1993 Thesaurus - Sermon "Sur les DEVOIRS des ROIS"

Sermon "Sur les DEVOIRS des ROIS"



Voici dans une sentence de saint Grégoire, la vérité la plus nécessaire que puisse jamais entendre un roi chrétien : "Nul ne sait user de la puissance, que celui qui la sait contraindre"; celui-là sait maintenir son autorité, qui ne souffre ni aux autres de la diminuer, ni à elle-même de s'étendre trop; qui la soutient au dehors et qui la réprime au dedans; enfin qui, se résistant à lui-même, fait par un sentiment de justice ce qu'aucun autre ne pourrait entreprendre sans attentat...
N'est-ce point peut-être le sentiment d'une épreuve si délicate qui fait dire à un grand roi pénitent : "Je me suis répandu comme de l'eau" ?
Cette grande puissance semblable à l'eau, n'ayant point trouvé d'empêchement s'est laissée aller à son poids et n'a pas pu se retenir.

O Jésus-Christ, sur tous ceux qui règnent : qu'ils vous craignent du moins, puisqu'ils n'ont que vous seul à craindre; et, ravis de ne dépendre que de vous, qu'ils soient du moins toujours ravis d'en dépendre !

Le royaume de Jésus-Christ, c'est son Eglise catholique... Et voici... la grande et mémorable destinée de cette Eglise catholique. Elle a dû être établie malgré les rois de la terre; et, dans la suite des temps, elle a dû les avoir pour protecteurs.

O rois, qui voulez tout faire, il ne plaît pas au Seigneur que vous ayez nulle part dans l'établissement de son grand ouvrage. Il lui plaît que des pêcheurs fondent son Eglise, et qu'ils l'emportent sur les empereurs.
Mais, quand leur victoire sera bien constante, et que le monde ne doutera plus que l'Eglise, dans sa faiblesse, n'ait été plus forte que lui avec toutes ses puissances, vous viendrez à votre tour, ô empereurs, au temps qu'il a destiné; et on vous verra baisser humblement la tête devant les tombeaux de ces pêcheurs.

L'Eglise a tant travaillé pour l'autorité des rois qu'elle a sans doute bien mérité qu'ils se rendent les protecteurs de la sienne. Ils régnaient sur le corps par la crainte, et tout au plus sur les coeurs par l'inclination.
L'Eglise leur a ouvert une place plus vénérable : elle les a fait régner dans la conscience.


Voici quelque chose de merveilleux et de bien digne de la majesté des rois : leur vie chrétienne et religieuse doit être le juste supplice de tous les pécheurs scandaleux, qui sont confondus et réprimés par leur vertu.
Qu'ils fassent donc régner Jésus-Christ par l'exemple de leur vie, qui soit une loi vivante de probité. Car ce qu'ils feront de bien ou de mal dans une place si haute, étant exposé à la vue de tous, sert de règle à tout leur empire. Et c'est pourquoi, dit saint Ambroise, "le prince doit bien méditer qu'il n'est pas dispensé des lois; mais que, lorsqu'il cesse de leur obéir, il semble en dispenser tout le monde par l'autorité de son exemple".

N'avez-vous pas remarqué cette noble obligation que ce grand pape ( saint Grégoire ) impose aux rois, d'élargir les voies du ciel ? Il faut expliquer sa pensée en peu de paroles. Ce qui rend la voie du ciel si étroite, c'est que la vertu véritable est ordinairement méprisée; car, comme elle se tient toujours dans ses règles, elle n'est ni assez souple, ni assez flexible pour s'accommoder aux humeurs, ni aux passions, ni aux intérêts des hommes : c'est pourquoi elle semble inutile au monde; et le vice paraît bien plutôt, parce qu'il est plus entreprenant. Car écoutez parler les hommes du monde dans le livre de la Sapience : "Le juste, disent-ils, nous est inutile"; il n'est pas propre à notre commerce, il n'est pas commode à nos négoces : il est trop attaché à son droit chemin pour entrer dans nos voies détournées.
Comme donc il est inutile, on se résout facilement à le laisser là, et ensuite à l'opprimer; c'est pourquoi ils disent : "Trompons le juste, parce qu'il nous est inutile".
Elevez-vous, puissances suprêmes; voici un emploi digne de vous. Voyez comme la vertu est contrainte de marcher dans des voies serrées; on la méprise, on l'accable; protégez-la; tendez-lui la main, faites-vous honneur en la cherchant; élargissez les voies du ciel, rétablissez ce grand chemin et rendezle plus facile. Pour cela, aimez la justice : qu'aucuns ne craignent sous votre empire, sinon les méchants; qu'aucuns n'espèrent, sinon les bons.

BOSSUET, Sermon "Sur les devoirs des rois", fin



Sermon pour la "PROFESSION de Melle DE LA VALLIERE"



( selon saint Augustin ) Il y a deux amours qui font ici toutes choses.
L'un est " l'amour de soi-même poussé jusqu'au mépris de Dieu" : c'est ce qui fait la vie ancienne et la vie du monde; l'autre est "l'amour de Dieu poussé jusqu'au mépris de soi-même" : c'est ce qui fait la vie nouvelle du christianisme, et ce qui, étant porté à sa perfection, fait la vie religieuse. Ces deux amours opposés feront tout le sujet de ce discours.

L'homme que vous voyez si attaché à lui-même par son amour-propre, n'a pas été créé avec ce défaut. Dans son origine, Dieu l'avait fait à son image; et ce nom d'image lui doit faire entendre qu'il n'était point pour lui-même.
Une image est toute faite pour son original...

Cette âme, qui était heureuse parce que Dieu l'avait faite à son image, a voulu, non lui ressembler, mais être absolument comme lui. Heureuse qu'elle était de connaître et d'aimer celui qui se connaît et s'aime éternellement, elle a voulu, comme lui, faire elle-même sa félicité. Hélas ! qu'elle s'est trompée, et que sa chute a été funeste ! Elle est tombée de Dieu sur ellemême. Que fera Dieu pour la punir de sa défection ? Il lui donnera ce qu'elle demande : se cherchant elle-même, elle se trouvera elle-même. Mais en se trouvant ainsi elle-même, étrange confusion ! elle se perdra bientôt elle-même. Car voilà que déjà elle commence à se méconnaître; transportée de son orgueil, elle dit : "Je suis un Dieu, et je me suis fait moi-même" : c'est ainsi que le prophète fait parler les âmes hautaines, qui mettent leur félicité dans leur propre grandeur et dans leur propre excellence.
En effet, il est véritable que, pour pouvoir dire : Je veux être content de moi-même et me suffire à moi-même, il faut aussi pouvoir dire : je me suis fait moi-même; ou plutôt : je suis de moi-même.

Mais, comme ici son ( celui de l'âme ) orgueil la trompe, il faut lui faire sentir par quelque autre endroit sa pauvreté et sa misère. Il ne faut pour cela que la laisser quelque temps à elle-même : cette âme, qui s'est tant aimée et tant cherchée, ne se peut plus supporter. Aussitôt qu'elle est seule avec elle-même, sa solitude lui fait horreur : elle trouve en elle-même un vide infini que Dieu seul pouvait remplir : si bien qu'étant séparée de Dieu, que son fond réclame sans cesse, tourmentée par son indigence, l'ennui la dévore, le chagrin la tue; il faut qu'elle cherche des amusements audehors, et jamais elle n'aura de repos si elle ne trouve de quoi s'étourdir: tant il est vrai que Dieu la punit par son propre dérèglement, et que, pour s'être cherchée elle-même, elle devient elle-même son supplice !


