1987 Donum Vitae
Réponses à quelques questions d'actualités
Instruction de la Congrégation pour la Doctrine de la foi
La congrégation pour la Doctrine de la foi a été interrogée par des Conférences épiscopales, des évêques, des théologiens, des médecins et homme de science, sur la conformité avec les principes de la morale catholique des techniques biomédicales permettant d'intervenir dans la phase initiale de la vie de l'être humain et dans les processus mêmes de la procréation. La présente instruction, fruit d'une vaste consultation, et en particulier d'une attentive évaluation des déclarations de divers épiscopats, n'entend pas rappeler tout l'enseignement de l'Eglise sur la dignité de la vie humaine maissante et de la procréation, mais offrir - à la lumière des précédents enseignements du Magistère - des réponses spécifiques aux principales questions soulevées à ce propos.
L'exposition est ordonnée de la manière suivante : une introduction rappellera les principes fondamentaux, de caractère anthropologique et moral, nécessaires pour une évaluation adéquate des problèmes et pour l'élaboration des réponses à ces demandes ; la première partie aura pour objet le respect de l'être humain à partir du premier moment de son existence ; la seconde partie affrontera les questions morales posées par les interventions de la technique sur la procréation humaine ; dans la troisième partie seront présentées quelques orientations sur les rapports entre loi morale et loi civile à propos du respect dû aux embryons et foetus humains (*) en relation avec la légitimité des techniques de procréation artificielle.
(*) Les termes de "zygote", "pré-embryon", "embryon" et "foetus" peuvent indiquer, dans le vocabulaire de la biologie, des stades successifs du développement d'un être humain. La présente Instruction use librement de ces termes, en leur attribuant une identique importance éthique, pour désigner le fruit - visible ou non - de la génération humaine, depuis le premier moment de son existence jusqu'à sa naissance. La raison de cette utilisation ressort du texte même (cf. I,1).
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Le don de la vie que Dieu, Créateur et Père, a confié à l'homme, impose à celui-ci de prendre conscience de sa valeur inestimable et d'en assurer la responsabilité. Ce principe fondamental doit être placé au centre de la réflexion, pour éclairer et résoudre les problèmes moraux soulevés par les interventions artificielles sur la vie naissante et sur les processus de la procréation. Grâce au progrès des sciences biologiques et médicales, l'homme peut disposer de ressources thérapeutiques toujours plus efficaces ; mais il peut aussi acquérir des pouvoirs nouveaux, aux conséquences imprévisibles, sur la vie humaine dans son commencement même et à ses premiers stades. Divers procédés permettent maintenant d'agit non seulement pour assister, mais aussi pour dominer les processus de la procréation. Ces techniques peuvent permettre à l'homme de "prendre en main son propre destin", mais elles l'exposent aussi "à la tentation d'outrepasser les limites d'une raisonnable domination de la nature" (1). Si elles peuvent constituer un progrès au service de l'homme, elles comportent aussi des risques graves. Aussi beaucoup lancent-ils un urgent appel pour que soient sauvegardés, dans les interventions sur la procréation, les valeurs et les droits de la personne humaine. Les demandes d'éclaircissements et d'orientations ne proviennent pas seulement des fidèles, mais aussi de ceux qui de toute façon reconnaissent à l'Eglise, "experte en humanité" (2), une mission au service de la "civilisation de l'amour" (3) et de la vie.
(1) JEAN-PAUL II, Discours aux participants du 81e Congrès de la Société Italienne de Médecine interne et du 82e Congrès de Chirurgie Générale, 27 octobre 1980:.AAS 72 (1980) 1126. (2) PAUL VI, Discours à l'Assemblée Générale des Nations Unies, 4 octobre 1965, 1: AAS 57 (1965) 878, PP 13 : AAS 59 (1967) 263. (3) PAUL VI, Homélie durant la Messe de clôture de l'Année Sainte, 25 décembre 1975: AAS 68 (1976)145; JEAN PAUL II, DM 30 : AAS 72 (1980) 1224.
