1993 Thesaurus - SAINT AUGUSTIN


SAINTE THERESE D'AVILA



On peut bien mourir, être vaincu jamais.
Sainte THERESE d'AVILA

Un songe, une farce mal agencée, une comédie, au réveil tout ne sera rien.
Sainte THERESE d'AVILA, sur la vie

La vie n'est qu'une nuit à passer dans une mauvaise auberge.
Sainte THERESE d'AVILA

La vie, c'est vivre de telle sorte qu'on ne craigne ni la mort, ni tous les événements de la vie.
Sainte THERESE d'AVILA

Le Seigneur favorise ceux qui se font violence pour le servir... Dieu transforma la sécheresse de mon âme en immense tendresse.
Sainte THERESE d'AVILA

Dieu ne m'a pas douée du talent de réfléchir avec l'entendement, ni de tirer profit de mon imagination.
Sainte THERESE d'AVILA, à ses débuts

J'étais fort encline à me faire aimer de tous.
Sainte THERESE d'AVILA, à ses débuts

Jamais je ne l'ai fait, parce que le Seigneur m'a retenue par la main.
Sainte THERESE d'AVILA, à propos de petites fautes

Je puis dire que c'est une des manières de vivre les plus pénibles qu'on puisse imaginer; car je ne jouissais pas de Dieu, et le monde ne me contentait point.
Sainte THERESE d'AVILA, à ses débuts


N'aie pas peur, ma fille; c'est Moi, et je ne t'abandonnerai pas; ne crains rien.
Sainte THERESE d'AVILA, à l'écoute

Il avait l'air fait de racines d'arbres.
Sainte THERESE d'AVILA, à propos de l'aspect ascétique de Pierre
d'Alcantara

Lorsque ceux qui vous aiment, Seigneur, ne font pas de grandes actions, n'accusons que notre lâcheté et notre pusillanimité ! Nous ne nous décidons que pleins des mille craintes de la prudence humaine...
Sainte THERESE d'AVILA

Je supporterai que tout pleuve sur moi, et il pleut fort pour le moment, tant j'ai été affligée.
Sainte THERESE d'AVILA

Nous devons nous méfier de tout ce qui nous prive du libre usage de la raison, car ce n'est pas ainsi que nous gagnerons la liberté de l'esprit.
Sainte THERESE d'AVILA

Lorsque la conscience est en jeu, l'amitié n'est pas une raison, car je dois plus à Dieu qu'à personne.
Sainte THERESE d'AVILA

Je vois bien... que c'est en se trompant qu'on acquiert de l'expérience, mais si l'erreur est grave, jamais on ne s'en remet.
Sainte THERESE d'AVILA

Jacob n'était pas moins saint du fait de s'occuper de ses troupeaux.
Sainte THERESE d'AVILA, sur la nécessaire activité temporelle

Vous m'amusez quand vous dites que vous la connaîtrez dès que vous la verrez ! Nous ne sommes pas si faciles à connaître nous autres femmes, vous en confessez depuis des années et vous êtes ébahis un jour de voir comme vous les avez mal comprises...
Ne croyez pas ce que vous disent les religieuses, je vous dis, moi, que si elles ont envie d'une chose, elles vous en feront croire mille.
Sainte THERESE d'AVILA, boutade à un confesseur


Je ne dirai rien dont je n'ai point la très grande expérience.
Sainte THERESE d'AVILA

Ne travaille pas, toi, à m'enfermer en toi, mais enferme-toi en Moi.
Sainte THERESE d'AVILA, à l'écoute

Si notre amour du prochain ne s'enracine pas dans l'amour de Dieu, nous n'y atteindrons jamais parfaitement.
Sainte THERESE d'AVILA, à l'écoute

Marthe et Marie doivent offrir ensemble l'hospitalité au Seigneur.
Sainte THERESE d'AVILA, sur et l'amour de Dieu et l'amour du prochain

Soyez certaines que plus vous ferez de progrès dans cet amour-là ( celui du prochain ), plus vous en ferez dans l'amour de Dieu.
Sainte THERESE d'AVILA

Il n'aime pas que nous nous cassions la tête à beaucoup lui parler...
Il aime beaucoup que nous lui parlions franchement.
Sainte THERESE d'AVILA, de Dieu

Il ne s'agit pas de penser beaucoup, mais de beaucoup aimer.
Sainte THERESE d'AVILA

Ces biens qui lui appartiennent, le Seigneur les donne quand il veut, comme il veut, et à qui il veut, sans faire tort à personne.
Sainte THERESE d'AVILA, il ne s'agit pas des biens matériels !

