Transmettre - a) Les quatre composantes maîtresses
Le but de cet exposé n'est pas de détailler le contenu de ces quatre parties maîtresses. Il ne s'agit ici que de problèmes de structure. Je ne puis néanmoins éviter quelques brèves réflexions à propos de deux éléments de cette structure, qui me paraissent aujourd'hui particulièrement menacés.
Notre foi en Dieu Créateur et en la Création
Le premier point est celui de notre foi en Dieu Créateur et en la Création comme élément du importante : la Bible n'est pas considérée comme la source par rapport aux quatre « composantes de la foi » (dans une perspective hiérarchisée). mais ce sont ces composantes qui sont la source d'où s'écoulent les énoncés bibliques. Ceci s'applique au Décalogue, dans son rapport aux livres juridiques de l'Ancien Testament, comme l'a montré, avec une exégèse scientifique, H. Gese, Zur biblischen Theologie, Munich, 1977, p. 55-84. On peut le montrer de façon non pas semblable, mais analogique pour les trois autres composantes. symbole de foi dde l'Église. De temps en temps, se fait jour la crainte qu'une trop forte insistance sur cet aspect de la foi puisse compromettre la christologie (17) . A considérer quelques présentations de la théologie néoscolastique, cette crainte pourrait paraître justifiée. Aujourd'hui cependant, c'est la crainte inverse qui me paraît justifiée. La marginalisation de la doctrine de la création réduit la notion de Dieu et, par voìe de conséquence, la Christologie. Le phénomène religieux ne trouve alors plus d'explication en dehors de l'espace psychologique et sociologique ; le monde matériel est confiné dans le domaine de la physique et de la technique. Or c'est seulement si l'être, y compris la matière, est conçu comme sorti des mains de Dieu, et maintenu dans les mains de Dieu, que Dieu est aussi réellement notre Sauveur et notre Vie, la vraie Vie. On tend aujourd'hui à éviter la difficulté partout où le message de la Foi nous met en présence de la matière, et à s'en tenir à une perspective symbolique: cela commence avec la Création, continue avec la naissance virginale de Jésus et sa Résurrection, finit avec la Présence réelle du Christ dans le pain et le vin consacrés, avec notre propre résurrection et avec la Parousie du Seigneur. Il ne s'agit pas d'une discussion théologique de peu d'importance quand on situe la résurrection individuelle à la mort, et qu'ainsi on ne nie pas seulement l'âme, mais encore la réalité du salut pour le corps (18) . C'est pourquoi un renouveau décisif de la foi en la Création constitue une condition nécessaire et préalable à la crédibilité et à l' approfondissement de la christologie comme de l'eschatologie.
Le Décalogue
Le deuxième point que je voudrais souligner concerne le Décalogue. Ce fut en raison d'une incompréhension fondamentale de la critique faite par Paul de la Loi que beaucoup en sont arrivés àpenser que le Décalogue, en tant que Loi, devait être éliminé de la catéchèse et remplacé par les Béatitudes du Sermon sur la montagne. Ainsi méconnaît-on non seulement le Décalogue, mais encore le Sermon sur la moñtagne, ainsi que toute la structure interne de la Bible. Paul, au contraire, a caractérisé le passage de la Loi au Nouveau Testament comme « l'accomplissement de la Loi par l'amour », et pour expliquer cet accomplissement, il s'est expréssément référé au Décalogue (Rm 13,8-10 cf. Lv 19,8 Ex 20,13 ss ; Dt 5,17) (19) .Là où le Décalogue est expulsé de la catéchèse, c'est la structure fondamentale de celle-ci qui est touchée. Il n'y a plus alors d'introduction réelle à la Foi de Péglise (20).
Je voudrais terminer mes réflexions par deux observations sur les questions théologiques essentielles qui ont fait l'objet de notre considération dans la première partie de l'exposé.
