1997 Directoire pour la catechèse
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Le Concile Vatican II avait prescrit la rédaction d'un " Directoire sur l'enseignement catéchétique du peuple chrétien ".(1) Pour réaliser ce mandat conciliaire, la Congrégation pour le Clergé fit appel à une commission d'experts et consulta les conférences épiscopales du monde, qui firent parvenir de nombreuses suggestions et observations sur ce projet. Le texte élaboré fut revu par une commission théologique ad hoc, et par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Le 18 mars 1971, il fut définitivement approuvé par Paul VI et promulgué le 11 avril de la même année sous le titre de Directoire Catéchétique Général.
Notes:
(1) CD 44
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Les trente années qui se sont écoulées depuis la fin du Concile Vatican II jusqu'à la veille du troisième millénaire ont été, sans aucun doute, fécondes du point de vue des orientations et de la promotion de la catéchèse. Ce fut un temps qui, en quelque sorte, rendit à l'Eglise la vitalité de ses origines dans l'oeuvre d'évangélisation remit en valeur les enseignements des Pères et favorisa un sage retour au catéchuménat antique. Depuis 1971, le Directoire général de catéchèse a guidé les Eglises particulières sur le long chemin du renouveau de la catéchèse. Il a voulu être une référence, aussi bien pour le contenu que pour la pédagogie et les méthodes à suivre.
Le chemin parcouru par la catéchèse durant cette période a été partout marqué par le dévouement généreux de nombreuses personnes, par des initiatives admirables, par de beaux fruits pour l'éducation et la maturation dans la foi, d'enfants, de jeunes et d'adultes. Cependant, il y eut en même temps des lacunes doctrinales et des expériences qui ont appauvri la qualité de la catéchèse. Elles furent dues en grande partie à l'évolution du contexte culturel mondial et à des questions ecclésiales qui ne relèvent pas de la catéchèse.
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Le magistère de l'Eglise n'a jamais cessé, au cours de ces années, d'exercer sa sollicitude pastorale envers la catéchèse. Dans tous les continents, de nombreux évêques et conférences épiscopales ont donné un élan remarquable à l'activité catéchétique, notamment en publiant de bons catéchismes et des orientations pastorales, en encourageant la formation d'experts et en favorisant la recherche catéchétique. Ces efforts ont été féconds et ont favorablement influencé la pratique catéchétique des Eglises particulières. Le Rituel pour l'initiation chrétienne des adultes, promulgué le 6 janvier 1972 par la Congrégation pour le Culte divin, a, d'autre part, apporté une particulière richesse au renouveau de la catéchèse.
Et il faut rappeler, d'une façon spéciale, le ministère de Paul VI, le Pape qui a guidé l'Eglise pendant la première période de l'après-Concile. Jean Paul II a dit de lui: " Par ses gestes, sa prédication, son interprétation autorisée du Concile Vatican II - qu'il considérait comme le grand catéchisme des temps modernes -, par sa vie entière, mon vénéré prédécesseur Paul VI a servi la catéchèse de l'Eglise d'une manière particulièrement exemplaire ".(2)
Notes:
(2) CTR 2
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Une pierre angulaire, déterminante pour la catéchèse, a été la réflexion engagée à l'occasion de l'Assemblée générale du Synode des Evêques sur l'Evangélisation dans le monde moderne, en octobre 1974. Les propositions de cette instance ont été présentées au Pape Paul VI qui a promulgué l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi le 8 décembre 1975. Ce document propose, entre autres, un principe qui mérite d'être souligné, à savoir que la catéchèse est une action évangélisatrice dans le cadre de la grande mission de l'Eglise. L'activité catéchétique devra, dorénavant, être considérée comme faisant constamment partie des besoins urgents et des préoccupations propres au mandat missionnaire pour notre temps.
De même, la dernière assemblée du Synode des évêques convoquée par Paul VI en octobre 1977 a choisi la catéchèse comme thème d'analyse et de réflexion épiscopale. Ce synode a vu " dans le renouveau catéchétique un don précieux de l'Esprit Saint à l'Eglise d'aujourd'hui ".(3)
Notes:
(3) CTR 3
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Jean-Paul II a accueilli cet héritage en 1978 et a formulé ses premières orientations dans l'exhortation apostolique Catechesi Tradendae, du 16 octobre 1979. Cette exhortation forme un tout cohérent avec l'exhortation Evangelii Nuntiandi et resitue pleinement la catéchèse dans le cadre de l'évangélisation.
