Père et avec le Saint-Esprit. Leur foi est par conséquent radicalement trinitaire. " Le mystère de la Très Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne ". (320)
Notes:
(318) Cf. Jn 14,6
(319) L'expression " Un de la Trinité " a été utilisée par le Vème Concile oecuménique de Constantinople (a. 553): cf. Constantinopolitanum II, Sessio VIII, can. 4: DS 424 elle est mentionnée dans CEC 468
(320) CEC 234 cf. CEC 2157
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Le christocentrisme trinitaire du message évangélique appelle la catéchèse à soigner, entre autres, les aspects suivants:
- La structure interne de la catéchèse; chaque modalité de présentation sera toujours christocentrique et trinitaire: " Par le Christ, vers le Père, dans l'Esprit ". (321) Une catéchèse qui omettrait l'une de ces dimensions ou en méconnaîtrait le lien organique risquerait de trahir l'originalité du message chrétien. (322)
- En suivant la pédagogie même de Jésus dans sa révélation du Père, de Lui-même comme Fils, et du Saint-Esprit, la catéchèse présentera la vie intime de Dieu à partir de ses oeuvres de salut en faveur de l'humanité. (323) Les oeuvres de Dieu révèlent qui Il est en lui-même, tandis que le mystère de son Etre intime illumine l'intelligence de toutes ses oeuvres. Il en est ainsi, analogiquement, dans les relations humaines: les personnes se révèlent par leurs actions, et mieux nous les connaissons, mieux nous comprenons ces actions. (324)
- La présentation de l'être intime de Dieu révélé par Jésus, un dans son essence et trine dans les personnes, en fera apparaître les implications fondamentales dans la vie des hommes. Confesser un Dieu unique signifie que " l'homme ne doit soumettre sa liberté personnelle, de façon absolue, à aucun pouvoir terrestre ". (325) Cela signifie aussi que l'humanité, créée à l'image d'un Dieu qui est " communion de personnes ", est appelée à être une société fraternelle, composée des fils d'un même Père, égaux dans leur dignité de personnes. (326) Les implications humaines et sociales de la conception chrétienne de Dieu sont immenses. En professant la foi en la Trinité et en l'annonçant au monde, l'Eglise se conçoit elle-même comme " un peuple rassemblé dans l'unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit ". (327)
Notes:
(321) DGC (1971) 41; cf. Ep 2,18
(322) Cf. DGC (1971) 41.
(323) Cf. CEC 258 CEC 236 CEC 258 CEC 259.
(324) Cf. CEC 236
(325) CEC 450
(326) Cf. CEC 1702 CEC 1878 SRS 40 utilise, à ce sujet, l'expression " modèle d'unité" ; CEC 2845 invoque la communion de la Très Sainte Trinité comme " la source et le critère de la vérité de toute relation ".
(327) LG 4, qui cite textuellement S. Cyprien, De dominica oratione 23: CCL 3A2, 105.
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Le message de Jésus sur Dieu est une bonne nouvelle pour l'humanité; Jésus a annoncé, en effet, le Royaume de Dieu: (328) une intervention de Dieu, nouvelle et définitive, avec un pouvoir de transformation aussi grand, et même supérieur à celui déployé pour la création du monde. (329) En ce sens, " comme noyau et centre de sa Bonne Nouvelle, le Christ annonce le salut, ce grand don de Dieu qui est libération de tout ce qui opprime l'homme et surtout libération du péché et du Malin, dans la joie de connaître Dieu et d'être connu de lui, de le voir, de s'abandonner à lui ". (330)
La catéchèse transmet ce message du Royaume, central dans la prédication de Jésus. Le message est ainsi " peu à peu approfondi, développé dans ses corollaires implicites "; (331) il dévoile ses grandes répercussions pour les personnes et pour le monde.
Notes:
(328) Cf. EN 11-14 RMA 12-20 cf. CEC 541-556
(329) La liturgie de l'Eglise l'exprime ainsi à la Veillée pascale: " . Donne à ceux que tu as rachetés de comprendre que l'acte de la création au commencement du monde n'a pas excellé ce fait qu'à la fin des siècles le Christ notre Pâque a été immolé " (Missale Romanum $(Editio Typica Altera - 1975
(330) EN 9
(331) CTR 25
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Dans cette explicitation du kérygme évangélique de Jésus, la catéchèse souligne les aspects fondamentaux suivants:
- Jésus, avec l'avènement du Royaume, annonce et révèle que Dieu n'est pas un être lointain et inaccessible, " une puissance anonyme et lointaine ", (332) mais qu'il est le Père, présent parmi ses créatures, et agissant par son amour et son pouvoir. Ce témoignage sur Dieu comme Père, offert d'une manière simple et directe, est fondamental dans la catéchèse.