Le Magistère de l'Eglise n'intervient pas au nom d'une compétence particulière dans le domaine des sciences expérimentales ; mais, après avoir pris connaissance des données de la recherche et de la technique, il entend proposer, en vertu de sa mission évangélique et de son devoir apostolique, la doctrine morale qui correspond à la dignité de la personne et à sa vocation intégrale, en exposant les critères de jugement moral sur les applications de la recherche scientifique et de la technique, en particulier pour tout ce qui concerne la vie humaine et ses commencements. Ces critères sont le respect, la défense et la promotion de l'homme, son "droit primaire et fondamental" à la vie, (4) sa dignité de personne dotée d'une âme spirituelle, de responsabilité morale, (5) et appelée à la communion bienheureuse avec Dieu.
(4) JEAN-PAUL II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l'Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983: AAS 76 (1984) 390. (5) Cf. DH 2.
L'intervention de l'Eglise, même en ce domaine, s'inspire de l'amour qu'elle doit à l'homme, en l'aidant à reconnaître et a respecter ses droits et ses devoirs. Cet amour s'alimente aux sources de la charité du Christ: en contemplant le mystère du Verbe Incarne, l'Eglise connaît aussi le "mystère de l'homme"; (6) en annonçant l'Evangile du salut, elle révèle à l'homme sa dignité et l'invite a découvrir pleinement sa vérité. L'Eglise rappelle ainsi la loi divine pour faire oeuvre de vérité et de libération.
(6) GS 22 ; JEAN-PAUL II, RH 8 : AAS 71 (1979) 270-272.
C'est en effet par bonté pour indiquer le chemin de la vie que Dieu donne aux hommes ses commandements et la grâce pour les observer; et c'est encore par bonté pour les aider à persévérer dans la même voie que Dieu offre toujours à chacun son pardon. Le Christ a compassion pour nos fragilités: Il est notre Créateur et notre Rédempteur. Que son Esprit ouvre les âmes au don de la paix de Dieu et à l'intelligence des ses préceptes.
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Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance: "homme et femme il les créa Gn 1,27, leur confiant la tâche de "dominer la terre" Gn 1,28. La recherche scientifique de base comme la recherche appliquée constituent une expression significative de cette seigneurie de l'homme sur la création. La science et la technique, précieuses ressources de l'homme quand elles sont mises à son service et en promeuvent le développement intégral au bénéfice de tous, ne peuvent pas indiquer à elles seules le sens de l'existence et du progrès humain. Etant ordonnées à l'homme, dont elles tirent origine et accroissement, c'est dans la personne et ses valeurs morales qu'elles trouvent l'indication de leur finalité et la conscience de leurs limites.
Il serait donc illusoire de revendiquer la neutralité morale de la recherche scientifique et de ses applications; d'autre part, les critères d'orientation ne peuvent pas être déduits de la simple efficacité technique, de l'utilité qui peut en découler pour les uns au détriment des autres, ou pis encore, des idéologies dominantes. Aussi la science et la technique requièrent-elles, pour leur signification intrinsèque même, le respect inconditionné des critères fondamentaux de la moralité; c'est-à-dire qu'elles doivent être au service de la personne humaine, des droits inaliénables, de son bien véritable et intégral, conformément au projet et à la volonté de Dieu (7).
(7) Cf. GS 35.
Le rapide développement des découvertes technologiques rend plus urgente cette exigence de respect des critères rappelés: la science sans conscience ne peut que conduire à la ruine de l'homme. "Notre époque, plus encore que les temps passés, a besoin de cette sagesse pour rendre plus humaines ses nouvelles découvertes. Il y a un péril effectif pour l'avenir du monde, à moins que ne surviennent des hommes plus sages" (8).
(8) GS 15 ; cf. aussi PAUL VI, Enc. PP 20 : AAS 59 (1967) 267; JEAN PAUL II, Enc. RH 15 : AAS 71 (1979) 286-289; Exhort. apost. FC 8 : AAS 74 (1982) 89.
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Quels critères moraux doit-on appliquer pour éclairer les problèmes posés aujourd'hui dans le cadre de la biomédecine? La réponse à cette demande suppose une juste conception de la nature de la personne humaine dans sa dimension corporelle.
En effet, c'est seulement dans la ligne de sa raie nature que la personne humaine peut se réaliser comme une "totalité unifiée" (9) ; or cette nature est en même temps corporelle et spirituelle. En raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d'organes et de fonctions ; il ne peut être évalué de la même manière que le corps des animaux, mais il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s'exprime à travers lui.