Je sais par expérience ce qu'il en est de beaucoup de femmes mises ensemble... On trouve plus d'accord et de quiétude lorsqu'elles sont sont peu nombreuses.
Sainte THERESE d'AVILA, sur la taille de ses couvents

Ne se soucier en rien des biens de ce monde, c'est être leur maître et seigneur.
Sainte THERESE d'AVILA


Toutes les autres vérités dépendent de cette vérité, comme tous les autres amours de cet amour, et toutes les autres grandeurs de cette grandeur.
Sainte THERESE d'AVILA, de l'"attention" à Dieu

Lorsque nous n'avons besoin de personne nous avons beaucoup d'amis; j'en ai bien fait l'expérience.
Sainte THERESE d'AVILA

Toutes les imaginations n'y sont pas naturellement portées, tandis que toutes les âmes sont douées pour aimer.
Sainte THERESE d'AVILA, de la "pensée" en général

Il ferait beau voir que Dieu nous commandât clairement d'agir pour son service et que nous nous y refusions sous prétexte que nous préférons passer notre temps à le regarder.
Sainte THERESE d'AVILA

On ne peut admettre que celui qui souffre ne prie point; en offrant ses souffrances à Dieu, il prie souvent beaucoup plus que celui qui se casse la tête dans la solitude et qui imagine, s'il s'est tiré quelques larmes, que c'est là faire oraison.
Sainte THERESE d'AVILA

La seule lecture de ces règlements m'a fatiguée. Que serait-ce si je devais les observer ?
Sainte THERESE d'AVILA, à propos du risque d'"accumulation" des
règlements monastiques

Dieu me garde de gens si spirituels qu'ils ne veulent qu'atteindre la contemplation parfaite.
Sainte THERESE d'AVILA, à propos d'un religieux

Saint Augustin ne trouvait le Seigneur ni sur les places ni dans les rues, ni où il le cherchait, mais en lui-même.
Sainte THERESE d'AVILA


Tant d'âmes vivent sur le chemin de ronde du château où Il se tient.
Sainte THERESE d'AVILA

Comprenez que si c'est à la cuisine, le Seigneur circule parmi les marmites.
Sainte THERESE d'AVILA

Il faut aventurer sa vie.
Sainte THERESE d'AVILA

Je veux être fille de l'Eglise.
Sainte THERESE d'AVILA

Dieu veut voir jusqu'où je pousserai l'espérance.
Sainte THERES d'AVILA, sur l'absence de Dieu

Ne croyons pas que nous entrerons au ciel avant d'être entrées dans notre âme.
Sainte THERESE d'AVILA




HANS URS VON BALTHASAR



Marie est la Reine des Apôtres. Sans revendiquer pour elle les pouvoirs apostoliques, elle a autre chose et beaucoup plus.
H. URS Von BALTHASAR



LA FOI DU CHRIST



Il n'est pas déplacé de dire que les bienheureux croient quelque chose, puisqu'ils ne savent jamais tout.

L'amour dispose dans la liberté par delà l'intelligence; le coeur a ses raisons...
ur le choix d'un peuple élu

Toutes les paroles additionnées ne rejoindront jamais la Parole "qui a été réalisée".

La parole est communication, et la conclusion de l'Alliance dans la nuit est rupture de toute communication, dans l'identité posée par l'obéissance qui abolit toutes les différences et contient à la fois toute la volonté divine de salut et tout le péché du monde.

Quelle figure misérable font par exemple toutes les initiations aux mystères divins dans les apocalypses et les gnoses, comparées à l'amour du Fils de Dieu, qui va mourir pour tous les pécheurs et pour moi-même dans la nuit de Dieu et de l'enfer !
La figure que Dieu propose, ce jeu entre sa propre liberté et la liberté de sa créature, qu'il laisse commettre le péché, parce qu'elle est et doit être libre, et qu'il peut encore aller rechercher dans l'amour, sans la violenter et l'écraser de sa toute-puissance, cette figure a en elle-même l'évidence d'un "summum".