Aveugle et malheureux, qui ne songe pas que tout ce qui l'éblouit menace sa liberté et son repos ! Ainsi l'âme raisonnable, née riche par les biens que lui avait donnés son auteur et appauvrie volontairement pour s'être cherchée elle-même, réduite à ce fonds étroit et stérile, tâche de tromper le chagrin que lui cause son indigence, et de réparer ses ruines en empruntant de tous côtés de quoi se remplir...
La raison, en effet, n'est jamais si faible que lorsque le plaisir domine; et ce qui marque une opposition éternelle entre la raison et le plaisir, c'est que, pendant que la raison demande une chose, le plaisir en exige une autre : ainsi l'âme, devenue captive du plaisir, est devenue en même temps ennemie de la raison. Voilà où elle est tombée quand elle a voulu emprunter des sens de quoi réparer ses pertes.

Nous faisons tout le contraire de ce que Dieu commande : nous nous engageons de toutes parts; nous, qui n'avions besoin que de Dieu, nous commençons à avoir besoin de tout.

Vous voyez, Messieurs, l'âme raisonnable déchue de sa première dignité parce qu'elle quitte Dieu et que Dieu la quitte, menée de captivités en captivités, captive d'elle-même, captive de son corps, captive de ses sens et des plaisirs, captive de toutes les choses qui l'environnent...
A quel prix le péché l'a-t-il ( l'homme ) acheté ? Il l'a acheté par tous les faux biens qu'il lui a donnés. Entraîné par tous ces faux biens et asservi par toutes les choses qu'il croit posséder, il ne peut plus respirer, ni regarder le ciel, d'où il est venu. Ainsi il a perdu Dieu, et toutefois, le malheureux ! il ne peut s'en passer; car il y a au fond de notre âme un secret désir qui le redemande sans cesse.
L'idée de Celui qui nous a créés est empreinte profondément au-dedans de nous. Mais, ô malheur incroyable et lamentable aveuglement ! rien n'est gravé plus avant dans le coeur de l'homme, et rien ne lui sert moins dans sa conduite. Les sentiments de religion sont la dernière chose qui s'efface en l'homme, et la dernière que l'homme consulte; rien n'excite de plus grands tumultes parmi les hommes, rien ne les remue davantage, et rien en même temps ne les remue moins.

Nous avons expliqué l'énigme. Ce qu'il y a de si grand dans l'homme est un reste de sa première institution; ce qu'il y a de si bas et qui paraît si mal assorti avec ses premiers principes, c'est le malheureux effet de sa chute. Il ressemble à un édifice ruiné, qui dans ses masures renversées conserve encore quelque chose de la beauté et de la grandeur de son premier plan...
Mais qu'on remue ces ruines, on trouvera dans les restes de ce bâtiment renversé et les traces des fondations et l'idée du premier dessin et la marque de l'architecte. L'impression de Dieu reste encore en l'homme si forte qu'il ne peut la perdre, et tout ensemble si faible qu'il ne peut la suivre : si bien qu'elle semble n'être restée que pour le convaincre de sa faute, et lui faire sentir sa perte... "L'âme s'est embarrassée dans toutes les choses qu'elle aime" dit saint Augustin.


Et en effet, Chrétiens, dans cet oubli profond et de Dieu et d'elle-même, où elle est plongée, ce grand Dieu sait bien la trouver. Il fait entendre sa voix, quand il lui plaît, au milieu du bruit du monde : dans son plus grand éclat, et au milieu de toutes ses pompes, il en découvre le fond, c'est-àdire la vanité et le néant. L'âme, honteuse de sa servitude, vient à consi- dérer pourquoi elle est née; et recherchant en elle-même les restes de l'image de Dieu, elle songe à la rétablir en se réunissant à son auteur.
Touchée de ce sentiment, elle commence à rejeter les choses extérieures.

Les premiers plaisirs qui nous ont trompés sont entrés dans notre coeur avec une mine innocente, comme un ennemi qui se déguise pour entrer dans une place qu'il veut révolter contre les puissances légitimes. Ces désirs qui nous semblaient innocents ont remué peu à peu les passions les plus violentes, qui nous ont mis dans les fers que nous avons tant de peine à rompre.

Le prédicateur qui parle au-dehors ne fait qu'un seul sermon pour tout un grand peuple : mais le prédicateur du dedans, je veux dire le Saint-Esprit, fait autant de prédications différentes qu'il y a de personnes dans un auditoire, car il parle à chacun en particulier, et lui applique selon ses besoins la parole de la vie éternelle.

BOSSUET, Sermon "Sur la Profession de Melle de La Vallière", fin




SAINT DOMINIQUE



Mon Dieu, que vont devenir les pécheurs !
Saint DOMINIQUE

Si la liberté de conscience n'était pas je voudrais aller continuellement par les couvents et effacer moi-même toutes les règles avec mon couteau.
Saint DOMINIQUE, le fondateur d'ordre

A Dieu ne plaise que je repose ailleurs que sous les pieds de mes frères, transportez moi plutôt...
Saint DOMINIQUE, à sa mort

Je m'accuse d'avoir toujours préféré, à celle des vieilles personnes, la conversation des jeunes femmes.
Saint DOMINIQUE, dernière confession à ses frères

Comment pouvez-vous étudier sur des peaux mortes, alors que vos frères meurent de faim !
Saint DOMINIQUE

Le grain pourrit quand on l'entasse et fructifie quand on le sème.
Saint DOMINIQUE, sur la nécessaire dispersion des frères prêcheurs

Chassez un clou par l'autre.
L'évêque DIEGO D'OSMA, père spirituel de saint Dominique

Comme il aimait tout le monde tout le monde l'aimait.
Sur saint DOMINIQUE, de Jourdain de saxe

On craignait en lui donnant la mort de lui rendre service plutôt que de lui nuire.
Sur saint DOMINIQUE

Ses pleurs s'attardaient le soir et sa joie le matin, le jour au prochain et la nuit à Dieu, sachant que Dieu assigne sa miséricorde au jour et son chant à la nuit.
Sur saint DOMINIQUE

Il allait jusqu'à prétendre forcer la justice même du Père, en priant pour les damnés - "ad in infernos damnatos extendebat caritatem suam".
Sur saint DOMINIQUE, cité par Bernanos

On m'a mis à la tête de l'ordre pour le gouverner, avant que je n'aie appris moi-même à gouverner ma propre imperfection.
JOURDAIN de SAXE, premier successeur de saint Dominique




SAINT FRANCOIS D'ASSISE



Qui peut te faire le plus grand bien : le maître ou le serviteur
- Le maître, répondit François
- pourquoi donc, repartit la voix, laisses-tu le maître pour le serviteur ?
Saint François d'ASSISE, Dieu lors de sa conversion

Va, François, répare ma maison qui croule.
Saint François d'ASSISE, Dieu

Je reconnaîtrai que tu aimes le Seigneur et que tu m'aimes... si tu agis de telle sorte qu'il n'y ait dans le monde aucun frère qui ai péché autant qu'il lui aura été possible et qui, après avoir vu ton regard, ne s'éloigne jamais de toi sans un mot de miséricorde.
Saint François d'ASSISE, à un frère de l'ordre franciscain

Dieu... n'a vu parmi les pécheurs aucun qui fût plus vil et inutile que moi, et c'est pour cette raison qu'il m'a choisi pour confondre la noblesse, la grandeur et la science de ce monde.
Saint François d'ASSISE

Et que ceux qui ne savent pas les lettres ne se soucient pas de les apprendre.
Saint François d'ASSISE, règle de l'ordre franciscain

L'Amour n'est pas aimé !
Saint François d'ASSISE

Mon frère âne.
Réjouis-toi, mon frère le corps, et pardonne-moi; je suis prêt maintenant à satisfaire à tes désirs, et je vais m'empresser de subvenir à toutes tes nécessités.
Saint François d'ASSISE, parlant de son corps, et, à la fin de sa vie


Ne prenez pas sujet de joie de ce que les esprits vous sont soumis.
Saint François d'ASSISE, aux prédicateurs de l'ordre

