1993 Thesaurus - LA PESANTEUR ET LA GRÂCE
L'idolâtrie d'un seul est remplacé par la haine de cent mille rivaux.
ALEXIS de TOCQUEVILLE, sur l'esprit de cour de la démocratie
américaine
Un ennui mortel guette les derniers hommes.
ALEXIS de TOCQUEVILLE
Qui cherche dans la liberté autre chose qu'elle-même est fait pour servir.
ALEXIS de TOCQUEVILLE
Le meilleur moyen d'apprendre aux hommes à violer les droits individuels des vivants est de ne tenir aucun compte de la volonté des morts.
ALEXIS de TOCQUEVILLE
On voyait alors dans la société, de l'inégalité, des misères, mais les âmes n'y étaient pas dégradées. Ce n'est point l'usage du pouvoir ou l'habitude de l'obéissance qui déprave les hommes, c'est l'usage d'une puissance qu'ils considérent comme illégitime, et l'obéissance à un pouvoir qu'ils regardent comme usurpé et oppresseur.
De la démocratie en Amérique, introduction, du pouvoir royal, de la
noblesse et d'aujourd'hui
Le prestige du pouvoir royal s'est évanoui sans être remplacé par la majesté des lois; de nos jours, le peuple méprise l'autorité, mais il la craint, et la peur arrache de lui plus que ne donnaient jadis le respect et l'amour.
Nous avons détruit les existences individuelles qui pouvaient lutter séparément contre la tyrannie...
La démocratie de France a renversé tout ce qui se rencontrait sur son passage, ébranlant tout ce qu'elle ne détruisait pas.
Il semble qu'on ait brisé de nos jours le lien naturel qui unit les opinions aux goûts et les actes aux croyances; la sympathie entre les sentiments et les idées des hommes paraît détruite, et l'on dirait que toutes les lois de l'analogie morale sont abolies.
De la démocratie en Amérique, introduction
Les plus grands changements surviennent dans son pays sans son concours, il ne sait même pas précisément ce qui s'est passé; il s'en doute...
Toutes ces choses ne le regardent d'aucune façon, elles appartiennent à un étranger qui se nomme le gouvernement..
On le voit osciller sans cesse entre la servitude et la licence.
Quand les nations sont arrivées à ce point, il faut qu'elles modifient leurs lois et leurs moeurs, ou qu'elles périssent, car la source des vertus publiques y est comme tarie : on y trouve encore des sujets, mais on n'y voit plus de citoyens.
Il n'y a au monde que le patriotisme ou la religion qui puisse faire marcher longtemps vers un même but l'universalité des citoyens.
De la démocratie en Amérique, I, 4
Dans une aristocratie le peuple est à l'abri des excès du despotisme, parce qu'il se trouve toujours des forces organisées prêtes à résister au despote.
Une démocratie sans institutions provinciales ne possède aucune garantie contre de tels maux.
La révolution s'est prononcée en même temps contre la royauté et contre les institutions provinciales. Elle a confondu dans une même haine tout ce qui l'avait précédée, le pouvoir absolu et ce qui pouvait tempérer ses rigueurs...
De la démocratie en Amérique, I, 4, il s'agit de la révolution
française
A l'approche de l'élection, le chef du pouvoir exécutif ne songe qu'à la lutte qui se prépare...
Le Président est absorbé par le soin de se défendre, il ne gouverne plus dans l'intérêt de l'Etat, mais dans celui de sa réelection; il se prosterne devant la majorité, au lieu de résister à ses passions... il court au devant de ses caprices.
De la démocratie en Amérique, I, 5, du régime présidentiel
Bien des gens croient sans le dire, ou disent sans le croire, qu'un des grands avantages du vote universel est d'appeler à la direction des affaires des hommes dignes de la confiance publique.
A mon arrivée aux Etats-Unis, je fus frappé de surprise en découvrant à quel point le mérite était commun parmi les gouvernés, et combien il l'était peu chez les gouvernants.
Quelle longue étude, que de notions diverses sont nécessaires pour se faire une idée exacte du caractère d'un seul homme ! les plus grands génies s'y égarent, et la multitude y réussirait !
Le peuple ne trouve jamais le temps ni les moyens de se livrer à ce travail. Il lui faut toujours juger à la hâte et s'attacher au plus saillant des objets. De là vient que les charlatans de tout genre...