Jamais l'âge mûr ne remplacera ou même ne conservera cette première vision du monde épanouie au regard de "l'enfant", vision d'un monde foncièrement neuf, innocent, paradisiaque, rempli de merveilles naturelles et surnaturelles; tout était possible, tout voisinait avec Dieu.
La nostalgie de l'enfance irréparable n'est pas du romantisme seulement, elle peut avoir ( comme chez Péguy et Bernanos ) de profondes raisons chrétiennes.


Le présent devient ainsi une "synthèse qualitative" du temps tout entier, qualifiée par le rapport toujours changeant du passé et du futur.
Le temps n'est donc nullement une coulée uniforme, il connaît des moments mystérieux de concentration, des points culminants où l'homme se libère et se choisit lui-même.
S'il adhère, l'instant décisif comblera son temps d'une présence concomitante qui le rassemble en une forme pleine de sens; s'il refuse, tout son ordre temporel dégénère en temps perdu.
Nous voyons donc une loi humaine s'appliquer à l'Histoire sainte et à son attestation, la Parole biblique : une expérience "actuelle" n'est vraie et valable que si elle est "liée" à une certaine "vision et interprétation du passé et de l'avenir", à une projection de notre idée directrice, dans le souvenir qui nous guide.

Un homme qui doit choisir, se sent interrogé : es-tu, en agissant de la sorte, fidèle à ta première vision, à ta dernière espérance ? Es-tu ainsi à la hauteur de toi-même ?

Jamais la Révélation ne tombe du ciel pour communiquer aux hommes du dehors et d'en haut les mystères transcendants; Dieu parle à l'homme de l'intérieur du monde...
Le Christ n'a pas inventé un seul signe sacramentel : il emprunte le baptême à Jean, le pain et le vin aux assemblées pieuses de son époque; la confession à une situation commune aux hommes, qui se retrouve dans toutes les religions et jusque dans les couvents bouddhistes...

Mais si l'homme est langage de Dieu, il ne devient cependant jamais Dieu.
Pour connaître Dieu, il doit à la fois se réaliser et se nier.
Il est ce que Dieu dit; il n'est jamais Celui qui le dit.
Pour dévoiler Dieu, il doit à son tour se cacher, s'oublier, s'effacer.
Il n'y parviendra qu'en "sacrifiant" toutes ses expériences et ses positions, toutes ses puissances et ses arrangements, afin que Dieu s'en serve comme le typographe des lettres disposées devant lui.

Le progrès décisif de l'Ancienne Alliance mène d'une conscience de tribu à une conscience de royaume, et finalement ( par l'exil ) à une conscience universelle.


En Jésus, la Parole de Dieu n'est plus loi, abstraite, elle est cet homme-là.
Après Jésus, Dieu seul peut encore venir.

La pensée biblique a en somme apporté à l'humanité la pensée d'une fin des temps, et la croyance moderne au progrès sous ses diverses formes, à l'évolution culturelle, biologique et technique de l'humanité.

La pensée d'une fin des temps est inséparable de la foi en un Dieu libre et créateur.
Ce n'est pas une "âme" qui se sauve verticalement, en s'élevant de la mortalité à la vie immortelle, c'est l'être historique mortel lui-même qui, comme une moisson, se trouve, au jour du Seigneur, recueilli en Dieu.
Pareille issue n'est possible que si le Dieu libre, qui a créé le monde dans le temps en le tirant du néant, et l'a accompagné de ses promesses au long de sa marche, vient à la fin des temps, restant le même libre créateur qui tire du néant, sauver sa création tout entière en la tirant de la mort pour l'introduire à la vie.

Si l'on vole à l'humanité son aventure, sous quelques prétextes scientifiques ou théologiques que ce soit, on lui vole ce qu'elle a de meilleur et très précisément le sens de sa vie.

Là où grandit la liberté, grandit aussi la possibilité du démoniaque, c'est sans doute un des enseignements de l'Apocalypse de Jean.
Les possibilités de l'humanité s'accroissent, mais avec elles grandit une perplexité qui la paralyse. On se jette sur tout ce qui "avance", un tour de manivelle et l'on démarre, espérant que le véhicule dont on ne maîtrise plus la direction, obéissant à quelque régulation immanente ou transcendante, ou à une direction automatique, évitera de se jeter droit dans l'abîme.
Etrange, et à vrai dire pitoyable eschatologie !
D'une part, elle se fait gloire de s'être libérée des lois du cosmos, et d'avoir, en atteignant la réflexion et la liberté, pris en charge la direction du monde, mais d'autre part elle ne sait et ne peut savoir vers quel but orienter sa marche.