Rapports : exégèse dogmatique et exégèse historique
La première réflexion concerne les rapports de l'exégèse dogmatique avec l'exégèse historique. A l'origine du retour à l'Ecriture, qui fut en même temps un abandon de la catéchèse dogmatique traditionnelle, il y avait la peur que le lien avec le dogme ne laissât pas de vraie liberté à une lecture compréhensive de la Bible. La manière dont la tradition dogmatique avait effectivement pratiqué l'exégèse scripturaire justifiait en effet amplement cette crainte. Mais aujourd'hui, nous constatons que seul le contexte de la tradition ecclésiale met le catéchiste en mesure de s'en tenir à toute la Bible et à la vraie Bible. Aujourd'hui, nous voyons que c'est seulement dans le contexte de la foi communautaire de l5Eglise qu'on peut prendre la Bible au pied de la lettre, et tenir ce qu'elle dit pour réalité actuelle tant pour notre monde d'aujourd'hui que pour son histoire Cette circonstance légitime l'interprétation dogmatique de la Bible même d'un point de vue historique: le lieu herméneutique que constitue l' Eglise est le seul qui puisse faire admettre les écrits de la Bible comme Ecriture Sainte, et leurs déclarations comme significatives et vraies. Il y aura néanmoins toujours une certaine tension entre les questions nouvelles de l' histoire et la continuité de la Foi. Mais en même temps, il nous apparaît clairement que la foi tradi-. tionnelle ne constitue pas l'ennemi, mais bien le garant d'une fidélité à la Bible qui soit conforme aux méthodes. de l'histoire.
Rapports : méthode et contenu de la catéchèse
La deuxième et dernière réflexion nous fait retourner à la question des rapports entre méthode et contenu de la catéchèse. Le lecteur d'aujourd' hui peut s'étonner que le Catéchisme Romain du XVIC siècle ait eu une conscience très vive de la méthode catéchétique. On y lit, en effet, qu'il importait énormément de savoir que tel enseignement devait être donné de telle ou telle manière. C'est pourquoi la catéchèse doit être exactement au courant de l'âge, des capacités de compréhension, des habitudes de vie et de la situation sociale des auditeurs, pour être vraiment tout àtous. Le catéchiste devait savoir qui avait besoin de lait, qui avait besoin d'aliments solides, afin d'adapter son enseignement à la capacité de chacun. L'étonnant pour nous est cependant que le Catéchisme Romain ait laissé au catéchiste beaucoup plus de liberté que ne le fait généralement la catéchétique actuelle. En effet, il laisse à l'initiative de l'enseignant l'ordre à adapter dans sa catéchèse en fonction des personnes et des circonstances. Il présuppose aussi, il est vrai, que le catéchiste vive et fasse sienne la matière de son enseignement par une méditation continuelle et une assimiliation intérieure, et que - dans le choix de son propre plan - il ne perde pas de vue la nécessité de l'ordonner en fonction des quatre composantes maîtresses de la catéchèse (21).
Le Catéchisme Romain n'exige certes pas de prescrire telle méthode didactique. Il dit bien plutôt : quel que soit l'ordre choisi par le catéchiste, nous avons choisi pour ce livre la voie des Pères (22) . Autrement dit il met à la disposition du catéchiste le dispositif fondamental indispensable, ainsi que les matériaux avec quoi le remplir; mais il ne le dispense pás de trouver lui-même quelle voie est la plus propre à sa transmission dans telle situation concrète. Sans nul doute, le Catéchisme Romain présupposait ainsi déjà l'existence d'une littérature de second degré, grâce à laquelle le catéchiste pouvait être aidé dans sa tâche, sans qu'elle puisse cependant programmer à l'avance toutes les situations particulières.
Cette distinction des niveaux est, à mes yeux, essentielle. La misère de la catéchèse nouvelle consiste en définitive en ceci : on a un peu oublié de distinguer le « texte » de son « commentaire ». Le «texte », c'est-à-dire le contenu proprement dit de ce qu'il faut annoncer, se dilue de plus en plus dans son commentaire; mais le commentaire n'a alors plus rien à commenter, il est devenu sa propre mesure, et perd, du même coup, son sérieux. Je suis d'avis que la distinction faite par le Catéchisme Romain entre le texte de base (le contenu de la Foi de l'Église) et les textes parlés ou écrits de sa transmission n'est pas une voie possible parmi d'autres : elle appartient à l'essence de la Catéchèse. D'une part, elle est au service de la nécessaire liberté du catéchisme dans le traitement des situations particulières; d'autre part, elle est indispensable pour garantir l'identité du contenu de la Foi. A cela, on ne peut objecter que tout discours humain relatif à la Foi est déjà un commentaire et non plus le texte primitif, puisque la Parole, de Dieu ne peut jamais être emprisonnée dans les mots humains. Que la Parole de Dieu soit toujours infiniment plus grande que toute parole humaine, plus grande même que les mots inspirés de l'Ecriture elle-même, cela n'enlève pas au message de la Foi son visage et ses contours. Bien au contraire,, cela nous oblige d'autant plus à sauvegarder notre' foi ecclésiale comme un bien commun. C'est lui que nous devons essayer d'expliquer dans des situations toujours changeantes, avec des mots' toujours nouveaux, afin de correspondre ainsi, àtravers le temps, à l'inépuisable richesse de la Révélation. Je crois par conséquent, nécessaire de,, distinguer de nouveau clairement les degrés du',' discours catechetique, même dans les livres desti nes a la catechese Cela veut dire qu' il faut oser présenter le catéchisme comme un catéchisme, afin que le commentaire puisse rester un commentaire, et que les sources et leur transmission puissent retrouver leurs rapports exacts.