- Jésus annonce, en même temps, que Dieu offre, avec son royaume, le don du salut intégral; il libère du péché, introduit dans la communion avec le Père, accorde la filiation divine et promet la vie éternelle, par sa victoire sur la mort. (333) Ce salut intégral est à la fois immanent et eschatologique, puisqu'il " a son commencement en cette vie, mais s'accomplit dans l'éternité ". (334)
- Jésus, en annonçant le Royaume, annonce la justice de Dieu: il proclame le jugement divin et notre responsabilité. L'annonce du jugement de Dieu, avec son pouvoir de formation des consciences, est un contenu central de l'Evangile et une bonne nouvelle pour le monde. Il l'est pour ceux qui souffrent du manque de justice et pour ceux qui luttent afin de l'instaurer; il l'est aussi pour ceux qui n'ont pas su aimer ni être solidaires, la pénitence et le pardon devenant possibles puisque dans la croix du Christ nous obtenons la rédemption du péché. L'appel à se convertir et à croire à l'Evangile du Royaume - qui est un royaume de justice, d'amour et de paix, et à la lumière duquel nous serons jugés - est fondamental pour la catéchèse.
- Jésus déclare que le Royaume de Dieu s'inaugure avec Lui, en sa personne-même. (335) Il révèle, en effet, que Lui-même, constitué Seigneur, se charge de réaliser ce Royaume et qu'il le remettra, pleinement accompli, à son Père, quand il reviendra dans la gloire. (336) " Mystérieusement, le royaume est déjà présent sur cette terre; il atteindra sa perfection quand le Seigneur reviendra ". (337)
- Jésus dit aussi que la communauté de ses disciples, son Eglise, " est le germe et le commencement sur la terre, de ce Royaume " (338) et que, un ferment dans la masse, elle désire qu'il croisse dans le monde comme un arbre immense, incorporant tous les peuples et toutes les cultures. " L'Eglise est effectivement et concrètement au service du Royaume ". (339)
- Jésus manifeste enfin que l'histoire de l'humanité n'est pas vouée au néant, mais qu'en Lui, Dieu l'assume avec ses aspects de grâce et de péché, pour la transformer. Dans son pèlerinage actuel vers la maison du Père, elle offre déjà un avant-goût du monde à venir, dans lequel, élevée et purifiée, elle atteindra sa perfection. " L'évangélisation ne peut pas ne pas contenir l'annonce prophétique d'un au-delà, vocation profonde et définitive de l'homme à la fois en continuité et en discontinuité avec la situation présente ". (340)
Notes:
(332) EN 26
(333) Ce don du salut nous confère " la justification, par la grâce de la foi et des sacrements de l'Eglise. Cette grâce nous délivre du péché et nous introduit dans la communion avec Dieu " (Lc 52) .
(334) EN 27
(335) Cf. 3 et 5.
(336) Cf. RMA 16
(337) GS 39
(338) LG 5
(339) RMA 20
(340) EN 28
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La Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu qui annonce le Salut comporte un message de libération. (341) En annonçant ce Royaume, Jésus s'adressait tout particulièrement aux pauvres: " Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous rirez " (Lc 6,20-21) . Ces béatitudes que Jésus adresse à ceux qui souffrent sont l'annonce eschatologique du salut qu'apporte le Royaume. Elles décrivent les situations déchirantes auxquelles l'Evangile est si sensible: la pauvreté, la faim et la souffrance de l'humanité.