La croyance moderne au progrès peut assurément constater que quelque chose bouge, avance, va dans une direction qui peut avoir un sens partiel.
Mais il lui est impossible, non par accident, mais par essence, de formuler le "but final" du voyage.

H. URS Von BALTHASAR, La foi du Christ, fin



DIEU ET L'HOMME D'AUJOURD'HUI



La vérité se fait jour que même l'apparente absence d'option, du libéralisme, était en fait une option extrêmement lourde de conséquences et que par conséquent il n'y a absolument rien qui ressemble à une objectivité pure.

Constamment "l'homo faber" a reçu son pouvoir et son droit d'agir de "l'homo sapiens".

En face de ce champ de l'histoire dramatiquement remué, le champ de l'Eglise se montre d'abord presque sans vie : sa mission est de rester celle qu'elle était dès le commencement; elle n'a besoin, dans la mesure où elle n'est réellement que ce qu'elle est, de grandir en aucune dimension qui lui soit essentielle, pour devenir elle-même.

C'est précisément parce que l'homme est arrivé à sa maturité en devenant l'homme technique, et qu'il n'a plus d'autre demeure que sa propre fragilité, qu'il est absolument prédestiné à devenir homme religieux.
Comme il ne peut plus partager sa responsabilité avec la nature il ne lui reste rien d'autre à faire que de la partager avec le Créateur : dans la prière, dans le don de soi, dans le contact avec Celui qui n'est pas un élément de la nature, et ne présente à l'homme aucune recette toute prête qui le déchargerait de sa responsabilité d'être libre.

En tant qu'il est ce centre, il n'a rien au dessus de lui, que Dieu : c'est ce qui fait de lui le roi de la création.
Mais, parce qu'il est roi, il doit servir, et non du bout des doigts, mais avec tout son être : tout son être pourvoit à ce double service : envers le monde pour Dieu, et envers Dieu pour le monde...

Une théorie de la connaissance ayant pour objet la rencontre d'homme à homme ne peut avoir qu'un fondement religieux.
C'est là le prix qu'il faut payer, lorsqu'on cesse de considérer l'homme ( en tant qu'être du monde ) comme une "nature" parmi et à côté d'autres "natures", et ainsi de le regarder abstraitement comme un" sujet connaissant" à côté d'autres, avec des" objets de connaissance" à traiter tout aussi abstraitement.


Mais ce n'est pas impunément que l'on place l'homme réel et vivant au centre de la philosophie; les simples lois de la vie - par exemple qu'il doit tourner ses regards vers Dieu et vers son prochain et qu'alors il ne peut se comporter ni comme un Je absolu ni comme un sujet abstrait, mais seulement comme un Je qui interroge et qui est interrogé dans le commerce avec autrui - se feront entendre malgré tout le fracas des machines.

( La nature ) n'est pas là pour que l'esprit se perde en elle en une sorte d'ivresse, mais comme un jardin d'agrément et un verger où l'esprit reste toujours le maître.

Aucun danger ne pourrait être plus grave que celui-ci : de grandes parties de l'humanité vivent et travaillent actuellement sous de fausses images directrices de l'homme, images qui proviennent d'un temps de transition dépassé.

A présent, ce n'est plus avec une vision du monde qui, à sa cime, comme les grandes religions du passé, tend vers l'absolu en se détournant du monde, que le christianisme doit engager le dialogue, c'est avec une perspective qui demeure brutalement fixée dans l'ici-bas.

L'esprit s'abandonne lui-même et se disloque, lorsqu'il se divise en un esprit inférieur et un esprit supérieur, en un entendement fonctionnant en soi d'une manière autonome et une raison mise en réserve pour certaines fins philosophiques ou religieuses.

Celui qui fait naître le sens des choses se trouve dans une attitude d'obéissance secrète, qui constitue sa dignité et sa liberté.
Qui ne saurait rien de cette obéissance n'aurait aucun droit au titre d'esprit.

Faire naître la vérité est une activité dont il faut assumer la responsabilité devant Dieu, et ceci reste vrai, qu'il s'agisse d'un individu, d'une équipe, d'une nation ou de l'humanité dans son ensemble.

