Du bon usage de la liturgie 1303


LE CHOIX DU TEXTE


Nous disposons de dix prières eucharistiques en langue française (et pas seulement de la deux!). Chacune a sa particularité qui doit être connue non seulement des prêtres, mais des équipes liturgiques, de sorte qu'en préparant une messe on puisse choisir celle qui convient le mieux. On saura aussi que le Missel présente quatre-vingt-huit préfaces et vingt-deux "embolismes" (textes ajoutés en certaines circonstances, comme: "En ce premier jour de la semaine"). On comprendra enfin que les fidèles ont droit aux dix prières eucharistiques, sans exception ni élimination, mais dans une répartition d'autant plus judicieuse qu'elle aura été prévue avec discernement.



LA PARTICIPATION DE L'ASSEMBLÉE


Il est vrai que la participation exprimée par l'assemblée dans la prière eucharistique paraît faible en face de ce grand monologue du prêtre et eu égard au fait que c'est l'assemblée qui est le sujet propre de l'action. N'oublions pas cependant que, grâce au dialogue avant la préface, rien ne commence sans qu'elle ait donné son accord:"Cela est juste est bon", et que, grâce à l'Amen final, l'action de grâce se termine par sa ratification. Certaines prières eucharistiques peuvent bénéficier d'acclamations de louange ou de bénédiction, d'invocations à l'Esprit Saint aux deux épiclèses ("Vienne l'Esprit..."), de courtes interventions contemplatives à la consécration ("Corps du Christ livré pour nous"), et de refrains d'intercession ("Souviens-toi"). Mais surtout, que ce soit à l'assemblée que reviennent de chanter la sainteté de Dieu au Sanctus et d'acclamer le Christ qui est venu, qui vient et qui reviendra, à l'anamnèse. Chaque dimanche, de l'orient à l'occident, des millions d'hommes et de femmes sont saisis par l'incommensurable majesté de Dieu au point de lui chanter trois fois:"Saint! Saint! Saint!..."



L'ANAMNÈSE


EN MÉMOIRE - LE PARADOXE DE L'ANAMNESE - LA DYNAMIQUE DE LA FOI

«Faites ceci en mémoire de moi»

Tous les croyants sentent confusément que cette parole qui a bientôt vingt siècles est, en même temps, d'une actualité mystiquement efficace. Elle est l'axe autour duquel tournent les différentes composantes de l'eucharistie et même de toute la vie de foi: «Il est grand le mystère de la foi!»



EN MÉMOIRE


C'est ce mot qui traduit le grec anamnesis, qui traduit lui-même l'hébreu zikkaron. C'est dire que nous devons aller chercher ce qu'il signifiait avant Jésus pour comprendre ce que Jésus a voulu dire en l'employant.

Il apparaît pour la première fois dans la Bible à propos de la révélation du nom de Dieu à Moïse dans l'épisode du buisson ardent: «C'est là mon nom pour toujours, c'est le mémorial (le zikkaron) par lequel vous me célébrerez d'âge en âge» (Exode 3, 15). On le retrouve quelques chapitres plus loin à propos de l'institution de la fête de la Pâque: «Ce jour-là sera pour vous un mémorial (un zikkaron)» (Exode 12, 14).

Faire mémoire est donc un acte cultuel dans lequel on s'appuie sur un fait passé (buisson ardent, sortie d'Égypte, institution de l'eucharistie à la Cène) pour en célébrer l'actualité, et même l'actualisation dans le cas de la Pâque et de l'eucharistie, tout en annonçant son avenir. Sans employer le mot, saint Paul en exprime parfaitement le contenu lorsqu'il écrit aux Corinthiens: «Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez à cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne» (1 Corinthiens 11, 26).



LE PARADOXE DE L'ANAMNESE


Ce paradoxe, le voici! Le Seigneur vient de se rendre présent sous la forme du pain et du vin consacrés. Or il n'y a pas trente secondes que la consécration a eu lieu, que la liturgie nous fait crier: «Viens!» S'il est là, pourquoi lui demander de venir?

