1943 Pie XII, Encyclique Divino Afflante Spiritu
A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, évêques et autres Ordinaires en paix et communion avec le Siège apostolique, ainsi qu'à tout le clergé et aux fidèles de l'univers catholique
Vénérables Frères et chers Fils, Salut et Bénédiction Apostolique
1 Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre humain " pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice, en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne oeuvre " (II Tim. III, l6 sq.). Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l'Eglise le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la foi et des moeurs. Il n'est donc pas étonnant qu'elle l'ait gardé avec le plus grand soin tel qu'elle l'a reçu intact des mains des apôtres ; qu'elle l'ait défendu contre toute interprétation fausse et perverse ; qu'elle l'ait employé avec zèle dans sa tâche de procurer aux âmes le salut éternel, comme d'innombrables documents de toute époque l'attestent clairement.
2 Mais parce que, dans les temps modernes, la divine origine des Saintes Ecritures et leur interprétation correcte ont été particulièrement mises en question, l'Eglise s'est appliquée à les défendre et à les protéger avec encore plus d'ardeur et de soin. Aussi le saint Concile de Trente, dans un décret solennel, a-t-il déjà déclaré, au sujet de la Bible, qu'on devait en reconnaître " comme sacrés et canoniques les livres entiers, avec toutes leurs parties, tels qu'on a coutume de les lire dans l'Eglise catholique et tels qu'ils sont contenus dans l'ancienne édition de la Vulgate latine " (Sessio IV décret. ;; Ench. Bibl. n. 45).
3 Puis, de notre temps, le Concile du Vatican, voulant réprouver de fausses doctrines sur l'inspiration, a déclaré que l'Eglise tient les Livres Saints pour sacrés et canoniques, " non parce que, oeuvre de la seule industrie humaine, ils auraient été approuvés ensuite par son autorité, ni pour cette seule raison qu'ils contiendraient la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis comme tels à l'Eglise " (Sessio III cap. II, Ench. Bibl. n. 62).
4 Plus récemment cependant, en dépit de cette solennelle définition de la doctrine catholique, qui revendique pour ces " livres entiers, avec toutes leurs parties ", une autorité divine les préservant de toute erreur, quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre la vérité de l'Ecriture Sainte aux seules matières de la foi et des moeurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou de l'histoire, comme " choses dites en passant " et n'ayant - ainsi qu'ils le prétendirent - aucune connexion avec la foi. Mais Notre Prédécesseur Léon XIII, d'immortelle mémoire, dans son Encyclique Providentissimus Deus du 18 novembre 1893, a confondu à bon droit ces erreurs et réglé l'étude des Livres Divins par des instructions et des directives très sages.
5 Puisqu'il convient de célébrer le cinquantième anniversaire de la publication de cette Encyclique, considérée comme la loi fondamentale des études bibliques, après avoir affirmé dès le commencement de Notre Pontificat Notre intérêt pour les sciences sacrées (Sermo ad alumnos Seminariorum... in Urbe (24 juin 1939) ; Acta Ap. Sedis, XXXI (1939), p. 245-251), Nous avons jugé très opportun, d'une part, de rappeler et de confirmer ce que Notre Prédécesseur a établi dans sa sagesse et ce que ses Successeurs ont ajouté pour affermir et parfaire son oeuvre ; d'autre part, d'indiquer ce que les temps présents semblent postuler, afin de stimuler de plus en plus à une entreprise aussi nécessaire et aussi louable tous les fils de l'Eglise qui s'adonnent à ces études.
