Du bon usage de la liturgie 1

DU BON USAGE DE LA LITURGIE




DES RITES D'OUVERTURE

Le terme officiel qui désigne le début de la messe est donc le mot «ouverture», et non le mot «entrée» qui n'est employé que pour le chant. Cela signifie que ce début de célébration est bien plus qu'une entrée physique dans un lieu: c'est une mise en route qui a pour but, ainsi que le dit la PGMR n. 24 : «que les fidèles qui se réunissent réalisent une communion, et se disposent à bien entendre la parole de Dieu et à célébrer dignement l'eucharistie.»



LE CHANT D'ENTRÉE


C'est par le chant d'entrée que tout commence. La PGMR n.25 lui donne pour mission «d'ouvrir la célébration, de favoriser l'union des fidèles rassemblés, d'introduire leur esprit dans le mystère du temps liturgique ou de la fête, et d'accompagner la procession du prêtre et des ministres». Quelle superbe fonction! On en déduira: que l'on choisira, dans le répertoire local, le chant dont le texte est le plus proche de l'esprit de la célébration du jour, et non pas d'abord tel chant parce qu'on l'aime bien; on tiendra compte également du fait que le chant d'entrée doit surtout introduire au mystère dominical du Seigneur mort et ressuscité. Il ne faudrait pas lui demander uniquement d'annoncer l'Évangile qui va suivre; chaque dimanche est avant tout une fête pascale. que, pour favoriser l'union des fidèles, le chant d'entrée devra être connu de tous et, sinon, appris avant le début de la messe. que, pour la même raison, il sera un chant d'assemblée ou, du moins, s'il y a une chorale, un chant comportant un refrain ou telle strophe qui reviendra prioritairement à l'assemblée. que, sans être nécessairement lent ou sans avoir forcément la forme «carrée» du choral, la mélodie du chant d'entrée devra avoir de la consistance et une certaine carrure.

La valeur symbolique du chant d'entrée est très forte. Voici que se réunissent dans un même lieu des hommes et des femmes de tous âges, origines, milieux, conditions ... Le chant est le premier acte qui manifeste de façon sensible la plus extraordinaire des réalités invisibles: du seul fait qu'elles se rassemblent au nom du Seigneur, ces personnes, malgré leur extrême diversité, ne forment plus qu'un seul Corps, celui du Christ.

«Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux» (Matthieu 18, 20). Parce que le chant commun est la seule réalité sensible capable de constituer une entité (la mélodie) à partir de plusieurs sources individuelles (les voix de chacun), il est l'élément humain le plus signifiant de la réalité mystique: au sens strict, il «symbolise» car il rassemble.



LA SALUTATION


Après avoir vénéré l'autel, c'est au siège de présidence (et non à l'ambon ou en restant à l'autel) que le prêtre célébrant se rend pour accomplir le premier acte de sa présidence: faire avec l'assemblée le signe de la croix par lequel chacun marque son corps de la Pâque du Christ, et saluer l'assemblée pour manifester la présence du Seigneur parmi elle.

Dans beaucoup d'endroits, il sera possible, et donc souhaitable, de faire (et de dire) le signe de croix en se tournant vers la croix. Dans certains cas, le prêtre pourra même le faire avant de se rendre à son siège. Il entre dans le choeur, se place devant le crucifix, attend la fin du chant d'entrée et fait le signe de la croix, évidemment sans micro, même dans une grande église. En revanche, la salutation se fera, bien sûr, en regardant l'assemblée.



LE MOT D'ACCUEIL


Son but est d'introduire les fidèles à la messe du jour. Ce n'est pas une petite homélie sur l'Évangile qui n'a pas encore été proclamé. Il peut y être fait allusion discrètement, cependant, surtout lorsque l'Évangile est très connu (Bon Pasteur, Fils prodigue ...). On se rappellera pourtant que le mot d'accueil n'est pas fait pour inviter à célébrer quelque chose (le salut, la grâce, la guérison ...), mais «Quelqu'un» qui rassemble ses disciples pour leur parler et les nourrir.

Toutes les fois qu'une catégorie de fidèles sera davantage concernée (parents des enfants du catéchisme, membres de tel mouvement ou association dont c'est la fête ou la journée nationale ...), ou bien que l'assemblée est composée d'une part de fidèles qui ne sont pas là habituellement (touristes, pratiquants irréguliers à certaines grandes fêtes ...), le mot d'accueil commencera, bien sûr, par leur souhaiter la bienvenue de la part du Seigneur et de la communauté qui les reçoit.

