1993 Thesaurus - Encyclique "PASCENDI DOMINICI GREGIS" sur les doctrines des modernistes
Avoir une âme, soit être partenaire du dialogue avec Dieu.
JOSEPH RATZINGER
Le croyant sait que notre histoire "avance" vers un point et n'est pas un éternel recommencement.
JOSEPH RATZINGER
"Je pense, donc je suis" se transforme mieux en "Je suis pensé, c'est pourquoi je suis".
Connaître pour l'homme, c'est d'abord être connu.
JOSEPH RATZINGER
Dieu ne s'ouvre pas au moi isolé.
JOSEPH RATZINGER
Sans le réalisme des saints, sans leur contact avec la réalité dont il est question, la théologie devient un jeu intellectuel vide...
JOSEPH RATZINGER
Jean qui repose la tête contre la poitrine de Jésus est un symbole de ce que la foi en général signifie.
JOSEPH RATZINGER
Je ne peux pas construire ma foi dans un dialogue privé avec Jésus.
La foi vit dans le "nous" ou elle ne vit pas.
JOSEPH RATZINGER
L'apostasie de l'époque moderne repose sur la constatation de la disparition de la foi dans la vie des chrétiens.
JOSEPH RATZINGER
Nous ne ferons pas la nouvelle évangélisation... avec des théories aussi subtilement pensées fussent-elles : le regrettable échec d'une certaine forme de catéchèse moderne n'est que trop visible.
JOSEPH RATZINGER
Personne ne peut échapper entièrement à la foi.
Le croyant sera toujours menacé par l'incroyance et l'incroyant par la foi.
Les deux connaîtront, chacun à leur manière, le doute "et" la foi, s'ils ne cherchent pas à se faire illusion à eux-mêmes et à se dissimuler la vérité de leur être.
Doute et foi
Ne nous leurrons pas : s'incorporer dans le "Je" du symbole, transformer le "Je" schématique de cette formule en un "Je" personnel et vivant, cela a toujours été une entreprise dramatique...
Le saut de la foi
Dieu n'est pas seulement l'être qui se trouve en dehors de notre champ de vision, mais Celui qui est essentiellement en dehors et le restera toujours, si étendu que devienne notre champ de vision.
Croire, c'est admettre qu'au plus intime de l'homme existe un point tangent à l'invisible...
Le saut de la foi
La foi chrétienne n'a pas seulement pour objet ce qui est éternel, en dehors de notre monde et en dehors du temps; son objet immédiat, c'est plutôt le Dieu qui est entré "dans" l'histoire.
Comblant le fossé entre l'éternel et le temporel, entre le visible et l'invisible, introduisant pour ainsi dire l'Eternel dans le monde, la foi se reconnaît comme révélation.
Le dilemme de la foi
Au lieu d'une paisible contemplation du mystère ineffable, il nous faut nous limiter à une seule figure et placer le salut de l'homme et du monde sur le bout d'aiguille d'un point fortuit de l'espace et du temps.
Le scandale du "positivisme" chrétien
De l'ancienne équation "vérité/être" on est passé à "vérité/fait réel".
L'esprit humain n'a plus à réfléchir sur l'être, il n'en a pas la possibilité. Le règne du "fait" commence, l'homme se tourne radicalement vers sa propre création, il la considère comme sa seule certitude.
L'homme devient produit fortuit, tombé de ce ciel qu'il avait pris pour son origine, il ne lui reste plus que la terre des faits, où il s'efforce de déchiffrer, à la bêche, la laborieuse histoire de son devenir.
Genèse de l'historisme
Au règne du "fait" se substitue, depuis le milieu du XIXème siècle, le règne de ce qui est "opérationnel", et ainsi le règne de la technique supplante celui de l'histoire.
Le "fait" trouve sa justification dans le "faisable", le renouvelable, le vérifiable... On passe au primat de "ce-qui-est-à-faire" sur "ce-qui-a-étéfait".
De l'absolu antique et moyennageux l'homme s'est d'abord tourné vers le passé et maintenant il s'oriente vers l'avenir.
Rien n'empêche l'homme de se faire Dieu, dont désormais la place est à la fin, comme visée de l'opération, et non plus au commencement en qualité de logos, de sens.
Evolution vers la pensée technique
Le chrétien n'esquisse pas un programme pour la transformation du monde, il ne se considère pas non plus comme un simple chaînon dans la suite des événements passés.
Le processus de la foi n'appartient pas à la relation "savoir/faire" de la pensée centrée sur l'opérationnel; il correspond plutôt à une relation différente : "Prendre appui/comprendre".
