Du bon usage de la liturgie 700
Sens, place et fonction - Catéchèse ou Mystagogie?
«Le premier jour de la semaine, alors que nous étions réunis pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, adressait la parole (ici, le verbe dialegomaï d'où vient le mot "dialogue") aux frères et il avait prolongé l'entretien (ici, le verbe omilein d'où vient le mot "homélie") jusque vers minuit» (Actes 20, 7).
La Constitution sur la sainte liturgie du deuxième concile du Vatican a demandé (n. 50) que soient rétablis, selon l'ancienne norme des Saints Pères, certains rites qui avaient disparu, comme la prière universelle et l'homélie.
La Présentation générale du Missel romain (dans «Pour célébrer la Messe», C.L.D., 1990) précise ainsi ce qu'est l'homélie:
«La partie principale de la liturgie de la Parole est constituée par les lectures tirées de la Sainte Écriture, avec les chants qui s'y intercalent; mais l'homélie, la profession de foi et la prière universelle la développent et la concluent. Car dans les lectures, que l'homélie explique, Dieu adresse la parole à son peuple, il découvre le mystère de la rédemption et du salut et il présente une nourriture spirituelle; et le Christ lui-même est là, présent par sa parole, au milieu des fidèles» (PGMR n.33 ).
Autre précision:
L'homélie «doit expliquer un aspect des lectures scripturaires, ou bien d'un autre texte de l'ordinaire ou du propre de la messe du jour, en tenant compte soit du mystère que l'on célèbre, soit des besoins particuliers des auditeurs» (PGMR n.41 ).
Ainsi, l'homélie n'est pas un sermon, qui peut avoir n'importe quel sujet pourvu qu'il soit religieux. L'homélie est une explication de la parole que Dieu adresse, ce jour-là, à son peuple pour lui faire découvrir le mystère de la rédemption et du salut, et le nourrir. La PGMR n.41 précise que l'homélie ne doit expliquer qu'un aspect de ce mystère, en lien avec le mystère célébré ou tel besoin particulier des auditeurs.
Cela signifie concrètement:
1. que l'homélie part toujours de la parole de Dieu et de ce qu'elle annonce. Elle dit en quoi ce que Dieu nous révèle est une Bonne Nouvelle (un Évangile!), et non pas une mauvaise nouvelle culpabilisante;
2. que l'homélie choisit un aspect du mystère, sans chercher à vouloir chaque fois tout dire et, particulièrement, à être chaque fois un résumé complet de l'exposé dogmatique de la foi chrétienne;
3.que l'homélie tient compte des besoins des fidèles. Elle n'est pas intemporelle mais, au contraire, se préoccupe de lire tel événement, telle situation selon la parole que Dieu donne à son peuple;
4. que l'homélie n'est pas de l'exégèse, même si l'explication de tel mot ou de telle expression et, peut-être surtout, de tel contexte historique et religieux devra parfois faire appel à l'exégèse pour que le message soit compris.
L'homélie n'est pas une première annonce de la foi, sauf à certains baptêmes, mariages ou funérailles. elle n'est pas non plus une séance de catéchisme, même pour adultes. Il ne fait pas de doute, cependant, qu'elle comporte une part d'enseignement ou, tout du moins, de rafraîchissement des connaissances. Mais les fidèles ne sont pourtant pas là directement pour apprendre, au sens intellectuel du mot.
Les fidèles, par l'homélie, ont à passer de la parole que Dieu leur adresse à la réalisation de ce que Dieu dit dans l'action sacramentelle qui suit (eucharistie, baptême ...) et dans leur vie. L'homélie n'explique pas un contenu, elle n'explique pas quelque chose, elle révèle quelqu'un, elle révèle l'action mystérieuse (cachée aux sens) de Dieu dans la vie de son peuple et dans le monde. En ce sens, pour reprendre un mot ancien, elle est «mystagogique», explication des mystères à partir de ce qui est vécu dans leur célébration.
Nous sommes à la synagogue de Nazareth un jour de sabbat. Jésus est là, à l'office. Le chef de la synagogue lui confie la lecture. C'est un texte du troisième Isaïe que Jésus lit: «L'Esprit du Seigneur est sur moi ...». Ce texte a cinq siècles et, pourtant, Jésus va dire: «Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit» (Luc 4, 21).