Celui qui maudit un pauvre fait injure au Christ dont il porte la noble livrée; car lui, pour nous, s'est fait pauvre dans le monde.
Saint François d'ASSISE

Les pécheurs se ramènent mieux à Dieu par la douceur que par de cruels reproches.
Saint François d'ASSISE, remontrance à un de ses disciples

Je suis un ver et non pas un homme.
Saint François d'ASSISE, ramassant les vermisseaux pour les mettre
à l'abri de la route, témoignant de son amour à toute créature

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures... pour Messire le frère Soleil qui fait le jour... de toi il porte signification.
Soeur Lune et les étoiles : dans les cieux tu les a formées, claires...
Frère Vent et l'air et le nuage... par lesquels tu donnes le soutien.
Soeur Eau fort utile, et humble, et précieuse et chaste.
Frère Feu, par qui tu éclaires la nuit, et il est beau et... , et fort.
Notre maternelle soeur la Terre qui nous porte et nous mène...
Ceux qui pardonnent pour ton amour... ceux qui persévèrent dans la paix...
Notre soeur la mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Saint François d'ASSISE, cantique des créatures

Le seul parfait chrétien depuis Jésus.
RENAN, l'agnostique, sur saint François d'Assise

Leurs yeux étaient fixés à terre, mais leurs âmes vivaient dans le ciel.
Sur les FRANCISCAINS, d'un DISCIPLE de saint François d'Assise




CHARLES DE FOUCAULD



La vocation étant un appel, les mots : "choisir sa vocation" sont un non-sens. On ne choisit pas sa vocation, on la reçoit, et on doit chercher à la connaître, prêter l'oreille à la voix de Dieu.
CHARLES de FOUCAULD

Ne pas se donner à soi-même sa propre mission. Ne pas faire le travail "pour" le Seigneur, mais le travail "du" Seigneur.
CHARLES de FOUCAULD

Aussitôt que je crus qu'il y avait un Dieu je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi. Dieu est si grand.
CHARLES de FOUCAULD

J'ai besoin de me cramponner à la foi pour rester en prière, et je ne sais même pas si je suis aimé de Dieu, car Il ne me le dit jamais, jamais.
CHARLES de FOUCAULD

Si tes précepteurs te dirigent mal ce qui peut fort bien arriver, car ils sont hommes faillibles... c'est Moi que cela regarde. Toi obéis...
Je ne te dis pas : "Crois ce qu'on te dit, quand c'est contraire à ce que Je dis et à ce qu'enseignent les saints" mais "fais ce qu'on te dit... pourvu qu'il n'y ait pas péché".
CHARLES de FOUCAULD, sur la direction spirituelle, Moi et Je = Dieu

Attendons l'appel de Dieu, ne le devançons pas, puisqu'il est certain que Dieu n'a nul besoin de nous, et que nous ne savons pas s'Il veut se servir de nous pour l'oeuvre qui nous paraît désirable...
Et quand Dieu appelle Moïse, Moïse a une extrême répugnance à lui obéir, ce qui nous montre que le désir de faire une chose n'est pas la preuve de l'appel de Dieu, comme la répugnance, même très vive, à faire une chose ne prouve pas que Dieu ne la demande pas de nous...
Attendons donc l'ordre de Dieu sans le devancer... et quand nous le recevons, obéissons, malgré...
CHARLES de FOUCAULD


La peur c'est le signe du devoir.
CHARLES de FOUCAULD

L'honneur, laissons-le à qui le voudra. Mais le danger, la peine réclamons les toujours.
CHARLES de FOUCAULD

Il restait en arrière ces misérables embarras et cela me fait plaisir de les jeter par la fenêtre.
CHARLES de FOUCAULD, lors de son abandon du monde

Je veux demeurer jusqu'au cou dans le blé et dans le bois.
CHARLES de FOUCAULD, la simplicité

C'est un malhonnête homme, je ne veux pas lui serrer la main. Et comme je ne peux pas refuser ma main à un officier français devant des touaregs, je m'en vais.
CHARLES de FOUCAULD, sur un officier trop "dur" avec les indigènes

Je nourris chaque âme de l'herbe que je vois qu'il lui faut, vous appliquez vous à bien manger.
CHARLES de FOUCAULD, Je = Dieu

Avant que d'être missionnaire il faut tout un travail préalable, s'assimiler, se laisser manger, instruire et civiliser d'abord.
CHARLES de FOUCAULD

Sans la prière l'homme ne vit plus que dans un univers à deux dimensions.
CHARLES de FOUCAULD

On ne fait du bien que par la grâce qui accompagne nos actes.
CHARLES de FOUCAULD

Tout homme doit nous apparaître comme un frère, et un frère couvert comme du manteau de sang de Jésus.
CHARLES de FOUCAULD

C'est une des choses que nous devons absolument à Notre-Seigneur de n'avoir jamais peur.
CHARLES de FOUCAULD

J'avais espéré que vous trouveriez à la Trappe ce que vous cherchez...
Je regrette encore que cela ne puisse pas être.
Il y a une poussée trop profonde vers un autre idéal, et vous arrivez peu à peu, par la force de ce mouvement, à sortir de ce cadre, à vous trouver déplacé. Je ne crois pas en effet que vous puissiez enrayer ce mouvement.
Dites-le à vos supérieurs...
Suivez votre mouvement intérieur, allez où vous pousse l'esprit...
L'abbé HUVELIN, directeur spirituel de Charles de Foucauld

Votre règle est absolument impraticable. A vous dire vrai le règlement m'a effrayé ! Vivez à la porte d'une communauté, dans la simplicité que vous souhaitez, mais ne traçez pas de règle, je vous en supplie !
L'abbé HUVELIN, directeur spirituel de Charles de Foucauld

Il ne nous faisait jamais attendre.
Sur CHARLES de FOUCAULD, Un targui de Tamanrasset




SAINT JEAN DE LA CROIX



Que l'âme s'applique sans cesse non à ce qui est plus facile, mais à ce qui est plus difficile,
Non à ce qui plaît, mais à ce qui déplaît...
Non à vouloir quelque chose, mais à ne rien vouloir...
Non à rechercher ce qu'il y a de meilleur dans les choses, mais ce qu'il y a de pire...
Pour arriver à savoir tout, veillez à ne rien savoir de rien...
Pour arriver à être tout, veillez à n'être en rien...
Car pour venir du tout au tout, il faut se renoncer du tout au tout...
Saint JEAN de la CROIX

Goût pour rien,
Savoir pour rien,
Passer par où on ne possède pas,
Passer par où on n'est pas.
Saint JEAN de la CROIX

Bienheureux celui qui, n'écoutant ni ses goûts ni ses inclinations naturelles, suit la raison et la justice pour chacune de ses oeuvres.
Saint JEAN de la CROIX

Une seule pensée de l'homme est plus précieuse que tout l'univers; d'où vient que Dieu seul en est digne.
Saint JEAN de la CROIX

Dieu est l'architecte surnaturel, c'est à lui qu'appartient le droit d'élever dans chaque âme l'édifice qui lui plaît.
Saint JEAN de la CROIX, à propos de certains directeurs spirituels

Jetez votre souci en Dieu car c'est Lui qui a souci de vous, et Il ne vous oubliera pas. Ne pensez pas qu'Il vous laisse seule, ce serait lui faire injure.
Saint JEAN de la CROIX


Ne cherchez pas le Christ sans la Croix.
Saint JEAN de la CROIX

Ténèbre divine affrontée à la ténèbre de la créature.
Affrontement de la transcendance de Dieu au néant de la créature.
Saint JEAN de la CROIX, la nuit mystique

Nuit du sens : perte de vue du sensible ( crépuscule ), Nuit de la foi : obscurité ( minuit ),
Nuit de Dieu : approche de Dieu ( aurore ),
Aube : réveil de l'âme, connaissance.
Saint JEAN de la CROIX, la nuit mystique

