1996 Denzinger 3007

Son interprète : l'Eglise

3007
Etant donné que certains ont présenté de manière défectueuse le décret que le saint concile de Trente, en vue de corriger des esprits effrontés, avait porté sur l'interprétation de la sainte Ecriture, Nous déclarons, en renouvelant ce même décret, que son intention est que, dans les matières de foi et de moeurs qui concernent l'élaboration de la doctrine chrétienne, on doit tenir pour véritable sens de la sainte Ecriture celui qu'a tenu et que tient notre Mère la sainte Eglise, à laquelle il appartient de juger du sens et de l'interprétation véritable des saintes Ecritures ; et que, dès lors, il n'est permis à personne d'interpréter cette sainte Ecriture contrairement à ce sens ni non plus contrairement au consentement unanime des Pères.

Chap. 3. La foi

Ce qu'est la foi

3008
Puisque l'homme dépend totalement de Dieu comme son créateur et Seigneur, et que la raison créée est complètement soumise à la Vérité incréée, nous sommes tenus de présenter par la foi à Dieu qui se révèle, la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté
3021 . Cette foi, qui est commencement du salut de l'homme 1532 , l'Eglise catholique professe qu'elle est une vertu surnaturelle par laquelle, prévenus par Dieu et aidés par la grâce, nous croyons vraies les choses qu'il nous a révélées, non pas à cause de leur vérité intrinsèque perçue par la lumière naturelle de la raison, mais à cause de l'autorité de Dieu même qui révèle, lequel ne peut ni se tromper ni nous tromper 2778 , 3022 . "Car la foi, atteste l'Apôtre, est la substance de ce que nous espérons et la preuve des réalités qu'on ne voit pas" He 11,1.

La foi est conforme à la raison

3009
Néanmoins, pour que l'hommage de notre foi soit conforme à la raison
Rm 12,1 Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés de preuves extérieures de sa Révélation, à savoir des faits divins et surtout les miracles et les prophéties qui, en montrant de manière impressionnante la toute-puissance de Dieu et sa science sans borne, sont des signes très certains de la Révélation divine, adaptés à l'intelligence de tous 3023-3024 . C'est pourquoi Moïse et les prophètes et surtout le Christ notre Seigneur firent des miracles nombreux et éclatants et prophétisèrent ; et, à propos des apôtres, nous lisons dans l'Ecriture "Etant partis, ils prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux et confirmant leurs paroles" Mc 16,20. Il est également écrit : "Nous avons une parole Prophétique plus forte, sur laquelle vous faites bien de fixer votre attention comme une lampe qui brille dans un lieu obscur" 2P 1,19.

La foi, un don de Dieu

3010
Bien que l'assentiment de la foi ne soit nullement un mouvement aveugle de l'esprit, personne cependant ne peut donner son adhésion à la prédication évangélique de la manière requise pour obtenir le salut "sans l'illumination et l'inspiration du Saint-Esprit qui donne à tous son onction lorsqu'ils adhèrent et croient à la vérité" (2ème concile d'Orange :
377 ). C'est pourquoi la foi en elle-même, même si elle n'opère pas par la charité, est un don de Dieu ; et l'acte de foi est une oeuvre salutaire, par laquelle l'homme offre à Dieu lui-même sa libre obéissance en acquiesçant et en coopérant à la grâce à laquelle il pouvait résister 1525 ss. ; 3025 .

L'objet de la foi

3011
Ajoutons qu'on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu, écrite ou transmise par la Tradition, et que l'Eglise propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel.

La nécessité de la foi

3012
Parce que "sans la foi il est impossible de plaire à Dieu"
He 11,6 et d'arriver à partager la condition de ses fils, personne jamais ne se trouve justifié sans elle et personne, à moins qu'il n'ait "persévéré en elle jusqu'à la fin" Mt 10,22 Mt 24,13, n'obtiendra la vie éternelle. Mais, pour que nous puissions satisfaire au devoir d'embrasser la vraie foi et de persévérer constamment en elle, Dieu, par son Fils unique, a institué l'Eglise et l'a pourvue de marques évidentes de son, institution afin qu'elle puisse être reconnue par tous comme la gardienne et la maîtresse de la Parole révélée.

