2000 Dominus Iesus 16
16 Le Seigneur Jésus, unique sauveur, n'a pas simplement établi une communauté de disciples mais il a constitué l'Église comme mystère de salut: il est lui-même dans l'Église et l'Église est en lui (cf. Jn 15,1-10 Ga 3,28 Ep 4,15-16 Ac 9,5) ; c'est pourquoi la plénitude du mystère salvifique du Christ appartient aussi à l'Église, inséparablement unie à son Seigneur. La présence et l'oeuvre de salut de Jésus-Christ continuent en effet dans l'Église et à travers l'Église (cf. Col 1,24 -27),47 qui est son Corps (cf. 1Co 12,12-13 1Co 27 Col 1,18) .48 Et comme la tête et les membres d'un corps vivant sont inséparables mais distincts, le Christ et l'Église ne peuvent être ni confondus ni séparés et forment un seul « Christ total ».49 Cette non-séparation est aussi exprimée dans le Nouveau Testament par l'analogie de l'Église comme Épouse du Christ (cf. 2Co 11,2 Ep 5,25-29 Ap 21,2 Ap 21,9) .50
Par conséquent, compte tenu de l'unicité et de l'universalité de la médiation salvifique de Jésus-Christ, on doit croire fermement comme vérité de foi catholique en l'unicité de l'Église fondée par le Christ. Tout comme il existe un seul Christ, il n'a qu'un seul Corps, une seule Épouse: une « seule et unique Église catholique et apostolique ».51 De plus, les promesses du Seigneur de ne jamais abandonner son Église (cf. Mt 16,18 Mt 28,20) et de la guider par son Esprit (cf. Jn 16,13) impliquent, selon la foi catholique, que l'unicité et l'unité, comme tout ce qui appartient à l'intégrité de l'Église, ne feront jamais défaut.52
Les fidèles sont tenus de professer qu'il existe une continuité historique fondée sur la succession apostolique53 entre l'Église instituée par le Christ et l'Église catholique: « C'est là l'unique Église du Christ (...) que notre sauveur, après sa résurrection, remit à Pierre pour qu'il en soit le pasteur (cf. Jn 21,17) , qu'il lui confia, à lui et aux autres apôtres, pour la répandre et la diriger (cf. Mt 28,18, et dont il a fait pour toujours la "colonne et le fondement de la vérité" (1Tm 3,15) . Cette Église comme société constituée et organisée en ce monde, c'est dans l'Église catholique qu'elle se trouve (subsistit in), gouvernée par le successeur de Pierre et les Évêques qui sont en communion avec lui ».54 Par l'expression subsistit in, le Concile Vatican II a voulu proclamer deux affirmations doctrinales: d'une part, que malgré les divisions entre chrétiens, l'Église du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Église catholique; d'autre part, « que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures »,55 c'est-à-dire dans les Églises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Église catholique.56 Mais il faut affirmer de ces dernières que leur « force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l'Église catholique ».57
(47) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 14
(48) Cf. ibid., LG 7
(49) Cf. S. Augustin, Enarrat. in Psalmos, Ps 90, Sermo ,, 1: CCL 39, 1266; S. Grégoire le Grand, Moralia in Job, Praefatio, 6, 14: PL 75, 525; S. Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, III, q. 48, a. 2, ad 1.
(50) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 6
(51) Grand symbole de foi de l'Église arménienne: DS 48 Cf. Boniface VIII, Bulle Unam Sanctam: DS 870-872 Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 8
(52) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, n. UR 4; Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint, UUS 11: AAS 87 (1995) 921-982.
(53) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 20 cf. S. Irénée, Adversus haereses, III, 3, 1--3: SC 211,20-44 S. Cyprien, Epist. 33, 1: CCL B,B, 164-165; S. Augustin, Contra adversarium legis et prophetarum, 1, 20, 39: CCL 49, 70.
(54) Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 8
(55) Ibid,cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint, UUS 13. Cf. aussi Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 15 cf. Décr. Unitatis redintegratio, UR 3.