Ayez peu de conversations avec les gens, car s'entretenir avec le monde plus qu'il n'est nécessaire et que ne l'exige la raison n'a jamais été bon pour qui que ce soit, aussi saint fût-il.
Saint JEAN de la CROIX

Vous triompherez sans difficulté de tous les hommes, et les créatures vous serviront, si vous les oubliez et si vous vous oubliez vous-même.
Saint JEAN de la CROIX

Pour toute la beauté jamais je ne me perdrai mais bien pour un je ne sais quoi que l'on atteint d'aventure.
Saint JEAN de la CROIX

Je vis sans vivre en moi et telle est mon attente que je meurs de ne pas mourir.
Saint JEAN de la CROIX

Je pénétrai où je ne savais et je demeurai ne sachant, toute science dépassant.
Saint JEAN de la CROIX


Et sur la montagne rien. Seuls demeurent en cette montagne l'honneur et la gloire de Dieu.
Saint JEAN de la CROIX

Là où il n'y a pas d'amour, mettez de l'amour et vous récolterez de l'amour.
Saint JEAN de la CROIX

Plus les choses de Dieu sont élevées et lumineuses en elles-mêmes, plus elles sont inconnues et obscures pour nous.
Saint JEAN de la CROIX

L'entendement, pour s'unir à Dieu, doit se dépouiller de toutes les lumières qu'il peut acquérir par lui-même.
Saint JEAN de la CROIX

S'il vient à moi, c'est à dire Dieu, je ne le verrai pas; s'il s'éloigne, je ne comprendrai pas.
Saint JEAN de la CROIX

Eteins mes impatiences,
Nul ne peut en venir à bout...
Saint JEAN de la CROIX, sur l'extinction du sensible

Toute possession est opposée à l'espérance.
Saint JEAN de la CROIX

Nous sommes ce que nous aimons. Or nous aimons ce qui n'est rien.
Saint JEAN de la CROIX

Si la vitre a quelques tâches ou quelques nuages, ( le soleil ) ne peut la faire briller aussi complètement que si elle était purifiée de toutes tâches et bien limpide.
La vitre est toujours distincte du rayon, mais tant qu'elle est sale...
Saint JEAN de la CROIX, sur l'impureté et l'opacité de notre coeur

Il ne sert à rien au petit papillon d'avoir des yeux, puisqu'il se laisse charmer par la beauté qui l'attire pour le consumer.
Saint JEAN de la CROIX, de l'être et du monde


Qu'un oiseau soit retenu par un lien de fer ou le fil le plus léger et le plus délicat, il ne pourra prendre son vol...
Saint JEAN de la CROIX, de la libération des liens du monde

Lorsque nous sentons le premier mouvement ou le premier assaut de quelque vice comme la colère... nous ne résisterons pas par un acte de vertu contraire... mais par un acte ou mouvement d'amour anagogique contre le vice, élevant notre coeur à l'union de Dieu.
Saint JEAN de la CROIX

Celui qui n'est pas complètement aveugle ne se laisse pas conduire facilement par son guide.
Saint JEAN de la CROIX, du dépouillement

Quand vous vous arrêtez à quelque chose, vous cessez de vous abandonner au tout.
Saint JEAN de la CROIX, du dépouillement

Ce qui a été fait et ce qui est à faire peut se comparer à la différence qu'il y a entre couper une branche et extraire une racine... il faut que la purification atteigne les imperfections les plus secrètes...
Saint JEAN de la CROIX

L'être connait les effets par leurs causes et non la cause par les effets.
Saint JEAN de la CROIX

L'entendement intellectuel n'est que tribut payé à notre propre pesanteur.
Saint JEAN de la CROIX

Elle est comme l'air qui s'échappe de la main quand on la ferme.
Saint JEAN de la CROIX, sur la nourriture intérieure de l'âme et la
passivité nécessaire à celle-ci

Celui qui aime ne se fatigue pas et ne fatigue pas les autres.
Saint JEAN de la CROIX


L'amour ne se paie que par l'amour.
Saint JEAN de la CROIX

C'est sur l'amour que nous serons jugés.
Saint JEAN de la CROIX

Le plus petit mouvement de pur amour lui est plus utile que toutes les autres oeuvres réunies ensemble.
Saint JEAN de la CROIX

Tous les biens m'ont été donnés quand je ne les ai plus recherchés par amour-propre.
Saint JEAN de la CROIX

Sans fond ni appui.
Saint JEAN de la CROIX




JEAN-PAUL II



N'ayez pas peur !
JEAN PAUL II

Si nous célébrons si solenellement la naissance de Jésus, nous le faisons pour témoigner que chaque homme est unique et irremplaçable.
JEAN PAUL II

L'Eglise exprime sa conviction que l'enseignement religieux, loin d'être un facteur purement privé, s'impose comme un service du bien commun, ne serait-ce que par sa contribution à la formation de la conscience.
JEAN PAUL II

Le vide spirituel mine la société quand, en Europe, s'accentue la pression d'une culture sans ancrage spirituel.
JEAN PAUL II

En défendant l'embryon la société protège tout homme qui reconnaît dans ce petit être sans défense celui qu'il a été au début de son existence.
JEAN PAUL II

L'oeuvre de formation... n'est cependant efficace que dans la mesure de la disponibilité "à l'action de Dieu".
Seul le sarment qui ne craint pas de se laisser émonder par le vigneron porte du fruit pour lui-même et pour les autres.
JEAN PAUL II, les fidèles laics

Il existe une interdépendance et une réciprocité entre personne et société, tout ce qui se fait en faveur de la personne est fait au service de la société, et tout ce qui se fait pour la société tourne aussi au bien de la personne.
JEAN PAUL II, les fidèles laics




Encyclique "SPLENDOR VERITATIS"



Il ne s'agit plus d'oppositions limitées et occasionnelles, mais d'une mise en discussion globale et systématique du patrimoine moral, fondée sur des conceptions anthropologiques et éthiques déterminées... Sur l'influence plus ou moins masquée de courants de pensée qui en viennent à séparer la liberté humaine de sa relation nécessaire et constitutive à la vérité.

Comme si l'appartenance à l'Eglise et son unité interne devaient être décidées uniquement par rapport à la foi, tandis qu'il serait possible de tolérer en matière morale une pluralité d'opinions et de comportements, laissés au jugement de la conscience subjective individuelle ou dépendant de la diversité des contextes sociaux et culturels.

Splendor Véritatis, Introduction


L'homme qui veut se comprendre lui-même jusqu'au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents, mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes, et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s'approcher du Christ.

La réponse à l'interrogation : "Que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle ?" ne peut être trouvée qu'en orientant son esprit et son coeur vers Celui qui "seul est le Bon". Dieu seul peut répondre à la question sur le bien, parce qu'il est le Bien...
Ce qu'est l'homme et ce qu'il doit faire se découvrent au moment où Dieu se révèle lui-même...
La vie morale se présente comme la réponse due aux initiatives gratuites que l'amour de Dieu multiplie dans ses relations avec l'homme.

"La 'loi naturelle' n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence infusée en nous par Dieu. Grâce à elle, nous connaissons ce que nous devons accomplir et ce que nous devons éviter. Cette lumière et cette loi, Dieu les a données dans la création". ( saint Thomas d'Aquin )...
Les deux commandements, auxquels "se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes" sont profondément unis entre eux et s'interpénètrent. Jésus rend témoignage de leur indivisible unité par ses paroles et par sa vie...
Sans l'amour du prochain qui se concrétise dans l'observance des commandements, l'amour authentique pour Dieu n'est pas possible...
Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route ouverte pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour.


Jésus indique au jeune homme les commandements comme condition première et imprescriptible pour avoir la vie éternelle; l'abandon de tout... et la suite du Seigneur prennent en revanche le caractère d'une proposition : "Si tu veux..." La parole de Jésus révèle la dynamique particulière de la croissance de la liberté vers sa maturité et, en même temps, manifeste le rapport fondamental de la liberté avec la Loi divine. La liberté de l'homme et la Loi de Dieu ne s'opposent pas, mais, au contraire, s'appellent mutuellement.