Point d'insertion de la foi
"Si vous ne croyez pas vous ne comprendrez pas".
La foi n'est pas ordonnée au domaine de la technique et de l'histoire.
Elle est du ressort des options fondamentales de l'homme, qui demandent inévitablement une réponse. Tout homme doit prendre position à l'égard de ces options et il ne peut le faire que sous la forme d'une foi.
Tout homme est obligé d'avoir une foi.
Même le marxisme ne peut démontrer que "l'opérationnel" soit le véritable sens de la vie; il ne peut que le promettre et en faire ainsi un objet de foi.
La foi : prendre appui - comprendre
La foi chrétienne c'est reconnaître que le don précède l'action, sans pour autant déprécier l'action. C'est parce que nous avons reçu qu'il nous est possible de "faire".
La foi : prendre appui - comprendre
A la vérité de l'"être en-soi" s'est substituée aujourd'hui l'utilité des choses pour nous, confirmée par la "vérité" des résultats.
Mais, connaître le monde dans sa fonctionnalité, ce n'est pas encore comprendre le sens du monde et de l'être.
La foi raisonnable
La foi chrétienne vit de cette vérité qu'il n'y a pas seulement un sens objectif, mais que ce sens me connaît et m'aime. Ainsi foi, confiance et amour ne forment finalement qu'une seule chose.
"Je crois en Toi"
La foi naît de la "prédication" et non de la "réflexion" comme la philosophie. Elle ne vise pas à concevoir mais à accueillir une donnée, non un produit personnel.
Elle se présente de l'extérieur, elle est parole d'un autre; sauf rares exceptions, on ne trouve pas la foi, on la reçoit.
La double structure : interpellation venant du dehors et réponse personnelle, lui est essentielle. Elle n'est donc pas adaptable à loisir, interchangeable.
Elle m'est imposée toute préparée et me procure ce que je ne saurais me donner à moi-même. De là découle la priorité de la parole sur la pensée et également le caractère social de la foi.
C'est dans la mesure seulement où l'homme se communique lui-même, que le 'logos' par excellence s'incorpore, avec le 'logos' humain, dans la parole de l'homme.
Le symbole : foi et parole
Chaque homme ne détient donc la foi que comme "symbole" ( pièce incomplète et brisée ) qui ne saurait trouver son unité et son intégralité qu'en s'unissant aux autres.
Le christianisme n'est pas un système de connaissance mais une voie.
Le "nous" des croyants n'est pas un accessoire, il est, en un certain sens, la chose elle-même; la communauté humaine est une réalité qui se situe sur un autre plan que la simple "idée".
La foi n'est pas esprit replié sur lui-même, mais incarnation dans le corps de l'histoire et de la société.
La foi comme symbole
Dans l'histoire des religions, le thème de dieu revêt toujours les deux formes simultanées.
- Le dieu-sauveur, le dieu-rédempteur : le dieu-fils. Thèmes de la "solitude/sécurité", du mal et de notre déficience.
- Le dieu-créateur : le dieu-père. Thèmes de la puissance cosmique, du bien et de la plénitude.
Il existe un point où aucune rencontre humaine n'est capable de combler notre solitude.
Dieu, la question
Dans la mesure où l'homme s'éloigne de Dieu, il devient la proie des "dieux". Pour être libéré, il faut qu'il accepte de se laisser libérer, en renonçant à se fier à lui-même.
L'absolutisation du pouvoir, du pain, de l'"eros" menace les hommes d'aujourd'hui autant que ceux de l'antiquité, à ceci près que, depuis la fin du paganisme pré-chrétien, ces puissances ont perdu leur masque divin et sont contraintes de paraître dans leur vraie "profanité".
Dieu, la foi en un seul Dieu
Dans l'optique de la foi, si Dieu se nomme, ce n'est pas tellement pour exprimer son essence intime, mais pour permettre aux hommes de le nommer, en se livrant à eux, afin qu'ils puissent l'appeler.
Ce faisant, il devient co-existant avec eux, il peut être atteint par eux, il est là pour eux.
Dieu, l'idée du nom
Le chrétien répondait aux païens que son Dieu ne ressemblait ni à Zeus ni à Dionysos, mais plutôt à l'Etre Suprême dont parlait les philosophes d'alors.
Le choix ainsi opéré signifiait l'option pour le 'logos' contre toute espèce de 'mythos', la démythologisation définitive du monde et de la religion.