Oui, ce paradoxe est si violent que la tentation est grande de le gommer, et c'est ce que font bien des chants que, sans réfléchir hélas, on croit pouvoir utiliser à cet instant de la messe, mais qui n'ont rien à voir avec l'anamnèse ni avec ce qu'elle révèle et célèbre.

On pense qu'il ne s'agit que d'une acclamation, et l'on chante «Vive Dieu!» ou «Que tes oeuvres sont belles!» On pense qu'il ne s'agit que d'un souvenir ou d'un rappel, et l'on chante: «Souviens-toi de Jésus Christ...» Mais c'est alors, en gommant le paradoxe, toute la dynamique de la foi que l'on efface. Ne serait-ce pas également de cet effacement-là qu'il s'agirait dans le très célèbre «Christ est venu» qui chante bien «Christ reviendra» , mais pour revenir au «Christ est là» et s'achever sur le présent immédiat, alors que l'anamnèse liturgique s'appuie sur le passé («Gloire à toi qui étais mort») pour affirmer le présent («Gloire à toi qui es vivant») et appeler le futur («Viens, Seigneur Jésus!»). En outre, pourquoi ce chant parle-t-il du Christ, au lieu de lui parler puisqu'il est là? Mais, du moins, les trois dimensions du temps y sont-elles présentes, et donc vécues, ce qui est loin d'être le cas dans certaines autres fausses acclamations d'anamnèse qui ne sont que des cantiques, louables par ailleurs, mais, on l'a compris, qui n'ont pas leur place ici.



LA DYNAMIQUE DE LA FOI


«Nous avons été sauvés, mais c'est en espérance; voir ce qu'on espère, ce n'est plus espérer: ce que l'on voit, comment peut-on l'espérer encore? Mais nous qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance» (Romains 8, 24). Telle est la dynamique de la foi; c'est une dynamique de l'attente active. Saint Luc nous en parle de façon aussi forte, mais plus imagée, en nous rapportant les paraboles sur la vigilance: «Restez en tenue de travail et gardez vos lampes allumées ...» ().

Il n'y a là, bien évidemment, aucune trace d'un quelconque affaiblissement de la foi en la présence du Seigneur ressuscité dans l'eucharistie. Il s'agit, au contraire, de son élargissement. Dans l'eucharistie, la présence du Seigneur nous est déjà donnée, mais de façon cachée. Elle appelle sa plénitude. S'en contenter nierait la promesse du Seigneur qu'il «reviendra dans la gloire» et réduirait l'objet de notre foi à ce qui n'en constitue que les prémices: «A présent, nous voyons dans un miroir et de façon confuse, mais alors, ce sera face à face» (1 Corinthiens 13, 12).

La dynamique de la foi fait de notre vie une marche à la suite du Christ dans laquelle l'eucharistie est toujours le viatique. L'anamnèse l'annonce et le célèbre.

«Marana tha! Viens, Seigneur Jésus!» (Apocalypse 22, 20).




NOTRE PÈRE


LA PLACE - LA DOXOLOGIE - RÉCITÉ OU CHANTÉ LE NOTRE-PÈRE PAR TOUS - LES MAINS LEVÉES

Inspirée du Qaddish de la liturgie juive, dans sa première partie, voici, avec le Notre-Père, la prière chrétienne la plus vénérable et irremplaçable, la prière du Seigneur. Il ne s'agira pas ici de la commenter, mais de réfléchir sur la place qu'elle tient à la messe et sur sa mise en ouvre.



LA PLACE


La prière eucharistique vient de s'achever avec l'Amen des fidèles. On entre alors dans les rites de communion, dont le Notre-Père est précisément le premier élément. Pouvoir appeler Dieu en lui disant "notre Père" est ainsi le premier fruit de l'action de grâce du Christ à son Père et le premier bienfait que nous vaut le sacrifice de la nouvelle Alliance accompli par le Fils et présent parmi nous sous la forme du pain et du vin consacrés en son corps et en son sang. Par les paroles du Seigneur, que lui-même nous offre et nous demande de dire:"Quand vous priez, dites!" (Matthieu 6, 9), le Notre-Père est déjà une communion théologale qui unit les chrétiens assemblés à celui qui, par son sacrifice d'Alliance, a fait d'eux ce qu'il est lui-même: Fils de Dieu, et leur permet ainsi d'appeler Dieu du même nom qu'il lui donne: Père! La communion, c'est le "notre", qui n'est pas celui des fidèles entre eux, mais le "notre" du Christ nous incorporant à lui.