Et il n'aura pas fini d'apprendre son métier d'homme tant qu'il n'aura pas réussi à concilier, aussi parfaitement que possible, l'attitude qui le tient courbé vers la matière et l'attitude droite, le regard levé vers Dieu.


L'échec d'une nouvelle innocence religieuse, d'une union de tous les bienpensants religieux sous le signe de la raison éclairée, de la maçonnerie ( à laquelle pourtant adhéraient jadis les plus grands esprits ), du libéralisme, qui cachait en lui les restes d'un christianisme évaporé : cet échec continuel d'une religion naturelle moderne apparaît comme le jugement du Dieu de Jésus-Christ sur le monde moderne qui le nie et le repousse.

Mais ce n'est pas parce que l'homme de "miroir", est devenu "fenêtre", parce qu'il ne se comprend plus lui-même comme simple réflecteur des choses du monde, tout rempli d'objets, qu'il est moins religieux.

Ce sont les protestantismes qui se voient forcés de justifier toujours à nouveau, devant eux-mêmes et devant le monde, leur sortie de l'unité catholique, et c'est pourquoi ils ne peuvent faire autrement qu'être des protestataires et des polémistes; autrement ils se renieraient eux-mêmes.
Ce qui ne convient pas en tout cas, c'est que l'homme s'en tienne uniquement "dans la foi" à la décision prise par le Christ et par Dieu, se la laisse dire, se fie à elle, sans se décider pour elle de son côté avec toute sa liberté.
C'est à cette forme insuffisante qu'inclinent les protestantismes.

C'est l'Etat qui a attiré des évêques pour en faire des conseillers de l'empire, et en a fait des princes séculiers; ce sont des souverains temporels qui ont entrepris des baptêmes de force, des rois et non des papes, qui ont introduit l'inquisition et allumé des bûchers, des aventuiers laïcs qui ont sur la conscience les horreurs du temps des conquistadors.

Sans cesse de nouveaux privilèges et de nouveaux titres de gloire que les hommes avaient attribués à la "Cause première" revenaient aux causes secondes.
Et ainsi une part toujours plus grande de ce qui paraissait "connu" de Dieu revenait au monde.
Toute l'évolution historique... le dépassement d'une pensée cosmologique ouvertement ou secrètement religieuse par une pensée anthropologique n'est pas autre chose.


Avec la disparition du désert extérieur, le désert intérieur a pris le dessus.
L'homme socialisé souffre d'asthme spirituel et d'accès d'étouffement.

La faute doit être ce qui ne doit pas être ( et par conséquent ce qui ne peut pas être nécessaire ) si elle ne veut pas se supprimer elle-meme.
Seul un tel concept de la faute permet le concept d'un Dieu, pour qui le mal est réel et, par conséquent, un crime, qu'il punit.
Dés que le mal est intégré dans l'ordre de la nature, son concept aussi bien que celui de Dieu sont supprimés.

La révolte peut avoir le caractère d'une accusation contre Dieu: u'il ait créé la faute, ou du moins l'ait permise...
Ce n'est plus Dieu qui juge le monde, mais tout l'ensemble révolté des créatures qui cite Dieu en jugement : Dieu ayant échoué, y est réprouvé pour toujours... "On m'a trompé en m'introduisant dans la faute; je proteste contre cette faute qui m'est imposée".
Par là on entre dans toute cette salle de miroir qu'est l'oeuvre de Dostoïevski. Ivan Karamasov repousse le "billet d'entrée" dans le ciel, parce qu'il ne supporte pas l'ordre du monde, et avant tout pas la rédemption prévue.
Il en appelle du Dieu de l'amour et de la réconciliation universelle au Dieu inconnu de la justice, situé au delà du premier.
Cette dialectique se résout dans "la légende du Grand-Inquisiteur" ( une création d'Ivan ), où l'ordre de l'amour ( c'est-à-dire du christianisme proprement dit ) se révèle comme insupportable pour les hommes.
Aussi cet ordre est-il falsifié secrètement par le Grand-Inquisiteur, d'après le plan d'une justice intérieure au monde, derrière laquelle d'ailleurs la conscience de sa faute dans le falsificateur et le silence infini de Jésus accusé demeurent sans solution.

