1996 Denzinger 3075

Réponse du Saint-Office au vicaire apostolique d'Océanie

centrale, 18 décembre 1

Foi et intention du ministre du sacrement

3100
Questions : 1. Le baptême administré par ces hérétiques (méthodistes) est-il douteux en raison d'un défaut d'intention de faire ce qu'a voulu le Christ, s'il a été déclaré expressément par le ministre, avant qu'il ne baptise, que le baptême n'a pas d'effet sur l'âme ?

3101
2. Un baptême ainsi conféré est-il douteux si ladite déclaration n'a pas été faite de façon expresse immédiatement avant que le baptême soit conféré, mais qu'elle a été souvent proférée par le ministre et que cette doctrine est proclamée ouvertement dans cette secte?

3102
Réponse : On a déjà traité de ce doute dans le temps passé, et il a été répondu en faveur de la validité du baptême, comme tu peux le voir chez Benoît XIV, De synodis diocesanis l. VII, chap. VI, n. 9 où on trouve ceci : "Que l'évêque se garde de considérer comme incertaine et douteuse la validité d'un baptême pour la seule raison que le ministre hérétique par qui il a été conféré, du fait qu'il ne croit pas que par le bain de la régénération les péchés sont enlevés, ne l'aura pas conféré pour le pardon des péchés, et que donc il n'aura pas eu l'intention de l'accomplir tel qu'il a été établi par le Christ Seigneur... "
La raison en est clairement enseignée par le cardinal Bellarmin, De Sacramentis in genere 1.I, c. 27, n. 13 : après avoir exposé l'erreur de ceux... qui affirment qu'au canon 11 de la 7e session, le concile de Trente
1611 a défini qu'un sacrement n'est valide que si l'intention du ministre porte non seulement sur l'acte mais également sur la fin du sacrement, c'est-à-dire s'il a l'intention de faire ce pour quoi le sacrement est institué, il ajoute ceci : " .... dans tout le canon 11, en effet, le concile ne mentionne pas la fin du sacrement, et il ne dit pas qu'il faut que le ministre ait l'intention de faire ce qui est l'intention de l'Eglise, mais ce que l'Eglise fait. Or ce que fait l'Eglise ne signifie pas la fin, mais l'action... "
C'est pourquoi Innocent IV affirme dans De baptismo, chap. 2, n. 9 qu'un baptême est valide s'il est conféré par un sarrasin dont on sait qu'il croit que par l'immersion on est seulement mouillé, dès lors qu'il a l'intention de faire ce que font les autres qui baptisent.
Conclusion de la réponse : Pour 1. Non : car malgré l'erreur portant sur les effets du baptême l'intention de faire ce que fait l'Eglise n'est pas exclue. - Pour 2. I1 est répondu en 1.

Instruction de la Sacrée Congrégation pour la propagation de la

foi, 1873.

Gains perçus pour un prêt

3105
Conclusion (tirée de toutes les solutions mentionnées dans l'Instruction ) :
1. D'une manière générale, il faut dire à propos du gain perçu pour un prêt qu'absolument rien ne peut être perçu en vertu du prêt, c'est-à- dire de façon directe et simplement en raison de celui-ci.

3106
2. Percevoir quelque chose en plus du capital est licite si cela vient s'ajouter au prêt à un titre extrinsèque, qui n'est pas communément lié et inhérent au prêt de par la nature de celui-ci.

3107
3. Si quelque autre titre fait défaut, comme par exemple un gain qui cesse, une perte qui se produit, et le danger de perdre le capital ou des efforts à mettre en oeuvre pour retrouver le capital, le seul titre de la loi civile peut également être considéré comme suffisant dans la pratique, aussi bien par les fidèles que par leurs confesseurs à qui il n'est donc pas permis d'inquiéter leurs pénitents à ce sujet aussi longtemps que cette question demeure en jugement, et que le Saint-Siège ne l'a pas explicitement définie.