(9) JEAN-PAUL II, Exhort. apost. FC 11 : AAS 74 (1982) 92.
La loi morale naturelle exprime et prescrit les finalités, les droits et les devoirs qui se fondent sur la nature corporelle et spirituelle de la personne humaine. Aussi ne peut-elle pas être conçue comme normativité simplement biologique, mais elle doit être définie comme l'ordre rationnel selon lequel l'homme est appelé par le Créateur à diriger et à régler sa vie et ses actes, et, en particulier, à user et à disposer de son propre corps (10).
(10) Cf PAUL VI ,Enc. HV 10 : AAS 60 (1968) 487-488.
Une première conséquence peut être déduite de ces principes: une intervention sur le corps humain ne touche pas seulement les tissus, les organes et leurs fonctions, mais elle engage aussi à des niveaux divers la personne même; elle comporte donc une signification et une responsabilité morales, implicitement peut-être, mais réellement. Jean-Paul II rappelait avec force à l'Association Médicale Mondiale: "Chaque personne humaine, dans sa singularité absolument unique, n'est pas constituée seulement par son esprit, mais par son corps. Ainsi, dans le corps et par le corps, on touche la personne humaine dans sa réalité concrète. Respecter la dignité de l'homme revient par conséquent à sauvegarder cette identité de l'homme corpore et anima unus, comme le dit le Concile Vatican II GS 14. C'est sur la base de cette vision anthropologique que l'on doit trouver des critères fondamentaux pour les décisions à prendre s'il s'agit d'interventions non strictement thérapeutiques, par exemple d'interventions visant à l'amélioration de la condition biologique humaine" (11).
(11) JEAN-PAUL II, Discours aux participant à la 35e Assemblée Générale de l'Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983: AAS 76 (1984) 393.
Dans leurs applications, la biologie et la médecine concourent au bien intégral de la vie humaine lorsqu'elle viennent en aide à la personne, atteinte de maladie et d'infirmité, dans le respect de sa dignité de créature de Dieu. Nul biologiste ou médecin ne peut raisonnablement prétendre décider de l'origine et du destin des hommes au nom de sa compétence scientifique. Cette norme doit s'appliquer d'une façon particulière dans le domaine de la sexualité et de la procréation, où l'homme et la femme mettent en ouvre les valeurs fondamentales de l'amour et de la vie.
Dieu ,qui est amour et vie, a inscrit dans l'homme et la femme la vocation à une participation spéciale à son mystère de communion personnelle et à son oeuvre de Créateur et de Père (12). C'est pourquoi le mariage possède des biens spécifiques et des valeurs d'union et de procréation sans commune mesure avec celles qui existent dans les formes inférieures de la vie. Ces valeurs et significations d'ordre personnel déterminent du point de vue moral le sens et les limites des interventions artificielles sur la procréation et l'origine de la vie humaine. Ces interventions ne sont pas à rejeter parce qu'artificielles. Comme telles, elles témoignent des possibilités de l'art médical. Mais elles sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine, appelée à réaliser la vocation divine au don de l'amour et au don de la vie.
(12) Cf. JEAN-PAUL 11, Exhort. apost. FC 11 : AAS 74 (1982) 91-92; cf. aussi GS 50.
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Les valeurs fondamentales relatives aux techniques de procréation artificielle humaine sont au nombre de deux: la vie de l'être humain appelé à l'existence, et l'originalité de sa transmission dans le mariage. Le jugement moral sur les méthodes de procréation artificielle devra donc être formulé en référence à ces valeurs.
La vie physique, par laquelle commence l'aventure humaine dans le monde, n'épuise assurément pas en soi toute la valeur de la personne, et ne représente pas le bien surpême de l'homme qui est appelé à l'éternité. Toutefois, elle en constitue d'une certaine manière la valeur "fondamentale", précisément parce que c'est sur la vie physique que se fondent et se développent toutes les autres valeurs de la personne (13). L'inviolabilité du droit à la vie de l'être humain innocent "depuis le moment de la conception jusqu'à la mort" (14) est un signe et une exigence de l'inviolabilité même de la personne, à laquelle le Créateur a fait le don de la vie.
(13) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'avortement provoqué, 9: AAS 66 (1974) 736-737. (14) JEAN-PAUL II, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l'Association Médicale Mondiale octobre 1983: AAS 76 (1984) 390.