(56) Contraire à la signification authentique du texte conciliaire est donc l'interprétation qui tire de la formule subsistit in la thèse que l'unique Église du Christ pourrait aussi subsister dans des Églises et Communautés ecclésiales non catholiques. « Le Concile avait, à l'inverse, choisit le mot subsistit précisément pour mettre en lumière qu'il existe une seule "subsistance" de la véritable Église, alors qu'en dehors de son ensemble visible, existent seulement des elementa Ecclesiae qui étant des éléments de la même Église tendent et conduisent vers l'Église catholique » (À propos du livre « Église: charisme et pouvoir » du P. Leonardo Boff. Notification de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi: AAS 77 (1985) 756-762).
(57) Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, UR 3.
17 Il existe donc un'unique Église du Christ, qui subsiste dans l'Église catholique, gouvernée par le successeur de Pierre et les Évêques en communion avec lui.58 Les Églises qui, quoique sans communion parfaite avec l'Église catholique, lui restent cependant unies par des liens très étroits comme la succession apostolique et l'Eucharistie valide, sont de véritables Églises particulières.59 Par conséquent, l'Église du Christ est présente et agissante dans ces Églises, malgré l'absence de la pleine communion avec l'Église catholique, provoquée par leur non-acceptation de la doctrine catholique du Primat, que l'Évêque de Rome, d'une façon objective, possède et exerce sur toute l'Église conformément à la volonté divine.60
En revanche, les Communautés ecclésiales qui n'ont pas conservé l'épiscopat valide et la substance authentique et intégrale du mystère eucharistique,61 ne sont pas des Églises au sens propre; toutefois, les baptisés de ces Communautés sont incorporés au Christ par le baptême et se trouvent donc dans une certaine communion bien qu'imparfaite avec l'Église.62 Le baptême en effet tend en soi à l'acquisition de la plénitude de la vie du Christ, par la totale profession de foi, l'Eucharistie et la pleine communion dans l'Église.63
« Aussi n'est-il pas permis aux fidèles d'imaginer que l'Église du Christ soit simplement un ensemble divisé certes, mais conservant encore quelque unité d'Églises et de Communautés ecclésiales; et ils n'ont pas le droit de tenir que cette Église du Christ ne subsiste plus nulle part aujourd'hui de sorte qu'il faille la tenir seulement pour une fin à rechercher par toutes les Églises en commun ».64 En effet, « les éléments de cette Église déjà donnée existent, unis dans toute leur plénitude, dans l'Église catholique et, sans cette plénitude, dans les autres Communautés ».65 « En conséquence, ces Églises et Communautés séparées, bien que nous les croyions souffrir de déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L'Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se servir d'elles comme de moyens de salut, dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l'Église catholique ».66
Le manque d'unité entre les chrétiens est certes une blessure pour l'Église, non pas comme privation de son unité, mais « en tant qu'obstacle pour la réalisation pleine de son universalité dans l'histoire ».67
(58) Cf. Congr. pour la Doctrine de la Foi, Décl. Mysterium Ecclesiae, n. 1: AAS 65 (1973) 396-408.
(59) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, nn. UR 14 UR 15; Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lett. Communionis notio, n. 17: AAS 85 (1993) 838-850.
(60) Cf. Conc. OEcum. Vat. I, Const. dogm. Pastor aeternus: DS 3053-3064 Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 22
(61) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, UR 22.
(62) Cf. ibid., UR 3
(63) Cf. ibid., UR 22
(64) Congr. pour la Doctrine de la Foi, Décl. Mysterium Ecclesiae, n. 1.
(65) Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint, UUS 14.
(66) Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, UR 3.
(67) Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lett. Communionis notio, n. 17. Cf. aussi Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Unitatis redintegratio, UR 4.