C'est le modèle de toute homélie.
Qu'est-ce qu'un Symbole? - Pourquoi le credo est-il un symbole? Les difficultés du Symbole.
«Le symbole, ou profession de foi, dans la célébration de la messe, vise à ce que le peuple acquiesce et réponde à la parole de Dieu qu'il a entendue dans les lectures et par l'homélie, et se rappelle la règle de la foi avant de commencer à célébrer l'Eucharistie» (PGMR, n. 43 , dans Pour célébrer la messe ).
Avant de parler de la pratique du Symbole dans la messe, commençons par nous interroger sur l'étonnante utilisation que fait l'Église du mot «symbole» pour désigner l'expression la plus solennelle de sa foi. Qui saurait en rendre compte?
Dans le langage courant, le mot «symbole» ou son adjectif «symbolique» renvoie plutôt à quelque chose de dérisoire, de pas vraiment réel. La présence symbolique de quelqu'un à une réunion signifie qu'il n'a pas dû y être très présent! Alors, pourquoi «le Symbole des Apôtres» ou «le Symbole de Nicée-Constantinople»?
Le mot vient du verbe grec sumballeïn qui signifie mettre ensemble, rassembler, réunir. Le symbolon désignait une pièce, en terre cuite ou autre, dont deux cités, clans, familles gardaient la moitié après l'avoir cassée. Pouvoir mettre ensemble ces deux moitiés en les raccordant manifestait que l'on avait bien affaire à l'autre partie avec laquelle on avait passé contrat ou fait alliance. Le symbole est toujours une moitié de quelque chose qui sert de reconnaissance avec la partie qui possède l'autre moitié.
- Individuellement, aucun fidèle ne peut dire que sa foi est la foi de toute l'Église. Il est d'Église, mais il n'est pas l'Église. Par le Credo il rassemble sa foi à la foi de tous les fidèles et, en premier lieu, de ceux qui constituent l'assemblée-Corps du Christ dans laquelle il se trouve.
Le Credo est le symbole de la foi d'une assemblée, le moyen par lequel, dans toutes leurs diversités, les fidèles expriment une même foi commune.
- Localement, une assemblée, surtout si elle est réunie autour de l'évêque, est bien l'Église qui est présente en ce lieu, mais elle n'est pas l'Église catholique universelle. Par le Credo, cette assemblée rassemble sa foi à la foi de toutes les autres Églises.
Le Credo est le symbole de la foi catholique de toutes les Églises locales, le moyen par lequel, dans leurs diversités géographiques et culturelles, elles expriment une même foi.
- Théologalement, la foi est un don de Dieu. Par le Credo, les fidèles s'unissent à Dieu en exprimant leur foi à Celui qui la leur donne.
En fin de compte, le Credo est un symbole parce qu'il est un acte de communion.
On le sait, le Symbole de Nicée-Constantinople ne s'est pas fait en un jour. Il est la conséquence de combats, d'approfondissements théologiques et d'une volonté de rigueur dans l'expression de la foi, qui font partie du patrimoine de l'Église.
Mais il est inutile de le cacher, la formulation très philosophico-théologique du Symbole de Nicée-Constantinople pose problème aujourd'hui. Pourtant il faut oser dire qu'elle est inévitable (incontournable!). On peut regretter que Vatican II n'ait pas produit un nouveau Symbole, mais il ne l'a pas fait!
Il est vrai que le Missel Romain de 1975 permet également l'utilisation du symbole des Apôtres qui est beaucoup plus abordable, et que la veillée pascale et le rituel du baptême utilisent la triple profession de foi. Ces possibilités ne doivent pourtant pas exclure, quel qu'en soit le prix, la connaissance par tous les fidèles du grand Symbole.