Tandis que les instincts naturels de la démocratie portent le peuple à écarter les hommes distingués du pouvoir...
Dans les démocraties les hommes d'Etat sont pauvres et ont leur fortune à faire. Dans les Etats aristocratiques, les gouvernants sont peu accessibles à la corruption...
Si les hommes qui dirigent les aristocraties cherchent quelquefois à corrompre, les chefs des démocraties se montrent eux-mêmes corrompus.
Chez les peuples démocratiques, ceux qui sont à la tête de l'Etat... donnent en quelque sorte l'appui du gouvernement aux crimes dont on les accuse.
Ils présentent ainsi de dangereux exemples à la vertu qui lutte encore, et fournissent des comparaisons glorieuses au vice qui se cache...
Voler le trésor public, ou vendre à prix d'argent les faveurs de l'Etat, le premier misérable comprend cela et peut se flatter d'en faire autant à son tour.
De la démocratie en Amérique, II, 5, suffrage universell et
démocratie
Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire.
Qu'est-ce donc qu'une majorité, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu'on nomme la minorité.
Le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l'accorderai jamais à plusieurs.
Ce que je reproche au gouvernement démocratique, ce n'est pas, comme on le dit, sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible.
Ce qui me répugne le plus en Amérique, ce n'est pas l'extrême liberté qui y règne, c'est le peu de garantie qu'on y trouve contre la tyrannie.
Lorsqu'un homme ou un parti souffre d'une injustice aux Etats-Unis, à qui voulez-vous qu'il s'adresse ? A l'opinion publique, au parlement, au pouvoir, à la force publique, au jury, tout est majorité !
Il n'y a pas de monarque si absolu qui puisse réunir dans sa main toutes les forces de la société et vaincre les résistances, comme peut le faire une majorité revêtue du droit de faire les lois et de les exécuter.
Au contraire d'un roi qui ne peut atteindre que les actions, la majorité est revêtue d'une force matérielle et morale, qui agit sur la volonté autant que sur les actions, qui empêche en même temps le fait et le désir de faire.
Je ne connais pas de pays où il règne moins d'indépendance d'esprit et de véritable liberté de discussion qu'en Amérique.
En Amérique la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée.
Dans ces limites l'écrivain est libre; mais malheur à lui s'il ose en sortir.
Les princes avaient pour ainsi dire matérialisé la violence; les républiques démocratiques de nos jours l'ont rendue tout aussi intellectuelle que la volonté humaine qu'elle veut contraindre. Elles laissent le corps et vont droit à l'âme.
Le maître dit : Vous êtes libre de ne pas penser comme moi, mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges, mais ils vous deviendront inutiles. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l'humanité, vos semblables vous fuiront. Je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort.
Aucun écrivain ne peut échapper à cette obligation d'encenser ses concitoyens. La majorité vit donc dans une perpétuelle adoration d'elle-même...
Il n'existe pas de génie littéraire sans liberté d'esprit, et il n'y a pas de liberté d'esprit en Amérique.
C'est à l'action toujours croissante du despotisme de la majorité aux Etats-Unis qu'il faut surtout attribuer le petit nombre d'hommes remarquables qui s'y montrent aujourd'hui sur la scène politique.
De la démocratie en Amérique, II, 7, omnipotence de la majorité
Les philosophes du XVIIIème siècle expliquaient d'une façon toute simple l'affaiblissement graduel des croyances. Le zèle religieux, disaient-ils, doit s'éteindre à mesure que la liberté et les lumières augmentent. Il est fâcheux que les faits ne s'accordent point avec cette théorie.
Il y a telle population européenne dont l'incrédulité n'est égalée que par l'abrutissement et l'ignorance, tandis qu'en Amérique on voit l'un des peuples les plus libres et les plus éclairées du monde remplir avec ardeur tous les devoirs extérieurs de la religion.
Jamais le court espace de soixante années ne renfermera toute l'imagination de l'homme; les joies incomplètes de ce monde ne suffiront jamais à son coeur...
La religion n'est donc qu'une forme particulière de l'espérance.
C'est par une espèce d'aberration de l'intelligence, et à l'aide d'une sorte de violence morale exercée sur leur propre nature, que les hommes s'éloignent des croyances religieuses; une pente invincible les y ramène.
L'incrédulité est un accident; la foi seule est l'état permanent de l'humanité.
De la démocratie en Amérique, II, 4, religion et démocratie
On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l'humanité.