Les secours extérieurs et intérieurs de la foi

3013
Car c'est à l'Eglise catholique seule que se réfèrent tous ces signes si nombreux et si admirables disposés par Dieu pour faire apparaître avec évidence la crédibilité de la foi chrétienne. Bien plus, l'Eglise, à cause de son admirable propagation, de son éminente sainteté et de son inépuisable fécondité en tout bien, à cause aussi de son unité catholique et de son invincible fermeté, est par elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité et un témoignage irréfutable de sa mission divine.

3014
Il en résulte que par elle-même l'Eglise, "comme un étendard levé parmi les nations"
Is 11,12, d'une part appelle à elle ceux qui n'ont pas encore cru, et d'autre part augmente en ses fils l'assurance que la foi qu'ils professent repose sur un fondement très ferme. A ce témoignage vient s'ajouter le secours efficace de la grâce d'en haut. Car le Seigneur plein de bienveillance d'une part excite et aide par sa grâce ceux qui sont dans l'erreur, afin qu'ils puissent "arriver à la connaissance de la vérité" 1Tm 2,4, et d'autre part confirme par sa grâce ceux qu'il a fait passer des ténèbres dans son admirable lumière 1P 2,9 Col 1,13, pour qu'ils persévèrent dans cette lumière, n'abandonnant quelqu'un que s'il est abandonné 1537 .
C'est pourquoi la condition de ceux qui ont adhéré à la vérité catholique grâce au don céleste de la foi n'est en rien semblable à celle de ceux qui, guidés par des opinions humaines, suivent une fausse religion ; en effet, ceux qui ont reçu la foi sous le magistère de l'Eglise ne peuvent jamais avoir un juste motif de changer ou de remettre en question cette foi 3026 . Dès lors, rendant grâces à Dieu le Père, qui nous a faits dignes de participer au sort des saints dans la lumière Col 1,12, ne négligeons pas un salut si grand He 2,3, mais "les yeux fixés sur Jésus, auteur de notre foi et qui la mène à sa perfection" He 12,2, "maintenons le témoignage inébranlable de notre espérance" He 10,23.

Chap. 4. La foi et la raison

Deux ordres de connaissances

3015
L'Eglise catholique a toujours tenu et tient encore qu'il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe, mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l'un c'est par la raison naturelle et dans l'autre par la foi divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s'ils ne sont divinement révélés
3021 .
C'est pourquoi l'Apôtre, qui témoigne que Dieu a été connu des gentils "par ses oeuvres" Rm 1,20, lorsqu'il parle de la grâce et de la vérité qui nous viennent de Jésus Christ Jn 1,17, déclare : "Nous prêchons la sagesse de Dieu dans le mystère, une sagesse cachée que Dieu a prédestinée avant tous les siècles pour notre gloire, qu'aucun des princes de ce siècle n'a connue... Dieu nous l'a révélée par son esprit, car l'esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu" 1Co 2,7 s. Et le Fils unique lui-même rend grâces au Père d'avoir caché ces choses aux sages et aux prudents et de les avoir révélées aux petits Mt 11,25.

La part de la raison dans l'élaboration de la vérité surnaturelle

3016
Lorsque la raison; éclairée par la foi, cherche avec soin, piété et modération, elle arrive par le don de Dieu à une certaine intelligence très fructueuse des mystères, soit grâce à l'analogie avec les choses qu'elle connaît naturellement, soit grâce aux liens qui relient les mystères entre eux et avec la fin dernière de l'homme ; jamais toutefois elle n'est rendue capable de les pénétrer de la même manière que les vérités qui constituent son objet propre. Car les mystères divins, par leur nature même, dépassent tellement l'intelligence créée que, même transmis par la Révélation et reçus par la foi, ils demeurent encore recouverts du voile de la foi, et comme enveloppés dans une certaine obscurité, aussi longtemps que, dans cette vie mortelle, nous cheminons loin du Seigneur, car c'est dans la foi que nous marchons et non dans la vision
2Co 5,6 s.