3108
4. La tolérance de cette pratique ne peut aucunement être étendue jusqu'à rendre honnête une usure, si minime soit elle, s'agissant de pauvres, ou une usure immodérée et excédant les limites de l'équité naturelle.

3109
5. Enfin, il n'est pas possible de déterminer de façon universelle quel montant de l'usure doit être considéré comme immodéré et excessif, et lequel doit être considéré comme juste et modéré, puisque cela doit être mesuré dans chaque cas particulier en considérant toutes les circonstances tenant aux lieux, aux personnes et au moment.

Réponses à la dépêche circulaire du chancelier Bismarck

au sujet de l'interprétation de la constitution "Pastor aeternus"

de Vatican I - Janvier - Mars 1875.


La juridiction du pape et des évêques

a) Déclaration commune des évêques d'Allemagne,

janvier-février 1875.

3112
(Doctrine fausse ) : La dépêche circulaire prétend, au sujet des décisions du concile du Vatican :
"De par ces décisions, le pape est désormais en mesure de s'arroger dans chaque diocèse les droits épiscopaux et de substituer le pouvoir pontifical à celui des évêques locaux."
"La juridiction épiscopale est absorbée par la juridiction papale."
"Le pape n'exerce plus, comme par le passé, certains droits réservés, déterminés, mais il est dépositaire du pouvoir épiscopal plein et entier." "Le pape remplace, en principe, chaque évêque individuellement, et il ne dépend que du pape de se mettre dans la pratique et à tout moment à la place de l'évêque vis-à-vis des gouvernements."
"Les évêques ne sont plus que ses instruments, ses fonctionnaires sans responsabilité propre ;"
"ils sont devenus, vis-à-vis des gouvernements, les fonctionnaires d'un souverain étranger, et à la vérité, d'un souverain qui, en vertu de son infaillibilité, est un souverain parfaitement absolu, plus que n'importe quel monarque absolu du monde."
Toutes ces thèses manquent de fondement, et sont en contradiction certaine avec le texte et le sens des décisions du concile du Vatican, texte et sens publiés et déclarés par le pape, l'épiscopat et les représentants de la science catholique.

3113
(Doctrine juste) : Sans doute les décisions du concile portent que le pouvoir de juridiction ecclésiastique du pape est : potestas suprema, ordinaria et immediata, une suprême puissance de gouvernement donnée au pape par Jésus Christ Fils de Dieu dans la personne de saint Pierre qui s'étend directement sur l'Eglise tout entière, par conséquent sur chaque diocèse et sur tous les fidèles, afin de conserver l'unité de la foi, de la discipline et du gouvernement de l'Eglise, et nullement une simple attribution consistant en quelques droits réservés. Mais ce n'est point là une nouvelle doctrine, c'est une vérité reconnue de la foi catholique,... récemment expliquée et confirmée par le concile du Vatican... contre les erreurs des gallicans, des jansénistes et des fébroniens. D'après cette doctrine de l'Eglise catholique, le pape est évêque de Rome, mais non évêque d'un autre diocèse ni d'une autre ville ; il n'est ni évêque de Breslau, ni évêque de Cologne, etc. Mais en sa qualité d'évêque de Rome, il est en même temps pape, c'est-à-dire le pasteur et chef suprême de l'Eglise universelle, chef de tous les évêques et fidèles, et son pouvoir papal doit être respecté et écouté partout et toujours et non pas seulement dans des cas spéciaux et exceptionnels. Dans cette position, le pape doit veiller à ce que chaque évêque remplisse son devoir dans toute l'étendue de sa charge. Si un évêque en est empêché, ou si un besoin quelconque s'en fait sentir, le pape a le droit et le devoir, non en sa qualité d'évêque du diocèse, mais en celle de pape d'ordonner tout ce qui est nécessaire pour l'administration du diocèse...