6 Le premier et principal soin de Léon XIII fut d'exposer la doctrine de la vérité des Livres Saints et de la venger des attaques lancées contre elle. Il proclama donc avec insistance qu'il n'y a absolument aucune erreur quand l'hagiographe, traitant des choses de la nature, "a suivi ce qui apparaît aux sens", comme dit le Docteur angélique (cf. Ia, q. LXX, art. ad ad 3), parlant " ou par une sorte de métaphore, ou comme le comportait le langage usité à cette époque ; il en est encore ainsi aujourd'hui, sur beaucoup de points, dans la vie quotidienne, même parmi les hommes les plus savants ". En effet, " les écrivains sacrés ou, plus véritablement - ce sont les paroles mêmes de saint Augustin (De ad litt. II, IX, 20 ; P. L., XXXIV, col. 270 s. ; C S. E. L. XXVIII (Sectio III, pars II), p. 46), - l'Esprit de Dieu, qui parlait par leur bouche, n'a pas voulu enseigner aux hommes ces vérités concernant la constitution intime des objets visibles, parce qu'elles ne devaient leur servir de rien pour leur salut " (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 355 ; Ench. Bibl. n. 106) ; principe qu'il " sera permis d'appliquer aux sciences du même genre et notamment à l'histoire ", en réfutant " de la même manière les objections fallacieuses des adversaires " et en défendant " la vérité historique de l'Ecriture Sainte contre leurs attaques " (cf. BENOÎT XV, Encyclique Spiritus Paraclitus, Acta Sedis, XII (1920), p. 396 ; Ench. Bibl. n. 471).
Il ne faut pas, en outre, imputer une erreur à l'auteur sacré " là où des copistes, en exécutant leur travail, ont laissé échapper quelque inexactitude ", ou " lorsque le sens véritable de quelque passage demeure douteux ". Enfin, il serait absolument funeste " soit de limiter l'inspiration à quelques parties seulement de la Sainte Ecriture, soit d'accorder que l'écrivain sacré lui-même s'est trompé ", puisque l'inspiration divine " non seulement par elle-même exclut toute erreur, mais encore l'exclut et y répugne aussi nécessairement que nécessairement Dieu, souveraine vérité, ne peut être l'auteur d'aucune erreur. Telle est la foi antique et constante de l'Eglise " (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 357 sq. ; Ench. Bibl. n. 109 sq.).
7 Cette doctrine, que Notre Prédécesseur Léon XIII a exposée avec tant de force, Nous la proposons aussi avec Notre autorité et Nous insistons pour qu'elle soit religieusement tenue par tous. Nous statuons aussi qu'on doit se conformer, aujourd'hui encore, avec la même application aux conseils et aux encouragements qu'il a donnés, pour son temps, avec une si grande sagesse. En effet, comme de nouvelles et graves difficultés et problèmes avaient surgi, soit en raison des préjugés du rationalisme, qui s'était insinué partout, soit surtout à la suite des fouilles et des explorations de monuments très anciens, effectuées en maintes régions de l'Orient, afin de rendre plus sûrement et plus abondamment accessible, pour l'utilité du troupeau du Seigneur, cette source insigne de la révélation catholique, et aussi afin de ne pas la laisser violer en aucun point, Notre Prédécesseur, poussé par la sollicitude de la charge apostolique, souhaita et voulut " que plusieurs entreprennent, comme il convient, la défense des Saintes Lettres et s'y attachent avec constance ; et que, surtout, ceux qui ont été appelés par la grâce de Dieu dans les Ordres sacrés mettent de jour en jour un plus grand soin et un plus grand zèle à lire, à méditer et à expliquer les Ecritures, rien n'étant plus conforme à leur état " (cf. LEONIS XIII Acta, XIII, p. 328 ; Ench. Bibl. n. 67 sq.).
8 C'est pourquoi le même Pontife loua et approuva l'Ecole pour les études bibliques, fondée à Jérusalem, au couvent de Saint-Etienne, par les soins du Maître général de l'Ordre sacré des Prêcheurs ; Ecole grâce à laquelle, disait-il, " la science biblique a reçu des avantages sérieux et dont elle en attend de plus grands encore " (Lettre apost. Hierosolymae in coenobio, 17 septembre 1892. LEONIS XIII Acta, XII, p. 239-241, v. p. 240). Puis, dans la dernière année de sa vie, il trouva un nouveau moyen pour rendre chaque jour plus parfaites ces études tant recommandées par son Encyclique Providentissimus Deus et pour les faire progresser le plus sûrement possible. En effet, par la Lettre apostolique Vigilantiae du 30 octobre 1902, il institua un Conseil ou Commission, composé d'hommes compétents, " dont la fonction devait être de diriger tous leurs soins et tous leurs efforts à ce que les divines Ecritures trouvent partout, chez nos exégètes, cette interprétation plus critique que notre temps réclame, et qu'elles soient préservées non seulement de tout souffle d'erreur, mais encore de toute témérité d'opinions " (cf. LEONIS XIII Acta, XXII, p. 232 sq. ; Ench. Bibl. n. 130-141 ; v. n. 130, 132). Ce Conseil, Nous l'avons, Nous aussi, confirmé et accru, suivant l'exemple de Nos Prédécesseurs, usant de son ministère, comme il avait été fait plusieurs fois auparavant, pour rappeler aux interprètes des Livres Sacrés les saintes lois de l'exégèse catholique, que les saints Pères, les Docteurs de l'Eglise et les Souverains Pontifes eux-mêmes ont transmises. (Lettre de la Commission pontificale des études bibliques aux archevêques et évêques d'Italie, 20 août 1941 ; Acta Sedis, XXXIII (1941), p. 465-472.)