Inutile de le cacher non plus, on découvrira qu'avec cette compréhension de ce qu'est le Symbole de la foi, certains petits refrains intercalaires ou certains chants de remplacement ne font pas le poids. On pourrait, à la rigueur ici ou là et dans telle circonstance précise, chanter «Dieu qui chante et qui fait chanter la vie», mais cela ne peut jamais être à la place du Symbole. Il y a là un travestissement sentimental de l'expression de la foi qui n'est pas respectueux de l'Église. Le Dieu d'Abraham, de Moïse et de David, le Dieu de Jésus Christ chante-t-il? Peut-être ... Fait-il chanter la vie? Sûrement, mais certainement pas comme un gentil baladin!
Faut-il alors être sévère et triste pour professer la foi? Non! Mais il faut savoir que la foi que nous professons ne vient pas de nous et ne vit pas qu'en nous. Elle doit donc pouvoir se réunir à celle de tous les autres croyants, comme un symbole à son autre moitié.
UNE FONCTION SACERDOTALE - UNE FONCTION D'ACTUALISATIONUNE FONCTION D'ANNONCE - UNE FONCTION UNIVERSELLE UNE FONCTION A EXERCER
En restaurant la liturgie de la Parole, la réforme liturgique de Vatican II ne s'est pas contentée d'augmenter le nombre des lectures, d'en élargir le choix et, surtout, de les présenter en langues vivantes, elle a rétabli une structure de dialogue où toute l'assemblée répond à la parole de Dieu qu'elle reçoit. La prière universelle, par laquelle l'assemblée transforme la Parole en supplication, en constitue le sommet.
«Dans la prière universelle, le peuple, exerçant sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes» (Présentation générale du Missel romain, n. 45 ). Cette petite phrase en dit long sur la prière liturgique et même sur la liturgie tout court. Parce qu'ils sont baptisés et, par là, incorporés au Christ-prêtre, les fidèles sont habilités à rendre un culte à Dieu, culte de supplication, d'offrande sacrificielle et d'action de grâce. Les fidèles ne sont donc pas là pour eux, ils ne supplient pas pour eux, ils n'offrent pas pour eux, ils ne rendent pas grâce pour eux. Ils supplient, offrent et rendent grâce au nom de toute l'Église qui les délègue pour exercer leur fonction sacerdotale au service de toute l'humanité. Qui aurait imaginé que nos modestes prières universelles avaient un tel poids?
C'est aujourd'hui, et non pas n'importe quand, que telle parole, et non pas n'importe laquelle, est proclamée. En quoi rejoint-elle une catégorie de personnes vivant tel événement ou étant dans telle situation? La PGMR dit encore: «nourri par elle (la Parole), il (le peuple) supplie avec la prière universelle pour les besoins de toute l'Église et pour le salut du monde entier» (PGMR n.33 ). Voilà donc une fonction qui ne peut pas être intemporelle!
On ne prie jamais pour le passé! Cette évidence nous rappelle que la parole de Dieu, si éloignée qu'elle soit de nous dans le temps, a toujours, au sein de l'action liturgique, une fonction d'annonce prophétique: elle annonce le Règne qui vient et l'homélie précisera où et comment aujourd'hui. Reste à transformer cette annonce et son explication en prière commune. La prière universelle n'est pas d'abord un examen de conscience de la communauté rassemblée ou une analyse des problèmes locaux et mondiaux. Elle est une prière pour que le règne de Dieu grandisse là où il est déjà planté et là où il ne l'est pas encore. Elle est une prière qui convertit déjà les réalités les plus concrètes du monde qui nous entoure. Voilà donc une fonction qui ne peut pas être alarmiste!
La communauté est rassemblée, mais ce n'est pas d'abord pour elle qu'elle prie. Bien au contraire, la prière universelle a pour fonction de faire sortir cette communauté d'elle-même en la tournant vers tout ce qui est autre qu'elle: l'Église universelle, les dirigeants des affaires publiques, tous ceux qui sont accablés par une difficulté (cf. PGMR n.46 ). C'est seulement lorsqu'elle l'a fait qu'elle peut prier pour elle. Il faut ajouter à cela que la vraie prière pour l'assemblée, c'est la prière eucharistique: «Sur nous tous enfin, nous implorons ta bonté ...» D'où vient alors que les intentions entendues tournent de plus en plus autour du «nous»: «afin que nous ...»? Comment le «nous» pourrait-il être universel? Voilà donc une fonction qui ne peut être égocentrique!