Il ne s'agit pas seulement ici de se mettre à l'écoute d'un enseignement et d'accueillir dans l'obéissance un commandement; plus radicalement, il s'agit d'adhérer à la personne même de Jésus, de partager sa vie et sa destinée, de participer à son obéissance libre et amoureuse à la volonté du Père.

L'homme ne peut pas imiter et revivre l'amour du Christ pas ses seules forces. Il devient capable de cet amour seulement en vertu d'un don de Dieu...
Aucune déchirure ne doit briser l'harmonie entre la foi et la vie : l'unité de l'Eglise est blessée non seulement par les chrétiens qui refusent ou déforment la vérité de la foi, mais encore par ceux qui méconnaissent les obligations morales auxquelles l'Evangile les appelle. Avec fermeté, les Apôtres ont refusé toute dissociation entre l'engagement intérieur et les gestes qui l'expriment et le confirment.
Et depuis les temps apostoliques, les Pasteurs de l'Eglise ont dénoncé clairement les manières d'agir de ceux qui étaient des fauteurs de division par leurs enseignements et par leurs comportements.

Splendor Véritatis, "Maître, que dois-je faire de bon... ?"
Le Christ et la réponse à la question morale.
Chap. I


Dans certains courants de la pensée moderne, on en est arrivé à exalter la liberté au point d'en faire un absolu, qui serait la source des valeurs...
On a attribué à la conscience individuelle des prérogatives d'instance suprême du jugement moral, qui détermine d'une manière catégorique et infaillible le bien et le mal...
De cette façon la nécessaire exigence de la vérité a disparu au profit d'un critère de sincérité, d'authenticité, d'"accord avec soi-même", au point que l'on en est arrivé à une conception radicalement subjectiviste du jugement moral...
Une fois perdue l'idée d'une vérité universelle quant au Bien connaissable par la raison humaine, la conception de la conscience est, elle aussi, inévitablement modifiée : la conscience n'est plus considérée dans sa réalité originelle...
On a tendance à attribuer à la conscience individuelle le privilège de déterminer les critères du bien et du mal de manière autonome, et d'agir en conséquence. Cette vision ne fait qu'un avec une éthique individualiste, pour laquelle chacun se trouve confronté à "sa" vérité, différente de la vérité des autres. Poussé dans ses conséquences extrêmes, l'individualisme débouche sur la négation de l'idée même de nature humaine...
Ces différentes conceptions sont à l'origine des mouvements de pensée qui soutiennent l'antagonisme entre loi morale et conscience, entre nature et liberté...
Parallèlement à l'exaltation de la liberté, et, paradoxalement en opposition avec elle, la culture moderne remet radicalement en question cette même liberté. Un ensemble de disciplines, regroupées sous le nom de "sciences humaines", ont à juste titre attiré l'attention sur les conditionnements d'ordre psychologique et social qui pèsent sur l'exercice de la liberté humaine.
Mais, certains, dépassant les conclusions que l'on peut légitimement tirer de ces observations, en sont arrivés à mettre en doute ou à nier la réalité même de la liberté humaine...
Il faut rappeler aussi certaines interprétations abusives de la recherche scientifique dans le domaine de l'anthropologie. Tirant argument de la grande variété des moeurs, des habitudes et des institutions présentes dans l'humanité, on finit, sinon par toujours nier les valeurs humaines universelles, du moins par concevoir la morale d'une façon relativiste...
S'il existe un droit à être respecté dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore antérieurement l'obligation morale grave pour tous de chercher la vérité et, une fois qu'elle est connue d'y adhérer... "La conscience a des droits parce qu'elle a des devoirs." ( J. H. Newman )..
Malgré leur variété, ces tendances se rejoignent dans le fait d'affaiblir ou même de nier la dépendance de la liberté par rapport à la vérité.


Splendor Véritatis, "Ne vous modelez pas sur le monde présent"
L'Eglise et le discernement sur certaines tendan ces de la théologie morale actuelle.
Chap. II, Introduction


"Tu peux manger de tous les arbres du jardin. Mais de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas, car le jour où tu en mangeras, tu deviendras passible de mort."...
Par cette image, la Révélation enseigne que le pouvoir de décider du bien et du mal n'appartient pas à l'homme, mais à Dieu seul. Assurément l'homme est libre...
Certaines tendances... placent au centre de leur réflexion un prétendu conflit entre la liberté et la loi... attribuant aux individus ou aux groupes sociaux la faculté de déterminer le bien et le mal : la liberté humaine pourrair "créer les valeurs" et jouirait d'une primauté sur la vérité, au point que la vérité elle-même serait considérée comme une création de la liberté. Cette dernière revendiquerait donc une telle autonomie morale que cela signifierait pratiquement son absolue souveraineté...
Certains en sont arrivés à faire la théorie de la souveraineté totale de la raison dans le domaine des normes morales portant sur la conduite droite de la vie dans ce monde...
Ces façons de penser ont amené, à l'encontre de la Sainte Ecriture et de la doctrine constante de l'Eglise, à nier que la loi naturelle ait Dieu pour auteur et que l'homme, par sa raison, participe de la Loi éternelle qu'il ne lui appartient pas d'établir.

L'autonomie de la raison ne peut pas signifier la création des valeurs et des normes morales par la raison elle-même...
On doit donc dire que la loi est une expression de la Sagesse divine : en s'y soumettant, la liberté se soumet à la vérité de la création.

"La lumière de notre raison naturelle, nous faisant discerner ce qui est bien et ce qui est mal - ce qui relève de la loi naturelle -, n'est autre qu'une impression en nous de la lumière divine." ( saint Thomas d'Aquin )...
On voit là pourquoi cette loi est appelée loi "naturelle" : elle est appelée ainsi non par rapport à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui la promulgue est précisément celle de la nature humaine...
L'autorité de la loi réside dans son pouvoir d'imposer des devoirs, de conférer des droits et de sanctionner certains comportements : "Or tout cela ne pourrait exister dans l'homme s'il se donnait à lui-même en législateur suprême la règle de ses propres actes"... "Il s'ensuit que la loi naturelle est la "Loi éternelle elle-même, inscrite dans les êtres doués de raison et les inclinant à l'acte et à la fin qui leur sont propres; et elle n'est que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde". ( Léon XIII )