Enfin, le mot d'accueil se terminera logiquement par l'introduction à la préparation pénitentielle.

De cette préparation pénitentielle, il est question dans Du bon usage de la préparation pénitentielle n. 3. Rappelons seulement que, si elle est introduite et conclue par le prêtre, c'est à l'assemblée de la faire. Ainsi, dans le cas de la troisième formule, ce n'est pas au prêtre à dire ou à chanter les trois invocations, mais à quelqu'un de l'assemblée: lecteur, animateur de chant, chorale ... Et quelle que soit la formule choisie, dans bien des cas il sera souhaitable que tous ceux qui sont dans le choeur, y compris l'animateur de chant qui n'a pas à diriger les cinq notes de «Seigneur, prends pitié», se tournent vers la croix.



LE GLOIRE A DIEU


Avec la première partie du Te Deum et Joyeuse lumière (Joie et lumière dans l'actuelle traduction de la Liturgie des heures), le Gloire à Dieu fait partie des hymnes de l'Église primitive, c'est-à-dire des premiers textes chrétiens non bibliques, mais très inspirés de l'Écriture et composés par versets sur le modèle des psaumes.

Il nous vient de la partie orientale de l'Église où il fut, et est encore, un chant de la prière du matin, et c'est comme tel qu'il passa en Occident. Mais sa première phrase en fit bien vite, à Rome, un chant de la messe de Noël que seul le Pape avait le droit d'entonner. Puis il fut étendu aux dimanches et fêtes, mais était réservé aux évêques. C'est seulement à partir du XIème siècle qu'il fit habituellement partie de la messe, à l'exception des jours et temps pénitentiels.

Il en est encore ainsi à deux différences près: le Gloire à Dieu n'est pas utilisé aux messes de semaine sauf aux solennités et aux fêtes (PGMR n.31 ), et il peut être entonné non seulement par le prêtre, mais également «par les chantres, ou même par tout le monde ensemble" (PGMR n.87 ).



QUEL CHANT?


Nous avons là affaire à une question délicate. Le texte du Gloire à Dieu est un texte libre et sa traduction française l'assimile à de la prose: ce ne sont pas des vers et ses versets ne sont même pas «isorythmiques». On dit en effet qu'un texte est isorythmé lorsque, même s'il n'a pas de rimes, il est organisé en strophes ayant le même nombre de lignes, chaque ligne ayant, d'une strophe à l'autre, le même nombre de syllabes et une même répartition des syllabes fortes et des syllabes faibles. Ce n'est donc pas le cas du Gloire à Dieu ni, par ailleurs, celui du Je crois en Dieu.

Or le chant en français, au contraire du latin, s'accommode fort mal de ce type de texte, sauf dans le genre récitatif (psalmodie, chant de la Préface ou des oraisons, Notre Père ...), mais le Gloire à Dieu n'est pas de ce genre puisqu'il est une hymne. On comprend donc le succès qu'ont eu les paraphrases qui s'inspirent du Gloire à Dieu, tout en organisant son texte continu en refrain et couplets.

Faut-il donc pour autant renoncer à chanter le texte officiel? Ce ne serait pas normal pour deux raisons.

D'abord un texte aussi vénérable, qui porte la louange des assemblées chrétiennes depuis dix-huit siècles, doit rester dans la mémoire des fidèles d'aujourd'hui et pouvoir être transmis aux plus jeunes qui tiendront celle de demain. C'est une des manifestations du vieil adage chrétien Lex orandi, lex credendi, impossible à traduire, mais qui signifie: «ce que l'on prie détermine ce que l'on croit». Or, sur ce point, le texte du Gloire à Dieu est d'une admirable richesse qui mérite plus d'explications à donner aux fidèles qu'il semble y en avoir.

Certains disent: «Prenons les paraphrases quand nous chantons le Gloire à Dieu et le texte original lorsque nous le récitons.» Ce n'est déjà pas si mal! Mais le lyrisme du texte réclame le chant. Peut-on dire que ce sera justement aux grandes fêtes que ce lyrisme-là sera exclu des célébrations?