La communauté des disciples de Jésus, l'Eglise, partage, aujourd'hui, le sentiment exprimé alors par son Maître. Avec une douleur profonde, elle se tourne vers ces " peuples engagés, avec toute leur énergie, dans l'effort et le combat de dépassement de tout ce qui les condamne à rester en marge de la vie: famines, maladies chroniques, analphabétisme, paupérisme, injustices dans les rapports internationaux,. situations de néo-colonialisme économique et culturel ". (342) L'Eglise est préoccupée par toutes les formes de pauvreté " non seulement économique, mais aussi culturelle et religieuse ". (343)
L'Eglise - c'est une dimension importante de sa mission - " a le devoir d'annoncer la libération de millions d'êtres humains, beaucoup d'entre eux étant ses propres enfants; le devoir d'aider cette libération à naître, de témoigner pour elle, de faire qu'elle soit totale ". (344)
Pour préparer les chrétiens à cette tâche, la catéchèse veillera entre autres aux aspects suivants:
- situer le message de libération dans la perspective de " la finalité spécifiquement religieuse de l'évangélisation ", (345) car cette dernière perdrait sa raison d'être " si elle s'écartait de l'axe religieux qui la dirige: le Règne de Dieu, avant toute autre chose, dans son sens pleinement théologique ". (346) Aussi le message de libération " ne peut se cantonner dans la simple et restreinte dimension économique, politique, sociale ou culturelle, mais elle doit viser l'homme tout entier, dans toutes ses dimensions, y compris dans son ouverture vers l'absolu, même l'Absolu de Dieu "; (347)
- présenter, dans sa tâche d'éducation morale, la morale sociale chrétienne comme une exigence de la justice de Dieu et une conséquence de " la libération radicale opérée par le Christ ". (348) C'est en effet la Bonne Nouvelle que les chrétiens professent, le coeur plein d'espérance: le Christ a libéré le monde et il continue de le libérer. C'est ici que naît la pratique chrétienne du grand commandement de l'amour;
- susciter, dans sa tâche d'initiation à la mission, chez les catéchumènes et les catéchisés, " l'option préférentielle pour les pauvres " (349) qui, " loin d'être un signe de particularisme ou de sectarisme, manifeste l'universalité de la nature et de la mission de l'Eglise. Cette option n'est pas exclusive ", (350) mais elle comporte " l'engagement en faveur de la justice, selon le rôle, la vocation et les conditions de chacun ". (351)
Notes:
(341) Cf. EN 30-35
(342) EN 30
(343) CA 57 cf. CEC 2444
(344) EN 30
(345) EN 32 cf. SRS 41 cf. RMA 58
(346) EN 32
(347) EN 33 cf. LC: cette Instruction est un point de référence obligé pour la catéchèse.
(348) LC 71
(349) CA 57 LC 68 cf. SRS 42 CEC 2443-2449
(350) LC 68
(351) SRS 41 cf. LC 77 De son côté, le Synode de 1971 a traité un thème d'importance fondamentale pour la catéchèse: " l'éducation à la justice" : cf. Documents du Synode des évêques, II: De Iustitia in mundo, III: l.c. 835-937.
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La nature ecclésiale de la catéchèse confère au message évangélique qu'elle transmet un caractère intrinsèquement ecclésial. La catéchèse naît de la profession de foi de l'Eglise et mène à la profession de foi du catéchumène et du catéchisé. La première parole officielle que l'Eglise adresse à l'adulte qui va recevoir le Baptême, après avoir appris son nom, est: " Que demandez-vous à l'Eglise de Dieu? ". Le candidat répond: " La foi ". (352) Le catéchumène sait, en effet, que l'Evangile qu'il a découvert et qu'il désire connaître est vivant dans le coeur des croyants. La catéchèse n'est autre que le processus de transmission de l'Evangile, tel que la communauté chrétienne l'a reçu, le comprend, le célèbre, le vit et le communique de diverses manières.
Aussi, lorsque la catéchèse transmet le mystère du Christ, son message retentit de la foi de tout le Peuple de Dieu tout au long de l'histoire: celle des apôtres qui l'ont reçue du Christ lui-même et de l'action de l'Esprit-Saint; celle des martyrs qui l'ont professée et la professent par leur sang; celle des saints qui l'ont vécue et la vivent en profondeur; celle des Pères et des Docteurs de l'Eglise qui l'ont magnifiquement enseignée; celle des missionnaires qui l'annoncent sans cesse; celle des théologiens qui aident à la mieux comprendre; celle des pasteurs, enfin, qui la conservent avec zèle et amour et l'interprètent avec authenticité. En vérité, la foi de tous ceux qui croient et qui se laissent guider par l'Esprit-Saint est présente dans la catéchèse.
. Cette foi, transmise par la communauté ecclésiale, est unique. Bien que les disciples de Jésus-Christ forment une communauté répandue dans le monde entier, bien que la catéchèse transmette la foi en des langages culturels très différents, on n'annonce qu'un seul Evangile, on ne professe qu'une seule foi, on ne reçoit qu'un seul Baptême: " un seul Seigneur, une seule foi, un seul Baptême, un seul Dieu et Père de tous " (Ep 4,5) .
La catéchèse est donc, dans l'Eglise, le service qui introduit les catéchumènes et les catéchisés dans l'unité de la profession de foi. (353) De par sa nature même, elle renforce le lien de l'unité, (354) en faisant prendre conscience d'appartenir à une grande communauté que ni l'espace ni le temps ne sauraient limiter: " Du juste Abel jusqu'au dernier élu, jusqu'aux extrémités de la terre, jusqu'à la fin des temps ". (355)
Notes:
(352) RICA 75; cf. CEC 1253
(353) Cf. CEC 172-175 où, en s'inspirant de St Irénée de Lyon, on analyse toute la richesse contenue dans la réalité d'une seule foi.