Pas d'opposition entre foi et raison

3017
Mais bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre la foi et la raison, étant donné que c'est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui a fait descendre dans l'esprit humain la lumière de la raison : Dieu ne pourrait se nier lui-même, ni le vrai jamais contredire le vrai. Cette vaine apparence de contradiction vient surtout de ce que les dogmes de la foi n'ont pas été compris et exposés selon l'esprit de l'Eglise, ou bien lorsqu'on prend des opinions fausses pour des conclusions de la raison. "Nous définissons donc comme étant complètement fausse toute assertion contraire à la Vérité de la foi éclairée" (5è concile du Latran
1441 ).

3018
De plus, l'Eglise, qui a reçu, en même temps que la charge apostolique d'enseigner, le commandement de garder le dépôt de la foi, a, de par Dieu, le droit et le devoir de proscrire la fausse "science"
1Tm 6,20, afin que nul ne soit trompé par le vain leurre de la philosophie (Col 2,8 3022 .
C'est pourquoi tous les chrétiens fermes dans leur foi non seulement n'ont pas le droit de défendre comme de légitimes conclusions de la science les opinions connues contraires à la foi, surtout si elles ont été réprouvées par l'Eglise, mais ils sont strictement tenus de les considérer plutôt comme des erreurs parées de quelque trompeuse apparence de vérité.

L'aide mutuelle que s'apportent la foi et la raison

3019
Non seulement, la foi et la raison ne peuvent jamais être en désaccord, mais encore elles s'aident mutuellement
2776 , 2811 . La droite raison démontre les fondements de la foi, et, éclairée par la lumière de celle-ci, elle s'adonne à la science des choses divines. Quant à la foi, elle libère et protège la raison des erreurs et lui fournit de multiples connaissances.
C'est pourquoi il n'est pas question que l'Eglise s'oppose à ce qu'on s'adonne aux sciences humaines et aux arts libéraux ; au contraire, elle les aide et les fait progresser de multiples façons. Elle n'ignore ni ne méprise les avantages qui en découlent pour la vie des hommes ; elle reconnaît même que, venues de Dieu, maître des sciences 1S 2,3, elles peuvent conduire à Dieu, avec l'aide de sa grâce, si on s'en sert comme il faut.
Elle n'interdit certes pas que ces sciences utilisent, chacune en son domaine, des principes et une méthode qui leur sont propres, mais en reconnaissant cette légitime liberté, elle est très attentive à ce qu'elles n'admettent pas des erreurs opposées à la doctrine divine, ou que, dépassant leurs frontières, elle n'envahissent ni ne troublent le domaine de la foi.

Ce qu'est le progrès dans la science théologique

3020
D'autre part, la doctrine de foi que Dieu a révélée n'a pas été proposée comme une découverte philosophique à faire progresser par la réflexion de l'homme, mais comme un dépôt divin confié à l'Epouse du Christ pour qu'elle le garde fidèlement et le présente infailliblement. En conséquence, le sens des dogmes sacrés qui doit être conservé à perpétuité est celui que notre Mère la sainte L'Eglise a présenté une fois pour toutes et jamais il n'est loisible de s'en écarter sous le prétexte ou au nom d'une compréhension plus poussée.
3023 .
"Que croissent et progressent largement et intensément, pour chacun comme pour tous, pour un seul homme comme pour toute l'Eglise, selon le degré propre à chaque âge et à chaque temps, l'intelligence, la science, la sagesse, mais exclusivement dans leur ordre, dans la même croyance, dans le même sens et dans la même pensée".

Canons

1. Dieu, créateur de toutes choses

Contre toutes les erreurs concernant l'existence de Dieu créateur.

3021
1. Si quelqu'un refuse d'admettre qu'il y a un seul Dieu vrai, créateur et Seigneur des choses visibles et invisibles, qu'il soit anathème
3001 .

Contre le matérialisme

3022
2. Si quelqu'un ne rougit pas d'affirmer qu'il n'existe rien en dehors de la matière, qu'il soit anathème
3002 .

Contre le Panthéisme et ses différentes formes

3023
3. Si quelqu'un dit que la substance ou l'essence de Dieu et de tous les êtres est une et identique, qu'il soit anathème
3001 .