A titre d'indication pastorale, faisons la proposition suivante: toute communauté chrétienne doit posséder dans son répertoire au moins un chant du Gloire à Dieu avec le texte original. Prenez votre temps pour vous renseigner auprès des communautés qui en ont à leur répertoire, voire auprès du responsable diocésain de musique liturgique. Puis faites votre choix et passez plusieurs répétitions (pas seulement avec la chorale ou le choeur de chant, mais aussi avec l'assemblée avant ou après plusieurs messes de suite). Profitez de la préparation d'une grande fête - et pourquoi pas Noël? - pour le mettre au programme. Dans un premier temps, vous aurez l'hymne du Gloire à Dieu avec son texte continu pour les grandes fêtes de l'année. L'assemblée prendra ainsi une habitude qui, bientôt et avec d'autres musiques, pourra s'étendre aux dimanches du Temps pascal, puis du Temps ordinaire. La seconde raison est plus structurelle. En utilisant une paraphrase du Gloire à Dieu avec refrain et couplets, on introduit dans la célébration, un chant de plus du genre «chanson» (couplets-refrain). Or une célébration ne peut être équilibrée si elle n'utilise, de l'entrée à la sortie, que des chants de ce genre. Mais nous nous expliquerons davantage sur ce problème plus loin.

Pour l'heure, terminons ces réflexions en disant qu'il serait bien dommage qu'une assemblée ne puisse pas chanter régulièrement une affirmation de foi aussi capitale que celle-ci:

«Car toi seul es saint, toi seul es Seigneur, Toi seul es le Très-Haut: Jésus Christ ...»

N.B.: La prière d'ouverture sera envisagée avec les autres oraisons dans "Du bon usage des oraisons".



LA SALUTATION

Réalité ou souhait - Propriétaire ou gérant - "Et avec votre Esprit"

La formule «Le Seigneur soit avec vous», héritée du judaïsme, vise soit à établir une relation entre le Seigneur et l'assemblée (au début de la célébration), soit à relancer la relation établie (avant l'Évangile, au dialogue initial de la prière eucharistique, avant la bénédiction finale). A ce titre, elle revient naturellement au président de l'assemblée.

La transformation qui la fait passer en «Le Seigneur est avec vous» est assez peu répandue, mais elle va nous permettre de mieux comprendre son sens et sa portée. Après tout, oui! pourquoi le subjonctif et non l'indicatif?



RÉALITÉ OU SOUHAIT


Militerait en faveur de l'indicatif le fait que le Seigneur est en effet déjà présent lorsque le président prononce la formule. De la Constitution conciliaire (n. 7) à la Lettre apostolique de Jean-Paul II sur «Le renouveau de la liturgie» (n. 7), en passant par l'Instruction de Paul VI sur le culte du mystère eucharistique (n. 9), tous les textes affirment que le Seigneur est présent dans l'assemblée elle-même du fait que «deux ou trois sont réunis en son nom» (Matthieu 18, 20). Le Seigneur est donc bien «avec vous». Pourtant, la formule dit: «Le Seigneur soit ...»

C'est qu'il s'agit ici d'un souhait. On ne doute pas que le Seigneur soit là, mais l'optatif du subjonctif va en dire plus que l'affirmation de l'indicatif. L'indicatif, en effet, se borne à constater une réalité. Il dit: «Le Seigneur est», et se limite à son affirmation, tandis que le subjonctif s'ouvre sur l'avenir d'une présence grandissante. Comme le fait toute action symbolique, la formule au subjonctif ouvre la relation à l'autre, à l'Autre. D'ailleurs, qui de nous, en faisant un souhait à quelqu'un, n'emploierait pas le subjonctif: «Que votre santé soit meilleure!»



PROPRIÉTAIRE ou GÉRANT


Plus profondément encore, la formule au subjonctif exprime une des caractéristiques du ministère de la présidence en liturgie. Par son ordination, le ministre représente sacramentellement le Christ Tête du corps qui est l'Église (Colossiens 1, 18), mais il n'est pas le Christ. Il est donc gérant des biens spirituels, et non propriétaire. Par cette formule liturgique, il ouvre donc à l'assemblée la possibilité que le Seigneur vienne y augmenter sa présence. Cela, bien évidemment, ne contredit en rien la formule à l'indicatif de la consécration: «Ceci est ...» Il s'agit alors d'une citation reprise du Seigneur, sur son commandement.