18 La mission de l'Église est « d'annoncer le Royaume du Christ et de Dieu et de l'instaurer dans toutes les nations, formant de ce Royaume le germe et le commencement sur la terre ».68 D'un côté, l'Église est « sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ».69 Elle est donc signe et instrument du Royaume: appelée à l'annoncer et à l'instaurer. De l'autre côté, l'Église est le « peuple qui tire son unité de l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint »;70 elle est ainsi « le règne du Christ déjà mystérieusement présent »,71 puisqu'elle en constitue le germe et le principe. Le Royaume de Dieu a en effet une dimension eschatologique: c'est une réalité présente dans le temps, mais elle ne se réalisera pleinement qu'à la fin ou accomplissement de l'histoire.72
À partir des textes bibliques et des témoignages patristiques, comme des documents du Magistère de l'Église, on ne déduit une acception univoque ni pour Royaume des Cieux, Royaume de Dieu et Royaume du Christ ni pour leur rapport avec l'Église, elle-même mystère irréductible à un concept humain. Diverses explications théologiques peuvent donc exister sur ces problèmes. Cependant, aucune de ces explications possibles ne doit refuser ou réduire à néant le lien étroit entre le Christ, le Royaume et l'Église. En effet, le « Royaume de Dieu tel que nous le connaissons par la Révélation » ne peut être séparé « ni du Christ ni de l'Église (...). Si l'on détache le Royaume de Jésus, on ne prend plus en considération le Royaume de Dieu qu'il a révélé, et l'on finit par altérer le sens du Royaume, qui risque de se transformer en un objectif purement humain ou idéologique, et altérer aussi l'identité du Christ, qui n'apparaît plus comme le Seigneur à qui tout doit être soumis (cf. 1Co 15,27) . De même, on ne peut disjoindre le Royaume et l'Église. Certes, l'Église n'est pas à elle-même sa propre fin, car elle est ordonnée au Royaume de Dieu dont elle est germe, signe et instrument. Mais, alors qu'elle est distincte du Christ et du Royaume, l'Église est unie indissolublement à l'un et à l'autre ».73
(68) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 5
(69) Ibid., LG 1
(70) Ibid., LG 4 Cf. S. Cyprien, De Dominica oratione, 23: CCL 3A, 105.
(71) Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 3
(72) Cf. ibid., LG 9 Cf. aussi la prière à Dieu, que recueille la Didachè, 9, 4: SC 248,176: « Que ton Église soit rassemblée de la même manière des extrémités de la terre dans ton Royaume » et ibid., 10,5: SC 248,180: « Souviens-toi, Seigneur, de ton Église (...). Et rassemble-la des quatre vents, cette Église sanctifiée, dans ton Royaume que tu lui as préparé ».
(73) Jean-Paul II, Encycl. RMi 18 cf. Exhort. ap. Ecclesia in Asia, n. 17: en L'Osservatore Romano, 7 novembre 1999. Le Royaume est tellement inséparable du Christ que, dans un certain sens, il s'identifie à lui (cf. Origène, Commentaria in Matthaeum, 14, 7: PG 13, 1197; Tertullien, Adversus Marcionem, IV, 33, 8: CCL 1, 634.