Durant son pontificat, Jean-Paul II a constamment exercé un magistère de grande valeur catéchétique. Parmi ses discours, ses lettres et ses enseignements écrits, émergent les douze Encycliques - de Redemptor Hominis à Ut Unum Sint: elles constituent un corps de doctrine synthétique et organique, en application du renouveau de la vie ecclésiale souhaité par le Concile Vatican II.
Parmi ces documents du Magistère de Jean-Paul II, certains se distinguent par leur valeur catéchétique: Redemptor Hominis (4 mars 1979), Dives in Misericordia (30 novembre 1980), Dominum et vivificantem (18 mai 1986), et, pour réaffirmer la validité permanente du mandat missionnaire, Redemptoris Missio (7 décembre 1990).
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D'autre part, les assemblées générales, ordinaires et extraordinaires, du Synode des évêques, ont eu des répercussions particulières sur la catéchèse. Ainsi, les synodes de 1980 et de 1987, sur la mission de la famille et sur la vocation des laïcs baptisés. Les travaux de ces deux synodes ont été suivis par les exhortations apostoliques de Jean-Paul II: Familiaris Consortio (22 novembre 1981) et Christifideles Laici (30 décembre 1988). De même, le Synode extraordinaire des évêques de 1985 a marqué de manière décisive le présent et l'avenir de la catéchèse. Un bilan de 20 années d'application du Concile Vatican II a été dressé à cette occasion et les pères du Synode ont proposé au Saint-Père l'élaboration d'un catéchisme universel pour l'Eglise catholique. Jean-Paul II a non seulement accueilli favorablement cette proposition, mais il l'a faite sienne. Au terme d'un travail patient et complexe, le " Catéchisme de l'Eglise Catholique " a été remis aux évêques et aux Eglises particulières par le biais de la Constitution Apostolique Fidei Depositum, le 11 octobre 1992.
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Cet événement riche de signification et l'ensemble des actes et interventions du Magistère auxquels nous avons fait allusion, imposaient une révision du " Directoire général de catéchèse ", afin d'adapter cet instrument théologique et pastoral précieux à la situation et aux nécessités nouvelles. Recueillir cet héritage et en réaliser une synthèse en fonction de l'activité catéchétique, toujours dans la perspective de l'étape actuelle de la vie de l'Eglise, est un service que le Siège Apostolique rend à tous.
Le travail de révision du Directoire général de catéchèse, réalisé par les soins de la Congrégation pour le Clergé, a été effectué par un groupe d'évêques et par des experts en théologie et en catéchèse. Le texte a été envoyé pour consultation aux conférences épiscopales, à divers spécialistes, et aux principaux instituts ou centres d'études catéchétiques; le travail a été fait en respectant dans sa substance, l'esprit et le contenu du texte de 1971.
La nouvelle rédaction du Directoire général de catéchèse a dû tenir compte, bien sûr, de deux exigences majeures:
- d'une part, l'insertion de la catéchèse dans l'évangélisation, demandée par les Exhortations Evangelii Nuntiandi et Catechesi Tradendae;
- d'autre part, la prise en compte des contenus de la foi proposés par le Catéchisme de l'Eglise Catholique.
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Le nouveau Directoire général de catéchèse, tout en maintenant la structure de base du texte de 1971, s'articule de la façon suivante:
- Un exposé préliminaire donne des indications aidant à l'interprétation et à la compréhension des situations humaines et ecclésiales, à la lumière de la foi et en faisant confiance à la vitalité de la semence de l'Evangile. Il s'agit de brefs diagnostics en vue de la mission.
- La première partie(4) comprend trois chapitres et ancre davantage la catéchèse dans la Constitution conciliaire Dei Verbum, la situant dans le cadre de l'évangélisation présenté par Evangelii Nuntiandi et Catechesi Tradendae. Elle offre également une clarification sur la nature de la catéchèse.