En fin de compte, la salutation est un acte liturgique beaucoup plus riche que sa brièveté ne le laisserait croire. Mais elle a une réponse!



"ET AVEC VOTRE ESPRIT"


De quel «esprit» s'agit-il? Voici ce qu'en dit Narsaï de Nisibe, théologien perse du Ve siècle, dans sa première homélie: «Le peuple répond avec amour au prêtre en disant: "Avec toi, et avec l'esprit sacerdotal que tu possèdes!" Il appelle "esprit" non pas l'âme qui est dans le prêtre, mais l'Esprit qu'il a reçu par l'imposition des mains. Par elle, le prêtre reçoit le pouvoir de l'Esprit par lequel il devient capable d'accomplir les Mystères ...» Laquelle de nos prochaines homélies citera un texte aussi beau et éclairant, et qui donc pourra penser maintenant que la réponse «Et avec vous aussi» contiendrait autant de richesse?

Ainsi quatre fois dans nos célébrations, cette salutation est-elle lancée et, avec elle, relancé le souhait d'une présence active du Seigneur et d'une communion des fidèles à sa venue.

Au début de la messe, le souhait concerne évidemment toute la célébration. Avant l'Évangile, il porte sur la Parole que l'on va entendre et qui réalise la présence de Dieu parlant à son peuple, mais également sur l'homélie, la profession de foi et la prière universelle qui en constitueront la réponse. Dans le dialogue initial de la prière eucharistique, il vise toute l'action d'offrande eucharistique que le Seigneur va présenter à son Père en rassemblant la nôtre dans la sienne. Enfin, avant la bénédiction, il s'étend, par cette bénédiction et l'envoi, à toute la semaine qui s'ouvre par notre célébration du Jour du Seigneur.

Puisse le Seigneur être aussi avec nous à chacune de nos eucharisties dominicales et dans toute notre vie!



LA PRÉPARATION PÉNITENTIELLE

Rappels - La Troisième formule

Mettons-nous bien d'accord! Il y a un peu plus de vingt-cinq ans que commençait l'application de la réforme liturgique issue du deuxième Concile du Vatican. Depuis ce temps, des habitudes se sont prises, des façons de faire se sont installées, vis-à-vis desquelles il est indispensable que nous portions un regard critique. L'enjeu n'est pas de l'ordre de la censure, mais de la fidélité.

Sans doute faut-il à cet effet et par tous les moyens (bulletins diocésains et paroissiaux, homélies, réunions liturgiques, etc.) réintroduire dans notre vie chrétienne la pratique ancienne des «catéchèses mystagogiques», c'est-à-dire l'explication détaillée du sens des rites liturgiques que nous vivons, pour en mieux saisir le mystère.



QUELQUES RAPPELS SUR LA PRÉPARATION PÉNITENTIELLE


1. Contrairement à ce que l'on entend souvent dire, la préparation pénitentielle ne forme pas un rite en elle-même: elle n'est pas un rite pénitentiel, mais fait partie d'un ensemble rituel que l'Ordo Missae appelle «l'ouverture de la célébration». Cela ne signifie pas qu'elle soit secondaire, mais veut dire qu'elle n'est pas un tout en elle-même: elle est une partie de quelque chose qui est plus grand qu'elle.

2. Si curieux que cela puisse paraître, la préparation pénitentielle avec toute l'assemblée est une création de Vatican II. Rappelons que dans l'Ordo de saint Pie V, à la grand-messe, le prêtre célébrant était seul avec ses acolytes à réciter le Confiteor en arrivant au bas de l'autel. Pendant ce temps était chanté l'Introït puis le Kyrie qui est une acclamation au Seigneur miséricordieux et non un acte pénitentiel. Vatican II a voulu que ce soit toute l'assemblée qui, au début de la célébration, confesse devant Dieu qu'elle est faite de pécheurs et proclame la miséricorde de Dieu.