3114
Les décisions du concile du Vatican ne fournissent pas l'ombre d'un prétexte à prétendre que le pape est devenu par elles un souverain absolu et, en vertu de son infaillibilité, un souverain parfaitement absolu plus que n'importe quel monarque absolu du monde. D'abord le domaine de la puissance ecclésiastique du pape est essentiellement différent de celui sur lequel s'étend la souveraineté temporelle des monarques ; aussi les catholiques ne contestent nullement l'entière souveraineté de leur prince sur le terrain civil. Abstraction faite de tout cela, on ne peut pas non plus appliquer au pape la qualification de monarque absolu en matière ecclésiastique, parce que lui-même est soumis au droit divin, et il est lié aux dispositions tracées par Jésus Christ à son Eglise. Il ne peut pas modifier la constitution donnée à l'Eglise par son divin fondateur, comme un législateur temporel peut modifier la constitution de l'Etat. La constitution de l'Eglise est fondée dans tous ses points essentiels sur une ordonnance divine et demeure hors de l'atteinte de l'arbitraire humain.

3115
C'est en vertu de cette même institution divine, sur laquelle repose la papauté, que l'épiscopat est établi. Lui aussi a ses droits et ses devoirs en vertu de cette institution, donnée par Dieu même, que le pape n'a ni le droit ni le pouvoir de changer. C'est donc une erreur complète de croire que par les décisions du concile du Vatican "la juridiction papale absorbe la juridiction épiscopale", que le pape a "remplacé en principe individuellement chaque évêque", que les évêques ne sont plus "que les instruments du pape, et ses fonctionnaires sans responsabilité propre" ... En ce qui concerne cette (dernière) affirmation... nous ne pouvons que la récuser avec détermination. Ce n'est pas dans l'Eglise catholique qu'est admis le principe immoral et despotique que l'ordre d'un supérieur dégage sans restriction la responsabilité personnelle.

3116
Enfin, l'assertion que le pape est devenu, "en vertu de son infaillibilité, un souverain parfaitement absolu", repose sur une idée complètement fausse du dogme de l'infaillibilité papale. Comme le concile du Vatican l'a déclaré en termes clairs et nets, et comme cela résulte de la nature même de la chose, l'infaillibilité se rapporte exclusivement à une qualité du magistère du souverain pontife, et ce pouvoir s'étend exactement sur le même domaine que l'infaillible enseignement de l'Eglise, et il est lié au contenu de la sainte Ecriture et à la Tradition, aussi bien qu'aux décisions doctrinales données antérieurement par l'enseignement de l'Eglise. Dans l'exercice du pouvoir du pape, absolument rien n'a été changé.

b) Lettre apostolique "Mirabilis illa constantia" aux

évêques d'Allemagne, 4

3117
...Cette gloire de l'Eglise, vous l'avez de nouveau maintenue, vénérables frères, lorsque vous avez entrepris d'exposer le véritable sens des décrets du concile du Vatican artificieusement dénaturé dans une circulaire qui a été rendue publique, et que vous avez ainsi empêché que les fidèles ne se forment de fausses notions et qu'une odieuse falsification ne donne l'occasion d'entraver la liberté du choix d'un nouveau pontife. Votre déclaration collective se distingue tellement par sa clarté et son exactitude qu'elle ne laisse rien à désirer, qu'elle a été pour Nous la cause d'une grande joie et qu'il n'est nul besoin que Nous y ajoutions quelque chose. Mais les assertions mensongères de certaines feuilles périodiques exigent de Nous un témoignage plus solennel de Notre approbation, car, afin de maintenir les assertions par vous réfutées de la susdite circulaire, elles ont l'audace de refuser d'ajouter foi à vos explications, prétextant que votre interprétation des décrets du concile n'était qu'une interprétation adoucie et qu'elle ne répondait aucunement aux intentions de ce Siège apostolique.
Nous réprouvons donc de la manière la plus formelle cette supposition perfide et calomnieuse. Votre déclaration donne la pure doctrine catholique et par conséquent celle du saint concile et de ce Saint-Siège, parfaitement établie et clairement développée par des arguments évidents et irréfutables, de façon qu'elle démontre pour tout homme de bonne foi que, dans les décrets incriminés, on ne trouve absolument rien qui soit nouveau ou qui change quelque chose aux relations ayant existé jusqu'à présent, ou qui pourrait fournir un prétexte pour opprimer plus encore l'Eglise...