(354) CEC 815: " .l'unité de l'Eglise pérégrinante est assurée aussi par des liens visibles de communion: la profession d'une seule foi reçue des apôtres; la célébration commune du culte divin, surtout des sacrements; la succession apostolique par le sacrement de l'Ordre, maintenant la concorde fraternelle de la famille de Dieu ".
(355) EN 61, qui reprend St Grégoire le Grand et la Didaché.
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La profession de foi des disciples de Jésus-Christ naît d'une Eglise pélerine, envoyée en mission. Elle n'est pas encore la proclamation glorieuse de la fin du chemin, mais celle du " temps de l'Eglise ". (356) L'" économie du salut " a, par conséquent, un caractère historique puisqu'elle se réalise dans le temps: " elle a commencé dans le passé, elle s'est développée et elle a atteint son sommet dans le Christ, elle déploie sa puissance dans le présent, et elle attend son accomplissement dans l'avenir ". (357)
C'est pourquoi, l'Eglise, en transmettant aujourd'hui le message chrétien à partir de la vive conscience qu'elle en a, fait sans cesse " mémoire " des événements salvifiques du passé, et les raconte. Elle interprète à leur lumière les événements actuels de l'histoire humaine dans lesquels l'Esprit de Dieu renouvelle la face de la terre, et elle demeure dans l'attente croyante de la venue du Seigneur. Dans la catéchèse patristique, le récit (narratio) des merveilles réalisées par Dieu et l'attente (exspectatio) du retour du Christ accompagnaient toujours la présentation des mystères de la foi. (358)
Notes:
(356) CEC 1076
(357) DGC (1971) 44.
(358) Les Pères de l'Eglise, en fondant le contenu de la catéchèse dans le récit des événements du salut, souhaitaient enraciner le christianisme dans le temps, montrant qu'il était une histoire porteuse du salut et non une simple philosophie religieuse; ils souhaitaient également souligner que le Christ était le coeur de cette histoire.
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Le caractère historique du message chrétien oblige la catéchèse à veiller aux aspects suivants:
- Présenter l'histoire du salut par une catéchèse biblique qui fasse connaître les " oeuvres et les paroles " par lesquelles Dieu s'est révélé à l'humanité: les grandes étapes de l'Ancien Testament par lesquelles il a préparé le chemin de l'Evangile; (359) la vie de Jésus, Fils de Dieu, qui, par ses actes et son enseignement, a porté à son achèvement la Révélation; (360) et l'histoire de l'Eglise qui transmet la Révélation. Cette histoire, lue à partir de la foi, est également une partie fondamentale du contenu de la catéchèse.
- En expliquant le Symbole de la foi et le contenu de la morale chrétienne par une catéchèse doctrinale, le message évangélique doit éclairer l'" aujourd'hui " de l'histoire du Salut. Ainsi, " non seulement le ministère de la parole reprend la révélation des merveilles de Dieu faites dans le temps., mais, en même temps, à la lumière de cette révélation, il interprète la vie des hommes de notre époque, les réalités de ce monde et les signes des temps, car c'est en eux que s'accomplit le dessein de Dieu pour le salut des hommes ". (361)
- Situer les sacrements dans l'histoire du Salut par une catéchèse mystagogique qui " .relit et revit tous ces grands événements de l'histoire du salut dans l'aujourd'hui' de la liturgie ". (362) La référence à l'" aujourd'hui " de l'histoire du salut est essentielle dans cette catéchèse. On aide ainsi les catéchumènes et les catéchisés " .à s'ouvrir à cette intelligence " spirituelle " de l'économie du salut. ". (363)
- Aider à faire le passage du signe au mystère. Les " oeuvres et les paroles " de la Révélation renvoient au " mystère qu'elles contiennent ". (364) La catéchèse conduira à découvrir, derrière l'humanité de Jésus, sa condition de Fils de Dieu; derrière l'histoire de l'Eglise, son mystère de " sacrement de salut "; derrière les " signes des temps ", les traces de la présence et du dessein de Dieu. La catéchèse conduira ainsi à la connaissance typique de la foi " qui est une connaissance par l'intermédiaire de signes ". (365)
Notes:
(359) CEC 54-64 Ces textes du Catéchisme qui sont une référence essentielle pour la catéchèse biblique, donnent les étapes les plus importantes de la Révélation, dans lesquelles l'Alliance est le thème clé. Cf. CEC 1081 CEC 1093.