De la démocratie en Amérique, II, 10, les minorités raciales
Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d'autrui met son esprit en esclavage; mais c'est une servitude salutaire...
L'opinion commune est le seul guide qui reste à la raison individuelle chez les peuples démocratiques; mais elle a chez ces peuples une puissance infiniment plus grande.
Dans les temps d'égalité, les hommes n'ont aucune foi les uns dans les autres, à cause de leur similitude; mais cette similitude leur donne une confiance presque illimitée dans le jugement du public, ayant tous des lumières pareilles, la vérité ne peut être que du côté du plus grand nombre !
L'égalité qui rend indépendant de chacun de ses concitoyens, livre isolé et sans défense à l'action du plus grand nombre.
Le public ne persuade pas ses croyances, il les impose et les fait pénétrer dans les âmes par une sorte de pression immense de l'esprit de tous sur l'intelligence de chacun.
Aux Etats-Unis la majorité se charge de fournir aux individus une foule d'opinions toutes faites, et les soulage ainsi de s'en former qui leur soit propres.
La foi dans l'opinion commune deviendra une sorte de religion dont la majorité sera le prophète.
L'autorité intellectuelle sera différente, mais elle ne sera pas moindre, elle deviendrait aisément trop grande.
L'égalité peut porter l'esprit de chaque homme vers des pensées nouvelles, ou le réduire à ne plus penser.
Après avoir brisé les entraves des classes ou des hommes, l'esprit humain s'enchaînerait étroitement aux volontés générales du grand nombre.
Pour moi, quand je sens la main du pouvoir qui s'appesantit sur mon front, il m'importe peu de savoir qui m'opprime, et je ne suis pas mieux disposé à passer ma tête dans le joug, parce qu'un million de bras me le présentent...
De la démocratie en Amérique, III, 2, démocratie et vie intellectuelle
Parmi toutes les croyances dogmatiques les plus désirables me semblent être les croyances en matière de religion; alors même qu'on ne veut faire attention qu'aux intérêts du monde.
Sans autorité religieuse ni politique les hommes s'effrayent bientôt à l'aspect de cette indépendance sans limites.
Ne pouvant plus reprendre leurs anciennes croyances ils se donnent un maître. Je doute que l'homme puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique; et je suis porté à penser que s'il n'a pas de foi il faut qu'il serve, et, s'il est libre, qu'il croie.
L'égalité, qui introduit de grands biens dans le monde, suggère cependant aux hommes des instincts fort dangereux; elle tend à les isoler les uns des autres, pour porter chacun d'eux à ne s'occuper que de lui seul.
Elle ouvre démesurément leur âme à l'amour des jouissances matérielles...
De la démocratie en Amérique, III, 5, de la religion au service de la
démocratie
Rien n'est plus nécessaire à la culture des sciences que la méditation, et il n'y a rien de moins propre à la méditation que l'intérieur d'une société démocratique.
Chacun s'agite : les uns veulent atteindre le pouvoir, les autres s'emparer de la richesse. Au milieu de ce tumulte universel, de ce choc répété des intérêts contraires, de cette marche continuelle vers la fortune, où trouver le calme nécessaire aux profondes combinaisons de l'intelligence ?
Comment arrêter sa pensée sur un point, quand autour de soi tout remue, et qu'on est soi-même entraîné et balloté chaque jour dans le courant...
Se livrant peu à la méditation il est naturel que les hommes des sociétés démocratiques aient peu d'estime pour elle. Les habitudes d'esprit qui conviennent à l'action ne conviennent pas toujours à la pensée.
Si Pascal n'eût envisagé que quelque grand profit, ou si même il n'eût été mû que par le seul désir de la gloire, je ne saurais croire qu'il eût jamais pu rassembler toutes les puissances de son intelligence pour mieux découvrir les secrets les plus cachés du Créateur.
De la démocratie en Amérique, III, 10, la formation intellectuelle
L'égoïsme est un vice aussi ancien que le monde. Il n'appartient guère plus à une forme de société qu'à une autre.
L'individualisme est d'origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s'égalisent.
Chez les peuples démocratiques, de nouvelles familles sortent sans cesse du néant, d'autres y retombent sans cesse, et toutes celles qui demeurent changent de face; la trame des temps se rompt à tout moment, et le vestige des générations s'efface.