Cela dit, tout reste à faire et, particulièrement, à rédiger! A ce qui découle des réflexions précédentes, ajoutons quelques remarques.
On ne prie pas pour des idées, mais pour des personnes. On ne prie pas pour la liberté, mais pour ceux qui la recouvrent ou en sont privés. Les intentions les plus courtes sont toujours les meilleures. Une succession d'intentions et de refrains peut n'avoir de prière que le nom. La garantie de la prière réside aussi dans la part de silence qu'on y inclut. Ce que présentent les revues peut aider, mais il faut toujours une retranscription qui tienne compte des besoins concrets, mondiaux et locaux. Prier engage ..., même s'il n'est pas question de «nous» dans la prière. L'introduction et l'oraison conclusive reviennent au prêtre; les intentions, au diacre ou aux fidèles. La prière universelle n'aura pas lieu sans la préparation et la réalisation qu'en font le prêtre et les fidèles. Cependant, dans l'acte liturgique, elle n'est plus leur prière, mais celle de Celui qui est «toujours vivant pour intercéder en faveur des hommes» (Hébreux 7, 25).
Fiche technique (Célébrer n.281)
«Dans la prière universelle, le peuple, exerçant sa fonction sacerdotale, supplie pour tous les hommes.» (PGMR n.45 Préparer et mettre en ouvre une prière universelle nécessite que l'on en ait compris les enjeux et ce que demande l'Église (voir l'ensemble de ce dossier Célébrer n.281).
Préparation
1. Commencer par se mettre à l'écoute de la Parole de Dieu proposée ce jour.
2. Sans se limiter trop étroitement à cette Parole, s'interroger sur sa propre manière de la recevoir et la conversion qu'elle suppose.
3. S'interroger sur les personnes pour qui on pourrait prier, à la «lumière de la Parole de Dieu» et à l'écoute de la vie du monde qui nous entoure (monde proche et lointain).
Rédaction
4. Penser à la forme donnée aux intentions: que ce soit une invitation à la prière (Prions pour...) ou déjà une prière (Nous te prions pour...), l'essentiel est de faire naître la prière de l'assemblée selon les motifs proposés. Choisir en même temps le mode de prière de l'assemblée entre les intentions (choix du refrain, chanté ou non, d'un silence plus ou moins prolongé...) en accord avec les musiciens.
5. Veiller à ce que les intentions soient des supplications vraiment universelles - au delà de l'assemblée et au delà de la communauté chrétienne - et ne soient pas une seconde homélie (il n'est pas nécessaire de faire référence aux textes du jour pour prier pour les responsables politiques un jour d'élection).
6. Prier pour des personnes plutôt que pour des idées (ce n'est pas un exutoire pour se décharger des problèmes du monde, ni l'occasion de rappeler à Dieu ce qu'il a à faire!) en tenant compte de ce qui intéresse le monde d'aujourd'hui où se situe l'Église. Le Missel suggère de prier pour les besoins de l'Église, pour la vie et le salut du monde, pour ceux qui sont accablés, et pour la communauté locale.
7. Rédiger des intentions:
adaptées à l'assemblée présente (les propositions des différentes revues ne peuvent l'être a priori); brèves pour être mémorisées par l'assemblée et nourrir sa prière pendant quelques instants, avec des mots simples et un langage nerveux; avec un même destinataire - le Père, le Fils, ou plus rarement le Saint Esprit - commun avec le refrain, dans un style homogène.
8. Suggérer éventuellement l'invitatoire par lequel celui qui préside invite l'assemblée à la prière, et l'oraison conclusive par laquelle il confie au Père toutes les prières de l'assemblée.
Mise en ouvre
9. Confier, à l'avance, la prière à celui qui dira les intentions, afin qu'il s'y prépare. Il n'oubliera pas qu'elles s'adressent aussi à lui, et doivent susciter la prière.
10. Les intentions sont lues normalement à l'ambon: le (les) «lecteur(s)» s'avance(nt) avant la prière, et y reste jusqu'au Amen qui suit l'oraison.
Elles peuvent aussi - en certaines occasions - jaillir de l'assemblée.