LA DOXOLOGIE


C'est une des bonnes idées de la réforme de Vatican II d'avoir introduit la doxologie (parole pour glorifier) "Car c'est à toi..." du Notre-Père, dans la liturgie romaine. Elle ne vient pas, comme certains le prétendent, de la pratique des protestants, même s'ils l'avaient avant nous, mais des liturgies orientales qui la tenaient elles-mêmes de l'hymne des vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse (4, 11).



RÉCITÉ OU CHANTÉ


Les deux sont possibles et chaque façon a ses avantages. Réciter le Notre-Père peut permettre une plus forte unanimité de la prière de tous les membres de l'assemblée, car, même ceux qui ne peuvent pas chanter, ou qui, étant de passage, ne connaissent pas la mélodie employée, peuvent alors se joindre à tous.

Il ne fait pas de doute, par ailleurs, que cette prière, récitée par tous à mi-voix, atteint une intensité d'expression de la foi d'une saisissante beauté.

Mais chanter communautairement le Notre-Père est d'une autre intensité et d'une beauté pas moins admirable. Le répertoire en langue française ne manque pas, en plus du ton officiel, de mélodies larges, recueillies, et d'une musicalité réussissant cette sorte d'étonnant paradoxe qui consiste à exprimer, donc à extérioriser, l'intériorisation: il s'agit de récitatifs utilisant peu de notes de la gamme et avançant par notes qui se suivent. Cette économie musicale, cette sorte de discrétion, parviennent admirablement à exprimer la contemplation.

On sait qu'il n'en va pas de même avec d'autres mélodies qui, même si elles plaisent et "marchent", surtout avec les enfants, comme certains le disent, présentent un style musical sautillant qui pourrait convenir à d'autres textes, mais qui dénature par trop le caractère priant et filialement implorant de la prière du Seigneur. Il ne suffit pas de se demander si une mélodie plaît ou marche, il faut encore savoir si elle réalise bien ce que la liturgie lui réclame.



LE NOTRE-PÈRE PAR TOUS


On conviendra aisément qu'il est hautement souhaitable que les deux mots "notre" et "père" soient prononcés par tous et non par un seul. Malheureusement, on entend beaucoup trop souvent le prêtre dire l'invitatoire et enchaîner directement sur la prière, ne laissant à l'assemblée que la possibilité de se joindre à lui en cours de route. Il y a une façon de dire l'invitatoire et, surtout, d'en prononcer les derniers mots: "Nous osons dire..." suivis d'une pause, qui invite davantage l'assemblée à commencer la prière dès ces deux premiers mots.



LES MAINS LEVÉES


Maintenant que, depuis Vatican II, c'est toute l'assemblée qui récite le Notre-Père, et non plus le prêtre seul, on peut avancer que chaque membre de l'assemblée peut aussi le dire en élevant les mains. Ce n'est pas requis par les rubriques, mais ce n'est pas interdit et il y a une belle convenance à le faire. Le prêtre peut même y inviter l'assemblée, surtout dans le second invitatoire: "Dire avec confiance et en levant les mains la prière que..."

L'unanimité des cours n'est pas alors signifiée seulement par les voix, mais aussi par l'attitude des corps, qui sont "le corps du Christ" priant son Père.





DES RITES DE COMMUNION


Le geste de paix - La fraction du pain - Agneau de Dieu - "Heureux les invités" Les ministres extraordinaires de la communion - Communion dans la bouche ou dans la main? Sous les deux espèces - En buvant au calice ou par intinction Recevoir ou se servir - Adoration

Après la préparation des dons et la prière eucharistique, la liturgie eucharistique atteint son sommet avec les rites de communion. Ces rites ne posent pas de problèmes majeurs, mais un certain nombre de points méritent d'être revus pour une amélioration de nos célébrations.