- La deuxième partie(5) comprend deux chapitres. Le premier, intitulé " Normes et critères pour la présentation du message évangélique dans la catéchèse ", sous une nouvelle articulation et dans une perspective enrichie, rassemble tout le contenu du chapitre du premier texte. Le deuxième chapitre, totalement nouveau, est consacré à la présentation du catéchisme de l'Eglise catholique comme texte de référence dans la transmission de la foi par la catéchèse et dans la rédaction des catéchismes locaux. Le texte offre aussi des principes fondamentaux en vue de l'élaboration de catéchismes pour les Eglises particulières et locales.
- La troisième partie(6) se présente sous une forme assez renouvelée, en formulant différemment les lignes essentielles d'une pédagogie de la foi inspirée de la pédagogie divine, une question qui concerne autant la théologie que les sciences humaines.
- La quatrième partie(7) est intitulée " Les destinataires de la catéchèse ". En cinq chapitres brefs, elle examine les situations, fort différentes, des personnes auxquelles s'adresse la catéchèse, les aspects concernant la situation socio-religieuse, et, d'une manière spéciale, la question de l'inculturation.
- La cinquième partie(8) fait de l'Eglise particulière le centre de gravité de la catéchèse; elle a le devoir primordial de promouvoir, de prévoir, de surveiller et de coordonner toute l'activité catéchétique. On y met particulièrement en valeur la description des rôles respectifs des divers agents (qui trouvent toujours leur point de référence dans le pasteur de l'Eglise particulière), ainsi que les exigences de la formation en chacun des cas.
- La conclusion qui invite à intensifier, de nos jours, l'activité catéchétique, couronne la réflexion et les orientations par un appel à la confiance en l'action de l'Esprit Saint et en l'efficacité de la Parole de Dieu semée dans l'amour.
Notes:
(4) Correspond à la deuxième partie du DGC (1971).
(5) A les mêmes objectifs que la troisième partie du DGC (1971).
(6) Correspond à la quatrième partie du DGC (1971).
(7) Correspond à la cinquième partie du DGC (1971). Bien que certains, avançant des motivations significatives, aient suggéré de placer cette partie avant celle sur la pédagogie, nous avons préféré, vue la nouvelle structure de la troisième partie, maintenir l'ordre du texte de 1971. Nous voulons souligner ainsi que l'attention réservée au destinataire est une conséquence de la pédagogie divine elle-même, de la " condescendance " (DV 13) de Dieu dans l'histoire du Salut, de son adaptation, dans la Révélation, à la condition humaine.
(8) Prend en compte tous les éléments de la sixième partie du DGC (1971).
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Le but de ce Directoire est, bien sûr, le même que celui du texte de 1971. Il se propose, en effet, d'énoncer " les principes fondamentaux théologico-pastoraux, tirés du Magistère de l'Eglise et spécialement du Concile Oecuménique Vatican II, afin que l'action pastorale du ministère de la parole - et concrètement, la catéchèse - puisse ainsi être conduite et ordonnée de façon plus adaptée ".(9) L'intention était alors et reste essentiellement celle d'offrir des réflexions et des principes plutôt que de suggérer des applications immédiates ou de donner des directives pratiques. Cette démarche a été adoptée pour la raison suivante: ce n'est qu'en comprenant comme il se doit, dès le début, la nature et les objectifs de la catéchèse, ainsi que les vérités et les valeurs qui doivent être transmises, que l'on évitera des manques et des erreurs en matière catéchétique.(10)
Il est de la compétence spécifique des épiscopats de faire appliquer concrètement ces principes et ces énoncés, par des orientations et des directoires nationaux, régionaux ou diocésains, des catéchismes et par tout autre moyen qu'ils jugeront apte à promouvoir efficacement la catéchèse.
Notes:
(9) Cf. DGC (1971), Introduction.
(10) Cf. ibid
10
Il est évident que toutes les parties du Directoire n'ont pas la même importance. Celles qui traitent de la Révélation divine, de la nature de la catéchèse, des critères qui régissent l'annonce du message chrétien, valent pour tous. En revanche, les parties qui ont trait à la situation actuelle, à la méthodologie et à la manière d'adapter la catéchèse aux différents âges et contextes culturels, sont à prendre plutôt comme des indications et des orientations.(11)
Notes:
(11) Cf. ibid
11
Les destinataires du Directoire sont principalement les évêques, les conférences épiscopales, et, en général, ceux qui, sous leur mandat et direction, ont des responsabilités dans le domaine de la catéchèse. Il est évident que le Directoire peut être un instrument utile pour la formation des candidats au sacerdoce, pour la formation permanente des prêtres et pour la formation des catéchistes.