Les faits de nature morale eux-mêmes sont souvent considérés, au mépris de leur spécificité, comme s'il s'agissait de données statistiquement saisissables, de comportements observables ou explicables par les seules données des mécanismes psychologiques et sociaux. C'est ainsi que "cerains spécialistes de l'éthique", appelés par profession à examiner les faits et gestes de l'homme, peuvent avoir la tentation de mesurer l'objet de leur savoir, ou même leurs prescriptions, à partir d'un tableau statistique des comportements humains concrets et des valeurs admises par la majorité...
Ils disent, que l'homme, comme être rationnel, non seulement peut, mais même "doit déterminer librement" le sens de ses comportements. Cette "détermination du sens" devra tenir compte, évidemment, des multiples limites de l'être humain qui est dans une condition corporelle et historique. Elle devra également tenir compte des modèles de comportement et du sens qu'ils prennent dans une culture particulière. Surtout, elle devra respecter le commandement fondamental de l'amour de Dieu eu du prochain.
Mais Dieu - affirment-ils ensuite - a créé l'homme comme être rationnel et libre, il l'a laissé "à son conseil" et attend de lui qu'il façonne lui-même rationnellement sa vie. L'amour du prochain signifierait avant tout et exclusivement le respect pour la libre détermination de lui-même...
Une liberté qui prétend être absolue finit par traiter le corps humain comme un donné brut, dépourvu de signification et de valeur morales tant que la liberté ne l'a pas saisi dans son projet...
Cette théorie morale n'est pas conforme à la vérité sur l'homme et sur sa liberté. Elle contredit les enseignements de l'Eglise sur l'unité de l'être humain dont l'âme rationnelle est "per se" et "essentialiter" la forme du corps. L'âme spirituelle et immortelle est le principe d'unité de l'être humain, elle est ce pourquoi il existe comme un tout - "corpore et anima unus" - en tant que personne...
La personne, comprenant son corps, est entièrement confiée à elle-même, et c'est dans l'unité de l'âme et du corps qu'elle est le sujet de ses actes moraux...
Une doctrine qui dissocie l'acte moral des dimensions corporelles de son exercice est contraire aux enseignements de la Sainte Ecriture et de la Tradition : une telle doctrine fait revivre, sous des formes nouvelles, certaines erreurs anciennes que l'Eglise a toujours combattues, car elles réduisent la personne humaine à une liberté "spirituelle" purement formelle.
En effet, le corps et l'âme sont indissociables dans la personne, dans l'agent volontaire et dans l'acte délibéré, ils demeurent ou se perdent ensemble...
La loi naturelle exprime et prescrit les finalités, les droits et les devoirs qui se fondent sur la nature corporelle et spirituelle de la personne humaine...
La loi naturelle ainsi comprise ne laisse pas place à la séparation entre la liberté et la nature. En effet, celles-ci sont harmonieusement liées entre elles et intimement alliées l'une avec l'autre.


Les préceptes "positifs", qui prescrivent d'accomplir certaines actions et de cultiver certaines attitudes, obligent universellement et sont immuables.
Les préceptes "négatifs" de la loi naturelle sont universellement valables; ils obligent tous et chacun, toujours et en toute circonstance. Il est dédendu à tous et toujours de transgresser des préceptes qui interdisent, à tous et à tout prix, d'offenser en quiconque et, avant tout, en soi-même la dignité personnelle commune à tous.
Le fait que seuls les commandements négatifs obligent toujours et en toutes circonstances ne veut pas dire que les prohibitions soient plus importantes dans la vie morale que le devoir de faire le bien, exprimé par les comportements positifs. La raison en est plutôt la suivante : le commandement de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain ne comporte dans sa dynamique positive aucune limite supérieure, mais il a une limite inférieure en dessous de laquelle il est violé. En outre, ce que l'on doit faire dans une situation déterminée dépend des circonstances, qui ne sont pas toutes prévisibles à l'avance; au contraire, il y a des comportements qui ne peuvent jamais, et dans aucune situation, être la réponse juste, c'est-à-dire conforme à la dignité de la personne. Enfin il est toujours possible que l'homme, sous la contrainte ou en d'autres circonstances, soit empêché d'accomplir certaines bonnes actions, mais il ne peut jamais être empêché de ne pas faire certaines actions, surtout s'il est prêt à mourir plutôt que de faire le mal...
L'homme contemporain se montre très sensible à l'historicité et à la culture, et cela amène certains à douter de "l'immutabilité de la loi naturelle" elle-même et donc de l'existence de "normes objectives de la moralité" valables pour tous les hommes actuellement et à l'avenir, comme elles l'étaient déjà dans le passé...
On ne peut nier que l'homme se situe toujours dans une culture particulière, mais on ne peut nier non plus que l'homme ne se définit pas tout entier par cette culture. Du reste, le progrès même des cultures montre qu'il existe en l'homme quelque chose qui transcende les cultures. Ce quelque chose est précisément "la nature de l'homme"...
L'Eglise "affirme que, sous tous les changements bien des choses demeurent qui ont leur fondement ultime dans le Christ, le même hier, aujourd'hui et à jamais". C'est lui le "Principe" qui, ayant assumé la nature humaine, l'éclaire définitivement dans ses éléments constitutifs et dans le dynamisme de son amour envers Dieu et envers le prochain.


Splendor Véritatis, "Ne vous modelez pas sur le monde présent"
L'Eglise et le discernement sur certaines tendan ces de la théologie morale actuelle.
Chap. II, La liberté et la loi


Le lien qui existe entre la liberté de l'homme et la loi de Dieu se noue dans le "coeur" de la personne, c'est-à-dire dans sa conscience morale. "Au fond de sa conscience, l'homme découvre la présence d'une loi qu'il ne s'est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d'obéir"...
C'est pourquoi la façon de comprendre le lien entre la liberté et la loi se rattache étroitement à l'interprétation que l'on donne de la conscience morale. De ce fait, les tendances culturelles rappelées plus haut, opposant et séparant la liberté et la loi tout en exaltant la liberté de manière idolâtrique, conduisent à une interprétation "créative" de la conscience morale, qui s'écarte de la position traditionnelle de l'Eglise et de son Magistère..
Certains ont proposé une sorte de double statut de la vérité morale.
En plus du niveau doctrinal et abstrait, il faudrait reconnaître l'originalité d'une certaine considération existentielle plus concrète. Celle-ci, compte tenu des circonstances et de la situation, pourrait légitimement fonder des "exceptions à la règle générale" et permettre ainsi d'accomplir pratiquement, avec une bonne conscience, ce que la loi morale qualifie d'intrinsèquement mauvais. Ainsi s'instaure dans certains cas une séparation, voire une opposition, entre la doctrine du précepte valable en général et la norme de la conscience de chacun, qui déciderait effectivement, en dernière instance, du bien et du mal...
Il n'est personne qui ne comprenne qu'avec ces positions on se trouve devant une mise en question de "l'identité même de la conscience morale" face à la liberté de l'homme et à la loi de Dieu.

"La conscience est comme le héraut et le messager de Dieu; ce qu'elle dit, elle ne le prescrit pas d'elle-même, mais elle le prescrit comme venant de Dieu, à la manière d'un héraut lorsqu'il proclame l'édit du roi. Il en résulte que la conscience a le pouvoir d'obliger." ( saint Bonaventure ) La conscience n'est donc pas une source autonome et exclusive pour décider ce qui est bon et ce qui est mauvais, au contraire, en elle est profondément inscrit un principe d'obéissance à l'égard de la norme objective qui forme et conditionne la conformité de ses décisions aux commandements et aux interdits qui sont à la base du comportement humain.


Pour la conscience, en tant que jugement d'un acte, une erreur est toujours possible...
Il est certain que pour avoir une "bonne conscience", l'homme doit chercher la vérité et juger selon cette vérité.. Comme le dit l'Apôtre Paul, la conscience doit être éclairée par l'Esprit-Saint; elle doit être "pure"; elle ne doit pas falsifier avec astuce la parole de Dieu, mais manifester clairement la vérité. D'autre part, le même Apôtre donne aux chrétiens ce conseil : "Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait"...
C'est toujours de la vérité que découle la dignité de la conscience : dans le cas de la conscience droite, il s'agit de la vérité "objective" reçue par l'homme, et, dans celui de la conscience erronée, il s'agit de ce que l'homme considére par erreur "subjectivement" vrai...
Le mal commis à cause d'une ignorance invincible ou d'une erreur de jugement non coupable peut ne pas être imputable à la personne qui le commet; mais, même dans ce cas, il n'en demeure pas moins un mal, un désordre par rapport à la vérité sur le bien...
Ainsi, avant de nous sentir facilement justifiés au nom de notre conscience, nous devrions méditer la parole du Psaume : "Qui s'avise de ses faux pas ?
Purifie-moi du mal caché". Il y a des fautes que nous ne parvenons pas à voir et qui n'en demeurent pas moins des fautes, parce que nous avons refusé de nous tourner vers la lumière.
L'autorité de l'Eglise, qui se prononce sur les questions morales, ne lèse donc en rien la liberté de conscience des chrétiens : d'une part, la liberté de conscience n'est jamais une liberté affranchie "de" la vérité, mais elle est toujours et seulement "dans" la vérité; et, d'autre part, le Magistère ne fournit pas à la conscience chrétienne des vérités qui lui seraient étrangères, mais il montre au contraire les vérités qu'elle devrait déjà posséder en les déployant à partir de l'acte premier de la foi.
L'Eglise se met toujours et uniquement "au service de la conscience", en l'aidant à ne pas être ballotée à tout vent de doctrine au gré de l'imposture des hommes, à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l'homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle.