La dialectique poursuit sa marche : elle laisse aux justes le soin de se justifier, et se tourne vers les injustes.
Ceux-ci explorent, systématiquement, il faut même dire, pédantesquement, les profondeurs du Non. Combien de marches faut-il descendre pour arriver jusqu'en bas, où est atteint l'abîme le plus profond de la maison dont l'homme habite les étages supérieurs ?
Que les pervertis sexuels prennent maintenant la direction du mouvement est tout à fait logique, et de même, qu'ils présentent la perversion comme la forme proprement dite, exacte et essentiellement la plus intéressante, de l'amour.
Les voies descendantes deviennent ici, logiquement, des voies de l'approfondissement et de la spiritualisation.
Si la vie est une maladie de l'être, l'esprit est une maladie de la vie, et plus l'esprit est haut, plus la vie est malade...


Cette "nature" qui protège, dirige et justifie la liberté de l'homme, et sur laquelle saint Thomas d'Aquin avait fait porter tout le poids de l'édifice, est pour Sartre l'ennemi mortel, le cachot de la liberté, et l'acte de faire sauter ce cachot est l'acte décisif par lequel l'homme devient vraiment homme.
Que Dieu appartienne à l'idéologie de l'âge cosmologique, que le christianisme avec son fondateur soit une sottise dangereuse et digne de haine, qui, par jalousie, veut priver l'homme de sa maturité aujourd'hui acquise : voilà ce qui unit les existentialistes et les marxistes en un front commun anthropologique.

Avec l'apparition de la liberté nue de l'homme, l'abîme de la perte éternelle s'est ouvert.

De quelque manière, il se voit lui-même, dans la prison de sa nature, de son histoire, de sa sotte et ronde planète, comme le dindon de la farce; il cherche des yeux celui qui l'a mis dans cette situation, et il ne trouve personne.

Il y a sans doute un amour fraternel de tous les hommes en général, mais pas d'amour du prochain en général : il n'y a jamais qu'un amour du prochain particulier.

L'homme ne peut que périr d'étouffement au contact de l'homme, si dans cette éternelle rencontre avec lui-même, qui constitue la vie de tous les jours - qu'il s'agisse de la rencontre de l'homme avec lui-même dans la solitude, ou avec ses semblables dans la communauté : celle du tête à tête solitaire, ou celle de la place publique - il ne rencontre jamais que l'homme.
Si dans autrui, rien d'autre ne s'offrait que ce que chacun connaît foncièrement par lui-même : cet être avec sa limitation...
Pourquoi le "Je" devrait-il se perdre et se sacrifier pour un "Tu", qu'il ne peut, au niveau le plus profond, estimer autrement que lui-même...
Pourquoi un homme qui ne s'estime pas lui-même profondément, devrait-il estimer son semblable ? Pourquoi supposerait-il chez son frère un état d'esprit plus noble que chez lui-même ?


Pourquoi la "fonction religieuse du monde" devrait-elle être supprimée, ou même seulement mise en danger, par la mise en relief de la liberté humaine ?

L'Eglise n'a pas, avant tout, à faire de la propagande dans le monde, mais à prier et à demeurer dans l'amour.
Ceux qui sont appelés doivent réellement venir de l'intérieur.
Autrement ils ne pourraient indiquer à personne le chemin à suivre.

La nature est maintenant technicisée, asservie aux fins de l'homme, voilà ce qui paraît la démonstration suprême de la supériorité de l'homme.
Mais, ainsi désacralisée, elle n'est plus capable de parler d'autre chose que de l'homme qui l'a marquée du signe de sa souveraineté.

La nature se transcende dans l'homme. Mais l'homme n'est esprit qu'en transcendant de nouveau vers Dieu le monde qu'il est, et dont il constitue le résumé.
Saint Augustin sans doute ne refuse pas à l'homme déchu, vivant sous le régime du péché originel, le pouvoir de le liberté.
Mais il ne peut lui accorder, sans la grâce libre et rédemptrice de Dieu, l'actuation proprement dite de ce pouvoir.

La forme d'où surgit la beauté de l'existence humaine est aujourd'hui plus que jamais confiée à la garde des chrétiens.