On oublie aisément ceux qui vous ont précédé, et l'on n'a aucune idée de ceux qui vous suivront. Les plus proches seuls intéressent. Chaque classe venant à se rapprocher des autres et à s'y mêler, ses membres deviennent indifférents et comme étrangers entre eux.
L'aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part.
Ainsi, non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aieux, mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains; elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre coeur.
La démocratie porte les hommes à ne pas se rapprocher de leurs semblables; mais les révolutions démocratiques les disposent à se fuir et perpétuent au sein de l'égalité les haines que l'inégalité a fait naître.
Le despotisme qui, de sa nature est craintif, voit dans l'isolement des hommes le gage le plus certain de sa propre durée, et il met d'ordinaire tous ses soins à les isoler.
Il n'est pas de vice du coeur humain qui lui agrée autant que l'égoïsme.
Le despote nomme bons citoyens ceux qui se renferment étroitement en euxmêmes.
Ainsi, les vices que le despotisme fait naître sont précisément ceux que l'égalité favorise.
Les deux choses se complètent et s'entraident d'une manière funeste.
L'égalité place les hommes à côté les uns des autres, sans lien commun qui les retienne. Le despotisme élève des barrières entre eux et les sépare.
Elle les dispose à ne point songer à leurs semblables et il leur fait une sorte de vertu publique de l'indifférence.
Le despotisme, qui est dangereux dans tous les temps, est donc particulièrement à craindre dans les siècles démocratiques...
De la démocratie en Amérique, III, 2, 3, 4, individualisme et
démocratie
Ce que je reproche à l'égalité ce n'est pas d'entraîner les hommes à la poursuite des jouissances défendues; c'est de les absorber entièrement dans la recherche des jouissances permises.
Ainsi, il pourrait bien s'établir dans le monde une sorte de matérialisme honnête qui ne corromprait pas les âmes, mais qui les amollirait et finirait par détendre sans bruit tous leurs ressorts
De la démocratie en Amérique, III, 11, l'Américain et le goût du
bien-être
L'aristocratie territoriale des siècles passés était obligée par la loi, ou se croyait obligée par les moeurs, de venir au secours de ses serviteurs et de soulager leurs misères.
Je pense qu'à tout prendre, l'aristocratie manufacturière que nous voyons s'élever sous nos yeux est une des plus dures qui aient paru sur la terre.
De la démocratie en Amérique, III, 20, les nouveaux aristocrates
Quand les concitoyens sont tous indépendants et indifférents, ce n'est qu'en payant que l'on peut obtenir le concours de chacun d'eux; ce qui multiplie à l'infini l'usage de la richesse et en accroît le prix.
Le prestige qui s'attachait aux choses anciennes ayant disparu, la naissance, l'état, la profession ne distinguent plus les hommes, ou les distinguent à peine; il ne reste plus guère que l'argent qui crée des différences très visibles entre eux et qui puisse en mettre quelques uns hors de pair.
La distinction qui naît de la richesse s'augmente de la disparition et de la diminution de toutes les autres.
Chez les peuples aristocratiques, l'argent ne mène qu'à quelques points seulement de la vaste circonférence des désirs; dans les démocraties, il semble qu'il conduise à tous.
De la démocratie en Amérique, III, 17, l'Américain aime l'argent
De tous les effets politiques que produit l'égalité des conditions, c'est l'amour de l'indépendance qui frappe le premier et dont les esprits timides s'effrayent davantage.
Et ils n'ont pas tort, car l'anarchie a des traits plus effrayants dans les pays démocratiques qu'ailleurs.
Comme les citoyens n'ont aucune action les uns sur les autres, à l'instant où le pouvoir national qui les contient tous à leur place vient à manquer, il semble que le désordre doit être aussitôt à son comble... et que le corps social va tout à coup se trouver réduit en poussière.
Mais l'anarchie n'est pas le mal principal à craindre dans les siècles démocratiques, il serait plutôt le moindre.
L'égalité produit, en effet, deux tendances : l'une mène directement les hommes à l'indépendance et peut les pousser tout à coup à l'anarchie, l'autre les conduit par un chemin plus long, plus secret, mais plus sûr, vers la servitude.
Les peuples voient aisément la première et y résistent : ils se laissent entraîner par l'autre sans la voir.
L'idée d'un droit inhérent à certains individus disparaît rapidement de l'esprit des hommes; l'idée du droit tout-puissant et pour ainsi dire unique de la société vient remplir sa place.