Par apport à la transmission des autres formes de vie dans l'univers, la transmission de la vie humaine a une originalité propre, qui dérive de l'originalité même de la personne humaine. "La transmission de la vie humaine a été confiée par la nature à un acte personnel et conscient, et comme tel soumis aux très saintes lois de Dieu : ces lois inviolables et immuables doivent être reconnnues et observées. C'est pourquoi on ne peut user de moyens et suivre des méthodes qui peuvent être licites dans la transmission de la vie des plantes et des animaux (15).
(15) JEAN XXIII, Enc. MM 3 : AAS , 53 (1961) 447.
Les progrès de la technique ont aujourd'hui rendu possible une procréation sans rapport sexuel, grâce à la renconte in vitro des cellules germinales précédemment prélevées sur l'homme et la femme. Mais ce qui est techniquement possible n'est pas pour autant moralement admissible. La réflexion rationnelle sur les valeurs fondamentales de la vie et de la procréation humaine est donc indispensable pour formuler l'évaluation morale à l'égard de ces interventions de la technique sur l'être humain dès les premiers stades de son développement.
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Pour sa part, le Magistère de l'Eglise offre aussi en ce domaine à la raison humaine la lumière de la Révélation: la doctrine sur l'homme enseignée par le Magistère contient beaucoup d'éléments qui éclairent les problèmes ici étudiés.
Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée, car l'homme est sur terre l'unique créature que Dieu a "voulue pour lui-même" (16) et l'âme spirituelle de tout homme est "immédiatement créée" par Dieu" (17) ; tout son être porte l'image du Créateur. La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte "l'action créatrice de Dieu" (18) et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin (19). Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme: personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent (20).
(16) Const. past. GS 24. (17) Cf. PIE XII, Enc. Humani Generis AAS 42 (1950) 575; PAUL VI, Solennelle Profession de Foi, 30 juin 1968: AAS 60 (1968)436. (18) JEAN XXIII, Enc. MM 3. AAS 53 (1961) 447; cf. JEAN-PAUL II, Discours aux prêtes participant à un séminaire d'études sur "la procréation responsable", 17 septembre 1983: Insegnamenti di Giovanni Paolo 11, VI, 2 (1983) 562: "A l'origine de toute personne humaine, il y a un acte créateur de Dieu; aucun homme ne vient à l'existence par hasard, il est toujours le terme de l'amour créateur de Dieu". (19) Cf. GS 24. (20) Cf. PIE XII, Discours à l'Union Médico-biologique "Saint- Luc", 12 novembre 1944: Discorsi e radiomessaggi, Vl (1944- 1945) 191-192.
La procréation humaine demande une collaboration responsable des époux avec l'amour fécond de Dieu (21) ; le don de la vie humaine doit se réaliser dans le mariage moyennant les actes spécifiques et exclusifs des époux, suivant les lois inscrites dans leurs personnes et dans leur union (22).
(21) Cf GS 50. (22) Cf GS 51 : "Lorsqu'il s'agit de mettre en accord l'amour conjugal avec la transmission responsable de la vie, la moralité du comportement ne dépend pas de la seule sincérité de l'intention et de la seule appréciation des motifs; mais elle doit être déterminée selon des critères objectifs, tirés de la nature même de la personne et de ses actes, critères qui respectent, dans un contexte d'amour véritable, le sens intégral de la donation mutuelle et de la procréation humaine".
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Une réflexion attentive sur cet enseignement du Magistère et sur les données rationnelles ci-dessus rappelées, permet de répondre aux multiples problèmes moraux posés par les interventions techniques sur l'être humain dans les phases initiales de sa vie, et sur les processus de sa conception.
L'être humain doit être respecté - comme une personne - dès le premier instant de son existence.
La mise en oeuvre des procédés de fécondation artificielle a rendu possibles diverses interventions sur les embryons et le foetus humains. Les buts poursuivis sont de genres divers: diagnostiques et thérapeutiques, scientifiques et commerciaux. De tout cela découlent de graves problèmes. Peut-on parler d'un droit à l'expérimentation sur les embryons humains en vue de la recherche scientifique ? Quelles réglementations ou quelle législation élaborer en cette matière ? La réponse à ces questions suppose une réflexion approfondie sur la nature et sur l'identité propre on parle même de "statut" de l'embryon humain.