19 Affirmer l'union inséparable entre Église et Royaume ne signifie cependant pas que le Royaume de Dieu même considéré dans sa phase historique s'identifie avec l'Église dans sa réalité visible et sociale. On ne doit pas oublier « l'action du Christ et de l'Esprit Saint hors des limites visibles de l'Église ».74 On doit donc garder en mémoire que « le Royaume concerne les personnes humaines, la société, le monde entier. Travailler pour le Royaume signifie reconnaître et favoriser le dynamisme divin qui est présent dans l'histoire humaine et la transforme. Construire le Royaume signifie travailler pour la libération du mal dans toutes ses formes. En un mot, le Royaume de Dieu est la manifestation et la réalisation de son dessein de salut dans sa plénitude ».75
En considérant les rapports entre le Royaume de Dieu, le Royaume du Christ et l'Église, il est de toute manière nécessaire d'éviter des formulations unilatérales comme ces « conceptions qui mettent délibérément l'accent sur le Royaume et se définissent comme "régnocentriques"; elles mettent en avant l'image d'une Église qui ne pense pas à elle-même, mais se préoccupe seulement de témoigner du Royaume et de le servir. C'est une "Église pour les autres" dit-on, comme le Christ est "l'homme pour les autres" (...). À côté d'aspects positifs, ces conceptions comportent souvent des aspects négatifs. D'abord, elles gardent le silence sur le Christ: le Royaume dont elles parlent se fonde sur un "théocentrisme", parce que dit-on le Christ ne peut pas être compris par ceux qui n'ont pas la foi chrétienne, alors que les peuples, les cultures et les diverses religions peuvent se rencontrer autour de l'unique réalité divine, quel que soit son nom. Pour le même motif, elles privilégient le mystère de la création qui se reflète dans la diversité des cultures et des convictions, mais elles se taisent sur le mystère de la rédemption. En outre, le Royaume tel qu'elles l'entendent, finit par marginaliser ou sous-estimer l'Église, par réaction à un "ecclésiocentrisme" supposé du passé et parce qu'elles ne considèrent l'Église elle-même que comme un signe, d'ailleurs non dépourvu d'ambiguïté ».76 Ces thèses sont contraires à la foi catholique parce qu'elles nient l'unicité de rapport du Christ et de l'Église avec le Royaume de Dieu.
(74) Jean-Paul II, Encycl. RMi 18
(75) Ibid., RMi 15
(76) Ibid., RMi 17
20 Ce qui a été jusqu'ici rappelé impose nécessairement des étapes au chemin que la théologie doit parcourir pour élucider le rapport de l'Église et des religions avec le salut.
On doit avant tout croire fermement que l'« Église en marche sur la terre est nécessaire au salut. Seul, en effet, le Christ est médiateur et voie de salut: or, il nous devient présent en son Corps qui est l'Église; et en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême (cf. Mc 16,16 Jn 3,5) , c'est la nécessité de l'Église elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du baptême, qu'il nous a confirmée en même temps ».77 Cette doctrine ne doit pas être opposée à la volonté salvifique universelle de Dieu (cf. 1Tm 2,4) ; aussi, « il est nécessaire de tenir ensemble ces deux vérités, à savoir la possibilité réelle du salut dans le Christ pour tous les hommes et la nécessité de l'Église pour le salut ».78
L'Église est « sacrement universel de salut »,79 parce que, de manière mystérieuse et subordonnée, toujours unie à Jésus-Christ sauveur, sa Tête, elle a dans le dessein de Dieu un lien irremplaçable avec le salut de tout homme.80 Pour ceux qui ne sont pas formellement et visiblement membres de l'Église, « le salut du Christ est accessible en vertu d'une grâce qui, tout en ayant une relation mystérieuse avec l'Église, ne les y introduit pas formellement mais les éclaire d'une manière adaptée à leur état d'esprit et à leur cadre de vie. Cette grâce vient du Christ, elle est le fruit de son sacrifice et elle est communiquée par l'Esprit Saint ».81 Elle est liée à l'Église, qui « tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père ».82
(77) Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 14 Cf. Décr. Ad gentes, AGD 7 Décr. Unitatis redintegratio, n. 3.