Ces idées s'enracinent et croissent à mesure que les conditions deviennent plus égales et les hommes plus semblables; l'égalité les fait naître et elles hâtent à leur tour les progrès de l'égalité.
En France, ces mêmes opinions se sont entièrement emparées de l'intelligence. Qu'on écoute nos différents partis, on verra qu'il n'y en a point qui ne les adopte.
La plupart estiment que le gouvernement agit mal; mais tous pensent que le gouvernement doit sans cesse agir et mettre tout à la main.
L'unité, l'ubiquité, l'omnipotence du pouvoir social, l'uniformité de ses règles, forment le trait saillant qui caractérise tous les systèmes politiques enfantés de nos jours.
On les retrouve au fond des plus bizarrers utopies. L'esprit humain poursuit encore ces images quand il rêve.
ALEXIS de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, III, 8,
la démocratie peut engendrer l'absolutisme, fin
A ces fonds d'où la naissance vient aux êtres la destruction les fait retourner selon un ordre nécessaire, car ils se rendent les uns aux autres justice et amende pour l'injustice selon l'ordre du temps.
ANAXIMANDRE, fragment
Les serviteurs de monsieur Lepeuple ( Démos ) vont offrir le pouvoir à un marchand de saucisses.
Il répond qu'il n'est pas digne. " - Pas digne ? Ma parole, aurais-tu la conscience chargée de quelque vertu ?... Serais-tu de bonne et honnête famille. ?
- Non, grands dieux ! C'est tout de la gueuserie.
- Ah ! La chance t'a béni ! Qu'est-ce qui t'es venu comme atout pour les affaires ?
- Mais, mon bon, je n'ai aucune éducation, je ne sais que mes lettres... et encore, diablement mal, les diablesses !
- Ton seul tort est de les savoir, même diablement mal, les diablesses !
Mener Lepeuple, ce n'est plus l'affaire d'un homme bien éduqué et de moeurs honorables. Il en faut un qui soit ignare et crapuleux.
- Mais comment suis-je capable de régir Lepeuple ?
- C'est du tout cuit : ce que tu fais déjà, fais-le : fricote, tripatouille, fais du gâchis, jette la 'gresse' dans la poêle, verse un peu de miel, des petits mots gentils, et servez chaud ! Tout ce qui reste en plus pour mener le peuple, tu l'as aussi : voix canaille, vilaine naissance, et tu traînes les rues. Tu as tout ce qu'il faut pour la politique."
ARISTHOPHANE, dialogue, version abrégée de M. Victor-Henri Debidour
C'est méconnaître l'homme que de ne lui proposer que de l'humain.
ARISTOTE
Dans les choses, qui ne savent pas mentir.
ARISTOTE, de la source de sa connaissance
L'homme consommé en vertus est le meilleur des animaux. Sans loi et sans justice il est le plus mauvais de tous.
ARISTOTE
Il y a causalité réciproque entre les causes.
ARISTOTE
La vertu est un milieu entre deux défauts.
ARISTOTE
Les trois régimes types : la monarchie qui tend à l'unité, l'aristocratie qui tend à la compétence, la démocratie qui tend à la liberté.
ARISTOTE
L'empereur Julien glorifiait Aristote d'avoir dit qu'il se sentait plus fier d'être l'auteur de son "traité de théologie" que s'il eût détruit la puissance des perses.
ARISTOTE, sur celui-ci
L'homme diffère des autres animaux en ce qu'il est le plus apte à l'imitation.
ARISTOTE
Qui veut apprendre doit croire.
ARISTOTE
Il n'y a pas au monde une absurdité qu'il n'y ait eu au moins un philosophe pour la soutenir.
ARISTOTE
De même que l'homme consommé en vertu est le meilleur des animaux, de même, l'homme sans loi et sans justice est le plus mauvais de tous...
ARISTOTE, cité par saint Thomas d'Aquin
Celui qui en sait trop et qui ne sait pas tenir sa langue est comme un enfant armé d'un couteau.
CALLIMAQUE
Il faut parler de manière à instruire, à charmer et à toucher. Instruire est une nécessité; charmer, un agrément; toucher, une victoire.
CICERON
J'ai pleuré et j'ai sangloté à la vue de la terre insolite.
EMPEDOCLE
( La terre ) pays sans joie où rôde le meurtre et la tribu des fléaux.