La foi chrétienne a opté contre les dieux des religions pour le Dieu des philosophes, c'est à dire contre le 'mythos' de la seule coutume pour la vérité de l'être lui-même.
Dieu, l'option de l'Eglise pour la philosophie
Le Dieu des philosophes est essentiellement ordonné à lui-même, il est pure pensée, se contemplant elle-même. Le Dieu de la foi, au contraire, est défini fondamentalement par la catégorie de la relation. Il est l'Immensité créatrice qui embrasse la totalité.
Le Dieu des philosophes est pensée pure. Le Dieu de la foi est amour.
Pour lui, penser, c'est aimer. Ce n'est plus la pensée qui est divine, c'est l'amour.
Dieu, transformation du Dieu des philosophes
"Père" et "Maître de toutes choses" réunissent dans le symbole l'unité paradoxale du Dieu de la foi et du Dieu des philosophes.
Dieu, dans le symbole
"Je crois que Dieu existe" inclut l'option que le 'logos', c'est à dire la pensée, la liberté, l'amour, ne se trouve pas seulement à la fin mais aussi au commencement; le 'logos' est la puissance qui crée et embrasse tout être.
Cette option pour la structure intelligible de l'être, pour son origine relevant du sens et de l'intelligence, implique en même temps la foi en la création. C'est à dire la conviction que l'esprit objectif, décelable dans tous les êtres... n'est que l'empreinte et l'expression d'un esprit subjectif, que la structure logique inhérente à l'être est l'expression d'une pensée pré-alable qui lui a donné d'être.
Pour la pensée chrétienne, ce n'est pas une conscience englobant tous les êtres, ni une matérialité unique, qui rendent compte de la réalité totale; au sommet, elle pose une liberté qui pense, qui, en pensant, crée des libertés, faisant ainsi de la liberté la forme qui structure l'être.
Dieu, le primat du logos
Le chrétien voit dans l'homme non pas un individu, mais une personne.
C'est dans ce passage de l'individu à la personne qu'apparaît toute l'étendue du chemin qui va de l'antiquité au christianisme, du platonicisme à la foi.
Dieu, le dieu personnel
L'homme, en prenant contact avec le Christ, rencontre en Jésus - en cet homme, semblable à lui, qu'il peut atteindre et aborder - Dieu lui-même, non pas un être mixte qui s'interposerait entre eux.
La préoccupation de l'Eglise primitive pour défendre la vraie divinité de Jésus a la même racine que la préoccupation de sa véritable humanité.
Il ne saurait être "notre" médiateur, s'il n'était véritablement homme; Il ne saurait faire aboutir la médiation, s'il n'était véritablement Dieu comme Dieu.
Dieu, la foi au Dieu un et trine
Dans la question de Dieu, il ne faut pas vouloir, à la manière aristotélicienne, trouver un dernier concept, englobant le tout; il faut s'attendre, au contraire, à rencontrer une pluralité d'aspects, dépendants de la position respective de l'observateur.
Nous ne pouvons qu'accepter tous ces aspects ensemble, sans arriver à exprimer la réalité dernière.
Dieu, la foi au Dieu un et trine
La simple curiosité neutre de l'esprit, qui ne veut pas entrer lui-même dans le jeu, est incapable de nous ouvrir les yeux et de nous éclairer, même sur un homme, et encore moins sur Dieu.
L'expérience sur Dieu ne peut se faire sans l'homme.
Dieu, la foi au Dieu un et trine
En reconnaissant Dieu, le Sens créateur, comme personne, la foi chrétienne le confesse comme connaissance, parole et amour.
Reconnaître Dieu comme personne, c'est donc nécessairement le reconnaître comme exigence de relations, comme "communication", comme fécondité.
Un être absolument un, qui ne serait ni origine ni terme de relation ne pourrait être une personne. La personne au singulier absolu n'existe pas.
Dieu, la foi au Dieu un et trine
Le Sens, fondement de tout être, est devenu chair, c'est-à-dire il est entré dans l'histoire, il fait partie d'elle; il n'est plus seulement ce qui la porte et l'embrasse, il est devenu un point à l'intérieur d'elle.
Jésus-Christ,
Jésus ou Christ ? la réduction à l'histoire ou l'abandon de celle-ci, va-et-vient de l'esprit moderne.
L'histoire ne fait pas un présent, elle ne fait que constater le passé.
C'est pourquoi le romantisme de la pure figure de Jésus ( le Jésus de l'agnostique Renan ) est dépourvu d'avenir et vide de présent.