11. Ménager un silence suffisant après l'invitatoire, et après chaque intention précédant le refrain, pour permettre la prière de l'assemblée; laisser se déployer cette prière avant de passer à l'intention suivante.
12. L'attitude priante de chacun, prêtre, lecteur, animateur de chant, servants d'autel, etc. est aussi invitation à la prière pour toute l'assemblée. La prière de l'animateur de chant sera plus efficace que des gestes donnant la mesure.
L'ENJEU DU CHANGEMENT - PRÉPARER LES DONS QUELQUES PROPOSITIONS
Comme les habitudes sont difficiles à perdre! Voici exactement vingt ans que le Missel romain de Paul VI a remplacé "l'offertoire" par "la préparation des dons".. Et pourtant, que disons-nous qu'il va se passer à la messe lorsque la Prière universelle est achevée et que l'assemblée s'assied?
S'il ne s'agissait que d'une simple question de mots, l'affaire ne vaudrait même pas un paragraphe. Mais, par les mots, c'est un changement radical de mentalité que la réforme liturgique veut opérer. - Durant les dix siècles qui ont précédé Vatican II, le "canon" de la messe était devenu "secret", sauf la Préface et le Per omnia final. - Durant ce même temps, l'offertoire se chargeait de prières privées exprimant l'offrande du sacrifice et l'indignité du célébrant. - De sorte que les premiers essais de restauration liturgique qui préparèrent Vatican II en vinrent naturellement, pour exprimer l'offrande des fidèles, à gonfler l'offertoire: "l'immense foule des hommes..." - Or le grand et unique moment d'offrande de la messe est celui où le Christ lui-même s'offre à son Père et nous offre avec lui. Et c'est la prière eucharistique qui l'exprime et le réalise, et non pas l'offertoire. - C'est donc, très logiquement, que la réforme conciliaire a réhabilité la Prière eucharistique et, du même coup, fait passer l'offertoire, de doublet qu'il était, à son juste rôle de "préparation des dons".
Il est vrai, malgré tout, qu'une certaine nostalgie de l'offertoire demeure chez beaucoup. Cela nous amène à faire deux remarques et quelques propositions.
- Première remarque: il ne peut y avoir de nostalgie de l'offertoire que chez ceux qui n'ont pas saisi l'enjeu de la prière eucharistique. Quelle perte pour leur foi! Ce n'est donc pas en maintenant le mot "offertoire" ou en regonflant sa spiritualité qu'on les enrichira, mais en procurant une nourrissante catéchèse mystagogique de l'offrande sacrificielle de la prière eucharistique.
- Deuxième remarque: la messe ne mime pas la Cène, mais elle l'actualise en accomplissant le mémorial du Seigneur. Ainsi, rompre l'hostie (voir Du bon usage du pain azyme) en disant les paroles de la consécration est de l'ordre du mime et non du mémorial. Le mémorial, lui, étale rituellement les gestes du Christ: - Il prit le pain: c'est la préparation des dons; - Il rendit grâce: c'est la prière eucharistique; - Il le rompit: c'est la fraction du pain; - Il le donna: c'est la communion. De la sorte, la préparation des dons, bien loin d'être négligée par la réforme liturgique, retrouve sa place la plus éminente de premier geste par lequel, à la messe, l'Église répond au commandement du Seigneur en faisant, en mémoire de lui, ce qu'il a fait à la Cène.
Elles ne sont rien d'autre qu'une application de la Présentation générale du Missel romain.