Un objectif immédiat du Directoire est d'aider à la rédaction des directoires de catéchèse et des catéchismes. Conformément aux suggestions avancées par de nombreux évêques, de nombreuses notes et références ont été insérées, qui peuvent être d'une grande utilité pour l'élaboration de tels instruments.
12
Le Directoire s'adressant aux Eglises particulières, dont les situations et les nécessités pastorales sont très variées, il n'a évidemment été possible que de prendre en considération les situations communes ou moyennes. Il en est de même lorsqu'il s'agit de décrire l'organisation de la catéchèse aux divers niveaux. Il est bon de tenir compte de cette observation dans l'utilisation du Directoire. Comme le faisait remarquer le texte de 1971, ce qui paraîtra insuffisant dans les régions où la catéchèse a atteint un niveau élevé de qualité et de moyens, semblera peut-être excessif là où la catéchèse ne connaît pas encore un tel développement.
13
En publiant ce document, nouveau témoignage de la sollicitude du Siège Apostolique à l'égard du ministère catéchétique, nous souhaitons qu'il soit accueilli, examiné et étudié avec attention, en tenant compte des nécessités pastorales de chaque Eglise particulière, et qu'il puisse également conduire à une étude et à une recherche plus approfondies, qui répondent aux besoins de la catéchèse ainsi qu'aux normes et aux orientations du Magistère de l'Eglise.
Que la Bienheureuse Vierge Marie, étoile de la nouvelle évangélisation, nous guide vers la pleine connaissance de Jésus-Christ, Maître et Seigneur.
" Enfin, frères, priez pour nous, demandant que la Parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée, comme elle le fait chez vous " (2Th 3,1) .
Du Vatican, le 15 août 1997
Solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie
Dario Castrillon Hoyos
Archevêque émérite de Bucaramanga
Pro-Préfet
et Crescenzio Sepe
Archevêque tit. de Grado
Secrétaire
L'annonce de l'Evangile dans le monde d'aujourd'hui
" Ecoutez! Voici que le semeur est sorti pour semer. Et il advint, comme il semait, qu'une partie du grain est tombée au bord du chemin, et les oiseaux sont venus et ont tout mangé. Une autre est tombée sur le terrain rocheux où elle n'avait pas beaucoup de terre, et aussitôt elle a levé, parce qu'elle n'avait pas de profondeur de terre; et lorsque le soleil s'est levé, elle a été brûlée, et, faute de racine, s'est desséchée. Une autre est tombée dans les épines et les épines ont monté et l'ont étouffée, et elle n'a pas donné de fruit. D'autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit en montant et en se développant, et ils ont produit, l'un trente, l'autre soixante, l'autre cent " (Mc 4,3-8) .
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Cet exposé préliminaire souhaite encourager les pasteurs et les agents de la catéchèse à prendre conscience de la nécessité de toujours prêter une grande attention au terrain à ensemencer, et à le faire dans une vision de foi et de miséricorde. L'interprétation du monde contemporain qui est présentée ici a évidemment un caractère provisoire, lié aux contingences historiques.
" Voici que le semeur est sorti pour semer " (Mc 4,3)
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Cette parabole est source d'inspiration pour l'évangélisation. " La semence, c'est la parole de Dieu " (Lc 8,11) . Le semeur est Jésus-Christ. Il annonça l'Evangile en Palestine il y a deux mille ans et envoya ses disciples le semer dans le monde. Jésus-Christ, aujourd'hui, présent dans l'Eglise par son Esprit, continue de répandre la Parole du Père dans le champ qu'est le monde.