Décret du Saint-Office, 7 juillet 1875.

La doctrine de la transsubstantiation dans l'eucharistie.

3121
Question : Une explication de la transsubstantiation dans la très sainte eucharistie résumée dans les propositions suivantes peut-elle être tolérée :
1. De même que la raison formelle de l'hypostase est d'être par soi, ou de substituer par soi, de même la raison formelle de la substance est d'être en soi et de n'être pas soutenue, de façon actuelle, dans un autre comme dans un sujet premier ; les deux en effet doivent être clairement distingués : être par soi (qui est la raison formelle de l'hypostase), et être en soi (qui est la raison formelle de la substance).

3122
2. C'est pourquoi, de même que la nature humaine dans le Christ n'est pas une hypostase, puisqu'elle ne subsiste pas par elle-même mais a été assumée par l'hypostase supérieure, divine, de même une substance finie - par exemple la substance du pain - cesse d'être substance pour la seule raison, et sans autre changement d'elle-même, qu'elle est soutenue de façon surnaturelle dans un autre, en sorte qu'elle n'est plus en soi mais dans un autre comme dans un sujet premier.

3123
3. C'est pourquoi la transsubstantiation ou changement de toute la substance du pain en la substance du Corps de notre Seigneur Jésus Christ peut être expliquée en ce sens que le Corps du Christ, lorsqu'il devient substantiellement présent dans l'eucharistie, soutient la nature du pain, laquelle cesse d'être substance pour la seule raison, sans autre changement d'elle-même, qu'elle n'est plus en soi, mais dans un autre qui la soutient ; dès lors, la nature du pain demeure, mais la raison formelle de la substance cesse en elle ; et c'est pour quoi il n'y a pas deux substances mais une seule : à savoir celle du Corps du Christ.

3124
4. Il en résulte que dans l'eucharistie la matière et la forme des éléments du pain demeurent ; mais existant dans un autre de façon surnaturelle, elles n'ont plus la raison d'une substance, mais la raison d'un accident surnaturel, non pas comme si elles étaient attachées au Corps du Christ à la manière d'accidents naturels, mais uniquement parce qu'elles sont soutenues par le Corps du Christ de la manière qui a été dite.
Réponse . Telle qu'elle est présentée ici, elle ne peut pas être tolérée.


Instruction du Saint-Office à l'évêque de Nesqually, 24 janvier

1877.

Foi et intention du ministre du sacrement.

3126
...Votre Grandeur sait que c'est une règle de la foi qu'un baptême administré par quelqu'un, qu'il soit schismatique ou hérétique, ou même non- croyant, doit être considéré comme valide dès lors que concourent dans son administration les différents éléments par lesquels le sacrement est accompli, à savoir la matière requise, la forme prescrite, et la personne du ministre avec l'intention de faire ce que fait l'Eglise. Il en résulte que des erreurs particulières que professent, soit de façon privée, soit de façon publique, ceux qui l'administrent, ne peuvent pas porter atteinte à la validité du baptême ou de quelque sacrement que ce soit... Bien plus... des erreurs particulières de ceux qui l'administrent n'excluent pas de soi et de par leur nature propre cette intention que doit avoir le ministre, à savoir de faire ce que fait l'Eglise. (Est rappelée la réponse du Saint-Office du 18 décembre 1872, voir
3100 - 3102 .)
Votre Grandeur voit par conséquent... que des erreurs professées par les hérétiques... ne sont pas incompatibles avec cette intention que les ministres des sacrements sont tenus d'avoir concernant la nécessité de ces sacrements, à savoir de faire ce que fait l'Eglise, ou de faire ce que le Christ a voulu qu'il soit fait ; et ces erreurs ne peuvent pas induire par elles-mêmes une présomption générale contre la validité des sacrements en général et du baptême en particulier qui serait telle que de ce simple fait on pourrait établir un principe pratique applicable à tous les cas, en vertu duquel il faudrait en quelque sorte a priori, comme on dit, conférer à nouveau le baptême.