3. A en juger par ce qui se passe dans nos célébrations, on croirait qu'il n'y a que deux formules de préparation pénitentielle: le «Je confesse à Dieu» et la triple invocation. Or il existe quatre possibilités. Qu'est devenue la deuxième formule, courte mais puissante: «Seigneur, accorde-nous ton pardon»? Qu'est devenue surtout l'aspersion? Trop d'Asperges me systématiques l'ont sans doute écartée au début; mais il est temps d'y revenir. Il est temps surtout de revenir à une alternance des autres possibilités selon les périodes liturgiques ou les occasions. L'aspersion au Temps pascal, par exemple, a un sens pénitentiel lié au baptême, de la plus forte expression.

Ajoutons que d'après la dernière édition du Missel romain en français (le petit missel carré d'autel, 1978), la troisième possibilité, celle de la triple invocation, a trois formulaires, et non un seul, et qu'on peut en choisir d'autres, puisque le missel indique: «ces invocations ou d'autres».

4. La Préparation pénitentielle s'achève par ce que l'Ordo appelle la «prière pour le pardon» que prononce le prêtre: «Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde...» Il ne s'agit pas d'une formule d'absolution sacramentelle au sens strict, mais il est bien clair que le prêtre ne parle pas ici pour ne rien dire et que c'est bien le pardon de Dieu qui est offert à chaque membre de l'assemblée. Cela nous rappelle que si le recours au sacrement de pénitence et de réconciliation est requis pour les fautes graves, l'Église dispose de bien d'autres moyens pour apporter le pardon de Dieu aux chrétiens qui se reconnaissent pécheurs. Celui-ci en est un; les fidèles doivent le savoir.



LE CAS DE LA TROISIÈME FORMULE


La troisième formule est celle qui comporte les trois invocations et qui semble de loin la plus utilisée. C'est celle également qui permet le mieux une certaine adaptation selon, notamment, les lectures du jour.

Mais grand Dieu, miséricorde (c'est le cas de le dire!), que s'est-il passé? Comment en une vingtaine d'années seulement, ce qui est une invocation au Seigneur («Seigneur Jésus..., O Christ..., Seigneur...») et un rappel de ce qu'il a fait pour nous sauver a-t-il pu devenir cette espèce d'examen de conscience maladivement narcissique, où l'on ne cesse de se regarder au lieu de le regarder, Lui? «Nous n'avons pas..., nous n'avons pas su..., nous avons oublié de...» Et quoi d'autre encore?

Ces données concernant la préparation pénitentielle doivent rejoindre chaque lieu, chaque équipe, chaque chrétien, prêtre ou laïc, qui prépare une célébration. Comment? Grâce à vous, lecteurs soucieux que la loi de notre prière liturgique soit la loi de notre foi: Lex orandi, lex credendi.



DES ORAISONS



Composition - Calmement

Quatre fois dans la messe, le prêtre qui préside prononce, au nom de l'assemblée, une courte prière appelée "oraison" selon la terminologie romaine ou, en ce qui concerne la première, "collecte" selon la liturgie de la Gaule ancienne. Chacune d'elles a pour but de rassembler (collecter) la prière de tous en donnant une conclusion aux principales séquences rituelles de la célébration:

la prière d'ouverture à la fin du rite d'ouverture;
la prière qui conclut la prière universelle à la fin de la liturgie de la Parole;
la prière sur les offrandes à la fin de la préparation des dons;
la prière après la communion à la fin de la liturgie eucharistique.



LA COMPOSITION DES ORAISONS


Si chaque oraison constitue un tout, ce tout est composé de quatre éléments, dont le troisième en comporte trois à lui seul.

1. L'invitation à prier

Selon un procédé hérité du judaïsme, les grands moments de la prière commune de l'assemblée liturgique sont précédés d'une invitation. L'invitatoire "Prions le Seigneur" est plus qu'un signal. C'est plutôt un appel qui contient déjà en lui ce qui va suivre. Il réalise ce qu'il dit: il met en prière.

2. Le silence

On peut dire que ce n'est pas le point de la réforme liturgique de Vatican II qui est le mieux appliqué! Quand on sait que ce n'est pas un détail facultatif, mais qu'il est expressément demandé (voir Présentation générale du Missel romain, n. 32 ) et que, d'autre part, son absence est regrettée par bon nombre de fidèles, on espère qu'il trouvera bien vite sa place dans les célébrations, comme celui qui suit la communion et qui, lui, heureusement, est bien entré dans les habitudes.