EMPEDOCLE
Nous sommes descendus là, dans cette caverne...
EMPEDOCLE
La loi qui régit tout règne partout où s'étendent le vaste éther et la lumière infinie.
Est bienheureux celui qui possède la richesse d'une intelligence divine, malheureux celui qui n'a des dieux qu'une croyance obscure.
EMPEDOCLE
Fais de toi-même une sphère parfaite, heureuse de sa stable rotondité.
EMPEDOCLE
Ce qui trouble les hommes ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur ces choses.
EPICTETE
Accuser les autres de ses malheurs est le fait d'un ignorant; s'en prendre à soi-même est d'un homme qui commence à s'instruire; n'en accuser ni un autre ni soi-même est d'un homme parfaitement instruit.
EPICTETE
Ne t'enorgueillis d'aucun avantage qui te soit étranger. Si un cheval se vantait en disant " Je suis beau", ce serait supportable. Mais toi, lorsque tu dis en te vantant : "J'ai un beau cheval", sache que tu t'enorgueillis d'un avantage qui est à ton cheval.
EPICTETE
Ne demande pas que ce qui arrive arrive comme tu veux. Mais veuille que les choses arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux.
EPICTETE
A chaque accident qui te survient, souviens-toi, en te repliant sur toimême, de te demander quelle force tu possèdes pour en tirer usage.
EPICTETE
Ne dis jamais de quoi que ce soit : "Je l'ai perdu." Mais : "Je l'ai rendu." Ton enfant est mort, il est rendu...
Tant qu'il ( le donateur ) te le laisse ( quelque bien ), jouis-en comme d'un bien étranger, comme les passants d'une hôtellerie.
EPICTETE
Souviens-toi que tu dois te comporter comme dans un festin. Le plat qui circule arrive-t-il à toi ? Tends la main et prend modérément. Passe-t-il loin de toi ? Ne le recherche pas. Tarde-t-il à venir ? Ne jette pas de loin sur lui ton désir, mais patiente jusqu'à ce qu'il arrive à toi.
Sois ainsi pour tes enfants, pour ta femme, pour les charges... pour la richesse...
EPICTETE
Il dépend de toi, en effet, de bien jouer le personnage qui t'est donné; mais le choisir appartient à un autre.
EPICTETE
Tu peux être invincible, si tu ne t'engages dans aucune lutte, où il ne dépend pas de toi d'être vainqueur.
EPICTETE
Si quelqu'un livrait ton corps au premier venu, tu en serais indigné.
Et toi, quand tu livres ton âme au premier rencontré pour qu'il la trouble et la bouleverse, s'il t'injurie, tu n'as pas honte pour cela.
EPICTETE, et encore ne connaissait-il pas la télévision !
O homme ! considère d'abord ce que tu te proposes, et vois ensuite, en étudiant ta nature, si tu en es capable.
EPICTETE
Il faut que tu sois un seul homme, ou bon ou mauvais.
Il faut cultiver, ou le gouvernement de toi-même ou les choses du dehors, t'appliquer aux choses intérieures ou aux choses extérieures, c'est-à-dire tenir le rôle de philosophe ou de particulier.
EPICTETE
Sache, en effet, que, si ton voisin se salit, tu ne peux pas te frotter à lui sans nécessairement te salir, quelque propre que tu sois toi-même.
EPICTETE
S'il t'est agréable, en effet, de te rappeler les dangers que tu as traversés, il n'est pas également agréable à autrui de t'entendre dire ce qui t'est survenu.
EPICTETE
Quand, ayant reconnu que tu dois agir, tu agis, ne crains pas d'être vu agissant, même si la foule devait défavorablement en juger.
EPICTETE
Si tu prends un rôle au dessus de tes forces, non seulement tu y fais pauvre figure, mais celui que tu aurais pu remplir, tu le laisses de côté.
EPICTETE
Une fois qu'on a dépassé la mesure, il n'y a plus de limite.
EPICTETE
Conduite et caractère de l'homme vulgaire : il n'attend jamais de lui-même profit ou dommage, mais des choses extérieures. Conduite et caractère du philosophe : il n'attend tout profit et tout dommage que de lui-même.
EPICTETE
Tout ce qui t'est prescrit, sois-y fidèle...
Quoi qu'on dise de toi, n'y fais pas attention, car cela ne dépend plus de toi.