LE GESTE DE PAIX


C'est un geste tout à fait traditionnel qui a accompagné l'eucharistie durant de longs siècles. Certains n'y voient qu'une sorte de bonjour factice ou une offre de paix superficielle ou utopique. Ce qui est oublié, dans ces sentiments, c'est que ce n'est pas du tout notre paix que nous nous donnons, mais celle du Seigneur lui-même qui nous l'offre et dont nous faisons le partage. Et cela change tout! Mais sans doute faut-il le rappeler de temps à autre aux fidèles. Peut-être faut-il aussi se donner la paix autrement que l'on se dit bonjour! Avec les deux mains, par exemple.



LA FRACTION DU PAIN


On sait que c'est un des premiers noms de la messe (cf. l'épisode des disciples d'Emmaüs en Lc 24,30 et la description de la première communauté chrétienne en Actes 2, 42). Mais qui de nous, aujourd'hui, si la messe n'avait pas de nom, l'appellerait «fraction du pain»? Ce geste si caractéristique de la liturgie familiale juive et de la pratique de Jésus avec ses disciples, ce geste si essentiel à la Cène et mentionné dans chacune de nos prières eucharistiques, ce geste perd beaucoup de sa force et de son sens, notamment par l'utilisation de nos petites hosties confectionnées à l'avance. Or il est constitutif de l'eucharistie où le Christ rompt son corps pour nous faire le partage de sa vie, comme il avait été rompu sur la croix de façon physique et sanglante.

Comment donc redonner du poids à un tel geste?

Utiliser au maximum des grandes hosties (ou un certain nombre de grandes hosties) qui nécessitent un minimum de fraction. N'utiliser pour la prière eucharistique qu'un seul récipient (grand ciboire, grande coupelle) qui nécessitera, au moment de la fraction, une répartition des hosties dans des récipients plus petits qui serviront à donner la communion à plusieurs endroits.
On voit bien que ce serait une mauvaise compréhension de ce geste, de la part du prêtre qui préside, que de rompre la grande hostie durant la consécration en même temps qu'il dit: «il le rompit.» La messe n'est pas un mime, mais un mémorial actuel de l'offrande sacrificielle que le Christ ne cesse de faire de sa vie à son Père.



AGNEAU DE DIEU


Voilà bien une expression qui pose question. Certains pensent qu'elle ne correspond plus à la culture contemporaine et remplacent l'Agneau de Dieu par un chant de paix. Mais en éliminant l'expression et donc la question qu'elle pose, on élimine aussi la chance d'explication qui peut lui être donnée et, par le fait même, la compréhension de l'acte par lequel le Christ nous donne sa vie.

Parce que son sacrifice sanglant sur la croix est unique (He 7,27), mais qu'il veut en offrir le bénéfice à tous les temps de l'Église, Jésus remplace l'agneau pascal par ce qui l'accompagnait, à savoir la galette de pain azyme et la coupe de vin. Parce que cet unique sacrifice sanglant est parfait, plus une goutte de sang ne doit couler après lui, ni d'un homme, ni même d'un animal.

Parce que cet unique sacrifice sanglant rend caducs tous les autres, il ne peut plus y avoir d'autre agneau pascal que celui qui mourut sur une croix et rend présent son sacrifice, en tout temps, sous la forme cachée du pain et du vin dont il fait son corps et son sang.

C'est la raison pour laquelle, nous chantons l'Agneau de Dieu, non en découpant un agneau, mais en rompant le pain consacré. Bien loin de s'arrêter de «faire quelques chose», comme au Gloire à Dieu et au Sanctus, c'est au contraire durant le chant lui-même que le prêtre qui préside rompt la grande hostie, répartit les petites dans les ciboires ou coupelles pour la communion (s'il y a lieu) et distribue le corps du Christ à ceux qui sont avec lui à l'autel (si c'est le cas). C'est la raison pour laquelle aussi c'est en montrant un morceau de pain, et non un agneau, que le prêtre dit à l'assemblée: «Voici l'agneau de Dieu.»