3024
4. Si quelqu'un dit que les choses finies, soit corporelles soit spirituelles, ou au moins les spirituelles, sont émanées de la substance divine, ou que l'essence divine devient toute chose en se manifestant ou en évoluant, ou enfin que Dieu est l'être universel ou indéfini, qui, en se déterminant, constitue l'universalité des choses, distinctes en genres, espèces et individus, qu'il soit anathème.

Contre Panthéistes et matérialistes contre les Günthériens,

et les Hermésiens.

3025
5. Si quelqu'un ne confesse pas que le monde et toutes les réalités qu'il contient, spirituelles et matérielles, ont été produits de Dieu dans la totalité de leur substance,
ou s'il dit que Dieu n'a pas créé par une volonté libre de toute nécessité, mais aussi nécessairement qu'il s'aime lui-même, ou s'il nie que le monde ait été créé pour la gloire de Dieu, qu'il soit anathème.

2. La Révélation

Contre ceux qui nient la théologie naturelle

3026
1. Si quelqu'un dit que le Dieu unique et véritable, notre Créateur et Seigneur, ne peut être connu avec certitude par ses oeuvres grâce à la lumière naturelle de la raison humaine, qu'il soit anathème.
3004 .

Contre le déisme

3027
2. Si quelqu'un dit qu'il est impossible ou inutile que l'homme soit instruit par la Révélation divine sur Dieu et sur le culte qu'il faut lui rendre, qu'il soit anathème.

Contre le rationalisme sans limites

3028
3. Si quelqu'un dit que l'homme ne peut être élevé par Dieu à une connaissance et à une perfection qui dépassent celles qui lui sont naturelles, mais qu'il peut et doit par lui-même arriver finalement à la possession du vrai et du bien par un progrès continuel, qu'il soit anathème.

Contre la critique de la Bible par les rationalistes

3029
4. Si quelqu'un ne reçoit pas les livres de la sainte Ecriture comme sacrés et canoniques, dans leur intégrité et avec toutes les parties, tels qu'ils sont énumérés par le saint concile de Trente
1501-1508 , ou s'il nie qu'ils soient divinement inspirés, qu'il soit anathème 3006 .

3. La foi

Contre l'autonomie de la raison

3031
1. Si quelqu'un dit que la raison humaine est si indépendante que Dieu ne puisse exiger d'elle la foi, qu'il soit anathème
3008 .

3032
2. Si quelqu'un dit que la foi divine n'est pas distincte de la connaissance naturelle que l'on peut avoir de Dieu et des règles de la moralité, et que, par suite, il n'est pas requis pour la foi divine que l'on croie à la vérité révélée à cause de l'autorité de Dieu qui révèle, qu'il soit anathème
3008 .

Contre le fidéisme

3033
3. Si quelqu'un dit que la Révélation divine ne peut être rendue croyable par des signes extérieurs et que, dès lors, les hommes doivent être poussés à la foi uniquement par leur expérience intérieure personnelle ou par une inspiration privée, qu'il soit anathème
3009 .

Contre l'agnosticisme et le mythologisme

3034
4. Si quelqu'un dit qu'il ne peut pas y avoir de miracle et qu'en conséquence tous les récits qui les mentionnent, même ceux qui se trouvent dans la sainte Ecriture, doivent être rejetés comme des fables ou des mythes, ou que les miracles ne peuvent jamais être connus avec certitude ni servir à prouver efficacement l'origine de la religion chrétienne, qu'il soit anathème
3009 .

Contre les hermésiens

3035
5. Si quelqu'un dit que l'assentiment de la foi chrétienne n'est pas libre, mais qu'il est produit nécessairement par les arguments de la raison humaine, ou que la grâce de Dieu est seulement nécessaire pour la foi vivante qui opère par la charité
Ga 5,6, qu'il soit anathème 3010 .

3036
6. Si quelqu'un dit que les fidèles sont dans la même condition que ceux qui ne sont pas encore parvenus à l'unique foi véritable, en sorte que les catholiques pourraient avoir un juste motif, en suspendant leur assentiment, de révoquer en doute la foi qu'ils ont reçue sous le magistère de l'Eglise jusqu'à ce qu'ils aient terminé la démonstration scientifique de la crédibilité et de la vérité de leur foi, qu'il soit anathème
3014 .