Ce silence a deux fonctions. D'abord, il laisse le temps à chaque fidèle de s'exprimer à lui-même ses diverses intentions. Il favorise ensuite la mise en commun d'une même attitude spirituelle de mise en présence de Dieu que la prière va bientôt porter à son sommet.

3. L'oraison proprement dite

Le corps de l'oraison se divise à son tour en trois éléments.

- La nomination de Dieu presque systématiquement accompagnée d'un ou plusieurs qualificatifs: "éternel", "tout-puissant","miséricordieux"... et/ou d'un considérant: "toi qui es ceci..." ou "toi qui as fait cela..." C'est toujours une brève confession de foi. - La demande qui fait l'objet de la prière. - La doxologie trinitaire qui conclut la prière en signifiant son itinéraire: par Jésus Christ, dans l'Esprit Saint.
Trois remarques à son sujet:

-A quelques très rares exceptions près (la prière d'ouverture de la fête du Corps et du Sang du Christ, par exemple), les oraisons sont toujours adressées au Père par le Fils et dans l'Esprit. - Selon un antique héritage du judaïsme, celui des bénédictions, une demande faite à Dieu est toujours précédée d'un court énoncé des qualités de celui à qui l'on s'adresse, car il ne serait pas correct de commencer en réclamant, et toujours suivie d'un retour à la louange (la doxologie), car il ne serait pas correct de terminer en réclamant. - Bien loin d'être une formule passe-partout où l'on baisse les bras (!), le ton et la tenue, la doxologie est le sommet vers lequel tend toute l'oraison. Dans une sorte de tension lyrique où le corps et l'esprit ne font qu'un, les mains s'élèvent au contraire de quelques centimètres et le ton de quelques degrés pour célébrer Dieu, Père, Fils et Esprit, à qui l'on s'adresse, et appeler l'acquiescement de tous les fidèles rassemblés. 4. L'Amen Deux syllabes sonores d'un mot hébreu qui signifie que l'on adhère à ce qui vient d'être dit. Une sorte de Credo: j'y crois!



CALMEMENT




Des prières présidentielles, la PGMR dit en son numéro n.12 qu'elles doivent être prononcées "clairement et à haute voix". Si l'on devait réécrire cet article vingt-cinq ans après sa promulgation et, tout particulièrement, pour la partie francophone de l'Église, on devrait de toute évidence ajouter: calmement! L'oraison a, en effet, sa vitesse propre qui n'est celle ni d'un mot d'accueil ni d'une monition. Peut-on dire que, neuf fois sur dix, l'oraison est prononcée beaucoup trop vite, sans ces pauses et ces respirations qui permettent à l'assemblée de prier vraiment en s'appropriant les mots du président?

A la vérité, le juste tempo d'une oraison est celui du chant, même si l'on ne chante pas!



LA LITURGIE DE LA PAROLE

DE LA LECTURE A LA PAROLE - LE CAS DE LA DEUXIEME LECTURE

LE LIVRE

Tout le monde s'accorde à dire que le rétablissement d'une vraie liturgie de la Parole, avec trois lectures réparties sur un cycle de trois ans et dans une langue comprise par les auditeurs, constitue l'une des acquisitions majeures de la réforme liturgique issue du deuxième Concile du Vatican. Revoyons ici quelques points qui méritent approfondissement ou révision.



DE LA LECTURE A LA PAROLE


Il est remarquable que, bien que tout parte d'un livre et d'un lecteur, l'Église ne parle pas de «liturgie des Écritures», mais de la «Parole».

Un exégète eut un jour cette audacieuse comparaison: toute proportion gardée, la liturgie de la Parole fonctionne comme le lait en poudre; le lait en poudre est un liquide qui devient poudre pour sa conservation, mais qui doit redevenir liquide pour sa consommation. Ainsi, l'Écriture vient de la Parole, mais est faite pour redevenir Parole! Qu'est-ce que cela implique?

- D'abord, un acte de foi! C'est Monsieur Untel ou Madame Unetelle que l'on entend, que l'on voit dans la première ou la seconde lecture; c'est Monsieur le Curé Untel qui lit l'Évangile ... Mais c'est Dieu qui parle! Le lecteur, la lectrice prête sa voix à Dieu: «Il (le Christ) est là présent dans sa Parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures» (Constitution sur la Liturgie, n. 7). Quelle étonnante fonction que celle de lecteur: faire parler Dieu; mais aussi quelle responsabilité!