Pour sa part, dans le Concile Vatican II, l'Eglise a proposé à nouveau à l'homme contemporain son enseignement constant et certain, selon lequel "la vie, une fois conçue, doit être protégée avec le plus grand soin ; l'avortement, comme l'infanticide, sont des crimes abominables " (23). Plus récemment, la Charte des Droits de la Famille publiée par le Saint-Siège le réaffirmait: "La vie humaine doit être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception" (24).
(23) GS 51. (24) Charte des Droits de la Famille, publié par le Saint- Siège, art. 4: L'Osservatore Romano, 25 novembre 1983.
Cette Congrégation connaît les discussions actuelles sur le commencement de la vie humaine, sur l'individualité de l'être humain et sur l'identité de la personne humaine. Elle rappelle les enseignements contenus dans sa Déclaration sur l'avortement provoqué: "Dès que l'ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n'est ni celle du père ni celle de la mère, mais d'un nouvel être humain qui se développe par lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s'il ne l'est pas dès lors. A cette évidence de toujours [...] La science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a montré que, dès le premier instant se trouve fixé le programme de ce que sera ce vivant: un homme, cet homme individuel avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées. Dès la fécondation, est commencée l'aventure d'une vie humaine dont chacune des grandes capacités demande du temps pour se mettre en place et se trouver prête à agir" (25). Cette doctrine demeure valable, et est du reste confirmée, s'il en était besoin, par les récentes acquisitions de la biologie humaine, qui reconnaît que dans le zygote* dérivant de la fécondation s'est déjà constituée l'identité biologique d'un nouvel individu humain.
(25) Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'avortement provoqué, 12-13: AAS 66 (1974) 738.
* Le zygote est la cellule dérivant de la fusion des noyaux de deux gamètes.
Certes, aucune donnée expérimentale ne peut être de soi suffisante pour faire reconnaître une âme spirituelle; toutefois, les conclusions scientifiques sur l'embryon humain fournissent une indication précieuse pour discerner rationnellement une présence personnelle dès cette première apparition d'une vie humaine: comment un individu humain ne serait-il pas une personne humaine ? Le Magistère ne s'est pas expressément engagé sur une affirmation de nature philosophique, mais il réaffirme d'une manière constante la condamnation morale de tout avortement provoqué. Cet enseignement n'est pas changé, et il demeure inchangeable (26).
(26) Cf PAUL Vl, Discours aux participants au XXIIIe Congrès national des Juristes Catholiques Italiens, 9 décembre 1972: AAS 64 (1972) 777.
C'est pourquoi le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c'est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l'être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L'être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie.
Ce rappel doctrinal offre le critère fondamental pour la solution des divers problèmes posés par le développement des sciences biomédicales en ce domaine: puisqu'il doit être traité comme une personne, l'embryon devra aussi être défendu dans son intégrité, soigné et guéri, dans la mesure du possible, comme tout autre être humain dans le cadre de l'assistance médicale.
Si le diagnostic prénatal respecte la vie et l'intégrité de l'embryon et du foetus humain, et s'il est orienté à sa sauvegarde ou à sa guérison individuelle, la réponse est affirmative.
Le diagnostic prénatal peut en effet faire connaître les conditions de l'embryon et du foetus quand il est encore dans le sein de sa mère; il permet ou laisse prévoir certaines interventions thérapeutiques, médicales ou chirurgicales, d'une manière plus précoce et plus efficace.
Ce diagnostic est licite si les méthodes utilisées, avec le consentement des parents convenablement informés, sauvegardent la vie et l'intégrité de l'embryon et de sa mère, sans leur faire courir de risques disproportionnés (27). Mais il est gravement en opposition avec la loi morale quand il prévoit, en fonction des résultats, l'éventualité de provoquer un avortement : un diagnostic attestant l'existence d'une malformation ou d'une maladie héréditaire ne doit pas être l'équivalent d'une sentence de mort. Aussi la femme qui demanderait ce diagnostic avec l'intention bien arrêtée de procéder à l'avortement au cas où le résultat confirmerait l'existence d'une malformation ou d'une anomalie, commettrait- elle une action gravement illicite. De même agiraient contrairement à la morale le conjoint, les parents ou toute autre personne, s'ils conseillaient ou imposaient le diagnostic à la femme enceinte dans la même intention d'en venir éventuellement à l'avortement. Ainsi également serait responsable d'un collaboration illicite le spécialiste qui, dans sa manière de poser le diagnostic et d'en communiquer les résultats, contribuerait volontairement à établir ou à favoriser le lien entre diagnostic prénatal et avortement.