- Préparer l'autel. Les choses parlent autant que les mots! Seul un autel "vide" dira l'importance de ce qui va se passer parce qu'il sera prêt à recevoir dignement le pain et le vin. Tout encombrement préalable le fera passer pour une crédence, alors qu'il est la table du "repas du Seigneur". (1 Corinthiens 11, 20). - D'ailleurs, la patène (ou la coupelle d'hosties) et le calice n'ont pas à y être depuis le début de la messe puisque "c'est un usage à recommander que de faire présenter le pain et le vin par les fidèles" (PGMR n.49 ). Même dans une église aux dimensions modestes, il y a donc intérêt à ce que le pain et le vin soient à une certaine distance de l'autel pour que leur présentation par des fidèles, au prêtre (ou au diacre) qui les reçoit et les dépose sur l'autel, ait une signification visible. - D'autres dons (argent, dons en nature) peuvent aussi être apportés, mais ils ne doivent pas être déposés sur l'autel qui ne reçoit que le pain et le vin pour l'eucharistie. - C'est normalement à voix basse que sont dites, par le prêtre, les prières de la préparation ("Tu es béni ...") avant de déposer le pain et le vin sur l'autel. C'est évident s'il y a un chant ou une musique instrumentale. En leur absence, on peut tout à fait admettre qu'elles soient dites à voix haute, mais d'une façon cependant moins proclamatoire que la prière eucharistique qui suivra.
Admirable échange que ce pain (voir Du bon usage du pain azyme) et ce vin (voir Du bon usage de la goutte d'eau) que Dieu nous donne et que nous lui présentons, afin qu'il nous le rende en corps et sang de son Fils, pour qu'à notre tour, et par le Christ, nous lui rendions grâce!
LA CENE ET LA PAQUE - DE LA CENE A LA MESSE DU PAIN QUI SOIT DU PAIN
Il est dit que Jésus prit le pain, et non le pain azyme. Pourquoi donc les hosties sont-elles de pain azyme et non de pain levé ordinaire? Mais d'abord, qu'est-ce que le pain azyme?
Bien que la pratique du pain azyme nous vienne tout droit du judaïsme où il est encore employé de nos jours, le mot est grec: dzumê signifie le levain et le a qui précède est évidemment privatif. En hébreu, le pain sans levain se dit matza, plus souvent utilisé au pluriel: matzoth.
A l'origine, le pain azyme fait partie des rites des fêtes de printemps. Il symbolise le renouvellement complet de la nature dont les récoltes vont être le fruit, reconnu et confessé comme bienfait venant de Dieu créateur. Lors de l'établissement de la Pâque juive, on liera cette pratique agricole des sédentaires à celle des nomades qui, à la même époque de l'année, sacrifient des agneaux premiers-nés pour demander la protection de Dieu sur le troupeau avant une nouvelle transhumance. C'est ainsi que le pain azyme et l'agneau seront les deux pièces majeures du repas pascal où les juifs font mémoire de la sortie d'Égypte.
La Cène fut-elle un repas pascal? D'après saint Luc ( lc 22,14-20!22, 14-20!), oui; et c'est ce qu'ont retenu la liturgie et la mentalité commune. Mais d'après saint Jean, ce n'est pas possible, puisqu'il écrit que le vendredi saint était le jour de la préparation de la Pâque (19, 14). On ne sait donc pas si Jésus a utilisé le pain azyme pascal en instituant l'Eucharistie. Quoi qu'il en soit, la tradition chrétienne a toujours considéré l'eucharistie de façon pascale. Et saint Paul va jusqu'à dire que le Christ est «notre Pâque» (1 Corinthiens 5, 7). C'est cette foi dans le caractère pascal de l'eucharistie qui permet à la liturgie d'avoir, avant la communion, cet instant si paradoxal: le prêtre présente ce qui visiblement a l'apparence du pain et il dit: «Voici l'Agneau ...» et nous croyons que c'est le corps du Christ!
La question de savoir quel pain était utilisé dans les Eucharisties des premiers siècles reste obscure. La mention du pain azyme que fait Paul (1 Corinthiens 5, 6-9) est-elle une référence à une pratique ou bien seulement une figure symbolique? Il semble bien, cependant, que l'on soit assez vite passé au pain levé ordinaire puisqu'on va avoir, du VIIIe au XIe siècle, plusieurs témoignages réclamant l'usage du pain azyme. Ce fut d'ailleurs l'objet d'une belle querelle entre les Latins et les Grecs.
Outre la signification pascale du pain azyme dont nous venons de parler, le fait que le pain sans levain se conserve beaucoup mieux, puisqu'il ne devient pas tout de suite rassis, et d'autre part que les fidèles communient de moins en moins et n'ont donc plus à faire l'offrande de leur pain, va permettre à l'usage du pain azyme de se généraliser dans l'Église latine, à partir du XIe siècle. Les Orientaux conserveront l'usage du pain levé.