4. La foi et la raison

3041
1. Si quelqu'un dit que la Révélation divine ne contient aucun mystère véritable et proprement dit, mais que tous les dogmes de la foi peuvent être compris et démontrés par la raison, convenablement cultivée, à partir des principes naturels, qu'il soit anathème
3015 et s

3042
2. Si quelqu'un dit qu'on doit traiter les disciplines humaines avec une liberté telle que, même si leurs affirmations s'opposent à la doctrine révélée, elles peuvent être reconnues comme vraies et ne peuvent être interdites par l'Eglise, qu'il soit anathème
3017 s .

3043
3. Si quelqu'un dit qu'il est possible que les dogmes proposés par l'Eglise se voient donner parfois, par suite du progrès de la science, un sens différent de celui que l'Eglise a compris et comprend encore, qu'il soit anathème
3020 .

Epilogue

3044
C'est pourquoi, remplissant notre charge pastorale, Nous conjurons par l'amour de Jésus Christ tous les fidèles du Christ, surtout ceux qui exercent une certaine autorité ou ceux qui ont la charge d'enseigner les autres, et Nous leur ordonnons, pour l'amour de Jésus Christ et par l'autorité de notre Dieu et Sauveur, d'apporter les efforts de leur zèle pour écarter et éliminer ces erreurs de la sainte Eglise catholique et pour répandre la lumière de la très pure foi.

3045
Mais comme il ne suffit pas d'éviter la perversité de l'hérésie si l'on ne fait aussi très attention à fuir les erreurs qui en sont plus ou moins proches, Nous avertissons tous les fidèles du devoir qu'ils ont d'observer aussi les constitutions et les décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et prohibe les opinions perverses qui ne sont pas mentionnées explicitement dans le présent document.

4ème session, 18 juillet 1870 : première constitution

dogmatique "Pastor aeternu

Préambule sur l'institution et le fondement de l'Eglise

3050
L'éternel pasteur et gardien de nos âmes
1P 2,25, afin de perpétuer l'oeuvre salutaire de la Rédemption, a décidé de fonder l'Eglise, dans laquelle, comme en la maison du Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d'une seule foi et d'une seule charité. C'est pourquoi, avant d'être glorifié, il pria son Père non seulement pour les apôtres, mais aussi pour ceux qui croiraient en lui, à cause de leurs paroles, pour que tous soient un, comme le Fils et le Père sont un Jn 17,20-21. De même qu'il envoya les apôtres qu'il s'était choisis dans le monde Jn 15,19 comme lui-même avait été envoyé par le Père Jn 20,21, ainsi voulut-il qu'il y eut dans son Eglise des pasteurs et des docteurs "jusqu'à la fin du monde" Mt 28,20.

3051
Pour que l'épiscopat soit un et non divisé et pour que, grâce à l'union étroite et réciproque des pontifes, la multitude entière des croyants soit gardée dans l'unité de la foi et de la communion, plaçant saint Pierre au-dessus des autres apôtres, il établit en sa personne le principe durable et le fondement visible de cette double unité. Sur sa solidité, se bâtirait le temple éternel et sur la fermeté de cette foi, s'élèverait l'Eglise, dont la grandeur doit toucher le ciel.

3052
Parce que les portes de l'enfer, en vue de renverser, s'il se pouvait, l'Eglise, se dressent de toutes parts avec une haine de jour en jour croissante contre ce fondement établi par Dieu, Nous jugeons nécessaire pour la protection, la sauvegarde et l'accroissement du troupeau catholique, avec l'approbation du saint concile, de proposer à tous les fidèles la doctrine qu'ils doivent croire et tenir, conformément à la foi antique et constante de l'Eglise, concernant l'institution. le caractère perpétuel et la nature de la primauté du Siège apostolique, sur lequel reposent sa force et la solidité de toute l'Eglise, et aussi de proscrire et de condamner les erreurs contraires, si pernicieuses pour le troupeau du Seigneur.