L'un ( Jésus ) ne peut exister sans l'autre ( Christ ).
Jésus-Christ, dilemme de la théologie moderne.
Les évangélistes n'ont rien fait apparaître d'une personnalité vivant indépendamment de son oeuvre, possédant certains désirs personnels...
L'être de Jésus en tant qu'homme est identique à son oeuvre.
L'unité indissoluble des deux mots "Jésus-Christ" traduit l'expérience de l'identité de l'existence et de la mission. Toute la personnalité de Jésus est fonction du "pour nous".
Jésus-Christ, dilemme de la théologie moderne.
La personne "est" la fonction, la fonction "est" la personne.
En Jésus la distinction devient sans objet, le "Moi" est l'oeuvre et l'oeuvre est le "Moi". Il n'a pas laissé de doctrine séparable de son "Moi".
Jésus-Christ, l'image du Christ dans le symbole
A partir de la croix, la foi réalise que ce Jésus n'a pas seulement fait ou dit "quelque chose", mais qu'en lui, message et personne sont identiques, qu'il "est" ce qu'il dit. Alors, selon St Jean, ce Jésus est "parole".
Or une personne qui n'"a" pas seulement des paroles mais qui est sa parole et son oeuvre est le 'logos' lui-même; elle existe depuis toujours et pour toujours; elle est le fondement sur lequel repose le monde.
L'évangile de Jean est la lecture des paroles de Jésus à partir de la personne, et de la personne à partir de ses paroles.
Jésus-Christ, la croix
Le trait d'union entre Jésus et Christ, l'union indissoluble entre la personne et l'oeuvre, l'identité d'un homme avec le don de soi, représentent également le trait d'union entre l'amour et la foi...
En lui, l'amour devient 'logos', vérité de l'être de l'homme.
Jésus-Christ, Jésus le Christ
La foi chrétienne ne se réfère pas à des idées, mais à une personne, à un "Moi", défini comme parole et fils, c'est-à-dire comme ouverture totale.
Elle se réfère à un homme qui est tout entier ce qu'il fait, derrière ce qu'il dit, pour les autres, se "perdant" mais restant entièrement luimême... la plénitude de l'humain.
Jésus-Christ, Jésus le Christ
Celui qui ne tient absolument pas à soi, mais qui est pure relation, qui s'est "vidé complètement", qui est entré dans la pure dynamique du "pour" coincide avec l'absolu et devient Seigneur.
Jésus-Christ, Jésus le Christ
"Fils", expression de la relativité totale de l'existence de Jésus, de "l'être-à-partir-de" et de "l'être-pour".
L'être de Jésus est "service", et c'est pour cela qu'il est être filial.
Jésus-Christ, Jésus le Christ
N'étant plus séparable de son actualité "à-partir-de" et "pour", il coïncide avec Dieu.
Il devient en même temps l'homme exemplaire, l'homme de l'avenir, à travers lequel on peut percevoir combien l'homme est encore l'être à venir, à réaliser, combien peu l'homme a commencé d'être lui-même.
Jésus-Christ, Jésus le Christ
Les deux lignes de développement issues de la contemplation de Jésus.
- La théologie de l'incarnation : l'être, un homme qui est Dieu, un Dieu qui est homme, l'événement décisif, rédempteur de la rencontre de Dieu et de l'homme; vision statique et optimiste; grecque.
- La théologie de la croix : l'agir de Dieu, l'événement, l'espérance de la résurrection; conception dynamique et critique; latine ( la réforme ).
Jésus-Christ, deux théologies
Pour que l'homme devienne pleinement homme il faut que Dieu devienne homme.
Alors seulement le passage de l'"animal" au "logique" est franchi.
Le passage par lequel le 'logos', l'intelligence, l'esprit pénétrèrent pour la première fois dans notre univers, n'est pleinement accompli que lorsque le 'logos' lui-même, le Sens Créateur tout entier, et l'homme se compénètrent.
Jésus-Christ, le Christ, le "dernier homme"
Le côté ouvert du Nouvel Adam répète le mystère de la création du "côté ouvert" de l'homme.
Jésus-Christ, le Christ, le "dernier homme"
- Une foi, simple rétrospective sur le passé : romantisme, restauration.
- Une foi, simple perspective sur l'éternel : platonisme, métaphysique.
- Une foi, simple regard en avant, anticipation de l'espérance : utopie, surtout si le but n'est que la création propre de l'homme.
Elle n'est véritable espérance que parce qu'elle se situe dans le système de coordonnées des trois dimensions.