Splendor Véritatis, "Ne vous modelez pas sur le monde présent"
L'Eglise et le discernement sur certaines tendan ces de la théologie morale actuelle.
Chap. II, La conscience et la liberté


On en vient ainsi à introduire une "distinction entre l'option fondamentale et les choix délibérés de comportements concrets", distinction qui, chez certains auteurs, prend la forme d'une "dissociation", lorsqu'ils réservent expressément les notions de "bien" et de "mal" moral à la dimension transcendantale propre à l'option fondamentale, qualifiant de "justes" ou de "fautifs" les choix des comportements particuliers "intramondains" qui concernent les relations de l'homme avec lui-même, avec les autres et avec le monde des choses. Il semble ainsi que se dessine, à l'intérieur de l'agir humain, une scission entre deux niveaux de moralité : d'une part, l'ordre du bien et du mal, qui dépend de la volonté, et, d'autre part, les comportements déterminés, qui ne sont jugés moralement justes ou fautifs qu'en fonction d'un calcul technique entre biens et maux "pré-moraux" ou "physiques", conséquences effectives de l'action.
On en arrive au point qu'un comportement concret, même librement choisi, est considéré comme un processus purement physique et non selon les critères propres de l'acte humain. Dés lors, on réserve la qualification proprement morale de la personne à l'option fondamentale, en ne l'appliquant ni totalement ni partiellement au choix des actes particuliers et des comportements concrets...
Il faut donc affirmer que "ce qu'on appelle l'option fondamentale, dans la mesure où elle se distingue d'une intention générale... est toujours mise en oeuvre grâce à des choix conscients et libres. C'est précisément pourquoi elle est récusée lorsque l'homme engage sa liberté par des choix conscients qui s'y opposent, en matière moralement grave".
Séparer option fondamentale et comportements concrets revient à contredire l'intégrité substantielle ou l'unité personnelle de l'agent moral, corps et âme...
En réalité, la moralité des actes humains ne se déduit pas seulement de l'intention, de l'orientation ou de l'option fondamentale... On ne peut juger de la moralité dès lors qu'on omet de vérifier si le choix délibéré d'un comportement concret est conforme ou contraire à la dignité et à la vocation intégrale de la personne humaine...
Les préceptes moraux négatifs, c'est-à-dire ceux qui interdisent certains actes ou comportements concrets comme intrinsèquement mauvais, n'admettent aucune exception légitime; ils ne laissent aucun espace moralement acceptable pour "créer" une quelconque détermination contraire...
Dans la logique des positions mentionnées plus haut, l'homme pourrait, en vertu d'une option fondamentale, rester fidèle à Dieu, indépendamment de la conformité ou de la non-conformité de certains de ses choix et de ses actes délibérés avec les normes ou les règles morales spécifiques. En raison d'une option première pour la charité, l'homme pourrait demeurer moralement bon, persévérer dans la grâce de Dieu, gagner son salut, même si certains de ses comportements concrets étaient délibérément et gravement contraires aux commandements de Dieu, toujours enseignés par l'Eglise.
En réalité l'homme ne se perd pas seulement par l'infidélité à l'option fondamentale, grâce à laquelle il s'est remis "tout entier et librement à Dieu". Avec chaque péché mortel commis de manière délibérée, il offense Dieu qui a donné la Loi et il se rend donc coupable à l'égard de la Loi tout entière; tout en restant dans la foi, il perd la "grâce sanctifiante", la "charité" et la "béatitude éternelle".


L'orientation fondamentale peut donc être radicalement modifiée par des actes particuliers.

Splendor Véritatis, "Ne vous modelez pas sur le monde présent"
L'Eglise et le discernement sur certaines tendan ces de la théologie morale actuelle.
Chap. II, Le choix fondamental et les
comportements concrets


La relation entre la liberté de l'homme et la Loi de Dieu, qui se réalise de façon profonde et vivante dans la conscience morale, se manifeste et se concrétise dans les actes humains...
En s'efforçant d'élaborer une telle morale rationnelle - parfois appelée à ce titre "morale autonome" -, on rencontre de fausses solutions, liées en particulier à une compréhension inadéquate de l'objet de l'agir moral.
Certains ne prennent pas suffisamment en considération le fait que la volonté est impliquée dans les choix concrets qu'elle opère... ( Cette ) méthode de découverte de la norme morale, peut alors... recevoir le nom de "conséquentialisme" ou de "proportionnalisme". Le premier entend définir les critères de la justesse d'un agir déterminé à partir du seul calcul des conséquences prévisibles de l'exécution d'un choix. Le second, qui pondère entre eux les valeurs de ces actes et les biens poursuivis, s'intéresse plutôt à la proportion qu'il reconnaît entre leurs effets bons et leurs effets mauvais, en vue du "plus grand bien" ou du "moindre mal" réellement possible dans une situation particulière... ( Ces ) théories éthiques, tout en reconnaissant que les valeurs morales sont indiquées par la raison et par la Révélation, considèrent qu'on ne peut jamais formuler une interdiction absolue de comportements déterminés qui seraient en opposition avec ces valeurs, en toute circonstance et dans toutes les cultures...
Dans un monde où le bien serait toujours mêlé au mal et tout effet bon lié à d'autres effets mauvais, la moralité de l'acte serait jugée de manière différenciée : sa "bonté" morale à partir de l'intention du sujet rapportée aux biens moraux, et sa "rectitude" à partir de la prise en compte des effets ou des conséquences prévisibles et de leurs proportions.


De semblables théories ne sont cependant pas fidèles à la doctrine de l'Eglise, puisqu'elle croient pouvoir justifier, comme moralement bons, des choix délibérés de comportements contraires aux commandements de la Loi divine et de la loi naturelle...
La considération des conséquences, et également des intentions, n'est pas suffisante pour évaluer la qualité morale d'un choix concret...
Du reste, chacun connaît la difficulté - ou mieux l'impossibilité - d'apprécier toutes les conséquences et tous les effets bons ou mauvais - dits pré-moraux - de ses propres actes : faire un calcul rationnel exhaustif n'est pas possible...
La moralité de l'acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l'objet raisonnablement choisi par la volonté délibérée... "il ne suffit pas de faire des oeuvres bonnes, mais il faut les faire bien.
Afin que nos oeuvres soient bonnes et parfaites, il est nécessaire de les faire dans le seul but de plaire à Dieu." ( saint Alphonse de Liguori )...

Il faut donc repousser la thèse des théories téléologiques et proportionnalistes selon laquelle il serait impossible de qualifier comme moralement mauvais selon son genre - son "objet" - le choix délibéré de certains comportements ou de certains actes déterminés, en les séparant de l'intention dans laquelle le choix a été fait ou de la totalité des conséquences prévisibles de cet acte pour toutes les personnes concernées...
Sans aucunement nier l'influence que les circonstances, et surtout les intentions, exercent sur la moralité, l'Eglise enseigne "qu'il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet"... "Quant aux actes qui sont par eux-mêmes des péchés comme le vol..., qui oserait affirmer que, accomplis pour de bonnes raisons, ils ne seraient pas des péchés ou, conclusion encore plus absurde, qu'ils seraient des péchés justifiés ?" ( saint Augustin )...
Les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte "subjectivement" honnête ou défendable comme choix.