9 Ici il ne semble pas hors de propos de rappeler avec reconnaissance les contributions de Nos Prédécesseurs au même but, du moins les plus importantes et les plus utiles ; contributions que nous dirions volontiers les compléments ou les fruits de l'heureuse initiative de Léon XIII.
Tout d'abord Pie X, " voulant procurer un moyen certain de préparer en abondance des maîtres recommandables par la profondeur et l'intégrité de leur doctrine, qui se consacreraient dans les écoles catholiques à l'interprétation des Livres Saints..., institua les grades académiques de licencié et de docteur dans la science de l'Ecriture Sainte... à conférer par la Commission biblique " (Lettre apost. Scripturae Sanctae, 23 février 1904 ; PII X Acta, 1, p. 176-179 ; Ench. Bibl. n. 142-150 ; v. n. 143-144). Il porta ensuite une loi " sur les règles qui doivent présider à l'enseignement de l'Ecriture Sainte dans les Grands Séminaires ", visant à ce que les séminaristes " non seulement eussent une pleine notion et compréhension de la portée, de la valeur et de la doctrine des Livres Saints, mais encore pussent, avec une science saine, se livrer au ministère de la parole sacrée et défendre... contre les attaques les livres écrits sous l'inspiration divine " (cf. Lettre apost. Quoniam in re biblica, 27 mars 1906 ; PII X Acta, III, p. 72-76 ; Ench. Bibl. n. 155-173 ; v. n. 155). Enfin Pie X voulut " qu'il y eut dans la ville de Rome un centre de hautes études relatives aux Livres Saints, afin de développer le plus efficacement possible, selon l'esprit de l'Eglise catholique, la science biblique et toutes les études annexes ", Il fonda donc l'Institut Biblique Pontifical, à confier aux soins de l'illustre Compagnie de Jésus ; il statua qu'il serait " pourvu de cours supérieurs et de toutes les ressources de l'érudition biblique " et lui donna lui-même des lois et un règlement, affirmant qu'il voulait réaliser en cela " le projet salutaire et fécond " de Léon XIII. (Lettre apost. Vinea electa, 7 mai 1909 ; Acta Sedis, (1909) (1909), p. 447-449 ; Ench. Bibl. n. 293-306 ; v. n. 296 et 294.)
10 Tout cela enfin fut achevé par Notre dernier Prédécesseur, Pie XI, d'heureuse mémoire, quand il décréta, entre autres, que nul ne serait admis " à professer l'enseignement des Saintes Ecritures dans les Séminaires s'il n'avait pas obtenu légitimement, après avoir suivi des cours spéciaux de science scripturaire, les grades académiques devant la Commission ou l'Institut Biblique ". A ces grades il voulut que fussent reconnus les mêmes droits et les mêmes effets qu'aux grades dûment conférés en théologie et en droit canonique ; il établit en outre qu'à personne ne devrait être conféré " un bénéfice comportant canoniquement la charge d'expliquer au peuple la Sainte Ecriture s'il ne possédait, en plus des autres qualités, la licence ou le doctorat en science biblique ".
11 Il invitait en même temps les Supérieurs généraux des Ordres religieux et des Congrégations religieuses, ainsi que les évêques du monde catholique, à envoyer les plus aptes parmi leurs sujets fréquenter les cours de l'Institut Biblique et y conquérir les grades académiques. De plus, il confirmait ses exhortations par l'exemple, en constituant généreusement, à cet effet, des revenus annuels. (Cf. Motu proprio Bibliorum scientiam. 27 avril 1924 ; Acta Sedis, XVI (1924), p. 180-182 ; Ench. Bibl. n. 518-525.)