Chap. 1 - L'institution de la primauté apostolique en saint Pierre.

3053
Nous enseignons donc et Nous déclarons que, suivant les témoignages de l'Evangile, la primauté de juridiction sur toute l'Eglise de Dieu a été promise et donnée immédiatement et directement par le Christ notre Seigneur à l'apôtre saint Pierre. C'est en effet au seul Simon, auquel il avait été déjà dit : "Tu t'appelleras Cephas"
Jn 1,42, après que celui-ci l'avait confessé en disant : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant", que le Seigneur a adressé ces paroles solennelles "Heureux es-tu, Simon, fils de Jona, car ce n'est pas la chair ni le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux ; et moi, je te dis que tu es Pierre et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. Et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel" Mt 16,16-49. Et c'est au seul Simon Pierre que, après sa Résurrection, Jésus conféra la juridiction de pasteur et de guide suprême sur tout son troupeau en disant: "Pais mes agneaux, pais mes brebis" Jn 21,15-17


3054
A cette doctrine si claire des saintes Ecritures, telle qu'elle a toujours été comprise par l'Eglise catholique, s'opposent ouvertement les opinions fausses de ceux qui, pervertissant la forme du gouvernement institué par le Christ notre Seigneur, nient que, de préférence aux autres apôtres, pris soit isolément soit tous ensemble, Pierre seul se soit vu doté par le Christ d'une primauté de juridiction véritable et proprement dite, ou de ceux qui affirment que cette primauté n'a pas été conférée directement et immédiatement à saint Pierre mais à l'Eglise et, par celle-ci, à Pierre comme à son ministre.

3055
(Canon) Si donc quelqu'un dit que l'apôtre saint Pierre n'a pas été établi par le Christ notre Seigneur, chef de tous les apôtres et tête visible de toute l'Eglise militante ; ou que ce même apôtre n'a reçu directement et immédiatement du Christ qu'une primauté d'honneur et non pas une primauté de juridiction véritable et proprement dite, qu'il soit anathème.

Chap. 2. La perpétuité de la primauté de saint Pierre.

3056
Ce que le Christ notre Seigneur, chef des pasteurs et pasteur suprême des brebis, a institué dans le saint apôtre pour le salut éternel et le bien de l'Eglise doit nécessairement, grâce au même promoteur, se poursuivre sans interruption dans l'Eglise, laquelle, fondée sur la pierre, subsistera ferme jusqu'à la fin des siècles. "Personne ne doute et tous les siècles savent que le saint et heureux Pierre, chef et tête des apôtres, a reçu les clés du Royaume de notre Seigneur Jésus Christ, sauveur et rédempteur du genre humain: jusqu'à
maintenant et toujours, c'est lui qui, dans la personne de ses successeurs, les évêques du Saint-Siège de Rome fondé par lui et consacré par son sang, vit, préside et exerce le pouvoir de juger.

3057
Dès lors, quiconque succède à Pierre en cette chaire, reçoit, de par l'institution du Christ lui-même, la primauté de Pierre sur toute l'Eglise. "Ainsi demeure ce qu'ordonna la vérité, et saint Pierre, gardant toujours cette solidité de pierre qu'il a reçue, n'a pas abandonné le gouvernail de l'Eglise." Voilà pourquoi "c'est vers l'Eglise romaine, à cause de sa priorité prépondérante, qu'il a toujours été nécessaire que chaque Eglise, c'est-à-dire les fidèles venus de partout, se tourne" afin qu'ils ne fassent qu'un en ce siège d'où découlent sur tous "les droits de la vénérable communion", comme des membres unis à la tête dans l'assemblage d'un corps.

3058
(Canon) Si donc quelqu'un dit que ce n'est pas par l'institution du Christ ou de droit divin que saint Pierre a, et pour toujours, des successeurs dans sa primauté sur l'Eglise universelle, ou que le pontife romain n'est pas successeur de saint Pierre en cette primauté : qu'il soit anathème.