«Le Christ, notre Pâque, a été immolé» (1 Corinthiens 5, 7).

Comment un tel mystère sera-t-il compris et vécu par nos assemblées, si à l'occasion de telle ou telle lecture biblique l'homélie ne le commente pas?



HEUREUX LES INVITÉS


Il n'est pas rare d'entendre la formule du Missel: «Heureux les invités au repas du Seigneur», transformée en: «Heureux sommes-nous d'être invités...» On comprend le souci pastoral de rendre la liturgie plus proche des fidèles qui anime ceux qui font cette transformation. Mais, sans le savoir, ils réduisent considérablement la portée de cette phrase. Deux textes du Nouveau Testament sont à son origine: «Heureux les invités au repas des noces de l'Agneau» (Ap 19,9), et la parabole des invités remplacés par les pauvres en Luc 14, 15-24: «Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu» (la parabole du festin nuptial, en Matthieu 22, 1-10, lui est parallèle, mais n'a pas la phrase).

Dans les deux cas, il s'agit de l'invitation la plus large possible: «une foule immense» dans l'Apocalypse; «les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux» chez Luc, puisque les vrais invités ont décliné leur invitation.

Cela signifie que la formule du Missel ne concerne pas que les membres de l'assemblée devant qui elle est prononcée. Dans une vision de foi qui va bien au-delà de l'assemblée visible, et même de l'Église visible, elle révèle à ceux qui vont communier qu'ils ne sont justement pas les seuls à être invités; le clochard qui est à la porte de l'église l'est aussi; l'anticlérical qui habite place de l'église l'est aussi; les enfants et petits-enfants des adultes et personnes âgées qui sont à la messe le sont aussi, bien qu'ils aient, pour certains, cessé de pratiquer; toute l'humanité l'est aussi, toute l'humanité est invitée à long terme à participer au festin éternel du Royaume.

A l'heure où les termes de «communion et mission» viennent préciser les orientations pastorales de cette fin de XXe siècle, la formule: «Heureux les invités au repas du Seigneur» prend tout son poids et, si ce n'est jamais opportun d'en réduire la portée, c'est encore moins le cas aujourd'hui.



LES MINISTRES EXTRAORDINAIRES DE LA COMMUNION


Le prêtre célébrant peut être amené à faire appel à un (ou plusieurs) laïc pour l'aider à distribuer la communion, habituellement ou exceptionnellement. Plusieurs points sont à préciser à ce sujet.

Tout doit être fait pour que le (ou les) laïc appelé à distribuer la communion ne soit pas prévenu au dernier moment. Donner la communion est une tâche habituelle pour le prêtre. Ce n'est pas le cas pour le laïc: c'est, pour lui, une action extraordinaire et profondément marquante, même s'il l'accomplit de temps à autre. Il a donc besoin de s'y préparer spirituellement. Sans en faire un système, on peut dire qu'il y a une certaine convenance à ce que le (ou les) lecteur qui a distribué aux fidèles le pain de vie sur la table de la parole de Dieu le distribue également sur celle du corps du Christ (cf. Vatican II, Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 21).

Le Missel romain (dans sa version la plus récente, dite du «petit Missel carré d'autel») dit clairement, à la page 446 , que les ministres extraordinaires de la communion sont bénis par le prêtre célébrant «lorsque l'invocation Agneau de Dieu est achevée». Cela signifie plusieurs choses:

D'abord, il existe une bénédiction des ministres extraordinaires de la communion. Pourquoi ne l'entend-on presque jamais? Vis-à-vis du ministre lui-même, elle confirme le caractère officiel de sa fonction, quel que soit le sentiment d'indignité qu'il en ait. Vis-à-vis de l'assemblée, elle confirme qu'il ne s'agit là ni d'un honneur ni d'un privilège personnel, mais d'un ministère, c'est-à-dire d'un service. Ensuite, si le ministre reçoit cette bénédiction après le chant de l'Agneau de Dieu, cela suppose qu'il est déjà près de l'autel à ce moment-là et donc qu'il n'y arrive pas au dernier moment (c'est-à-dire pas au moment où le prêtre quitte l'autel pour aller donner la communion). En vérité, le meilleur moment où il peut arriver à l'autel (avec les autres animateurs de la célébration, d'ailleurs!) se situe entre l'Amen de la prière eucharistique et la monition d'introduction au Notre Père, c'est-à-dire lorsque va commencer le rite de communion. Enfin, le Missel précise que prêtre et ministres communient en même temps avant de commencer la distribution de la communion. Et si possible sous les deux espèces.




COMMUNION DANS LA BOUCHE OU DANS LA MAIN?


Selon les directives de Rome, une note du Conseil permanent de l'Épiscopat français, en date du 19 juin 1969, a donné la possibilité de recevoir la communion dans la bouche ou dans la main. Chaque fidèle est donc parfaitement libre.

Cela dit, il est bon de rappeler, de temps à autre, la légitimité des deux façons, à l'intention, notamment, des chrétiens de la génération postérieure à Vatican II. On peut même leur préciser que la communion dans la bouche ne s'est généralisée, dans l'Église occidentale, qu'à partir du Xe - XIe siècle, ce qui faisait dire à un liturgiste malicieux que «les vrais conservateurs, aujourd'hui, sont les chrétiens qui communient ... dans la main!»



SOUS LES DEUX ESPÈCES


Les principes dogmatiques établis par le Concile de Trente étant maintenus (notamment ceux sur la pleine valeur de la communion où l'eucharistie n'est reçue que sous la seule espèce du pain), la Constitution sur la sainte Liturgie du 2e Concile du Vatican (n. 55) et la Présentation générale du Missel romain forment le voeu et donnent la possibilité que la communion sous les deux espèces soit rétablie «parce que, alors, grâce à une présentation plus claire du signe sacramentel, on procure une occasion particulière de pénétrer plus profondément le mystère auquel les fidèles participent» (PGMR n.14 ).

Si l'on ajoute aux cas que mentionne la PGMR, en son PGMR n.242 , l'élargissement apporté par la Conférence des évêques de France en 1970 (voir note de la PGMR dans «Pour célébrer la messe», p.75), la communion sous les deux espèces est pratiquement toujours possible. Pourquoi donc est-elle si peu pratiquée? Si des raisons pratiques font encore hésiter certains pasteurs, elle devrait être faite presque systématiquement avec tous ceux qui, dans une messe, accomplissent un ministère ou une fonction liturgique particulière (lecture, animation des chants, présentation des dons ... ).



EN BUVANT AU CALICE OU PAR INTINCTION


On sait que la communion par intinction consiste à tremper dans le calice une partie de l'hostie. C'est une des façons légitimes de communier sous les deux espèces (PGMR, n.200 , n.246 , n.247 ).

Si l'on adopte ce mode de communion pour de supposées raisons d'hygiène, on se méfiera de ses conséquences regrettables à l'égard de certains malades qui pourraient penser qu'ils sont rendus responsables d'une telle pratique (cela ne concerne pas les sidéens puisqu'il est admis que le sida ne se transmets pas par la salive).

On se rappellera surtout que c'est la communion en buvant directement au calice qui réalise le plus parfaitement la plénitude du signe eucharistique et la réponse au commandement du Seigneur qui nous dit: «Prenez et buvez.»

En tout état de cause, le prêtre qui célèbre, lui, doit boire le sang du Christ (PGMR n.116 ) et il reste souhaitable que les concélébrants fassent de même.



RECEVOIR OU SE SERVIR


Il est fréquent que, dans les messes de petit groupe surtout, les participants se passent l'un à l'autre la patène ou la coupelle qui contient les hosties après s'être servis eux-mêmes.

Pour respecter davantage, là encore, ce que fit le Seigneur à la Cène - il prit le pain, le bénit, le rompit et le donna...- on préférera, même dans le cas des messes de petit groupe, qu'un ministre passe devant chaque personne et lui donne le corps du Christ.