12 Enfin, après que Pie X eut favorisé et approuvé en 1907 " la tâche confiée aux religieux Bénédictins de préparer, par leurs investigations et leurs études, les éléments nécessaires à une nouvelle édition de la traduction latine des Ecritures, connue sous le nom de Vulgate " (Lettre au Ap me D. Aidan Gasquet, déc.déc. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 117-119 ; Ench. Bibl. n. 285 sq.), Pie XI, voulant établir sur des bases plus solides et plus sûres cette " entreprise laborieuse et ardue " qui exige beaucoup de temps et de grandes dépenses, et dont la très grande utilité était manifestée par les excellents volumes déjà parus, éleva depuis ses fondements le monastère romain de Saint-Jérôme et le dota largement d'une bibliothèque et de tous les autres moyens de travail. (Const. Apost. Inter praecipuas, 15 juin 1933 ; Acta Sedis, XXVI (1934), p. 85-87.)
13 Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le soin avec lequel Nos Prédécesseurs, quand l'occasion s'en présentait, ont recommandé l'étude ou la prédication des Saintes Ecritures, comme aussi leur pieuse lecture et leur méditation. Pie X, en effet, approuva chaleureusement la Société de Saint-Jérôme, qui s'applique à recommander aux fidèles la si louable coutume de lire et de méditer les saints Evangiles et à rendre, par tous les moyens, cette pratique plus facile. Il l'exhorta à persévérer avec ardeur dans cette entreprise en déclarant que " c'était là chose utile entre toutes, qui répondait très bien aux besoins du temps ", puisque cela ne contribue pas peu à " dissiper ce préjugé selon lequel l'Eglise voit de mauvais oeil et entrave la lecture de l'Ecriture Sainte en langue vulgaire " (Lettre à l'Eme card. Casseta, Qui piam, 21 janv. 1907 ; PII X Acta, IV, p. 23-25).
14 A l'occasion du XVe centenaire de la mort de saint Jérôme, le plus grand des Docteurs dans l'interprétation des Saintes Lettres, Benoît XV, après avoir très religieusement rappelé les instructions et les exemples du saint Docteur, ainsi que les principes et les règles donnés par Léon XIII et par lui-même, et après d'autres recommandations des plus opportunes dans cette matière, qui ne doivent jamais être oubliées, exhorta " tous les enfants de l'Eglise, et principalement les clercs, au respect en même temps qu'à la lecture pieuse et à la méditation assidue de la Sainte Ecriture " ; il les engagea à " chercher dans ces pages la nourriture qui alimente la vie spirituelle et la fait avancer dans la voie de la perfection ", rappelant que " l'Ecriture sert principalement à sanctifier et féconder le ministère de la parole divine ". Enfin, Benoît XV loua de nouveau l'oeuvre de la Société établie sous le nom de Saint-Jérôme, par le soin de laquelle les Evangiles et les Actes des Apôtres sont répandus aussi largement que possible, " de manière que ces livres aient désormais leur place dans chaque famille chrétienne et que chacun prenne l'habitude de les lire et méditer chaque jour " (Encyclique Spiritus Paraclitus, 15 sept. 1920 ; Acta Sedis, XII (1920), p. 385-422 ; Ench. Bibl. n. 457-508 ; v. n. 457, 495, 497, 491).
15 Mais ce n'est pas seulement grâce à ces entreprises, à ces préceptes, à ces encouragements de Nos Prédécesseurs, que la science des Saintes Ecritures et leur usage ont notablement progressé parmi les catholiques, c'est aussi, il est juste et agréable de le reconnaître, grâce aux efforts et aux travaux de tous ceux qui les secondèrent par leur zèle, en méditant, en étudiant, en écrivant, comme aussi en enseignant et en prêchant, en traduisant ou en propageant les Livres Saints. Déjà, en effet, de très nombreux professeurs d'Ecriture Sainte sont sortis des écoles de haut enseignement théologique et biblique, principalement de Notre Institut Biblique et il en sort chaque jour qui, animés d'un zèle ardent pour les Livres Saints, s'emploient à pénétrer le jeune clergé du même zèle généreux et se dévouent à lui communiquer la doctrine qu'ils ont reçue eux-mêmes. Nombre d'entre eux aussi, par leurs écrits, ont fait avancer et font avancer en différentes manières la science biblique, soit en publiant les textes sacrés selon la méthode critique, soit en les expliquant, en les illustrant, en les traduisant en langue vulgaire, soit en les proposant à la pieuse lecture et à la méditation des fidèles, soit enfin en cultivant et s'assimilant les sciences profanes utiles à l'interprétation de l'Ecriture.