LÉON XIII : 20 février 1878-20 juillet 1903

Décret du Saint-Office, 20 novembre 1878.

Le baptême conféré de façon absolue et sous condition

3128
Question : Doit-on conférer le baptême sous condition à des hérétiques qui se convertissent à la religion catholique, quels que soient le lieu d'où ils viennent et la secte à laquelle ils appartiennent ?

Réponse : Non. Au contraire, lors de la conversion d'hérétiques, quels que soient le lieu d'où ils viennent et la secte à laquelle ils appartiennent, on doit s'enquérir au sujet de la validité du baptême reçu dans l'hérésie. Si après l'examen fait cas par cas, il apparaît qu'ils n'ont pas été baptisés ou qu'ils l'ont été de façon nulle, ils doivent être baptisés de façon absolue. Mais si, pour des raisons de temps et de lieu et enquête faite, rien n'est découvert, ni pour la validité, ni pour l'invalidité, ou qu'il demeure un doute probable concernant la validité du baptême, ils doivent alors être baptisés secrètement sous condition. Si enfin, il apparaît qu'il était valide, ils seront admis seulement à l'abjuration ou à la profession de foi.


Encyclique " Quod apostolici muneris ", 28 décembre 1878

Les droits de l'homme dans la société.

3130
Selon les enseignements de l'Evangile, l'égalité des hommes consiste dans le fait que, tous ayant reçu la même nature, ils ont été appelés à la même très haute dignité de fils de Dieu, en même temps que, une seule et même fin étant destinée à tous, chacun doit être jugé selon la même loi et obtenir la peine ou la récompense suivant son mérite.

3131
L'inégalité de droit et de pouvoir cependant émane de l'auteur même de la nature "de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom"
Ep 3,15. Mais les coeurs des princes et des sujets sont, selon la doctrine et les préceptes catholiques, si étroitement liés par des devoirs et des droits, que d'une part la passion du pouvoir se trouve tempérée, et que d'autre part l'obéissance est rendue facile, ferme et très noble. ...

3132
S'il devait arriver cependant que le pouvoir soit exercé par les princes de façon téméraire et au-delà de la mesure, la doctrine catholique ne permet pas de s'insurger contre eux de soi-même, de peur que la tranquillité de l'ordre ne soit de plus en plus perturbée, et que la société n'en reçoive un plus grand dommage. Et lorsque les choses en seront venues jusqu'au point qu'il ne paraisse pas d'autre espérance de salut, elle apprend que le remède doit mûrir de par les mérites de la patience chrétienne et d'instantes prières à Dieu.
Mais si des ordonnances des législateurs et des princes décident ou ordonnent quelque chose de contraire à la loi divine ou naturelle, la dignité et le devoir du nom chrétien ainsi que le précepte de l'Apôtre apprennent qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes
Ac 5,29....

3133
Quant à la tranquillité publique et domestique, la sagesse catholique, appuyée sur les préceptes de la loi divine et naturelle, y a pourvu très prudemment par ce qu'elle tient et enseigne sur le droit de propriété et la répartition de biens qui sont disposés pour la nécessité et l'utilité de la vie. Car tandis que les socialistes présentent faussement le droit à la propriété comme une invention humaine qui répugne à l'égalité naturelle des hommes, et que, prônant la communauté des biens, ils pensent qu'on ne doit pas supporter la pauvreté avec une âme égale et qu'on peut violer impunément les possessions et les droits de ceux qui sont plus riches, l'Eglise reconnaît beaucoup plus utilement et sagement que l'inégalité entre les hommes, naturellement dissemblables par les forces du corps et de l'esprit, existe également dans la possession des biens, et elle commande que le droit de propriété et de possession, qui provient de la nature même, soit maintenu intact et inviolable pour chacun ; elle sait en effet que le vol et la rapine ont été condamnés par Dieu, l'auteur et le gardien de tout droit, de sorte qu'il n'est pas même permis de porter le regard sur (de convoiter) le bien d'autrui, et que les voleurs et les larrons sont exclus, comme les adultères et les idolâtres, du Royaume des cieux
1Co 6,9 s.