ADORATION


Jugeant que l'adoration eucharistique n'est pas suffisante dans la messe et la pratique actuelle, certains prêtres prennent l'habitude de faire suivre la génuflexion après la consécration du vin d'un temps de silence. On ne portera, évidemment, aucun jugement de conscience à ce propos, mais on dira que cette façon de faire ne convient pas à cet endroit. La prière eucharistique est un tout qui ne souffre pas les pauses, même pieuses, et qui, par ailleurs, constitue la plus haute des adorations puisqu'elle nous fait entrer dans l'acte même du Christ par lequel nous rendons à Dieu les grâces que nous avons reçues de lui.

Faut-il enfin préciser qu'il n'y a pas d'acte adorateur plus vrai que celui de la communion puisqu'il consiste à «porter à la bouche» (ad os = adorare) le corps du Verbe fait chair. Il ne peut pas alors y avoir de moment plus «adorateur» que le silence qui suit l'instant où, en communiant, on a porté à sa bouche Celui qui, seul, mérite notre adoration.



LA COMMUNION AUX MALADES


L'EUCHARISTIE CONFIÉE AU VISITEUR - QUELQUES REMARQUES PRATIQUES
À LA MAISON - LE RITE BREF

Dès l'an 150, saint Justin en nous donnant la première description de la messe dans sa première Apologie, n. 67, signale que "l'on envoie leur part (des aliments consacrés, c'est-à-dire de l'eucharistie) aux absents, par le ministère des diacres". L'actuel Rituel des sacrements pour les malades redit pour nous l'importance du geste (n. 27):

"Porter la communion à un malade est un geste de foi et une démarche fraternelle de la communauté eucharistique envers ses membres absents: un membre de l'assemblée eucharistique (prêtre ou laïc désigné à cet effet) apporte à celui qui ne peut y participer le réconfort de la Parole et le pain ou le vin eucharistique partagé dans l'assemblée. De cette manière, le malade reste uni à cette assemblée et il est soutenu par ce geste de fraternité chrétienne."

Beaucoup de chrétiens l'ont compris, et notamment ceux qui sont engagés dans la pastorale de la santé. Mais, à circuler en France et à participer dans des endroits divers à la messe dominicale, on doit reconnaître que cette pratique n'est pas aussi généralisée qu'il le faudrait. La communion aux malades peut être portée n'importe quand et par n'importe quel fidèle. C'est la première raison d'être de la réserve eucharistique gardée dans le tabernacle. Mais nous parlerons ici de celle qui découle de la messe du dimanche, en nous référant: au Missel carré d'autel, PGMR p.446 ; au Rituel des sacrements pour les malades, du n. 27 au n. 51; au Rituel de l'eucharistie en dehors de la messe, du n. 54 au n. 67.



L'EUCHARISTIE CONFIÉE AU VISITEUR


Lorsqu'il participe à la célébration eucharistique, le fidèle qui va porter la communion à un malade peut, bien sûr, en arrivant devant la personne qui la distribue, demander une hostie supplémentaire. Mais à cette démarche isolée, on préférera une autre, plus communautaire et plus liturgique. Après le geste de paix ou, mieux, entre l'Amen de la prière eucharistique et la monition du Notre Père, le prêtre qui préside invite à le rejoindre autour de la table de l'autel tous ceux qui vont porter l'eucharistie, à l'assemblée dans un instant, ou aux malades après la messe. Le Missel (voir Missel carré d'autel, en bas de la page 446) prévoit deux formules au choix que le prêtre prononce pour bénir et envoyer les distributeurs ou les porteurs. Il va de soi que, selon le n.242 de la PGMR, ces fidèles peuvent communier sous les deux espèces. Cette pratique est donc préférable, car elle considère la communion portée aux malades comme un acte liturgique qui concerne toute l'assemblée et non seulement l'un de ses membres agissant individuellement. Elle suppose en outre que le prêtre qui préside ait été averti avant le début de la messe et ait pu faire prier toute l'assemblée pour ces malades à la prière universelle, voire même - en certaines occasions - dans la prière eucharistique: "Sur nous tous enfin et, particulièrement sur les malades de notre paroisse..." Notons enfin que certaines assemblées, pour mieux marquer le caractère communautaire de ce geste, ont choisi de le placer entre la bénédiction et l'envoi ou, mieux, entre l'Amen de la prière après la communion et la bénédiction.