EPICTETE
Désirer en hiver une figue sur l'arbre est d'un fou; c'est d'égale folie de désirer un enfant, lorsqu'il n'est plus permis.
EPICTETE
La première et la plus importante partie de la philosophie est de mettre les maximes en pratique, par exemple : "Qu'il ne faut pas mentir." La deuxième est la démonstration des maximes, par exemple : "D'où vient qu'il ne faut pas mentir ?"
La troisième est celle qui confirme et explique ces démonstrations, par exemple : "D'où vient que c'est une démonstration ? Qu'est-ce... que le vrai, le faux..."
Ainsi donc la troisième partie est nécessaire à cause de la seconde; la seconde, à cause de la première. Mais la plus nécessaire, celle sur laquelle il faut se reposer, c'est la première.
Nous, nous agissons à l'inverse. Nous nous attardons dans la troisième partie, toute notre sollicitude est pour elle, et nous négligeons absolument la première.
Nous mentons en effet, mais nous sommes prêts à démontrer qu'il ne faut pas mentir.
EPICTETE
A propos de chaque désir, il faut se poser cette question : "Quel avantage résultera-t-il si je ne le satisfais pas ?"
EPICURE
La femme applaudit à ses voeux plus qu'à la réalité.
ESCHYLE
Il ne faut pas s'irriter contre les choses, car elles ne s'en soucient pas
EURIPIDE
Ce n'est pas moi, c'est le Logos qu'il est sage d'écouter.
HERACLITE
Si l'on n'espère pas l'inespérable, on ne le reconnaîtra pas.
HERACLITE
N'urinez pas debout contre le soleil.
HESIODE, marque de respect, païenne, mais néanmoins...
Considère comme le plus grand des crimes de préférer sa propre vie à l'honneur et, pour l'amour de la vie physique, de perdre ses raisons de vivre.
JUVENAL
Presque tous les liens de l'humanité ( qui nous obligent les uns envers les autres ) trouvent leur origine dans la crainte et la conscience de notre propre fragilité.
LACTANCE
Sans Dieu pas de connaissance de soi, et l'ignorance de soi reste la source de toute corruption.
LACTANCE
Socrate n'en finit pas moins sur l'aveu qu'il n'a rien appris de plus que sa propre ignorance.
LACTANCE
Ils ne voient pas la rose, mais ils scrutent attentivement les épines de la tige.
LUCIEN
Tandis que les autres animaux sont penchés en avant et regardent la terre, les dieux ont fait cadeau à l'homme d'un visage relevé et lui ont ordonné de considérer les cieux, et d'élever, debout, son regard jusqu'aux étoiles.
OVIDE
C'est le même que penser et être.
Jamais sans l'être où il est devenu parole tu ne trouveras le penser.
PARMENIDE
Savoir distinguer ce qui est de ce qui n'est pas.
PARMENIDE
Mais rejette de tels propos ô ma bouche, insulter les dieux est un art que je hais. L'insolence importune accompagne le chant de la folie.
PINDARE
Il se trompe l'homme qui espère cacher un de ses actes à la divinité.
PINDARE
Il serait étrange, mon garçon, que, en nous comme dans un cheval de bois, fussent postées nombre de fonctions sensorielles déterminées, sans que tout cela ensemble tendît vers une certaine unique idée.
PLATON
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Etrange description, étranges prisonniers.
- Ils sont pareils à nous. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et maintenant... Il faut assimiler le monde que nous saisissons par la vue au séjour dans la prison... Quant à la montée vers le haut et la contemplation de ce qu'il y a en haut, considère qu'il s'agit de la montée de l'âme vers le lieu intelligible... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
PLATON, l'allégorie de "la caverne"
Le mouvement qui est capable de se mouvoir lui-même.
PLATON, sur l'âme, malgré l'approximation de la traduction "âme"
Le temps, image mobile de l'immobile éternité.
PLATON
La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses.
PLATON
Le corps est fait pour l'âme.
PLATON
Nous voilà arrivés, ce semble, à ce que tout le monde appelle la tyrannie : le peuple, fuyant la fumée de la soumission à des hommes libres, est tombé dans le feu du despotisme des esclaves, et en échange d'une liberté excessive et inopportune, a revêtu la livrée de la plus dure et la plus amère des servitudes.
PLATON
Partout où règne cette licence chacun organise sa vie de la façon qui lui plaît.