Chap. 3. Pouvoir et nature de la primauté du pontife romain

3059
C'est pourquoi, Nous fondant sur les témoignages clairs des saintes lettres et adhérant aux décrets explicitement définis tant par nos prédécesseurs, les pontifes romains, que par les conciles généraux, Nous renouvelons la définition du concile oecuménique de Florence, qui impose aux fidèles de croire "que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain détiennent le primat sur tout l'univers et que le pontife romain est quant à lui le successeur du bienheureux Pierre, prince des apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de l'Eglise entière, le Père et le docteur de tous les chrétiens ; et que c'est à lui qu'a été transmis par notre seigneur Jésus Christ, dans le bienheureux Pierre, le pouvoir plénier de paître de diriger et de gouverner l'Eglise universelle, ainsi qu'il est contenu dans les actes des conciles oecuméniques et dans les saints canons "
1307

3060
Ainsi donc, Nous enseignons et déclarons que l'Eglise romaine, par disposition du Seigneur, possède sur toutes les autres une primauté de pouvoir ordinaire et que ce pouvoir de juridiction du pontife romain, qui est vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tous rites et de tous rangs ainsi que les fidèles, tant chacun séparément que tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les moeurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l'Eglise répandue dans le monde entier ; de telle manière que, en gardant l'unité de communion et de profession de foi avec le pontife romain, l'Eglise est un seul troupeau sous un seul pasteur suprême
Jn 10,16. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s'écarter sans danger pour la foi et le salut.

3061
Mais il s'en faut de beaucoup que ce pouvoir du souverain pontife fasse obstacle au pouvoir de juridiction épiscopale ordinaire et immédiat par lequel les évêques, établis par l'Esprit Saint
Ac 20,28 successeurs des apôtres paissent et gouvernent en vrais pasteurs chacun le troupeau qui lui a été confié. Au contraire, ce pouvoir est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel, comme le dit saint Grégoire le Grand : "Mon honneur est l'honneur de l'Eglise universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Je suis vraiment honoré lorsqu'on rend à chacun l'honneur qui lui est dû."

3062
En outre, de ce pouvoir suprême qu'a le pontife romain de gouverner toute l'Eglise résulte pour lui le droit de communiquer librement, dans l'exercice de sa charge, avec les pasteurs et les troupeaux de toute l'Eglise afin de pouvoir les enseigner et les gouverner dans la voie du salut. C'est pourquoi Nous condamnons et réprouvons les opinions de ceux qui disent qu'on peut légitimement empêcher cette communication du chef suprême avec les pasteurs et les troupeaux, ou qui l'assujettissent au pouvoir civil en prétendant que ce qui est décidé par le Siège apostolique ou par son autorité, pour le gouvernement de l'Eglise, n'a de force ni de valeur que si le placet du pouvoir civil le confirme.

3063
Et parce que, en vertu du droit divin de la primauté apostolique, le pontife romain est à la tête de l'Eglise universelle, Nous enseignons et déclarons encore qu'il est le juge suprême des fidèles et que, dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut faire appel à son jugement
861 . Le jugement du Siège apostolique, auquel aucune autorité n'est supérieure, ne doit être remis en question par personne et personne n'a le droit de juger ses décisions 638-642 . C'est pourquoi ceux qui affirment qu'il est permis d'en appeler des jugements des pontifes romains au concile oecuménique comme à une autorité supérieure à ce pontife s'écartent du chemin de la vérité.

3064
(Canon) Si donc quelqu'un dit que le pontife romain n'a qu'une charge d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l'Eglise, non seulement en ce qui touche à la foi et aux moeurs mais encore en ce qui touche à la discipline et au gouvernement de l'Eglise répandue dans le monde entier, ou qu'il n'a que la part la plus importante et non pas la plénitude totale de ce pouvoir suprême ; ou que son pouvoir n'est pas ordinaire ni immédiat sur toutes et chacune des Eglises comme sur tous et chacun des pasteurs et des fidèles : qu'il soit anathème.


Chap. 4. Le magistère infaillible du pontife romain

3065
Que dans la primauté apostolique que le pontife romain. en tant que successeur de Pierre, prince des apôtres, a reçu sur l'Eglise universelle, soit inclus également le pouvoir suprême du magistère, c'est ce que ce Saint-Siège a toujours tenu, ce que l'usage perpétuel des Eglises confirme, et ce qu'ont déclaré les conciles oecuméniques, et tout particulièrement ceux où l'Orient se rencontrait avec l'Occident dans l'union de la foi et de la charité.