16 Ces travaux et d'autres initiatives encore qui, de jour en jour, se répandent plus largement et s'affermissent, comme, par exemple, les Sociétés, Congrès et Semaines bibliques, les bibliothèques et les Associations pour la méditation de l'Evangile, Nous font concevoir une ferme espérance que le respect, l'usage, la science des Saintes Lettres se développeront de plus en plus pour le bien des âmes. Il en sera ainsi, pourvu que tous observent avec une fermeté, une ardeur et une confiance toujours plus grandes la méthode des études bibliques prescrite par Léon XIII, développée et perfectionnée par ses Successeurs, confirmée et enrichie par Nous, seule méthode sûre et pleinement approuvée par l'expérience, sans se laisser décourager par les difficultés qui, ainsi qu'il arrive toujours dans la vie humaine, ne manqueront jamais à une oeuvre aussi excellente.
17 Il n'y a personne qui ne soit à même de remarquer combien, au cours des cinquante dernières années, se sont modifiées les conditions des études bibliques et des disciplines auxiliaires. Ainsi, pour ne pas parler du reste, au temps où Notre Prédécesseur publiait son Encyclique Providentissimus Deus, c'est à peine si l'on avait commencé l'exploration de l'un ou de l'autre des sites de la Palestine au moyen de fouilles scientifiques. Maintenant les explorations de ce genre ont grandement augmenté en nombre, tandis qu'une méthode plus sévère et un art perfectionné par l'expérience nous fournissent des résultats plus nombreux et plus certains. Quelle lumière jaillit de ces recherches pour une intelligence plus exacte et plus pleine des Saints Livres, tous les spécialistes le savent, ainsi que tous ceux qui se livrent à ces études. L'importance de ces explorations est encore accrue par la fréquente découverte de monuments écrits, qui sont d'un grand secours pour la connaissance des langues, des littératures, des événements, des moeurs et des cultes les plus anciens. La découverte et l'étude des papyrus, aujourd'hui si développées, ne sont pas d'un moindre intérêt, car ils nous font mieux connaître la littérature ainsi que les institutions publiques et privées, surtout à l'époque de Notre Sauveur. En outre, d'anciens manuscrits des Livres Saints ont été découverts et publiés avec soin et sagacité ; l'exégèse des Pères de l'Eglise a été plus largement étudiée et plus profondément ; enfin la manière de raconter et d'écrire des anciens a été illustrée de nombreux exemples.
18 Toutes ces ressources, que notre âge a conquises, non sans un secret dessein de la Providence, invitent en quelque sorte les interprètes des Saintes Lettres et les engagent à user avec allégresse d'une si belle lumière pour scruter plus à fond les paroles divines, les commenter plus clairement, les exposer plus lumineusement. Que si, avec une suprême consolation, Nous voyons que ces mêmes exégètes ont déjà répondu avec empressement à cet appel et y répondent encore, ce n'est certes ni le dernier ni le moindre fruit de l'Encyclique Providentissimus Deus, par laquelle Notre Prédécesseur Léon XIII, comme pressentant cette floraison nouvelle de la science biblique, a invité au travail les exégètes catholiques et leur a tracé avec sagesse la voie et la méthode à suivre dans ce travail. Nous aussi, par la présente Encyclique, Nous désirons obtenir non seulement que ce travail soit continué avec persévérance et constance, mais qu'il devienne de jour en jour plus parfait et plus fécond, c'est pourquoi Nous Nous proposons de montrer à tous ce qui reste à faire et dans quelles dispositions l'exégète catholique doit s'adonner aujourd'hui à une tâche si importante et si sublime, voulant aussi donner aux ouvriers, qui travaillent avec zèle dans la vigne du Seigneur, de nouveaux stimulants et un nouvel élan.