Encyclique " Aeterni patris", 4 août 1879.

L'importance de la philosophie pour l'affermissement de la foi

3135
Assurément nous n'attribuons pas à la philosophie humaine une force et une autorité telles que nous l'estimerions capable de repousser ou de détruire toutes les erreurs ; de même en effet... que c'est par l'admirable lumière de la foi, répandue "non pas par des paroles persuasives de la sagesse humaine", "mais par la manifestation de l'esprit et de la force"
1Co 2,4 que l'univers a été rétabli dans sa dignité première, de même aussi, maintenant, c'est avant tout de la vertu toute-puissante et du secours de Dieu que nous devons attendre que... reviennent à la sagesse les esprits des mortels.
Cependant nous ne devons ni mépriser ni négliger les secours naturels qui ont été mis à la disposition des hommes par un bienfait de la sagesse divine... ; et de tous ces secours, l'usage bien réglé de la philosophie en est assurément un qui est éminent. Ce n'est pas en vain en effet que Dieu a implanté dans l'esprit de l'homme la lumière de la raison, et tant s'en faut que la lumière surajoutée de la foi éteigne ou amortisse la vigueur de l'intelligence : au contraire, elle la perfectionne et, en augmentant ses forces, elle la rend capable de choses plus grandes encore.

3136
Et tout d'abord, lorsque les sages en usent comme il convient, la philosophie est à même d'aplanir et d'affermir en quelque sorte le chemin vers la foi véritable, et de préparer convenablement l'esprit de ses disciples à accepter la Révélation.
Et de fait dans son extrême bonté Dieu, dans l'ordre des choses divines, n'a pas manifesté seulement par la lumière de la foi les vérités que l'intelligence humaine ne peut pas atteindre par elle-même, mais il en a manifesté également certaines qui ne sont pas totalement inaccessibles à la raison afin que, confirmées par l'autorité divine, elles puissent aussitôt et sans aucun mélange d'erreur être connues de tous.
De là vient que certaines vérités, proposées à croire par Dieu ou qui sont liées à la doctrine de la foi par des liens très étroits, ont été reconnues, convenablement démontrées et défendues par des sages des nations païennes, éclairés seulement par la raison naturelle.
Or ces vérités, connues des sages des nations païennes, il est de grande opportunité de les faire tourner à l'avantage et à l'utilité de la doctrine révélée, afin de faire voir avec évidence que la sagesse humaine elle aussi, et même le témoignage des adversaires, donnent leur appui à la foi chrétienne. ...

3137
Ces fondements étant ainsi très solidement posés (à l'aide de la philosophie), l'usage constant et multiple de la philosophie demeure requis pour que la théologie sacrée reçoive et revête la nature, la forme et le caractère d'une vraie science. Dans cette discipline, la plus noble de toutes, il est en effet de la plus haute nécessité que les parties nombreuses et variées des doctrines divines soient rassemblées en quelque sorte en un seul corps, que disposées avec ordre, chacune en son lieu, et déduites des principes qui leur sont propres, elles soient reliées ensemble par un lien adéquat enfin que toutes et chacune soient confirmées par des arguments propres et inébranlables.
On ne peut pas non plus taire ni dédaigner cette connaissance plus exacte et plus riche des réalités qui sont crues, et cette intelligence un peu plus claire - autant qu'il est possible - des mystères de la foi eux-mêmes qu'Augustin et d'autres Pères ont à la fois louée et cherché à atteindre, et dont le concile du Vatican lui-même (constitution sur la foi catholique, chap. 4..
3016 ) a déclaré qu'elle était très féconde. ...