Comme un vêtement bigarré qui offre toute la variète des couleurs, offrant toute la variété des caractères, il pourra paraître d'une beauté achevée.
Et, peut-être, beaucoup de gens, pareils aux enfants et aux femmes qui admirent les bigarrures, décideront-ils qu'il est le plus beau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans cet Etat on n'est pas contraint de commander si l'on en est capable, ni d'obéir si l'on ne veut pas...
La loi vous interdit-elle d'être magistrat ou juge, vous n'en pouvez pas moins exercer ces fonctions, si la fantaisie vous en prend.
Hé quoi ! la mansuétude des démocraties à l'égard de certains condamnés n'est-elle pas élégante ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et l'esprit indulgent et nullement vétilleux de ce gouvernement, mais au contraire plein de mépris pour les maximes que nous énoncions avec tant de respect en jetant les bases de notre cité... avec quelle superbe un tel esprit, foulant aux pieds tous ces principes, néglige de s'inquéter des travaux où s'est formé l'homme politique, mais l'honore si seulement il affirme sa bienveillance pour le peuple.
Tels sont les avantages de la démocratie, avec d'autres semblables.
C'est, comme tu vois, un gouvernement agréable, anarchique et bigarré, qui dispense une sorte d'égalité aussi bien à ce qui est inégal qu'à ce qui est égal.
PLATON
Au premier rang des vertus sont la sagesse et la tempérance; le courage ne vient qu'ensuite.
PLATON
L'oeillade au juvénil est signe de la décadence du peuple.
PLATON
Le commencement est comme un Dieu qui, aussi longtemps qu'il séjourne parmi les hommes, sauve toute chose.
PLATON
Si l'on fait devant le philosophe l'éloge d'un tyran ou d'un roi, il se figure entendre exalter le bonheur de quelque pâtre... parce qu'il tire beaucoup de lait de ses troupeaux. Et il pense que les rois sont chargés de faire paître et de traire une espèce d'animaux plus difficiles et plus dangereux; que, d'ailleurs, ils ne sont ni moins grossiers, ni moins ignorants que des pâtres, à cause du peu de loisirs qu'ils ont de s'instruire, demeurant enfermés dans des murailles, comme dans un parc établi sur une montagne.
PLATON
L'âme a quitté le ciel... et a le mal du pays.
PLUTARQUE
Archimède employa son esprit et son étude à écrire seulement sur des choses dont la beauté et la subtilité, ne fût aucunement mêlée avec la nécessité.
PLUTARQUE
Sur les dieux je ne puis rien dire. Je ne sais ni s'ils existent, ni s'ils n'existent pas. Bien des choses m'empêchent de le savoir, d'abord l'obscurité de la question, ensuite la brièveté de la vie.
PROTAGORAS
L'homme est la mesure de toutes choses; pour celles qui sont de leur existence, pour celles qui ne sont pas de leur non-existence.
PROTAGORAS, rien n'existe par nature, tout est convention
Ce qui concerne tous les membres doit être traité et approuvé par tous.
Règle du droit ROMAIN
Le vice a mille formes, un seul résultat : l'homme se déplaît à lui-même.
SENEQUE
On reconnaît le sage à la sobriété de son langage.
SEXTUS, Pythagoricien
Le philosophe s'applique à détacher le plus possible son âme du commerce du corps.
SOCRATE
Seule la démocratie peut accomplir le miracle de faire passer un âne pour un cheval.
SOCRATE
Qu'importe la façon dont nous prenons telle ou telle voie pour parvenir à la vérité ! Il ne peut se faire que le chemin soit unique pour atteindre le grand mystère.
SYMMAQUE, prenant la défense des vieilles religions romaines
Quand on ne peut, et quand on ne veut, ni supporter les maux ni les remèdes, on est prêt pour la décadence.
TACITE
Toujours, par une nécessité de nature, tout être exerce tout le pouvoir dont il dispose.
THUCYDIDE
Il n'est qu'un seul Dieu, maître souverain des dieux et des hommes.
Il n'est ni limité, ni infini, ni en mouvement, ni en repos.
Il ne ressemble aux mortels ni par le corps, ni par la pensée.
Personne n'a jamais eu et n'aura jamais une connaissance certaine des dieux et de ce dont je parle.
XENOPHANE DE COLOPHON
1993 Thesaurus - LA PESANTEUR ET LA GRÂCE