Splendor Véritatis, "Ne vous modelez pas sur le monde présent"
L'Eglise et le discernement sur certaines tendan ces de la théologie morale actuelle.
Chap. II, L'acte moral



Selon la foi chrétienne et la doctrine de l'Eglise, "seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la Vérité et de faire la Vérité"...
Ce lien essentiel entre vérité-bien-liberté a été perdu en grande partie par la culture contemporaine, aussi, amener l'homme à le redécouvrir est aujourd'hui une des exigences propres de la mission de l'Eglise, pour le salut du monde. La question de Pilate "qu'est-ce que la vérité ?", jaillit aujourd'hui de la perplexité désolée d'un homme qui ne sait plus "qui" il est, "d'où" il vient et "où" il va...
La force salvifique de vrai est contestée et l'on confie à la seule liberté, déracinée de toute objectivité, la tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et de ce qui est mal...
A ce que la loi morale prescrit, on oppose ce que l'on appelle des situations concrètes, en ne croyant plus, au fond, que la Loi de Dieu soit "toujours" l'unique vrai bien de l'homme...
La réflexion rationnelle et l'expérience quotidienne montrent la faiblesse qui affecte la liberté de l'homme. C'est une liberté véritable, mais finie..
C'est la liberté d'une créature, c'est-à-dire un don, qu'il faut accueillir comme un germe et qu'il faut faire mûrir de manière responsable... "Dans la maison du Seigneur, l'esclavage est libre. L'esclavage est libre lorsque ce n'est pas la contrainte, mais la charité qui sert.. Que la charité te rende esclave puisque la vérité t'a rendu libre.. Tu es en même temps esclave et homme libre : esclave, car tu l'es devenu; homme libre, car tu es aimé de dieu, ton Créateur, bien plus, tu es libre parce que tu aimes ton Créateur.. Tu es l'esclave du Seigneur, l'affranchi du Seigneur.
Ne cherche pas à être libéré en t'éloignant de la maison de ton libérateur!" ( saint Augustin )

Il est urgent que les chrétiens redécouvrent "la nouveauté de leur foi et la force qu'elle donne au jugement" par rapport à la culture dominante et envahissante.

Le fait du martyre chrétien, qui a toujours accompagné et accompagne encore la vie de l'Eglise, confirme de manière particulièrement éloquente le caractère inacceptable des théories éthiques, qui nient l'existence de normes morales déterminées et valables sans exception...
Le chrétien peut aller jusqu'à "aimer les difficultés de ce monde en vue des récompenses éternelles". ( saint Grégoire le Grand )...
Cette réflexion du poète latin Juvénal s'applique à tous : "Considére comme le plus grand des crimes de préférer sa propre vie à l'honneur et, pour l'amour de la vie physique, de perdre ses raisons de vivre".


La vraie compréhension et la compassion naturelle doivent signifier l'amour de la personne, de son bien véritable et de sa liberté authentique. Et l'on ne peut certes pas vivre un tel amour en dissimulant ou en affaiblissant la vérité morale...
Par rapport aux normes morales qui interdisent le mal intrinsèque, il n'y a de privilège ni d'exception pour personne. Que l'on soit le maître du monde ou le dernier des "misérables" sur la face de la terre, cela ne fait aucune différence : devant les exigences morales, nous sommes tous absolument égaux...
C'est ainsi que seule une morale qui reconnaît des normes valables toujours et pour tous, sans aucune exception, peut garantir les fondements éthiques de la convivialité, au niveau national ou international.

Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme: s'il n'existe pas de vérité transcendante, par l'obéissance à laquelle l'homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n'existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n'est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu'au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres.. Il faut donc situer la racine du totali- tarisme moderne dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible...
A cause de l'absorption dans le cadre politique de l'aspiration religieuse ... ( il y a ) risque d'alliance entre la démocratie et le relativisme éthique ( lequel ) retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l'acceptation de la vérité.
En effet, "s'il n'existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l'action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire".

D'où provient, en fin de compte, la division intérieure de l'homme ? Celuici commence son histoire de pécheur lorsqu'il ne reconnaît plus le Seigneur comme son Créateur, et lorsqu'il veut décider par lui-même ce qui est bien et ce qui est mal, dans une indépendance totale. "Vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal", c'est la première tentation, à laquelle font écho toutes les autres...
Le publicain nous présente une conscience "pénitente" qui se rend pleinement compte de la fragilité de sa nature et qui voit dans ses manquements, quelles qu'en soient les justifications subjectives, une confirmation du fait qu'il a besoin de rédemption. Le pharisien nous présente une conscience "satisfaite d'elle-même", qui est dans l'illusion de pouvoir observer la loi sans l'aide de la grâce et a la conviction de ne pas avoir besoin de la miséricorde...
Une grande vigilance est demandée à tous, afin de ne pas se laisser gagner par l'attitude pharisaïque qui prétend éliminer le sentiment de ses limites et de son péché, qui s'exprime aujourd'hui particulièrement par la tentative d'adopter la norme morale à ses capacités, à ses intérêts propres et qui va jusqu'au refus du concept même de norme.


La déchristianisation qui affecte des communautés et des peuples entiers autrefois riches de foi et de vie chrétienne implique non seulement la perte de la foi ou, en tout cas, son insignifiance dans la vie, mais aussi, et forcément, "le déclin et l'obscurcissement du sens moral" : et cela, du fait que l'originalité de la morale évangélique n'est plus perçue, ou bien à cause de l'effacement des valeurs et des principes éthiques fondamentaux eux-mêmes. Les courants subjectivistes, utilitaristes et relativistes, aujourd'hui amplement diffusés, ne se présentent pas comme de simples positions pragmatiques, comme des traits de moeurs, mais comme des conceptions fermes du point de vue théorique, qui revendiquent leur pleine légitimité culturelle et sociale. "L'évangélisation" - et donc la nouvelle évangélisation - "comporte également l'annonce et la proposition de la morale".

Du point de vue théologique, les principes moraux ne dépendent pas du moment de l'histoire où on les découvre...
En effet, tandis que les sciences humaines, comme toutes les sciences expérimentales, développent une conception empirique et statistique de la "normalité", la foi enseigne que cette normalité porte en elle la trace d'une chute de l'homme par rapport à sa situation originelle, c'est-à-dire qu'elle est blessée par le péché. Seule la foi chrétienne montre à l'homme la voie du retour à "l'origine", une voie souvent bien différente de celle de la normalité empirique...
La doctrine morale ne peut certainement pas dépendre du simple respect d'une procédure : en effet, elle n'est nullement établie en appliquant les règles et les formalités d'une délibération de type démocratique. Le "dissentiment", fait de contestations délibérées et de polémiques, exprimé en utili- sant les moyens de communication sociale, "est contraire à la communion ecclésiale et à la droite compréhension de la constitution hiérarchique du Peuple de Dieu".

En tant qu'évêques, nous avons le devoir d'être vigilants pour que la Parole de Dieu soit fidèlement enseignée.

Splendor Véritatis, "Pour que ne soit pas réduite à néant la croix
du Christ"
Le bien moral pour la vie de l'Eglise et du monde.
Chap. III



Marie partage notre condition humaine, mais dans une transparence totale à la grâce de DIeu...
Elle est du côté de la vérité et partage le fardeau de l'Eglise dans son rappel des exigences morales à tous et en tout temps... Elle n'accepte pas que l'homme pécheur soit trompé par quiconque prétendrait l'aimer en justifiant son péché, car elle sait qu'ainsi le sacrifice du Christ, son Fils, serait rendu inutile. Aucun acquittement, fût-il prononcé par des doctrines philosophiques ou théologiques complaisantes, ne peut rendre l'homme véritablement heureux : seules la Croix et la gloire du Christ ressuscité peuvent pacifier sa conscience et sauver sa vie.

JEAN-PAUL II, "Splendor Véritatis", Conclusion, Marie, Mère de Miséricorde.




1993 Thesaurus - Sermon "Sur les DEVOIRS des ROIS"