Tout le respect étant dû à ceux (celles surtout) qui fabriquent les hosties, il faut bien reconnaître que la mécanisation de la production ne facilite pas la reconnaissance des hosties comme étant du vrai pain. On fera donc tout ce que l'on pourra pour préférer les hosties épaisses et dorées, car celles qui sont fines et blanches ont plus de mal à apparaître et à être senties comme du pain. De même, pour que le geste essentiel de la fraction retrouve du sens, on utilisera au maximum les grandes hosties qui, en aucun cas, ne sont réservées aux prêtres, et même les toutes grandes (15 cm et plus) qui commencent à ressembler à une galette de pain azyme.
De surcroît, dans bien des circonstances (communautés religieuses, assemblées paroissiales au nombre restreint, réunions de groupes ou de mouvements, jeudi saint, etc.), on pourra très facilement fabriquer soi-même ou faire fabriquer une authentique galette de pain azyme. En voici même la recette!
Recette pour quarante personnes environ
Prendre 150 gr de farine, 20 gr d'huile (d'olive) ou de beurre, 3 gr de sel. Bien pétrir avec de l'eau tiède pour obtenir une pâte ferme. Étaler de façon épaisse et strier en profondeur pour marquer les parts. Cuire 15 ou 20 minutes à four chaud, en mettant un récipient avec de l'eau à côté du plat de cuisson pour que la vapeur dégagée empêche le pain cuit d'être trop sec.
On pourrait croire que ces affaires ... de cuisine sont dérisoires à côté du mystère de la présence réelle. Mais c'est le Seigneur lui-même qui a choisi le pain, pas nous! Il en va donc du respect de sa volonté de nous nourrir de lui dans le partage, que la matière du pain et le geste de la fraction disent et fassent ce qu'il a voulu pour que nous fassions mémoire de lui.
POURQUOI "UN PEU D'EAU"? - L'ADMIRABLE ECHANGE NOTRE DIVINISATION
Une simple goutte d'eau versée dans le calice à la préparation des dons avec une formule dont l'Ordo missae réclame qu'elle soit dite à voix basse (PGMR n.103 ) mérite-t-elle un chapitre entier de ce livre?
Si modeste qu'il soit, ce geste dont on croirait pouvoir se passer facilement est assez riche de sens pour qu'on s'y arrête un instant. Mais on n'en profitera pas pour en gonfler le relief au-delà de ce que demande la liturgie.
Aucun des récits de l'institution de l'eucharistie ne mentionne l'eau à la dernière Cène, mais on sait que, sauf à vouloir s'enivrer, les Anciens coupaient le vin qui était trop fort pour être bu pur. Jésus et ses disciples ont dû le faire régulièrement et, dès 150, saint Justin nous précise, dans sa première Apologie, au chapitre 65 (et 67), que, lorsque les prières sont terminées (il s'agit de ce qui est devenu la prière universelle) «on apporte à celui qui préside les frères, du pain et une coupe d'eau et de vin mélangés».
Mais à cet usage d'origine diététique et de modération, pourrions-nous dire, vint se substituer rapidement une signification mystique qui est la seule qui demeure aujourd'hui, et pas seulement parce que nos vins sont moins corsés.
Un siècle après Justin, saint Cyprien de Carthage, luttant contre les gnostiques qui refusaient le vin, ouvrait cette nouvelle interprétation: «Si quelqu'un n'offre que du vin, le sang du Christ se trouve être sans nous; si ce n'est que de l'eau, c'est le peuple qui se trouve être sans le Christ.»
C'est avec Saint Augustin, encore un siècle plus tard, que l'on aboutira à la théologie de «l'admirable échange», si bien exprimés par la prière actuelle: «Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité», qui n'est autre qu'un extrait d'une ancienne oraison romaine de la fête de Noël (Deus qui humanae substantiae...), c'est-à-dire du mystère de l'Incarnation.