(360) Cf. DV 4
(361) DGC (1971) 11.
(362) CEC 1095 cf. CEC 1075 CEC 1116 CEC 129-130 CEC 1093-1094.
(363) CEC 1095 Le CEC 1075 parle du caractère inductif de cette " catéchèse mystagogique ", car " elle procède du visible à l'invisible, du signifiant au signifié, des " sacrements " aux " mystères ".
(364) DV 2
(365) DGC (1971) 72; cf. CEC 39-43
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La Parole de Dieu s'est faite homme, un homme concret, situé dans le temps et dans l'espace, enraciné dans une culture déterminée: " Le Christ., par son incarnation, s'est lié aux conditions sociales et culturelles des hommes avec lesquels il a vécu ". (367) C'est là l'" inculturation " originelle de la parole de Dieu et le modèle de référence pour toute l'oeuvre d'évangélisation de l'Eglise, " appelée à porter la force de l'Evangile au coeur de la culture et des cultures ". (368)
L'" inculturation " (369) de la foi, par laquelle sont assumées, dans un admirable échange, " toutes les richesses des nations qui ont été données au Christ en héritage ", (370) est un processus profond et global qui requiert beaucoup de temps. (371) Car il ne s'agit pas d'une adaptation superficielle qui, pour rendre plus attrayant le message chrétien, se contente de le recouvrir d'un vernis décoratif.
Il s'agit au contraire de la pénétration de l'Evangile au plus profond des personnes et des peuples, pour les rejoindre " .de façon vitale, en profondeur et jusque dans les racines " (372) de leurs cultures.
Dans cette oeuvre d'inculturation, cependant, les communautés chrétiennes devront faire oeuvre de discernement: il s'agit, d'une part, d'" assumer " (373) les richesses culturelles compatibles avec la foi, et, d'autre part, d'aider à " guérir " (374) et à " transformer " (375) les critères, les modes de pensée ou les styles de vie en désaccord avec le Royaume de Dieu. Deux principes doivent guider ce discernement: " la compatibilité avec l'Evangile et la communion avec l'Eglise universelle ". (376) Tout le Peuple de Dieu doit s'engager dans ce processus qui " .doit s'effectuer graduellement, de façon qu'il soit vraiment l'expression de l'expérience chrétienne de la communauté. ". (377)
Notes:
(366) Cf. partie IV, ch. 5.
(367) AGD 10 cf. AGD 22.
(368) CTR 53 cf. EN 20
(369) Le terme " inculturation " a été adopté par plusieurs documents du Magistère. Voir CTR 53 RMA 52-54 Le concept de " culture ", soit dans un sens général, soit dans un sens " sociologique et ethnologique " a été expliqué dans GS 53 cf. également ChL 44a.
(370) AGD 22 cf. LG 13 LG 17 GS 53-62 DGC (1971) 37.
(371) Cf. RMA 52 parle d'un " temps long " requis par l'inculturation.
(372) EN 20 cf. EN 63 RMA 52
(373) LG 13 utilise l'expression " soutient et assume (fovet et assumit) ".
(374) LG 17 s'exprime ainsi: " guérir, élever et achever (sanare, elevare et consummare) ".
(375) EN 19 affirme: " atteindre et comme bouleverser ".
(376) RMA 54.
(377) RMA 54.
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Dans cette inculturation de la foi, diverses tâches se présentent concrètement à la catéchèse. Parmi elles:
- Considérer la communauté ecclésiale comme principal facteur d'inculturation. La figure du catéchiste est une expression de cette tâche, et il en est un instrument efficace; en plus d'un sens religieux profond, il doit faire preuve d'une grande sensibilité sociale et être bien enraciné dans son milieu culturel. (378)
- Elaborer des catéchismes locaux qui répondent aux exigences des différentes cultures, (379) en présentant l'Evangile en fonction des inspirations, des interrogations et des problèmes rencontrés dans ces cultures.
- Réaliser une juste inculturation du catéchuménat et des institutions catéchétiques, en y insérant avec discernement le langage, les symboles et les valeurs de la culture dans laquelle vivent les catéchumènes et les catéchisés.
- Présenter le message chrétien de sorte que ceux qui sont appelés à annoncer l'Evangile au milieu de cultures souvent païennes et parfois post-chrétiennes soient rendus capables de " rendre compte de l'espérance qui est en eux " (1P 3,15) . Une bonne apologétique, qui favorise le dialogue entre la foi et la culture, est aujourd'hui indispensable.
Notes:
(378) Cf. GCM 12.
(379) Cf. CEC 24
1997 Directoire pour la catechèse 91