La qualité du terreau est toujours très variée. L'Evangile tombe " au bord du chemin " (Mc 4,4) lorsqu'il n'est pas réellement écouté; il tombe sur le " terrain rocheux " (Mc 4,5) , sans pénétrer la terre en profondeur; " dans les épines " (Mc 4,7) , et il est aussitôt étouffé dans le coeur des hommes, aux prises avec nombre de préoccupations. Mais une partie tombe " dans la bonne terre " (Mc 4,8) , c'est-à-dire en des hommes et des femmes ouverts à la relation personnelle avec Dieu et solidaires avec leur prochain, et elle donne du fruit en abondance. Jésus, dans la parabole, annonce une bonne nouvelle: le Royaume de Dieu vient, en dépit des difficultés dues au terrain, des tensions, des conflits et des problèmes du monde. La semence de l'Evangile féconde l'histoire des hommes et annonce une récolte abondante. Jésus informe également que la Parole de Dieu ne germe que dans un coeur disposé à l'accueillir.
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L'Eglise continue de semer l'Evangile de Jésus dans le vaste champ de Dieu. Les chrétiens, insérés dans les contextes sociaux les plus divers, portent sur le monde le même regard que Jésus portait sur la société de son temps. Le disciple de Jésus-Christ participe, en effet, du dedans aux " joies et aux espoirs, aux tristesses et aux angoisses des hommes de ce temps ",(12)il regarde l'histoire humaine, il y participe, non seulement avec la raison mais aussi avec la foi. A la lumière de la foi, le monde apparaît en même temps " fondé et conservé par l'amour du Créateur, tombé sous l'esclavage du péché, mais libéré par le Christ, crucifié et ressuscité et qui a brisé le parvoir du Malin ".(13)
Le chrétien sait qu'à toute réalité et événement humain sont sous-tendues en même temps:
- l'action créatrice de Dieu, qui communique à tout être sa bonté,
- la force engendrée du péché, qui limite et engourdit l'homme,
- le dynamisme qui jaillit de la Pâque du Christ comme
un germe de renouveau qui donne au croyant l'espérance d'un " accomplissement " (14) définitif.
Un regard sur le monde qui ne tiendrait pas compte de l'un de ces trois aspects, ne serait pas authentiquement chrétien. C'est pourquoi il est important que la catéchèse sache initier les catéchumènes et les catéchisés à une lecture théologique des problèmes modernes.(15)
Notes:
(12) GS 1
(13) GS 2
(14) Ibid
(15) Cf. SRS 35
17
Mère des hommes, l'Eglise voit avant tout, avec une douleur profonde, " une multitude incalculable d'hommes et de femmes, d'enfants, d'adultes et de vieillards, en un mot une multitude des personnes humaines concrètes et uniques, qui souffrent sous le poids intolérable de la misère ".(16)
Par une catéchèse dans laquelle son enseignement social a sa place,(17) elle souhaite susciter dans le coeur des chrétiens " l'engagement pour la justice " (18) et l'" option ou amour préférentiel pour les pauvres ",(19) de sorte que sa présence soit vraiment la lumière qui éclaire et le sel qui transforme.
Notes:
(16) SRS 13 cf. EN 30
(17) Cf. CTR 29
(18) SRS 41 cf. Documents du Synode des Evêques, II: De Iustitia in mundo (30 novembre 1971), III, " L'éducation à la justice ": AAS 63 (1971) pp. 935-937; Lc 77
(19) SRS 42 cf. ChL 42; CEC 2444-2448 TMA 51
18
Dans son analyse du champ du monde, l'Eglise est très sensible à tout ce qui offense la dignité de la personne humaine.
Elle sait que les droits de l'homme découlent de cette dignité; (20) ils sont l'objet constant du souci constant et de l'engagement des chrétiens. C'est pourquoi son regard ne se porte pas uniquement sur les indicateurs économiques et sociaux,(21) mais surtout sur ceux qui sont culturels et religieux. Son objectif est le développement intégral des personnes et des peuples.(22)
L'Eglise se réjouit qu'actuellement " un courant bienfaisant parcourt et envahit tous les peuples de la terre, qui ont pris davantage conscience de la dignité de l'homme ".(23) Cette conscience s'exprime par un souci profond du respect des droits de l'homme et par un ferme rejet de ses violations. Le droit à la vie, au travail, à l'éducation, à la création d'une famille, à la participation à la vie publique, à la liberté religieuse sont, aujourd'hui, particulièrement revendiqués.