(27) L'obligation d'éviter des risques disproportionnés indique un authentique respect des êtres humains et la rectitude des intentions thérapeutiques; elle implique que le médecin "devra avant tout évaluer attentivement les conséquences négatives éventuelles qu'une technique déterminée d'exploration pourrait avoir sur l'embryon, et (qu') il évitera de recourir à des procédés de diagnostic dont l'honnête finalité et innocuité substantielle ne présente pas de garanties suffisantes. Et si, comme il arrive souvent dans les choix humains, un certain risque doit être affronté, il se préoccupera de vérifier s'il est justifié par une urgence vraie du diagnostic et par l'importance des résultats qui seront obtenus en faveur de l'embryon lui-même" (JEAN-PAUL 11, Discours aux participants au Congrès du "Mouvement pour la vie", 3 décembre 1982: Insegnamenti di Giovanni Paolo 11, V, 3 [1982] 1512). On doit tenir compte de cette précision sur le "risque proportionné" dans les passages successifs de cette Instruction, toutes les fois qu'y apparait la même expression.
On doit enfin condamner, comme une violation du droit à la vie de l'enfant à naître et comme une atteinte grave aux droits et devoirs prioritaires des époux, toute directive ou programme émanant des autorités civiles, sanitaires, ou d'organismes scientifiques, qui favoriserait en quelque manière la connexion entre diagnostic prénatal et avortement, ou qui inciterait les femmes enceintes à se soumettre à un diagnostic prénatal planifié dans le but d'éliminer les foetus déjà atteints ou porteurs de malformations ou de maladies héréditaires.
Comme pour toute intervention médicale sur des patients, on doit considérer comme licite les interventions sur l'embryon humain, à condition qu'elles respectent la vie et l'intégrité de l'embryon et qu'elles ne comportent pas pour lui de risques disproportionnés, mais qu'elles visent à sa guérison, à l'amélioration de ses conditions de santé, ou à sa survie individuelle.
Quel que soit le genre de thérapie médicale, chirurgicale ou d'un autre type, le consentement libre et informé des parents est requis, selon les règles déontologiques prévues dans le cas des enfants. S'agissant d'une vie embryonnaire ou de foetus, l'application de ce principe moral peut demander des précautions délicates et particulières.
La légitimité et les critères de ces interventions ont été clairement exprimées par Jean-Paul II : "Une intervention strictement thérapeutique qui se fixe comme objectif la guérison de diverses maladies, comme celles dues à des déficiences chromosomiques, sera en principe, considérée comme souhaitable, pourvu qu'elle tende à la vraie promotion du bien- être personnel de l'homme, sans porter atteinte à son intégrité ou détériorer ses conditions de vie. Une telle intervention se situe en effet dans la logique de la tradition morale chrétienne (28)".
(28) JEAN-PAUL 11, Discours aux participants à la 35' Assemblée Générale de l'Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983: AAS 76 (1984) 392.
La recherche médicale doit s'abstenir d'interventions sur les embryons vivants, à moins qu'il n'y ait certitude morale de ne causer de dommage ni à la vie ni à l'intégrité de l'enfant à naître et de sa mère, et à condition que les parents aient donné pour l'intervention sur l'embryon leur consentement libre et informé. Il s'ensuit que toute recherche, même limitée à une simple observation de l'embryon, deviendrait illicite dès lors que, à cause des méthodes utilisées ou des effets provoqués, elle impliquerait un risque pour l'intégrité physique ou la vie de l'embryon.
* Comme les termes "recherche" et "expérimentation" sont fréquemment utilisés d'une manière équivalente et ambigüe, il convient de préciser le sens qui leur est attribué dans le présent document.
1) Par recherche, on entend tout procédé inductif-déductif visant à promouvoir l'observation systématique d'un phénomène donné dans le champ humain, ou à vérifier une hypothèse découlant de précédentes observations.