(78) Jean-Paul II, Encycl. RMi 9 Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, CEC 846-847
(79) Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 48
(80) Cf. S. Cyprien, De catholicae ecclesiae unitate, 6: CCL 3, 253-254; S. Irénée, Adversus haereses, III, 24, 1: SC 211,472474
(81) Jean-Paul II, Encycl. RMi 10
(82) Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Ad gentes, AGD 2 C'est dans le sens ici expliqué qu'il faut interpréter la formule célèbre extra Ecclesia nullus omnino salvatur (cf. Conc. OEcum. Latran IV, Cap. 1. De fide catholica: DS 802) . Cf. aussi Lettre du Saint-Office à l'archevêque de Boston: DS 3866-3872
21 Sur la modalité de transmission aux non-chrétiens de la grâce salvifique de Dieu, toujours donnée par le Christ en l'Esprit et dans un rapport mystérieux avec l'Église, le Concile Vatican II s'est contenté d'affirmer que Dieu la donne « par des voies connues de lui ».83 La théologie cherche à approfondir cette idée. Ce travail théologique doit être encouragé, parce qu'il sert sans aucun doute à une meilleure compréhension des desseins salvifiques de Dieu et des formes de leur réalisation. Cependant, d'après ce qui a été rappelé jusqu'ici sur la médiation de Jésus-Christ et sur la « relation singulière et unique »84 entre l'Église et le Royaume de Dieu parmi les hommes qui est en substance le Royaume du Christ sauveur universel , il serait clairement contraire à la foi catholique de considérer l'Église comme un chemin de salut parmi d'autres. Les autres religions seraient complémentaires à l'Église, lui seraient même substantiellement équivalentes, bien que convergeant avec elle vers le Royaume eschatologique de Dieu.
Certes, les différentes traditions religieuses contiennent et proposent des éléments de religiosité qui procèdent de Dieu,85 et font partie de « ce que l'Esprit fait dans le coeur des hommes et dans l'histoire des peuples, dans les cultures et les religions ».86 De fait, certaines prières et certains rites des autres religions peuvent assumer un rôle de préparation évangélique, en tant qu'occasions ou enseignements encourageant le coeur des hommes à s'ouvrir à l'action divine.87 On ne peut cependant leur attribuer l'origine divine et l'efficacité salvifique ex opere operato qui sont propres aux sacrements chrétiens.88 Par ailleurs, on ne peut ignorer que d'autres rites naissent de superstitions ou d'erreurs semblables (cf. 1Co 10,20-21) et constituent plutôt un obstacle au salut.89
(83) Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Ad gentes, AGD 7
(84) Jean-Paul II, Encycl. RMi 18
(85) Ce sont les semences du Verbe divin (semina Verbi), que l'Église reconnaît avec joie et respect (cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Ad gentes, AGD 11 Décl. Nostra aetate , NAE 2).
(86) Jean-Paul II, Encycl. RMi 29
(87) Cf. ibid.; Catéchisme de l'Église Catholique, CEC 843
(88) Cf. Concile OEcum. de Trente, Décr. De sacramentis, can. 8, de sacramentis in genere: DS 1608
(89) Cf. Jean-Paul II, Encycl. RMi 55
22 Avec l'avènement de Jésus-Christ sauveur, Dieu a voulu que l'Église par lui fondée fût l'instrument du salut de toute l'humanité (cf. Ac 17,30-31).90 Cette vérité de foi n'enlève rien à la considération respectueuse et sincère de l'Église pour les religions du monde, mais en même temps, elle exclut radicalement la mentalité indifférentiste « imprégnée d'un relativisme religieux qui porte à considérer que "toutes les religions se valent" ».91 S'il est vrai que les adeptes d'autres religions peuvent recevoir la grâce divine, il n'est pas moins certain qu'objectivement ils se trouvent dans une situation de grave indigence par rapport à ceux qui, dans l'Église, ont la plénitude des moyens de salut.92 « Tous les fils de l'Église doivent (...) se souvenir que la grandeur de leur condition doit être rapportée non à leurs mérites, mais à une grâce spéciale du Christ; s'ils n'y correspondent pas par la pensée, la parole et l'action, ce n'est pas le salut qu'elle leur vaudra, mais un plus sévère jugement ».93 On comprend ainsi que, suivant le commandement du Seigneur (cf. Mt 28,19-20) et comme exigence d'amour pour tous les hommes, l'Église « annonce, et est tenue d'annoncer sans cesse, le Christ qui est "la voie, la vérité et la vie" (Jn 14,6) , dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié toutes choses ».94
La mission ad gentes, dans le dialogue interreligieux aussi, « garde dans leur intégrité, aujourd'hui comme toujours, sa force et sa nécessité ».95 En effet, « "Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1Tm 2,4) . Dieu veut le salut de tous par la connaissance de la vérité. Le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de l'Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut; mais l'Église, à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. C'est parce qu'elle croit au dessein universel de salut qu'elle doit être missionnaire ».96 Le dialogue donc, tout en faisant partie de la mission évangélisatrice, n'est qu'une des actions de l'Église dans sa mission ad gentes.97 La parité, condition du dialogue, signifie égale dignité personnelle des parties, non pas égalité des doctrines et encore moins égalité entre Jésus-Christ Dieu lui-même fait homme et les fondateurs des autres religions. L'Église en effet, guidée par la charité et le respect de la liberté,98 doit en premier lieu annoncer à tous la vérité définitivement révélée par le Seigneur, et proclamer la nécessité, pour participer pleinement à la communion avec Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, de la conversion à Jésus-Christ et de l'adhésion à l'Église par le baptême et les autres sacrements. D'autre part la certitude de la volonté salvifique universelle de Dieu n'atténue pas, mais augmente le devoir et l'urgence d'annoncer le salut et la conversion au Seigneur Jésus-Christ.