Notes:
(20) Cf. Jean XXIII, Encycl. Pacem in Terris (11 avril 1963), 9-27: AAS 55 (1963), pp. 261-270. On y signale quels sont pour l'Eglise les droits humains les plus fondamentaux. Aux numéros 28-34 (AAS 55 (1963))
(21) Cf. SRS 15.
(22) Cf. PP 14 CA 29
(23) ChL 5d; cf. SRS 26 VS 31.
19
Cependant en divers endroits, et en contradiction apparente avec la perception de la dignité de la personne, les droits de l'homme sont clairement bafoués,(24) Cela provoque d'autres formes de pauvreté qui ne sont pas d'ordre matériel: il s'agit d'une pauvreté culturelle et religieuse qui préoccupe également la communauté ecclésiale. La négation ou la limitation des droits de l'homme, en effet, appauvrit la personne et les peuples tout autant sinon plus que la privation de biens matériels.(25)
L'oeuvre évangélisatrice de l'Eglise, dans ce vaste domaine des droits de l'homme, ne peut renoncer à la tâche de faire découvrir la dignité inaliénable de toute personne humaine. En un certain sens, " c'est la tâche centrale et unifiante du service que l'Eglise, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes ".(26) La catéchèse doit les préparer à ce devoir.
Notes:
(24) Cf. ChL 5a; Synode 1985, II, D, 1.
(25) Cf. SRS 15 CEC 2444 CA 57.
(26) ChL 37a; cf. CA 47.
20
Le semeur sait que la semence pénètre en des terreaux concrets et qu'il lui faut absorber tous les éléments nécessaires pour porter du fruit.(27) Il sait également que, parfois, certains de ces éléments peuvent compromettre la germination et la récolte.
La constitution " Gaudium et Spes " souligne la grande importance de la science et de la technique dans la gestation et dans le développement de la culture moderne. La mentalité scientifique qui en découle " modifie profondément l'état culturel et les modes de penser "(28) avec des conséquences humaines et religieuses considérables. La rationalité scientifique et expérimentale est profondément enracinée dans l'homme d'aujourd'hui.
Cependant, la conscience que ce type de rationalité ne peut pas tout expliquer gagne aujourd'hui du terrain. Les hommes de science eux-mêmes constatent qu'un autre type de connaissance doit s'ajouter à la rigueur de l'expérience pour comprendre en profondeur l'être humain. La réflexion philosophique sur le langage montre, par exemple, que la pensée symbolique est une forme d'accès au mystère de la personne humaine, inaccessible autrement. D'où l'exigence d'une rationalité qui ne divise pas l'être humain, qui intègre son affectivité, l'unifie, donnant un sens plus profond à sa vie.
Notes:
(27) Cf. AGD 22.
(28) GS 5
21
Ces " nouvelles formes de culture "(29) s'accompagnent aujourd'hui d'un désir croissant de remettre en valeur les cultures autochtones. La question du Concile demeure: " Comment favoriser le dynamisme et l'expansion d'une culture nouvelle sans que disparaisse la fidélité vivante à l'héritage des traditions? ".(30)
- En de nombreux lieux, on se rend compte que les cultures traditionnelles subissent l'agression d'influences extérieures dominantes et d'imitations aliénantes de modes de vie importés, qui minent progressivement l'identité et les valeurs propres des peuples.
- On constate aussi l'influence considérable des moyens de communication qui, à des fins économiques ou idéologiques souvent, imposent une vision de la vie qui ne respecte pas la physionomie culturelle des peuples auxquels ils s'adressent.
L'évangélisation trouve ainsi, dans l'inculturation, l'un de ses plus grands défis. L'Eglise, à la lumière de l'Evangile, doit assumer toutes les valeurs positives de la culture et des cultures,(31) et rejeter les éléments qui empêchent les personnes et les peuples de développer leurs potentialités authentiques.
Notes:
(29) GS 54
(30) GS 56.