2) Par expérimentation, on entend toute recherche dans laquelle l'être humain (aux divers stades de son existence : embryon, foetus, enfant ou adulte) représente l'objet grâce auquel ou sur lequel on entend vérifier l'effet - à ce moment inconnu ou encore mal connu - d'un traitement donné (par exemple pharmaceutique, tératogène, chirurgical, etc...).
En ce qui concerne l'expérimentation, présupposée la distinction générale entre celle qui a une finalité non directement thérapeutique et celle qui est clairement thérapeutique pour le sujet lui-même , il faut encore distinguer entre l'expérimentation effectuée sur des embryons encore vivants et l'expérimentation effectuée sur des embryons morts. S'ils sont encore vivants, viables ou non, ils doivent être respectés comme toutes les personnes humaines ; l'expérimentation non directement thérapeutique sur les embryons est illicite (29).
(29) Cf JEAN-PAUL 11, Discours aux participants à un Congrès de l'Académie Pontificale des Sciences, 23 octobre 1982: AAS 75 (1983) 37: "Je condamne de la manière la plus explicite et la plus formelle les manipulations expérimentales faites sur l'embryon humain, car l'être humain depuis sa conception jusqu'à sa mort, ne peut être exploité pour aucune raison".
Aucune finalité, même noble en soi comme la prévision d'une utilité pour la science, pour d'autres êtres humains ou pour la société, ne peut en quelque manière justifier l'expérimentation sur des embryons ou des foetus humains vivants, viables ou non, dans le sein maternel ou en dehors de lui. Le consentement informé, normalement requis pour l'expérimentation clinique sur l'adulte, ne peut être concédé par les parents, qui ne peuvent disposer ni de l'intégrité physique ni de la vie de l'enfant à naître. D'autre part, l'expérimentation sur les embryons ou foetus comporte toujours le risque et même souvent la prévision certaine d'un dommage pour leur intégrité physique ou de leur mort.
L'utilisation de l'embryon humain ou d'un foetus comme objet ou instrument d'expérimentation représente un délit a l'égard de leur dignité d'êtres humains ayant droit au même respect que l'enfant déjà né et toute personne humaine. La Charte des Droits de la Famille publiée par le Saint-Siège déclare: "Le respect pour la dignité de l'être humain exclut toute espèce de manipulation expérimentale ou exploitation de l'embryon humain" (30). La pratique de maintenir en vie des embryons humains, in vivo ou in vitro, à des fins expérimentales ou commerciales est absolument contraire à la dignité humaine.
(30) Charte de Droits de la Famille, publiée par le Saint- Siège, art. 4: L'Osservatore Romano, 25 novembre 1983.
Dans le cas de l'expérimentation clairement thérapeutique, c'est-à-dire s'il s'agissait de thérapies expérimentales utilisées au bénéfice de l'embryon lui-même comme une tentative extrême pour lui sauver la vie, et faute d'autres thérapies valables, le recours à des remèdes ou à des procédés pas encore entièrement éprouvés peut être licite (31).
(31) Cf. JEAN-PAUL II, Discours aux participants au Congrès du "Mouvement pour la vie", 3 décembre 1982: Insegnamenti di Giovanni Paolo 11, V, 3 (1982)1511: "Toute forme d'expérience sur le foetus qui pourrait en altérer l'intégrité ou en aggraver les conditions, à moins qu'il ne s'agisse d'une tentative extrême de la sauver d'une mort certaine est moralement inacceptable". Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l'euthanasie 4: AAS 72: (1980) 550: "A défaut d'autres remèdes, il est licite de recourir, avec le consentement du malade, aux moyens fournis par la médecine la plus avancée, même s'ils sont encore au stade expérimental et ne sont pas exempts de quelques risques".
Le cadavres d'embryons ou foetus humains, volontairement avortés ou non, doivent être respectés comme les dépouilles des autres êtres humains. En particulier, ils ne peuvent faire l'objet de mutilations ou autopsies si leur mort n'a pas été constatée, et sans le consentement des parents ou de la mère. De plus, il faut que soit sauvegardée l'exigence morale excluant tout complicité avec l'avortement volontaire, de même que tout danger de scandale. Dans le cas des foetus morts, comme pour les cadavres de personnes adultes, toute pratique commerciale doit être considérée comme illicite et doit être interdite.