QUELQUES REMARQUES PRATIQUES


Le Rituel des sacrements pour les malades (n. 31) dit qu'on portera l'eucharistie dans une custode ou par un autre moyen approprié. La custode est, en effet, le moyen le plus simple et le plus significatif. À défaut, on prendra une jolie petite boîte sur laquelle rien n'est inscrit ou une jolie pochette pliée en neuf. Si l'état du malade ne lui permet pas d'avaler du solide, on peut lui donner l'eucharistie sous la seule espèce du vin. On veillera alors plus encore à la beauté et à la sûreté du flacon. Les personnes qui entourent le malade peuvent communier avec lui (infirmière, garde-malade...). Mais celui qui porte la communion et qui a déjà communié à la messe ne le refera pas. Il est normal que certains malades souhaitent communier au moment de la communion de la messe télévisée. Mais on se rappellera que la communion aux malades est un acte liturgique de la communauté locale et que le porteur accomplit un ministère. Il ne pourra donc pas s'effacer complètement devant l'image ou laisser l'eucharistie au malade pour qu'il se communie lui-même au moment de la communion de la messe télévisée. Il fait partie du signe sacramentel de l'eucharistie qu'elle soit donnée et reçue.

Tous, visiteurs et malades, fonderont leur pratique sur le n. 15 du Rituel de l'eucharistie en dehors de la messe, qui cite lui-même le n. 3a de l'Instruction sur le mystère eucharistique du pape Paul VI:

"On enseignera soigneusement aux fidèles ce qui suit. Même lorsqu'ils communient en dehors de la célébration de la messe, ils s'unissent intimement au sacrifice qui perpétue celui de la croix; ils participent à ce banquet sacré où, par la communion au corps et au sang du Seigneur, le peuple de Dieu participe aux bienfaits du sacrifice pascal, renouvelle l'alliance nouvelle scellée par Dieu avec les hommes une fois pour toutes, dans le sang du Christ; ce banquet eucharistique, dans la foi et l'espérance, préfigure et anticipe le banquet eschatologique dans le Royaume du Père, en annonçant la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne."

Il semble utile de rappeler d'abord, tant l'étonnement est général lorsqu'on en parle, qu'il existe un Rituel de l'eucharistie en dehors de la messe. Il comporte quatre chapitres:

1. Le rite ordinaire de la communion dans une célébration communautaire qui n'est pas la messe (c'est tout à fait le cas des ADAP);
2. La communion et le viatique portés au malade par un ministre extraordinaire (c'est le cas de la communion portée par un laïc);
3. Les différentes formes de culte à rendre à l'eucharistie:

- l'exposition de l'eucharistie (salut du Saint-Sacrement);
- les processions eucharistiques;
- les congrès eucharistiques;

4. Annexe (références bibliques, prières, chants, etc.).

Il est vrai qu'il existe aussi des livrets ou des pages dans certains missels des fidèles qui présentent des matériaux pour aider un laïc qui porte la communion à faire de cette démarche une célébration liturgique. Mais les éléments ainsi fournis sont toujours le résultat d'une sélection et, surtout, les textes de présentation et les notes pastorales en sont absents. Or il est de la plus grande importance qu'ils soient connus pour que soient bien saisis le sens, le contenu et les façons de faire de chaque action.

On ne dira pas pour autant que chaque fidèle doit posséder tout le Rituel. Mais il est indispensable que chaque aumônerie d'hôpital ou de clinique, chaque paroisse de grande ville et chaque secteur rural puisse le mettre à la disposition de tous ceux qu'il concerne, et organise de temps à autre une réunion autour de lui, pour confronter les façons de faire de chacun avec ce que l'Église propose.



Du bon usage de la liturgie 1303