(31) Cf. EN 20 CTR 53
22
Parmi les éléments qui constituent le patrimoine culturel d'un peuple, l'aspect religieux et moral revêt, pour le semeur, une importance particulière. L'indifférence religieuse continue de se diffuser dans la culture actuelle: " Beaucoup de nos contemporains (.) ne perçoivent pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit l'homme à Dieu ".(32)
L'athéisme, négation de Dieu, " compte parmi les faits les plus graves de ce temps ".(33) Il s'exprime avec des nuances diverses mais, de nos jours, il se manifeste sous la forme du sécularisme qui consiste en une vision autonomiste de l'homme et du monde " d'après laquelle ce dernier s'explique par lui-même sans qu'il soit besoin de recourir à Dieu ".(34) Dans le domaine spécifiquement religieux, il y a pourtant des " signes d'un retour au sens du sacré ",(35) d'une soif nouvelle de réalités trancendantes et divines. Le monde actuel témoigne, sous des formes toujours plus vastes et plus vives, d'" un réveil de la recherche religieuse ".(36) Ce phénomène n'est certes pas dépourvu d'ambiguités.(37) La prolifération des sectes et des nouveaux mouvements religieux ainsi que la résurgence du " fondamentalisme "(38) incitent l'Eglise à s'interroger sérieusement et méritent une analyse très attentive.
Notes:
(32) GS 19
(33) Ibid
(34) EN 55 cf. GS 19 cf. Lc 41
(35) Synode 1985, II, A, 1.
(36) ChL 4.
(37) Cf. RMA 38
(38) CA 29 ad c; 46c.
23
La situation morale évolue de la même manière, de nos jours, que la situation religieuse. On constate en effet un obscurcissement de la vérité ontologique de la personne humaine. Tout se passe comme si le refus de Dieu voulait signifier une rupture intérieure des aspirations de l'être humain.(39) On assiste ainsi, en de nombreux endroits, à un " relativisme éthique qui enlève à la convivialité civile toute référence morale sûre ".(40)
L'évangélisation trouve dans le terrain religieux et moral un champ privilégié. La mission première de l'Eglise est, en effet, d'annoncer Dieu et d'être son témoin face au monde. Il s'agit de faire connaître le vrai visage de Dieu ainsi que son dessein d'amour et de salut pour les hommes, comme Jésus l'a révélé.
Pour préparer de tels témoins, l'Eglise doit développer une catéchèse qui favorise la rencontre avec Dieu, et qui renforce un lien permanent de communion avec Lui.
Notes:
(39) Cf. GS 36 Jean-Paul II, dans l'Encyclique Dominum et vivificantem (18 mai 1996), DEV 38: AAS 78 (1986), pp. 851-852, fait aussi ce rapprochement: " L'idéologie de la ?mort de Dieu' montre aisément par ses effets qu'elle est, sur le plan théorique comme sur le plan pratique, l'idéologie de la mort de l'homme ".
(40) VS 101 cf. EV 19-20
24
Les disciples de Jésus sont immergés dans le monde comme un levain, mais comme à chaque époque, ils n'échappent pas à l'influence des situations humaines.
C'est pourquoi il est nécessaire de s'interroger sur la situation actuelle de la foi des chrétiens.
Le renouveau catéchétique réalisé dans l'Eglise lors des dernières décennies est en train de donner de nombreux fruits positifs.(41) La catéchèse des enfants, des jeunes et des adultes, au cours de ces dernières années, a donné naissance à un type de chrétien vraiment conscient de sa foi et vivant en cohérence avec elle. Cette catéchèse a en effet favorisé chez ces chrétiens:
- une nouvelle expérience vitale de Dieu comme Père miséricordieux;
- une redécouverte plus profonde de Jésus-Christ, non seulement dans sa divinité mais aussi dans sa véritable humanité;
- le sens d'être tous coresponsables de la mission de l'Eglise dans le monde;
- la prise de conscience des exigences sociales de la foi.
Notes:
(41) Cf. CTR 3 MPD 4.
25
Cependant, devant le panorama religieux actuel, un test s'impose aux fils de l'Eglise: " A quel point ne sont-ils pas eux-mêmes atteints par l'atmosphère de sécularisme et de relativisme éthique? "(42)
Une première catégorie est représentée par " des multitudes de personnes qui ont reçu le baptême mais vivent en dehors de toute vie chrétienne ".(43) Il s'agit d'une foule de chrétiens " non-pratiquants ",(44) même si, au fond du coeur de beaucoup, le sentiment religieux n'a pas totalement disparu. Les réveiller à la foi est un véritable défi pour l'Eglise.