H. URS Von BALTHASAR, Dieu et l'homme d'aujourd'hui, fin "Marie est la Reine des Apôtres. Sans revendiquer pour elle les pouvoirs apostoliques, elle a autre chose et beaucoup plus". ( H. U. Von Balthasar )




SAINT BENOÎT



Dans cette vue nous allons fonder une école où l'on apprenne à servir le Seigneur. Et nous espérons l'établir sans y rien instituer de pénible, rien d'accablant.
Règle de saint BENOÎT, du fondement des monastères

L'abbé véritablement digne de gouverner le monastère doit se souvenir sans cesse du titre qu'il porte et justifier par ses actes un nom qui le met à la tête de la communauté...
Ne jamais oublier qu'à celui auquel on a confié davantage, on redemande davantage...
Qu'il ne fasse point acception des personnes dans le monastère. Qu'aucun ne soit aimé de lui plus qu'un autre...
L'homme de naissance libre ne sera pas préféré à celui qui vient de la condition servile.
L'abbé aura donc pour tous une égale affection, une même ligne de conduite ... en tenant compte du mérite de chacun.
Celui-là sera établi ( abbé )qui aura été élu dans la crainte de Dieu par le consentement général de toute la communauté...
Ce qui doit fonder le choix de l'élu, quand bien même il occuperait le dernier rang dans le monastère, c'est le mérite de la vie personnelle et l'art consommé de conduire les âmes...
Il lui importera plus de se dévouer que de dominer... et fera toujours prévaloir la miséricorde sur la justice... Qu'il ait plutôt l'ambition d'être aimé que redouté... Il haira lez vices, mais aimera les frères...
Obligé de reprendre, qu'il agisse avec mesure... de peur qu'à force de racler la rouille il ne brise le vase...
Règle de saint BENOÎT, quel doit être l'abbé

Chaque fois qu'au monastère se présente une affaire importante à traiter, l'abbé convoquera la communauté tout entière... que tous les frères soient appelés à délibérer, car souvent Dieu inspire aux plus jeunes les meilleures suggestions...
Que les frères donnent leur avis en toute humilité, loin de se laisser emporter jusqu'à défendre leur opinion sans retenue...
Encore convient t-il que ( l'abbé ) ordonne toutes choses avec prévoyance et équité.
Règle de saint BENOÎT, du conseil des frères


Un moine trouve son contentement dans tout ce qu'il y a de plus commun et d'infime...
Qu'un moine sache retenir sa langue et que, fidèle à la loi du silence, il attende pour parler qu'on l'interroge... sans élever le ton ni badiner, avec une humble gravité, dans un langage sobre et sensé...
Il arrivera que l'humilité dont le coeur du moine est rempli passera dans tout son extérieur, et se laissera apercevoir aux regards d'autrui...
Règle de saint BENOÎT, de l'humilité

Ils ne seront donc pas choisis par ordre d'ancienneté, mais d'après le mérite de la vie et l'aptitude à instruire sagement les autres.
Quand les charges se répartissent entre plusieurs, elles offrent moins de prise à l'ambition d'un seul.
Règle de saint BENOÎT, des doyens du monastère

L'abbé doit entourer de toute sa sollicitude les frères qui ont failli...
Ainsi, il enverra... des frères doués d'expérience et de tact, qui, sans qu'il y paraisse, sachent consoler le frère chancelant...
Son rôle est de guérir les infirmes, non d'exercer sa domination sur un troupeau robuste...
Règle de saint BENOÎT, de la sollicitude de l'abbé

Si un frère vient à lui demander ce qui n'est pas raisonnable, qu'il évite de le froisser par un refus désobligeant, mais lui représente avec humilité qu'à une requête mal fondée il ne peut à bon droit satisfaire...
Il devra rendre compte de la manière dont il aura traité chacun.
Règle de saint BENOÎT, du cellerier du monastère

Un moine ne saurait détenir en propre un objet quelconque...
Règle de saint BENOÎT, de la "propriété" des moines

Celui à qui peu suffit qu'il rende grâces à Dieu...
Celui à qui il faut davantage, s'humiliera de sa faiblesse, loin de se prévaloir des ménagements qu'on a pour lui.
Règle de saint BENOÎT, du nécessaire à chacun


Les frères doivent se servir les uns les autres à tour de rôle...
Règle de saint BENOÎT, du service de cuisine

Le soin des malades passe avant tout... Qu'on se dévoue à leur service comme on ferait pour le Christ en personne...
L'abbé aura donc un extrême souci d'empêcher qu'ils ne souffrent d'aucune négligence.
Règle de saint BENOÎT, des malades