3066
En effet, les pères du 6ème concile de Constantinople, marchant sur les traces des anciens, ont émis cette solennelle profession de foi : "La condition première du salut est de garder la règle de la foi juste (...). Et parce qu'il n'est pas possible de négliger la parole de notre Seigneur Jésus Christ qui dit: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise"
Mt 16,18, ce qui a été dit est prouvé par les faits car la religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique et la doctrine catholique toujours professée dans Sa sainteté. Ne voulant donc nous séparer d'aucune façon de cette espérance et de cette foi (...), nous espérons mériter de rentrer dans la communion avec vous que prêche le Siège apostolique, communion dans laquelle réside, entière et vraie, la solidité de la religion chrétienne" 363-365 .

3067
Et avec l'approbation du 2ème concile de Lyon, les Grecs ont professé : "La sainte Eglise romaine possède aussi la primauté et autorité souveraine et entière sur l'ensemble de l'Eglise catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des apôtres, dont le pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, avant les autres, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement"
861 .

3068
Enfin le concile de Florence a défini : "Le pontife romain est le vrai vicaire du Christ, la tête de l'Eglise entière. Le Père et le docteur de tous les chrétiens ; et que c'est à lui, qu'a été transmis par notre Seigneur Jésus Christ dans le bienheureux Pierre, le pouvoir plénier de paître, de diriger et de gouverner l'Eglise universelle"
1307 .

3069
Pour s'acquitter de leur charge pastorale, nos prédécesseurs ont travaillé infatigablement à la propagation de la doctrine salutaire du Christ parmi tous les peuples de la terre et ils ont veillé avec un soin égal à sa conservation authentique et pure, là où elle avait été reçue. C'est pourquoi les évêques du monde entier, tantôt individuellement, tantôt réunis en synode, se conformant à la longue coutume des Eglises et aux formes de la règle antique, ont communiqué au Siège apostolique les dangers particuliers qui surgissaient en matière de foi, afin que les dommages causés à la foi fussent réparés là où celle-ci ne saurait subir de défaillance.
Les pontifes romains, selon que l'exigeaient les conditions de temps et des événements, tantôt en convoquant des conciles oecuméniques ou en sondant l'opinion de l'Eglise répandue sur la terre, tantôt par des synodes particuliers, tantôt grâce à d'autres moyens que leur fournissait la Providence, ont défini qu'on devait tenir ce qu'ils avaient reconnu avec l'aide de Dieu comme conforme aux saintes lettres et aux traditions apostoliques.

3070
Car le Saint-Esprit n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu'ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais pour qu'avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi. Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les vénérables pères, vénérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes ; ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurerait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : "J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères"
Lc 22,32.

3071
Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par Dieu à Pierre et à ses successeurs en cette chaire, afin qu'ils remplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de l'erreur, soit nourri de la doctrine céleste, afin que, toute occasion de schisme étant supprimée, l'Eglise soit conservée tout entière dans l'unité, et qu'établie sur son fondement elle tienne ferme contre les portes de l'enfer.

3072
Mais comme en ce temps, qui exige au plus haut point l'efficacité salutaire de la charge apostolique, il ne manque pas d'hommes qui en contestent l'autorité, Nous jugeons absolument nécessaire d'affirmer solennellement la prérogative que le Fils unique de Dieu a daigné joindre à la fonction pastorale suprême.

3073
C'est pourquoi, Nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l'origine de la foi chrétienne pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour l'exaltation de la religion catholique et pour le salut des peuples chrétiens, avec l'approbation du saint concile, nous enseignons que c'est une dogme révélé par Dieu :

3074
lorsque le pontife romain parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l'Eglise, il jouit, en vertu de l'assistance divine qui lui a été promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Eglise lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale ; par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables par elles- mêmes et non en vertu du consentement de l'Eglise.

3075
(Canon) Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu'il soit anathème.


1996 Denzinger 3007