- Si l'on appelle ce temps «la liturgie de la Parole», il faut en effet que Dieu parle! Or parle-t-il vraiment si le lecteur n'a pas préparé, répété, si l'on ne l'entend pas au-delà du troisième rang, si son articulation est molle, sa vitesse de lecture trop rapide ou son ton monocorde ou scolaire? Il faut nous le redire constamment: la lecture en public a ses lois propres qui ne sont pas innées même chez quelqu'un qui sait lire pour lui. Deux exigences découlent de ce principe. En premier lieu, il n'est respectueux ni de Dieu qui veut nous parler, ni de l'assemblée qui doit l'entendre, de choisir le ou les lecteurs deux minutes avant la messe. Deuxièmement, une paroisse ou une communauté ne peut pas se permettre de faire lire des lecteurs à longueur de dimanches sans avoir, de temps à autre, et surtout pour les nouveaux lecteurs, un exercice d'apprentissage de la lecture en public contrôlé et dirigé par quelqu'un qui en connaît les lois par profession ou par acquisition personnelle. Ce n'est pas du luxe, c'est une nécessité. Beaucoup de diocèses disposent d'ailleurs de formateurs capables de mener un atelier sur ce point.

- Enfin, s'il s'agit d'une liturgie de la Parole, cela veut dire qu'on écoute le lecteur et non pas que l'on suit ce qu'il lit dans une revue ou un missel. C'est une habitude qui se prend et qu'il faut combattre. Elle était légitime lorsque la lecture était en latin et qu'on en suivait la traduction. Elle va maintenant contre l'intention de l'Église. Ou alors, c'est que le lecteur lit trop mal; et c'est lui qu'il faut corriger, et non pas l'auditeur.



LE CAS DE LA DEUXIÈME LECTURE


On se demande si trois lectures tous les dimanches, ce n'est pas trop! Peut-être faudra-t-il revoir la question de plus près. En tout cas, la solution n'est pas de mettre la deuxième lecture à la préparation pénitentielle, au Credo ou à l'action de grâce après la communion. On comprend les motifs de ce déplacement, mais il ne peut avoir lieu systématiquement tous les dimanches. Ce serait fausser l'objectif de la lecture qui est de révéler qui est Dieu qui nous parle et ce qu'il fait pour notre salut. Il n'est pas impossible d'y faire allusion à la préparation pénitentielle, ni de relire tel passage des lectures du jour à la communion; c'est, d'ailleurs, ce que fait souvent l'antienne. Mais il s'agit d'une utilisation limitée et non pas d'une lecture à proprement parler.

On se rappellera cependant que davantage de souplesse est accordée dans le cas des messes d'enfants ou avec enfants, comme le précise le Directoire des messes d'enfants qui vient d'être réédité avec la Présentation Générale du Missel Romain (l'Ordo Missae) dans «Pour célébrer la Messe» (éd. C.L.D., 1990) et dont on trouvera les commentaires pour les pays francophones dans «Célébrer la messe avec les enfants» (Chalet-Tardy, 1983).



LE LIVRE


La parole que Dieu nous adresse est contenue dans le Livre (o Biblos!). On imagine alors la dignité que l'objet doit avoir: une dignité proportionnelle à ce qu'il contient et à ce qu'il représente. Comment est-il donc possible qu'on en vienne à se contenter d'une feuille de papier, d'une petite revue ou d'un missel de poche? C'est exactement ce que l'on appelle un contre-signe!

Pour nous en convaincre et pour résumer la foi qui nous anime, relisons ce passage de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine de Vatican II (): «L'Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle l'a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ pour l'offrir aux fidèles.»





DU PSAUME

Mise en oeuvre? - Comment?

Avec le psaume de la liturgie de la Parole, nous arrivons à une sorte d'épreuve de vérité de l'animation liturgique. Plus qu'à d'autres endroits, en effet, se vérifient ici, non seulement la fidélité d'un communauté à la liturgie de l'Église, mais aussi le plus ou moins grand effort que fait cette communauté pour s'approprier ce que l'Église lui confie et qui n'existera que par cette appropriation, ou bien, en prenant une comparaison, pour interpréter de façon originale la partition liturgique de l'Église qui ne deviendra musique que si l'interprète la joue et sera d'autant plus musique que l'interprète la jouera mieux.