Pour l'histoire, Dieu est au bout, pour l'être, il est au commencement...
Mais dans le Christ, le visage de l'avenir s'est déjà révélé.
Jésus-Christ, le Christ, le "dernier homme"
L'Eglise et le christianisme en général sont là à cause de l'histoire.
Le péché originel réside précisément dans ce filet collectif qui précède l'existence individuelle, et non pas dans une certaine hérédité biologique.
Parler du péché originel, c'est dire que nul homme ne peut plus commencer au point zéro, dans un état d'intégrité, non affecté par l'histoire.
Jésus-Christ, l'individu et le tout
Le mot "pour" exprime la véritable loi fondamentale de l'existence chrétienne, passer de l'être pour soi à l'être pour les autres...
Le mot de Jésus qui nous exhorte à porter sa croix à sa suite n'exprime nullement une dévotion privée, mais l'exigence que l'homme abandonne l'isolement et la tranquillité de son "Moi", et sorte de lui-même pour suivre le Crucifié, en mettant une croix sur son "Moi", et en vivant pour les autres.
Jésus-Christ, le principe "pour"
Il n'est plus rien dit de nouveau, parce que tout a été dit tout a été donné dans le Fils de l'amour, dans lequel Dieu et le monde sont devenus un.
Jésus-Christ, le terme de la révélation
La foi ne peut plus être relayée un jour, après la période d'enfance du royaume du Père et la période de jeunesse du royaume du Fils, par un âge de l'esprit qui serait un âge des lumières, où l'on n'obéirait plus qu'à sa propre raison, en faisant subrepticement passer celle-ci pour l'Esprit-Saint.
Jésus-Christ, accomplissement et espérance
La foi engage l'homme de façon définitive.
Cette fixation apparente sur la décision d'un instant de la vie permet à l'homme de progresser, de s'assumer pas à pas, alors que l'annulation continuelle de ses décisions le rejette sans cesse vers le commencement et le condamne à un mouvement de perpétuel retour, où il s'enferme dans la fiction d'une éternelle jeunesse et se refuse ainsi à la totalité de son être d'homme.
Jésus-Christ, accomplissement et espérance
L'homme ne se réalise pas finalement lui-même par ce qu'il fait, mais par ce qu'il reçoit. "Toute l'histoire de l'humanité a été dévoyée, brisée, parce qu'Adam s'est fait une fausse idée de Dieu.. Il voulait devenir comme Dieu. J'espère que vous n'avez jamais fait consister le péché d'Adam en cela...
N'était-ce pas cela à quoi Dieu l'avait invité ?
Adam s'est seulement trompé de modèle. Il a cru que Dieu était un être indépendant, autonome, suffisant, et, pour devenir comme lui, il s'est rebellé, il a désobéi".
Citant Louis Evelly
Le salut du monde ne vient pas de l'homme et de sa propre force; il faut que l'homme se le laisse offrir.. La naissance virginale ne représente pas un chapitre d'ascétisme; elle est théologie de la grâce, message sur la manière dont le salut vient à nous, dans la simplicité de l'accueil, comme don absolument gratuit de l'amour qui rachète le monde.
Jésus est la nouveauté véritable, il ne procède pas du propre fonds de l'humanité, mais de l'Esprit de DIeu.
"Conçu du Saint-Esprit, né de la vierge Marie"
La Bible ne présente pas la Croix comme partie d'un mécanisme de droit lésé; mais comme l'expression d'un amour radical qui se donne entièrement.
Dans le Nouveau Testament ce n'est pas l'homme qui s'approche de Dieu pour lui apporter une offrande compensatrice, c'est Dieu qui vient à l'homme pour lui donner.
Dieu rétablit le droit lésé, en justifiant l'homme injuste par sa miséricorde créatrice, sa justice est grâce.
Justice et grâce
Véritable culte de l'humanité, car celui qui l'a offert, a brisé le cadre du jeu liturgique et en a fait une réalité; il s'est offert lui-même.
Il a enlevé aux hommes leurs offrandes pour y substituer sa propre personne...
Il n'y a plus d'autre culte, il n'y a plus d'autre prêtre que celui qui offre ce culte : Jésus-Christ.
La croix : adoration et sacrifice
Un amour fraternel qui voudrait se suffire à lui-même serait en fin de compte de l'égoïsme, de l'affirmation de soi sous sa forme extrême.
Le principe constitutif du sacrifice n'est pas la destruction, mais l'amour.