Il convient d'ajouter que l'interprétation orientale est encore plus christologique que la nôtre, puisqu'elle voit, dans le mélange de l'eau et du vin, le symbole même de l'union de l'humanité et de la divinité dans la personne du Christ Jésus, à moins que ce mélange ne rappelle qu'un coup de lance fit sortir du côté du Christ en croix, «du sang et de l'eau» (Jean 19,34).
Voilà donc où nous mènent ces quelques gouttes d'eau! Comme nous l'avons dit en commençant, il n'est pas question d'en rajouter! Mais ce geste nous rappelle que les fidèles ont droit à une catéchèse qui unisse leur foi à l'action liturgique. Reste à définir le quand et le comment.
C'est à l'intérieur d'une homélie du temps de Noël (plutôt que du jour) qu'il pourra être fait allusion à ce geste de notre eucharistie. Si l'on pratique par ailleurs ce que réclame l'Ordo missae, à savoir l'apport des dons - pain, vin et eau - par les fidèles, il suffira d'y revenir de temps en temps (une fois par an?) pour que la richesse du sens soit acquise et vécue par tous.
Saint Athanase disait du Christ: «Il s'est fait homme pour nous diviniser.» Ce mystère-là n'entrera pas en nous seulement par des raisonnements. Cette chose toute simple d'un tout petit peu d'eau dans un peu de vin s'inscrit jusque dans nos corps.
UNE ACTION - UNE PRIÈRE - LE CHOIX DU TEXTELA PARTICIPATION DE L'ASSEMBLÉE
La prière eucharistique est le coeur même de la messe. On ne parlera pas ici de ses origines et de son sens, mais seulement des principes de sa mise en oeuvre.
Avant d'être un texte, la prière eucharistique est une action: eucharistie signifie action de grâce. Cette action est la réalisation du second des quatre actes de Jésus à la Cène, exprimés par les quatre verbes du récit de l'institution: il prit le pain (préparation des dons), il rendit grâce (prière eucharistique), il le rompit (fraction du pain) et le donna (communion). Ce n'est pas une action du prêtre, même si c'est à lui principalement et ministériellement que revient la proclamation de la prière et du récit consécrateur qu'elle contient, c'est une action de toute l'assemblée. C'est elle qui rend grâce, qui offre, comme le prouve le fait que la prière eucharistique est proclamée à la première personne du pluriel: "Nous te présentons..., nous t'offrons..." La Présentation générale du Missel romain (n. 62 ) le dit de façon claire:
"Dans la célébration de la messe, les fidèles constituent le peuple saint, le peuple acquis par Dieu et le sacerdoce royal, pour rendre grâce à Dieu et pour offrir la victime sans tache; non seulement pour l'offrir par les mains du prêtre, mais pour l'offrir ensemble avec lui et apprendre à s'offrir eux-mêmes."
Ce long texte n'est pas une histoire racontée, ni une lecture, même si le prêtre suit le texte des yeux. C'est une prière, c'est-à-dire une parole publique que le prêtre qui préside adresse, non pas à l'assemblée, mais à Dieu le Père au nom de l'assemblée. La façon dont le prêtre proclame cette parole et dont l'assemblée l'entend doit le signifier. L'intonation fait partie de l'acte. Au milieu de ce texte, le récit de l'institution vient comme interrompre la prière pour se transformer en récit à la troisième personne et rappeler l'acte fondateur dont découle l'eucharistie qui est en train de se faire. Par ce changement de genre littéraire, et donc de ton, le récit de l'institution signifie que:
L'eucharistie n'est pas à nous, ni au prêtre (le "mon corps" n'est évidemment pas le corps de celui qui parle!). L'action de grâce dans laquelle ce récit est inséré est celle du Christ. Elle devient la nôtre parce que le Christ la joint à la sienne, en rendant présents parmi nous son corps livré et son sang versé sous les formes du pain et du vin consacrés.
C'est pour cela que l'Église réserve la prière eucharistique au prêtre. En effet, le vrai président de l'eucharistie n'est pas le prêtre, c'est le Christ. Mais il est normal que l'action de grâce du Christ à son Père soit proclamée, dans l'assemblée, par celui qui a été sacramentellement ordonné à le représenter comme "tête du corps qui est l'Église" (Colossiens 1, 18).
Du bon usage de la liturgie 700