DÉCIDEZ-VOUS DE METTRE EN OEUVRE LE PSAUME?


C'est la première et radicale question. Dans un certain nombre de lieux, a prévalu l'impression que le psaume était trop vieux et, surtout, d'une culture trop éloignée pour pouvoir servir encore de réponse authentique de l'assemblée à la parole de Dieu. On l'a donc presque systématiquement remplacé par un cantique.

A-t-on, alors, suffisamment mesuré de quels profits on privait les fidèles?

D'abord, les psaumes sont partie intégrante de la parole de Dieu. Or jamais parole de Dieu n'est à ce point parole d'homme. L'enjeu des psaumes, c'est que non seulement les louanges et les supplications du croyant sont parole de Dieu, mais également ses cris, ses révoltes et même ses imprécations. Quel auteur moderne de cantique aurait l'audace d'en faire autant? Les psaumes, c'est ensuite la prière de l'Église et, en premier lieu, celle du Christ. Il se peut qu'à tel moment tel chrétien n'ait aucune raison de se plaindre ou, au contraire, aucune raison de rendre grâce, tandis que le psaume l'invite à l'une ou l'autre de ces attitudes spirituelles. Le chrétien entre cependant dans le psaume (ou, plus exactement, laisse le psaume entrer en lui!) parce que la prière liturgique n'est pas seulement sa prière. Il ne prie pas en son nom propre seulement, mais comme «délégué» de l'Église et, même, comme «délégué» de toute l'humanité. Les psaumes, c'est enfin (mais c'est encore tant d'autres choses...!) l'un des moyens par lesquels l'assemblée rend le Seigneur présent en elle: «Il est là présent lorsque l'Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis: "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d'eux" (Matthieu 18, 20)» (Constitution sur la Liturgie, n. 7). Cela ne signifie pas qu'il est absent si l'on chante un cantique, cela signifie que sa présence est alors moins clairement manifestée.



COMMENT LE PSAUME EST-IL MIS EN OEUVRE?


La nécessité de prendre le psaume a un corollaire: le psaume doit être mis en oeuvre et sa mise en oeuvre est exigeante. Quel groupe humain tiendrait encore si l'on y récitait, à chacune de ses réunions, «Ô combien de marins, combien de capitaines...» comme on entend lire le psaume à nos messes?

Le mot «psaume» vient du grec psalmos qui traduit l'hébreu mizmor et signifie «chant lyrique accompagné par des instruments à cordes» (pincées comme la lyre et non frottées comme le violon). Cela veut dire que le chant récitatif est constitutif du psaume et qu'il faut tout faire, en effet, pour qu'il soit musicalisé. En français, nous en avons les moyens depuis quarante ans, et livres et revues liturgiques les fournissent. Il en va donc de l'authenticité du psaume, mais également de ses effets dans la mémoire croyante. Qui de nous se souviendrait de «A la claire fontaine» ou de «Auprès de ma blonde» si ces phrases n'étaient portées par leur mélodie? Et n'est-ce pas ce qui est arrivé à «Je mets mon espoir dans le Seigneur» ou à «Le Seigneur est ma lumière et mon salut»? C'est ici que l'enjeu du psaume se saisit bien: il nourrit la foi comme parole de Dieu structurant, grâce à la musique, tout l'être du croyant, et non pas seulement son intelligence.

Si le psaume ne peut être chanté, du moins pourra-t-on chanter une antienne entre les strophes lues et lire ses strophes comme un texte poétique et non comme une lecture prosaïque de plus. Cela veut dire encore qu'un bon lecteur de première ou deuxième lecture n'est pas forcément un bon lecteur de psaume, et qu'en tout état de cause, la lecture-récitation du texte psalmique devra être davantage encore préparée que les autres.

On n'oubliera pas que, entouré d'une antienne chantée, le psaume lu intégralement par l'assemblée (ce procédé est également prévu par la PGMR n.36 ) peut, à l'occasion, revêtir une grande intensité d'expression de la foi.

Où trouvera-t-on enfin meilleure définition du psaume que dans le psaume lui-même qui parle à Dieu en lui disant:

«Dieu saint, qui habites les louanges d'Israël!» (Psaume 21, 4)



Du bon usage de la liturgie 1