(90) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 17 Jean-Paul II, Encycl. RMi 11
(91) Jean-Paul II, Encycl. RMi 36
(92) Cf. Pie XII, Encycl. Mystici corporis: DS 3821
(93) Conc. OEcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 14
(94) Conc. OEcum. Vat. II, Décl. Nostra aetate, NAE 2
(95) Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Ad gentes, AGD 7
(96) Catéchisme de l'Église Catholique, CEC 851 cf. CEC 849-856.
(97) Cf. Jean-Paul II, Encycl. RMi 55 Exhort. ap. Ecclesia in Asia, n. 31.
(98) Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décl. Dignitatis humanae, DH 1
23 Pour proclamer à nouveau et éclairer certaines vérités de foi, la présente Déclaration a voulu suivre l'exemple de l'apôtre Paul face aux Corinthiens: « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu » (1Co 15,3) . Vis-à-vis de certaines propositions problématiques voire même erronées, la réflexion théologique est appelée à confirmer la foi de l'Eglise et à donner raison de son espérance avec conviction et efficacité.
À propos de la vraie religion, les Pères du Concile Vatican II ont affirmé: « Cette unique et vraie religion, nous croyons qu'elle subsiste dans l'Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes, lorsqu'il dit aux apôtres: "Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28,19-20). Tous les hommes, d'autre part, sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église; et quand ils l'ont connue, de l'embrasser et de lui être fidèles ».99
La révélation du Christ continuera d'être dans l'histoire « la vraie étoile sur laquelle s'oriente » 100 toute l'humanité: « La Vérité, qui est le Christ, s'impose comme une autorité universelle ». 101 Le mystère chrétien dépasse en effet toute limite d'espace et de temps; il réalise l'unité de la famille humaine: « Des divers lieux et des différentes traditions, tous sont appelés dans le Christ à participer à l'unité de la famille des fils de Dieu (...). Jésus abat les murs de division et réalise l'unification de manière originale et suprême, par la participation à son mystère. Cette unité est tellement profonde que l'Église peut dire avec saint Paul: "Vous n'êtes plus des étrangers ni des hôtes; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la maison de Dieu" (Ep 2,19) ». 102
Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, au cours de l'audience accordée le 16 juin 2000 au soussigné cardinal Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avec science certaine et son autorité apostolique a approuvé la présente Déclaration, décidée en session plénière, l'a confirmée et en a ordonné la publication.
(99) Ibid
(100) Jean-Paul II, Encycl. Fides et ratio, FR 15.
(101) Ibid., FR 92
(102) Ibid., FR 70
Donné à Rome, au siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le 6 août 2000, en la fête de la Transfiguration du Seigneur.
Joseph Card. Ratzinger
Préfet
Tarcisio Bertone, S.D.B.
Archevêque émérite de Verceil
Secrétaire
2000 Dominus Iesus 16