Pressentiment de la révélation de l'homme qui a lieu sur la croix.
D'après Platon, le vrai juste doit être méconnu et persécuté en ce monde.
Car sa justice n'est parfaite et avérée que s'il prend sur lui les apparences de l'injustice, car alors seulement l'on peut voir qu'il n'est pas l'esclave de l'opinion des autres, mais tient à la justice uniquement pour elle-même.
Le drame de la croix nous découvre sans ménagement qui est l'homme : celui qui ne peut supporter le juste, celui qui fait un fou de celui qui est pur amour, celui qui a besoin de l'injustice de l'autre pour se sentir excusé et ne supporte pas que le vrai juste le prive de cette excuse.
Mais la croix n'est pas seulement révélation de l'homme, elle est également révélation de Dieu : celui qui vient jusque dans cet abîme s'identifier avec l'homme.
Dans l'abîme de la faillite humaine, se révèle l'abîme encore bien plus insondable de l'amour divin.
L'essentiel du culte chrétien
Alors que les disciples parlent de la mort de leur espérance et n'arrivent plus à voir Dieu, ils ne remarquent pas que cette espérance même se trouve vivante au milieu d'eux.
La révélation de Dieu ne comprend pas seulement sa parole, mais aussi son silence, son inaccessibilité et son inintelligibilité.
Il faut avoir fait l'expérience du silence de Dieu, si l'on veut espérer percevoir sa parole qui s'exprime dans le silence.
L'essentiel de la passion, au Mont des Oliviers, n'est pas souffrance physique, mais solitude radicale, délaissement total; le domaine de l'angoisse de l'homme toujours menacé dans sa précarité, de la vraie peur de l'homme, qui n'est pas peur de quelque chose, mais peur en soi.
S'il y avait une solitude où aucune parole d'un autre ne pourrait plus pénétrer pour la transformer, où aucun Toi ne pourrait atteindre, alors ce serait la solitude véritable, la peur totale, exactement ce que le théologien appelle "enfer".
Mais le Christ a franchi la porte de notre ultime solitude. Là où aucune parole ne saurait plus nous atteindre, il y a Lui.
Ainsi l'enfer est surmonté, ou plus exactement, la mort qui auparavant était l'enfer, ne l'est plus. Les deux ne sont plus identiques, parce qu'au milieu de la mort il y a de la vie, parce que l'amour habite au milieu de la mort. La porte de la mort est ouverte depuis que dans la mort habite la vie.
Triomphe de l'amour, lequel est toujours irréalisable appel d'infini, sur la mort qui est pourtant son monde.
Là seulement où pour quelqu'un l'amour compte plus que la vie, là seulement l'amour est aussi plus, et plus fort que la mort.
Pour devenir plus que la mort, l'amour doit donc être plus que la vie.
Puisque l'homme ne peut subsister toujours en lui-même, sa survie ne saurait être assurée que s'il continue à vivre dans un autre.
L'immortalité procède "toujours" de l'amour, jamais de l'autarcie de ce qui se suffit à soi-même.
Celui qui a aimé pour tous a fondé aussi l'immortalité pour tous.
Le Christ est entré dans l'éternité que donne l'amour, voila pourquoi ses disciples ne le reconnaissent pas, et pourquoi, même reconnu, il leur demeure étranger.
Là seulement où lui, il donne de voir, il est "vu".
Il y a pleine identité entre le Crucifié et le Ressuscité et en même temps transformation totale; il est le même et pourtant il est tout autre.
"Est descendu aux enfers"
Si l'enfer c'est vouloir être uniquement soi-même, si seul l'homme peut se le donner à lui-même, "l'en haut", que nous appelons ciel, ne peut qu'être reçu, accueilli, il ne peut pas être notre oeuvre propre, il ne peut être qu'offert.
Le ciel comme contact de l'être de l'homme avec l'être de Dieu. Rencontre intime définitivement réalisée dans le Christ, lorsque, à travers la mort, il a passé au-delà du "bios", à la vie nouvelle
Le ciel est ainsi l'avenir de l'homme, et de l'humanité, qui lui demeure fermé aussi longtemps qu'elle ne compte que sur elle-même et qui a été ouvert pour la première fois et de façon radicale dans l'homme dont le lieu d'existence était Dieu et par qui Dieu est entré dans l'être de l'homme.