3138
Enfin il appartient également aux disciplines philosophiques de protéger religieusement les vérités divinement révélées, et de combattre ceux qui ont l'audace de les attaquer. A cet égard, c'est un grand éloge pour la philosophie que d'être considérée comme un bastion pour la foi et comme un ferme rempart pour la religion. "Il est vrai, comme l'atteste Clément d'Alexandrie, que la doctrine du Sauveur est parfaite et qu'elle n'a besoin de rien, puisqu'elle est la force et la sagesse de Dieu. La philosophie grecque, s'y ajoutant, ne rend pas la vérité plus forte, mais comme elle rend impuissante l'attaque de la sophistique et empêche les entreprises insidieuses contre la vérité, c'est avec raison qu'on la présente comme la palissade et le mur de la vigne "....


L'excellence de la méthode scolastique et l'autorité qui

revient à Thomas d'Aq

3139
Parmi les docteurs scolastiques domine, et de haut, leur prince et maître à tous, Thomas d'Aquin, lui qui, comme le remarque Cajetan, "parce qu'il a vénéré au plus haut point les saints docteurs, a obtenu en quelque sorte l'intelligence de tous". Leurs doctrines, Thomas les a recueillies et assemblées comme des membres dispersés d'un corps, et il les a réparties en un ordre si admirable et leur a donné un tel accroissement, qu'on le considère à juste titre comme le défenseur spécial et l'honneur de l'Eglise catholique. ...

3140
Tout en proclamant qu'il faut recevoir volontiers et avec gratitude tout ce qui a été dit de façon sage, qui a été inventé et pensé de façon utile par quelqu'un, Nous vous exhortons tous... de façon pressante, pour la défense et l'honneur de la foi catholique, pour le bien de la société, pour l'accroissement de toutes les sciences, à rétablir et à propager le plus possible la sagesse d'or de saint Thomas. Nous disons la sagesse de saint Thomas : car si quelque chose a été recherché avec une subtilité trop grande par les docteurs scolastiques ou enseigné de façon trop inconsidérée, si quelque chose est moins en accord avec les doctrines éprouvées de temps ultérieurs, ou enfin si cela se trouve n'avoir aucune espèce de probabilité, Nous n'entendons nullement que cela soit proposé à l'intention de notre temps.



Encyclique "Arcanum divinae sapientiae" 10 février 1880.

La nature du mariage chrétien.

3142
(Toute la tradition enseigne que) le Christ Seigneur a élevé le mariage à la dignité de sacrement et (qu')il a fait, en même temps, que les époux, entourés et fortifiés par la grâce du ciel née de ses mérites, arrivent à la sainteté dans le mariage, et (que) c'est dans le mariage qu'il a, par une admirable ressemblance avec le modèle qu'est son union mystique avec l'Eglise, rendu parfait l'amour qui est dans notre nature et uni plus fortement, par le lien de la charité divine, la société, indivisible par nature, de l'homme et de la femme. ...
De même nous avons appris de l'autorité des apôtres que cette unité et cette stabilité perpétuelle qui étaient exigées depuis l'origine même des noces, le Christ a commandé qu'elle soit sainte et à jamais inviolable.

3143
Mais ce n'est pas en ce qui a été rappelé seulement que sont donnés la perfection chrétienne et l'accomplissement. Car en premier lieu la société conjugale s'est vu proposer quelque chose de plus élevé et de plus noble que ce qui existait auparavant, puisque la fin qui lui fut assignée ne fut pas seulement de propager le genre humain, mais d'engendrer à l'Eglise une descendance, des "concitoyens des saints et des familiers de Dieu"
Ep 2,19...
En second lieu, les devoirs de chacun des conjoints sont définis et leurs droits complètement décrits. Il faut en effet qu'ils se souviennent toujours qu'ils se doivent l'un à l'autre l'amour le plus grand, une constante fidélité, et une assistance inventive et assidue. L'homme est le chef de la famille et la tête de la femme ; celle-ci cependant, parce qu'elle est la chair de sa chair et l'os de ses os, doit être soumise à l'homme et lui obéir, non pas à la manière d'une servante, mais d'une compagne, en sorte que l'obéissance qu'elle lui rend ne soit ni sans dignité ni sans honneur. Mais en celui qui préside comme en celle qui obéit, puisque tous deux sont une image, l'un du Christ, l'autre de l'Eglise, il faut que ce soit toujours la charité divine qui règle le devoir. ...