Un sentiment naturel d'humanité nous porte à l'indulgence envers ces deux âges... On aura donc toujours égard à leur faiblesse...
Règle de Saint BENOÎT, des vieillards et des enfants

Les moines doivent en tout temps s'appliquer au silence, mais d'une manière plus rigoureuse aux heures de la nuit.
Règle de saint BENOÎT, du silence

Les frères infirmes ou de complexion délicate seront employés à des tâches ou dans des métiers faciles; ils échappent ainsi au désoeuvrement, sans que l'accablement du travail les porte à se décourager, voire à se dérober.
Règle de saint BENOÎT, du travail manuel

Tous les hôtes qui se présentent seront reçus comme le Christ en personne..
On aura souci d'entourer des plus grandes attentions les pauvres et les voyageurs... dans le cas des riches, la seule crainte de leur déplaire leur garantit assez de déférence.
Règle de saint BENOÎT, de la réception des hôtes

Pour retrancher jusqu'à la racine ce vicieux esprit de propriété, l'abbé accordera largement le nécessaire... afin d'enlever tout prétexte de nécessité... il prendra donc en considération l'indigence des faibles...
Règle de saint BENOÎT, du vestiaire des moines

S'il se trouve dans le monastère des artisans qualifiés, qu'ils exercent leur métier en toute humilité... Que si l'un d'eux, infatué de son savoirfaire personnel, se prévaut des avantages qu'il s'imagine procurer au monastère, il sera, le prétentieux, relevé de son emploi...
Qu'on ne se laisse jamais envahir par la passion du lucre : on cédera plutôt la marchandise à meilleur compte que ne font les séculiers...
Règle de saint BENOÎT, des artisans du monastère


...Telle est la loi sous laquelle tu désires combattre : si tu es disposé à l'observer, va de l'avant; si tu ne t'en crois pas capable, libre à toi de te retirer.
Règle de saint BENOÎT, de la réception en religion

...Le rang qui revient à chacun selon la date d'entrée en religion, le mérite... L'abbé évitera de jeter le désordre dans le troupeau qui lui est confié... L'âge ne créera ni préséance ni préjugé favorable...
Les jeunes doivent de la déférence à leurs anciens; les anciens entoureront d'affection leurs cadets.
Règle de saint BENOÎT, du rang dans la communauté

A la porte du monastère se tiendra un frère judicieux, d'âge avancé, capable de recevoir et de rapporter un message... Dés que retentit le heurtoir ou l'appel d'un pauvre... il se hâte, dans l'ardeur de la charité, de donner une réponse tout empreinte de religieuse bienveillance.
Règle de saint BENOÎT, du portier du monastère

S'il arrive qu'on enjoigne à un frère des choses pénibles ou même impossibles, il commencera par accueillir... l'ordre donné...
S'il voit que la charge surpasse ses forces, il attendra patiemment le moment favorable pour soumettre au supérieur les motifs... sans opposer ni orgueil, ni résistance, ni contestation.
Règle de saint BENOÎT, des choses impossibles

Que nul dans le monastère et sous aucun prétexte n'ait l'audace d'en défendre un autre ou de l'entourer d'une sorte de tutelle... Cela dégénérerait bien vite en graves scandales.
Il est interdit dans le monastère de s'attribuer prétendument un droit d'intervention.
Règle de saint BENOÎT

L'obéissance est un si grand bien qu'il ne suffit pas d'en rendre les devoirs à l'abbé; il faut encore que les frères s'obéissent les uns aux autres.
Règle de saint BENOÎT


Parler et instruire est le rôle du maître; au disciple, il sied de se taire et d'écouter, et s'il doit s'enquérir de quoi que ce soit...
Règle de saint BENOÎT

Personne ne prendra sur soi de chanter ou de lire, s'il n'est capable de remplir cette tâche à l'édification des assistants.
Règle de saint BENOÎT

Il n'enseigna pas autrement qu'il vécût.
Saint GREGOIRE, sur saint Benoît

A cette heure-là... c'est par un jugement très équitable ( de Dieu ) que celle-là eut plus de pouvoir, qui aima davantage.
Saint GREGOIRE, sur saint Benoît et sa soeur




1993 Thesaurus - SAINT AUGUSTIN