L'éternité n'est pas ce qu'il y a de plus ancien, ce qui était avant le temps, mais ce qui est tout autre; elle est pour chaque moment du temps qui passe l'aujourd'hui, elle est pour lui présent, elle n'est pas enfermée entre un "avant" et un "après", elle est au contraire puissance du présent en tous les temps. l'éternité n'est pas à côté du temps, elle est la force créatrice qui porte tous les temps, qui englobe le temps qui passe en son unique présent et lui permet d'être.
L'incarnation de Dieu en Jésus-Christ, par laquelle le Dieu éternel et l'homme temporel se rejoignent dans une unique personne, n'est pas autre chose que la domination ultime de Dieu sur le temps.
En ce point précis de l'existence humaine de Jésus, Dieu a saisi le temps et l'a attiré en lui-même.
Jésus-Christ est réellement la "porte" entre Dieu et l'homme, le "médiateur" en qui l'Eternel se trouve avoir un temps.
En Jésus nous pouvons, nous hommes temporels, trouver un interlocuteur temporel, notre "contemporain"; et en lui qui partage avec nous la temporalité, nous touchons en même temps l'Eternel, parce qu'il est temps avec nous et éternité avec Dieu. "C'est pourquoi le Fils qui a du temps pour Dieu dans le monde est le lieu originel dans lequel Dieu a du temps pour le monde. Dieu n'a pas de temps pour le monde, sinon dans le Fils, mais en lui il a tous les temps". ( cité de H. U. von BALTHASAR ).
"Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père
tout-puissant"
La "fin du monde" ne désigne pas l'architecture physique du cosmos, mais le monde humain, l'histoire humaine; cette sorte de monde, le monde de l'homme, aboutira à une fin que Dieu dispose et réalise.
La foi au retour du Christ est à penser comme foi en l'unification définitive du réel à partir de l'esprit.
Le monde avance vers l'unité dans la personne. Le tout reçoit son sens du particulier et non inversement.
S'il est vrai qu'au terme il y a le triomphe de l'esprit, de la vérité, de la liberté, de l'amour, alors ce n'est pas une force quelconque qui remportera finalement la victoire, c'est un visage. Alors l'Oméga du monde est un "Tu".
Cet avenir ne peut être une dérive neutre, cosmique. Il inclut la responsabilité, il repose sur des décisions.
C'est pourquoi le retour du Seigneur n'est pas seulement salut, il n'est pas seulement l'Oméga qui met tout au point, il est aussi jugement.
Le stade final du monde n'est pas le résultat d'une évolution naturelle, mais le fruit de la responsabilité, fondée elle-même sur la liberté.
L'homme vit avec cette terrible conscience que son pouvoir de destruction est plus grand que son pouvoir de construire. Mais il sait que dans le Christ le pouvoir de construire s'est avéré infiniment plus fort.
De là naît une liberté profonde... notre oeuvre d'homme a perdu son aspect inquiétant, parce qu'elle a perdu son pouvoir de détruire : le sort du monde ne dépend pas de nous, il est entre les mains de Dieu.
Mais en même temps le chrétien sait que son agir n'est pas un jeu que Dieu le laisserait jouer sans le prendre au sérieux.
Un amour qui abolirait la justice créerait une injustice et ne serait plus qu'une caricature de l'amour. L'amour véritable, c'est la surabondance de la justice, surabondance débordant la stricte justice, mais sans jamais la détruire, car la justice doit être et demeurer la forme fondamentale de l'amour.
Dieu a remis le jugement à quelqu'un qui, en tant qu'homme, est notre frère. Ce n'est pas un étranger qui nous juge, mais celui que nous connaissons dans la foi.
Le juge ne se présentera pas à nous comme le Tout autre, mais comme l'un des nôtres, qui connaît la condition humaine du dedans et qui l'a vécue.
"D'où il viendra juger les vivants et les morts"
La Nouvelle Alliance n'est plus fondée sur le respect réciproque des clauses fixées; elle est donnée par Dieu comme une grâce qui demeure en dépit de l'infidélité de l'homme.
L'extraordinaire interférence de fidélité de la part de Dieu et d'infidélité de la part de l'homme, qui caractérise la structure de l'Eglise, est comme la forme dramatique de la grâce, par laquelle la réalité de la grâce devient continuellement présente et visible dans l'histoire, en tant que pardon accordé à des hommes en eux-mêmes indignes.
Aussi ce qui, dans la sainteté du Christ, choquait déjà ses contemporains, c'était l'absence totale de ce caractère raide et tranchant; le feu ne tombait pas sur les indignes; et aux zélateurs on interdisait d'arracher l'ivraie qu'ils voyaient prospérer.