19 A l'exégète catholique, qui se dispose au travail de comprendre et d'expliquer les Saintes Ecritures, déjà les Pères de l'Eglise, et surtout saint Augustin, recommandaient avec force l'étude des langues anciennes et le recours aux textes originaux. (Cf. p. ex. S. JÉRÔME, Praef. in IV Evang. ad Damasum ; P. L., XXIX, col. 526-527 ; S. AUGUSTIN, De doctr. christ. II, 16 ; P. L., XXXIV, col. 42-43.) Cependant, à cette époque, les conditions des lettres étaient telles que rares étaient ceux qui connaissaient même imparfaitement la langue hébraïque. Au moyen âge, tandis que la théologie scolastique était à son apogée, la connaissance de la langue grecque elle-même était depuis longtemps si affaiblie en Occident que même les plus grands Docteurs de ce temps, pour commenter les Livres Divins, ne se servaient que de la version latine de la Vulgate. De nos jours, au contraire, non seulement la langue grecque, rappelée en quelque sorte à une vie nouvelle dès le temps de la Renaissance, est familière à presque tous ceux qui cultivent l'antiquité et les lettres, mais aussi la connaissance de la langue hébraïque et des autres langues orientales est largement répandue parmi les hommes cultivés. Il y a maintenant tant de facilités pour apprendre ces langues que l'interprète de la Bible qui, en les négligeant, s'interdirait l'accès aux textes originaux ne pourrait échapper au reproche de légèreté et de nonchalance.
20 Il appartient, en effet, à l'exégète de chercher à saisir religieusement et avec le plus grand soin les moindres détails sortis de la plume de l'hagiographe sous l'inspiration de l'Esprit Divin, afin d'en pénétrer plus profondément et plus pleinement la pensée. Qu'il travaille donc avec diligence à s'assurer une maîtrise chaque jour plus grande des langues bibliques et orientales, et qu'il étaye son exégèse avec toutes les ressources que fournissent les différentes branches de la philologie. C'est cette maîtrise que saint Jérôme s'efforçait anxieusement d'acquérir suivant l'état des connaissances de son temps ; c'est à elle qu'aspirèrent avec un zèle infatigable, et non sans un réel profit, plusieurs des meilleurs exégètes des XVIe et XVIIe siècles, bien que la science des langues fût alors très inférieure à ce qu'elle est aujourd'hui. C'est en suivant la même méthode qu'il importe d'expliquer le texte primitif qui, écrit par l'auteur sacré lui-même, a plus d'autorité et plus de poids qu'aucune version, même la meilleure, ancienne ou moderne ; ce en quoi on réussira sans doute avec plus de facilité et de succès si l'on joint à la connaissance des langues une solide expérience de la critique textuelle.
21 Quelle importance il faut attribuer à une telle méthode critique, saint Augustin nous l'enseigne avec pertinence quand, parmi les préceptes à inculquer à qui étudie les Livres Saints, il met en première ligne le soin qu'il faut avoir de se procurer un texte correct. " La sagacité de ceux qui désirent connaître les Ecritures Divines doit veiller en premier lieu à corriger les manuscrits - ainsi s'exprime l'illustre Docteur de l'Eglise, - afin que les manuscrits non corrigés cèdent le pas à ceux qui sont corrigés. " (De doctr. christ. II, 21 ; P. L., XXXIV, col. 46.) Cet art de la critique textuelle, qu'on emploie avec beaucoup de succès et de fruit dans l'édition des textes profanes, doit servir aujourd'hui, à plus forte raison en vérité, pour les Livres Saints, à cause du respect qui est dû à la parole divine. Le but de cet art est, en effet, de restituer le texte sacré, autant qu'il se peut, avec la plus grande perfection, en le purifiant des altérations dues aux insuffisances des copistes et en le délivrant, dans la mesure du possible, des gloses et des lacunes, des inversions de mots et des répétitions, ainsi que des fautes de tout genre qui ont coutume de se glisser dans tous les écrits transmis à travers plusieurs siècles.