Il y a aussi les " gens simples "(45) qui expriment parfois des sentiments religieux très sincères et une " religiosité populaire "(46) très ancrée. Ils ont une certaine foi, " mais en connaissent mal les fondements ".(47) Il y a encore ces nombreux chrétiens, très cultivés, mais qui n'ont reçu de formation religieuse que dans leur enfance, et qui éprouvent le besoin de remettre en place leur foi et de la faire mûrir sous une autre lumière.(48)
. En outre, un certain nombre de baptisés cachent malheureusement leur identité chrétienne, soit en raison d'une mauvaise compréhension du dialogue interreligieux, soit parce qu'ils sont mal à l'aise pour témoigner de leur foi en Jésus-Christ dans la société contemporaine.
Ces situations de la foi des chrétiens réclament de toute urgence de la part du semeur la mise en route d'une " nouvelle évangélisation ",(49) surtout dans les Eglises d'ancienne tradition chrétienne, où le sécularisme a le plus pénétré. Dans cette situation nouvelle qui a besoin d'évangélisation, l'annonce missionnaire et la catéchèse, surtout pour les jeunes et les adultes, sont, de toute évidence, prioritaires.
Notes:
(42) TMA 36 cf. GS 19.
(43) EN 52 cf. CTR 19 CTR 42.
(44) EN 56
(45) EN 52
(46) EN 48 cf. CTR 54 ChL 34b; DGC (1971) 6; Synode 1985, II, A, 4.
(47) EN 52
(48) Cf. EN 52 CTR 44
(49) Cf. ChL 34b; RMA 33.
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Il est important d'examiner aussi la vie même de la communauté ecclésiale, sa qualité intime.
En premier lieu, il faut voir comment le Concile Vatican II a été accueilli dans l'Eglise et quels en ont été les fruits. Les grands documents conciliaires ne sont pas restés lettre morte: on constate leurs effets. Les quatre Constitutions (Sacrosanctum Concilium, et Gaudium et Spes ont fécondé l'Eglise. En effet:
- la vie liturgique est perçue davantage comme la source et le sommet de la vie ecclésiale.
- Le peuple de Dieu a pris une conscience plus vive du " sacerdoce commun "(50) qui trouve sa racine dans le baptême. En même temps, il redécouvre toujours plus la vocation universelle à la sainteté et un sens plus vif du service de la charité.
- La communauté ecclésiale a acquis un sens plus vif de la Parole de Dieu. L'Ecriture Sainte, par exemple, est lue, goûtée et méditée d'une manière plus intense.
- La mission de l'Eglise dans le monde est perçue d'une manière nouvelle. En effet, sur la base d'un renouveau intérieur, le Concile a montré aux catholiques l'exigence d'une évangélisation toujours liée à la promotion humaine; la nécessité du dialogue avec le monde et avec les diverses cultures et religions et l'urgence de rechercher l'unité des chrétiens.
Notes:
(50) LG 10
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Certes, des fautes et des difficultés ont marqué la réception du Concile,(51) il faut le reconnaître. Malgré l'ampleur et la profondeur de la doctrine ecclésiologique, le sens de l'appartenance à l'Eglise s'est affaibli; on assiste souvent à " une désaffection à l'égard de l'Eglise ".(52) On la regarde parfois unilatéralement comme une pure institution, privée de son mystère.
Des positions partiales et opposées ont été prises parfois dans l'interprétation et dans l'application du renouveau demandé à l'Eglise par le Concile Vatican II. De telles idéologies et attitudes ont conduit à des éclatements, compromettant le témoignage de communion indispensable pour l'évangélisation.
L'action évangélisatrice de l'Eglise, et en elle la catéchèse, doit chercher plus fermement à consolider la cohésion ecclésiale. Dans ce but, il est urgent de promouvoir et d'approfondir une authentique ecclésiologie de communion(53) et d'engendrer chez les chrétiens une spiritualité ecclésiale profonde.
Notes:
(51) Synode 1985, I, 3.
(52) Ibid.
(53) Cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre Communionis Notio (28 mai 1992), Koinonia : AAS 85 (1993), p. 838; TMA 36.
1997 Directoire pour la catechèse