Le pouvoir de l'Eglise sur le mariage chrétien

3144
Le Christ ayant donc ainsi, avec tant de perfection, renouvelé et relevé le mariage, en remit et confia à l'Eglise toute la discipline. Et ce pouvoir sur le mariage des chrétiens, l'Eglise l'a exercé en tous temps et en tous lieux, et elle l'a fait de façon à montrer que ce pouvoir lui appartenait en propre et qu'il ne tirait pas son origine d'une concession des hommes, mais qu'il avait été divinement accordé par la volonté de son fondateur. ...
De manière semblable, un droit du mariage égal pour tous et le même pour tous fut établi, par la suppression de l'ancienne distinction entre esclaves et hommes libres ; les droits de l'homme et de la femme sont égaux ; car comme le disait Jérôme, "chez nous, ce qui n'est pas permis aux femmes ne l'est pas non plus aux hommes, et c'est la même servitude dans la même condition" ; et ces mêmes droits se sont trouvés solidement confirmés du fait que la bienveillance est accordée en retour et en raison de la réciprocité des devoirs ; la dignité de la femme est affermie et reconnue ; il est défendu au mari de punir de mort la femme adultère et de violer la foi jurée en se livrant à la passion et à l'impudicité.
Et c'est aussi un fait important que l'Eglise ait limité, autant qu'il fallait, le pouvoir du père de famille, pour que la juste liberté des fils et des filles qui veulent se marier ne fût en rien diminuée ; qu'elle ait décrété qu'il ne peut pas y avoir de mariages entre parents et alliés à certains degrés, afin que l'amour surnaturel des époux se répande dans un plus vaste champ ; qu'elle ait cherché à écarter du mariage, autant qu'elle le pouvait, l'erreur, la violence et la fraude ; qu'elle ait voulu que la sainte pudeur de la couche nuptiale, la sûreté des personnes, l'honneur du mariage, la fidélité aux serments soient gardés intacts. Enfin elle a consolidé cette institution divine avec tant de force et avec une telle prévoyance de ses lois qu'il n'est pas de juge équitable qui ne reconnaisse que pour cette raison aussi, pour ce qui est du mariage, l'Eglise est la meilleure gardienne et le meilleur défenseur du genre humain...

3145
Personne non plus ne doit se laisser émouvoir par cette distinction, si fortement proclamée par les légistes régaliens, entre le contrat et le sacrement, dans le dessein de réserver à l'Eglise ce qui est du sacrement et de livrer le contrat au pouvoir et au vouloir des autorités civiles.
Une telle distinction, une telle dissociation plutôt, ne peut être acceptée, puisqu'il est reconnu que, dans le mariage chrétien, le contrat n'est pas dissociable du sacrement, et que, dès lors, il ne peut exister de contrat vrai et légitime qui ne soit par le fait même un sacrement. Car le Christ le Seigneur, a élevé le mariage à la dignité de sacrement or le mariage est le contrat lui-même dès lors qu'il est conclu selon le droit.

3146
A cela s'ajoute que la raison pour laquelle le mariage est un sacrement, c'est qu'il est un signe sacré qui produit la grâce et qui représente l'image des noces mystiques du Christ avec l'Eglise. Or la forme et la figure de celles- ci s'expriment dans le lien de l'union très intime qui relie réciproquement l'homme et la femme et qui n'est autre que le mariage lui-même. Il en résulte que tout mariage légitime entre chrétiens est en lui-même et par lui-même un sacrement. Rien n'est plus éloigné de la vérité qu'un sacrement qui serait un ornement ajouté ou une propriété venant du dehors, susceptible d'être dissociée et séparée du contrat par la volonté des hommes.



Réponse de la Sacrée Pénitencerie, 16 juin 1880.

La décision est importante pour le jugement à porter sur la

méthode Knaus- Ogi


1996 Denzinger 3075