22 D'aucuns, il est vrai, ont employé la critique, il y a quelques dizaines d'années, d'une façon tout arbitraire, et souvent de telle sorte qu'on aurait pu dire qu'ils agissaient ainsi afin d'introduire dans le texte sacré leurs opinions préconçues ; mais aujourd'hui, il est à peine besoin de le remarquer, la critique possède des lois si stables et si assurées qu'elle est devenue un instrument de choix pour éditer la parole divine avec plus de pureté et d'exactitude, tout abus pouvant être facilement dépisté. Il n'est pas nécessaire de rappeler ici - car c'est trop évident et trop connu de tous ceux qui s'adonnent à l'étude de l'Ecriture Sainte - combien l'Eglise depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours a eu en honneur ces travaux de l'art critique.
23 Aujourd'hui donc que cet art a été si parfaitement discipliné, c'est pour ceux qui étudient les questions bibliques, une tâche honorable, sinon toujours facile, de s'employer à ce que paraissent le plus tôt possible, suivant les opportunités, des éditions soit des Livres Saints eux-mêmes, soit de leurs anciennes versions, préparées par des catholiques selon cette règle qu'au respect le plus absolu pour le texte sacré se joigne l'application de toutes les lois de la critique. Que tous le comprennent bien : ce travail de longue durée n'est pas seulement nécessaire pour comprendre, comme il faut, le texte écrit sous l'inspiration divine ; il est encore vivement, requis par cette piété qui doit nous porter à être infiniment reconnaissants envers la Providence divine de ce qu'elle nous a destiné ces livres comme des lettres paternelles envoyées du siège de sa majesté à ses enfants.
24 Et que personne ne voie dans ce recours aux textes originaux, conformément à la méthode critique, une dérogation aux prescriptions si sagement formulées par le Concile de Trente au sujet de la Vulgate. (Decr. de editione et usu Sacrorum Librorum ; Conc. Trid. éd. Soc. GOERRES, t. V, p. 91 sq.) Car c'est un fait appuyé sur des documents certains que le saint Concile chargea ses présidents de prier le Souverain Pontife en son nom - et ils le firent - de faire corriger d'abord le texte latin, ensuite, autant que possible, les textes grec et hébreu ( t. X, p. 471 ; cf. t. V, p. 29, 59, 65 ; t. X, p. 446 sq.), afin de les publier plus tard pour l'utilité de la sainte Eglise de Dieu. S'il ne fut pas possible de répondre alors pleinement à ce désir, à cause des difficultés du temps et d'autres obstacles, Nous avons la confiance que, maintenant, il pourra y être donné plus parfaitement et plus entièrement satisfaction grâce à la collaboration entre savants catholiques.
25 Si le Concile de Trente a voulu que la Vulgate fût la version latine " que tous doivent employer comme authentique ", cela, chacun le sait, ne concerne que l'Eglise latine et son usage public de l'Ecriture, mais ne diminue en aucune façon - il n'y a pas le moindre doute à ce sujet - ni l'autorité ni la valeur des textes originaux. Au surplus, il ne s'agissait pas alors des textes originaux, mais des versions latines qui circulaient à cette époque ; versions entre lesquelles le Concile, à juste titre, déclara préférable celle qui, " par un long usage de tant de siècles, était approuvée dans l'Eglise ".
26 Cette autorité éminente de la Vulgate ou, comme l'on dit, son authenticité, n'a donc pas été décrétée par le Concile surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause de son usage légitime dans les Eglises prolongé au cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre que, telle qu'elle a été et est encore comprise par l'Eglise, elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi et les moeurs ; si bien que la même Eglise l'attestant et le confirmant, on peut la produire en toute sûreté et sans péril d'erreur dans les discussions, dans l'enseignement et dans la prédication. D'où une authenticité de ce genre ne doit pas être qualifiée en premier lieu de critique, mais bien plutôt de juridique. C'est pourquoi l'autorité de la Vulgate en matière de doctrine n'empêche donc nullement - aujourd'hui elle le demanderait plutôt - que cette doctrine soit encore justifiée et confirmée par les textes originaux eux-mêmes et que ces textes soient appelés couramment à l'aide pour mieux expliquer et manifester le sens exact des Saintes Lettres. Le décret du Concile de Trente n'empêche même pas que, pour l'usage et le bien des fidèles, en vue de leur faciliter l'intelligence de la parole divine, des versions en langue vulgaire soient composées précisément d'après les textes originaux, comme Nous savons que cela a déjà été fait d'une manière louable en plusieurs régions avec l'approbation ecclésiastique.