Au contraire Jésus fréquentait des pécheurs. Il a assumé le péché et révélé ainsi ce qu'est la véritable "sainteté" : non pas séparation, mais union, non pas jugement, mais amour rédempteur.
Dans cette sainteté si peu sainte de l'Eglise ne voit-on pas se manifester, en face de l'attente humaine de pureté, la véritable sainteté de Dieu, qui est amour, un amour qui ne se tient pas à distance dans une pureté intouchable, mais qui se mêle à la boue du monde pour la surmonter ?
Ne faudrait-il pas désespérer devant une sainteté qui serait immaculée et ne pourrait agir sur nous qu'en jugeant et en brûlant ?
La sainteté de l'Eglise consiste d'abord à supporter, pour ensuite porter.
L'illusion qui consiste à croire que l'on pourrait construire davantage dans l'isolement que dans la communion, n'est justement qu'une illusion, exactement comme l'idée d'une Eglise de "saints" au lieu d'une "Eglise sainte", qui est sainte parce que le Seigneur prodigue en elle le don de la sainteté sans aucun mérite.
"la sainte Eglise catholique", avec citations d'Henri de Lubac
Le message biblique ne promet pas l'immortalité à une âme séparée, mais à l'homme tout entier. Contrairement à la conception grecque, la conception biblique présuppose l'unité de l'homme.
La résurrection des morts ( non des corps ) dont parle l'Ecriture, concerne le salut de l'homme tout "entier" et non le destin d'une moitié ( peut-être même secondaire ) de l'homme.
Il ne s'agit pas de restitution des corps.
Il s'agit d'immortalité de la personne, de l'être "un" qu'est l'homme.
Cette immortalité ne résulte pas simplement d'une non-possibilité naturelle de mort, propre à l'être indivisible; elle provient de l'action de quelqu'un qui nous aime et qui a la puissance nécessaire.
Cette immortalité ne procède pas de la puissance propre d'un être qui serait indestructible, mais provient du fait que cet être est assumé, introduit dans le dialogue avec le Créateur; et c'est pour cela qu'elle s'appelle résurrection.
Et, elle s'appelle résurrection des morts = des hommes, parce que c'est à l'homme tout entier que le Créateur donne l'immortalité.
Le fait que cette résurrection est attendue pour le "dernier jour", pour la fin des temps, et dans la communion de tous les hommes, indique le caractère solidaire de l'immortalité humaine; celle-ci se réfère à l'ensemble de l'humanité, l'individu ayant vécu, et arrivant donc à sa béatitude ou à sa perte, en dépendance de la totalité, avec elle et ordonné à elle.
Pour l'homme conçu comme unité, la solidarité avec les autres est quelque chose de constitutif; si c'est bien "lui", l'homme, qui doit continuer à vivre, cette dimension ne saurait manquer.
Dans le Christ-homme, nous rencontrons Dieu; mais en lui nous rencontrons également la communauté des autres. L'orientation vers Dieu devient du même coup en lui orientation vers la communion des hommes; ce n'est qu'en acceptant cette communion que l'on marche vers Dieu, car Dieu ne se trouve pas en dehors du Christ, ni par le fait même en dehors de la trame de l'histoire humaine et de sa destination communautaire.
Le contenu essentiel du message biblique de la résurrection n'est pas la représentation d'une restitution des corps aux âmes après une longue période intermédiaire; son sens, c'est de dire aux hommes que ce sont eux, eux-mêmes, qui continueront à vivre; non pas par leurs propres forces, mais parce que Dieu les connaît et les aime, d'une manière telle qu'ils ne peuvent plus périr.
Dans le langage de Paul, "corps" et "esprit" ne s'opposent pas; ce qui s'oppose, ce sont d'une part le "corps de chair", et d'autre part le "corps selon l'esprit".
Si le cosmos est de l'histoire, et si la matière représente un moment dans l'histoire de l'esprit, alors il n'y a pas une juxtaposition neutre et éternelle de la matière et de l'esprit, mais une "complexité" ultime, dans laquelle le monde trouvera son Oméga et son unité.
Alors il y a une connexion ultime entre la matière et l'esprit, dans laquelle la destinée de l'homme et du monde trouve son accomplissement, même s'il ne nous est pas possible aujourd'hui de définir le mode de cette connexion.
"La résurrection de la chair"
JOSEPH RATZINGER, La foi chrétienne hier et aujourd'hui, fin
1993 Thesaurus - Encyclique "PASCENDI DOMINICI GREGIS" sur les doctrines des modernistes