Les embryons humains obtenus in vitro sont des êtres et des sujets de droits. Leur dignité et leur droit à la vie doivent être respectés dès le premier moment de leur existence. Il est immoral de produire des embryons humains destinés à être exploités comme un "matériau biologique" disponible.
Dans la pratique habituelle de la fécondation in vitro, tous le embryons ne sont pas transférés dans le corps de la femme; certains sont détruits. Aussi, comme elle condamne l'avortement provoqué, l'Eglise interdit également d'attenter à la vie de ces êtres humains. Il faut dénoncer la particulière gravité de la destruction volontaire des embryons humains obtenus "in vitro" par fécondation artificielle ou "fission gémellaire" à de seules fins de recherche. En agissant ainsi, le chercheur se substitue à Dieu et, même s'il n'en a pas conscience, se fait maître du destin d'autrui, puisqu'il choisit arbitrairement qui faire vivre et qui faire mourir, et qu'il supprime des êtres humains sans défense.
Les procédures d'observation ou d'expérimentation qui causent un dommage ou imposent des risques graves et disproportionnés aux embryons obtenus in vitro sont, pour les mêmes raisons, moralement illicites. Tout être humain est à respecter pour lui-même; il ne peut être purement et simplement réduit à sa valeur d'usage au bénéfice d'autrui.
Il n'est donc pas conforme à la moralité d'exposer délibérément à la mort des embryons humains obtenus "in vitro". Par le fait qu'ils ont été produits in vitro, ces embryons non transférés dans le corps de la mère, et qualifiés de "surnuméraires", demeurent exposés à un sort absurde, sans qu'il soit possible de leur donner des voies de survie certaines et licitement réalisables.
Les techniques de fécondation in vitro peuvent rendre possibles d'autres formes de manipulation biologique ou génétique des embryons humains telles que: les tentatives ou projets de fécondation entre gamètes humains et animaux, et de gestation d'embryons humains dans des utérus d'animaux; l'hypothèse ou le projet de construction d'utérus artificiels pour l'embryon humain.
Ces procédés sont contraires à la dignité d'être humain qui appartient à l'embryon, et en même temps, ils lésent le droit de toute personne à être concue et à naître dans le mariage et du mariage (32). Même les tentatives ou les hypothèses faites pour obtenir un être humain sans aucune connexion avec la sexualité, par "fission gémellaire", clonage, parthénogénèse, sont à considérer comme contraires à la morale, car elles sont en opposition avec la dignité tant de la procréation humaine que de l'union conjugale.
(32) Nul ne peut revendiquer, avant d'exister, un droit subjectif à venir à l'existence, toutefois, il est légitime d'affirmer le droit de l'enfant à avoir une origine pleinement humaine grâce à une conception conforme à la nature personnelle de l'être humain. La vie est un don qui doit être accordé d'une manière digne aussi bien du sujet qui la reçoit que des sujets qui la transmettent. On devra également tenir compte de cette précision pour ce qui sera expliqué à propos de la procréation humaine artificielle.
La congélation des embryons, même si elle est réalisée pour garantir une conservation de l'embryon en vie ("cryoconservation"), constitue une offense au respect dû aux êtres humains, car elle les expose à de graves risques de mort ou d'atteinte à leur intégrité physique; elle les prive au moins temporairement de l'accueil et de la gestation maternelle, et les place dans une situation susceptible d'offenses et de manipulations ultérieures.
Certaines tentatives d'intervention sur le patrimoine chromosomique ou génétique ne sont pas thérapeutiques, mais tendent à la production d'êtres humains sélectionnés selon le sexe ou d'autres qualités préétablies. Ces manipulations sont contraires à la dignité personnelle de l'être humain, à son intégrité et à son identité. Elles ne peuvent donc en aucune manière être justifiées par d'éventuelles conséquences bénéfiques pour l'humanité future (33). Toute personne doit être respectée pour elle-même: en cela consiste la dignité et le droit de tout être humain depuis son origine.
(33) Cf. JEAN-PAUL 11, Discours aux participants à la 35e Assemblée Générale de l'Association Médicale Mondiale, 29 octobre 1983: AAS 76 (1984) 391.
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1987 Donum Vitae