27 Bien fourni de la connaissance des langues anciennes et des ressources de la critique, l'exégète catholique peut aborder la tâche - la plus importante de toutes celles qui lui incombent - de découvrir et d'exposer le véritable sens des Livres Saints. Que les exégètes, dans l'accomplissement de ce travail, aient toujours devant les yeux qu'il leur faut avant tout s'appliquer à discerner et à déterminer ce sens des mots bibliques qu'on appelle le sens littéral. Ils doivent mettre le plus grand soin à découvrir ce sens littéral des mots au moyen de la connaissance des langues, en s'aidant du contexte et de la comparaison avec les passages analogues ; toutes opérations qu'on a coutume de faire aussi dans l'interprétation des livres profanes, pour faire ressortir plus clairement la pensée de l'auteur.
28 Que les exégètes des Saintes Lettres, se souvenant qu'il s'agit ici de la parole divinement inspirée, dont la garde et l'interprétation ont été confiées à l'Eglise par Dieu lui-même, ne mettent pas moins de soin à tenir compte des interprétations et déclarations du magistère de l'Eglise, ainsi que des explications données par les saints Pères, en même temps que de " l'analogie de la foi ", comme Léon XIII les en avertit très sagement dans l'Encyclique Providentissimus Deus (LEONIS XIII Acta, XIII, p. 345-346 ; Ench. Bibl. n. 94-96). Qu'ils s'appliquent d'une manière toute particulière à ne pas se contenter d'exposer ce qui regarde l'histoire, l'archéologie, la philologie et les autres sciences auxiliaires - comme Nous regrettons qu'on ait fait dans certains commentaires ; - mais, tout en alléguant à propos ces informations, pour autant qu'elles peuvent aider à l'exégèse, qu'ils exposent surtout quelle est la doctrine théologique de chacun des livres ou des textes en matière de foi et de moeurs, de sorte que leurs explications ne servent pas seulement aux professeurs de théologie à proposer et à confirmer les dogmes de la foi, mais encore qu'elles viennent en aide aux prêtres pour expliquer la doctrine chrétienne au peuple et qu'elles soient utiles enfin à tous les fidèles pour mener une vie sainte, digne d'un chrétien.
29 Quand les exégètes catholiques donneront une pareille interprétation, avant tout théologique, comme Nous avons dit, ils réduiront définitivement au silence ceux qui assurent ne rien trouver dans les commentaires qui élève l'âme vers Dieu, nourrisse l'esprit et stimule la vie intérieure, prétendant en conséquence qu'il faut avoir recours à une interprétation spirituelle, ou, comme ils disent, mystique. Que cette manière de voir ne soit pas juste, l'expérience d'un grand nombre l'enseigne, qui, considérant et méditant sans cesse la parole de Dieu, ont conduit leur âme à la perfection et ont été entraînés vers Dieu par un amour ardent. C'est aussi ce que montrent clairement et la pratique constante de l'Eglise et les avertissements des plus grands Docteurs. Ce qui ne signifie certes pas que tout sens spirituel soit exclu de la Sainte Ecriture ; car les paroles et les faits de l'Ancien Testament ont été merveilleusement ordonnés et disposés par Dieu de telle manière que le passé signifiât d'avance d'une manière spirituelle ce qui devait arriver sous la nouvelle alliance de la grâce. C'est pourquoi l'exégète, de même qu'il doit rechercher et exposer le sens littéral des mots, tel que l'hagiographe l'a voulu et exprimé, ainsi doit-il exposer le sens spirituel, pourvu qu'il résulte certainement qu'il a été voulu par Dieu. Dieu seul, en effet, peut connaître ce sens spirituel et nous le révéler. Or, un pareil sens, notre Divin Sauveur nous l'indique et nous l'enseigne lui-même dans les Saints Evangiles, à l'exemple du Maître, les apôtres le professent aussi par leurs paroles et leurs écrits ; la tradition constante de l'Eglise le montre ; enfin, le très ancien usage de la liturgie le déclare quand on est en droit d'appliquer l'adage connu : " La loi de la prière est la loi de la croyance."
1943 Pie XII, Encyclique Divino Afflante Spiritu