Je ne saurais trouver de meilleure conclusion à mes réflexions que les paroles avec lesquelles le Catéchisme Romain - que j'ai souvent cité - décrit la catéchèse:
« Toute la finalité de la doctrine et de l'enseignement doit être placée dans l' amour qui ne finit pas. Car on peut bien exposer ce qu'ilfaut croire, espérer ou faire; mais surtout on doit toujours faire apparaître l'Amour du Christ, afin que chacun comprenne que tout acte de vertu parfaitement chrétien n' a pas d'autre origine que l'Amour et pas d'autre terme que l'Amour » (23).
Lyon et Paris, 15 et 16janvier 1983
(1) . Conference épiscopale francaise, La catéchése des enfanis, texte de réfdrence, Le Centurion. 1980, p. 11-26.
(2) . Informations dans J. Ratzinger, Dogma und Verkandigung, Munich. 1973, p. 70.
(3) . J. Ratzinger, Theologische Prinzipilenlehre, Munich, 1982, p. 334 et suivantes.
(4) . J.-A. Moehier, L'unité dans l'Église, traduction française A. de
Liliendfeld, Paris, 1938, p. 52.
(5) . D'après W.-G. Kümmel, Das Neue Testament - Geschichte der Erforschung semer Probleme, Fribourg/Brigsgau, 1958, p. 305.
(6) . Ceci est la position de saint irénée dans son affrontement à la Gnose, si capital pour le òndenient de la Uiéologie catholique, fondant de manière décisive la doctrine de l'Eglise et reçu comme tel.
(7) . Catéchisme du Concile de Trente : Art. X.
(8) . Saint Hilaire de Poitiers, La Trinité, 1. 1 et 2.
(9) . Henri de Lubac, Paradoxe e! mt'stère de l'Église, Aubier-Montaigne, Paris, 1967.
(10) . Henri de Lubac, La foi chrétienne, essai sur la structure du symbole des Apôtres, Aubier-Montaigne, 1969; 2' éd. 1970, p. 20 1-234 ; voy. aussi J. Ratzinger, Theologische Prinzipienlehre, Munich, 1982, p. 15-27. Important et éclairant à ce sujet est ce que souligne Louis Bouyer dans Le métier du théologien, France-Empire, Paris, 1979, p. 207-227.
(11) . Pour la problématique générale, voir de Lubac, Exégèse médiét'aIe, 3 vol., Aubier-Montaigne, 1959, 1961, 1964.
(12) . La présupposition biblique de ces relations et la nécessité de lire la Bible dans sa perspective propre ont été abordées, du point de vue linguistique par P.-G. Müller, Der Traditionsprozess im Neuen Testament, Fribourg/B., 1981; point de vue important dans
H.Gese. Zur bibtische, Theologie, Munich, 1977, p. 9-30.
(13) . Ainsi le « aujourd'hui » et le « demain » de la liturgie dans le temps de l'Avent et dans celui du Carême n'est pas simple jeu verbal dans la foi, mais bien interprétation de la réalité.
(14) . Catéchisme du Concile de Trente: Art. XII.
(15) . Voir H. de Lubac, Histoire et esprit. L 'intelligence de ('Écriture
d'aprés Origène, Aubier-Montaigne, Paris, 1950.
(16) . L'introduction du Catéchisme Romain, XI!, parle de ces quatre « lieux communs» de la théologie ; le eh. XIII traite de la première de ces quatre composantes ; le mot « source» intervient pour dire que tout énoncé biblique peut se ramener à un de ces « lieux », auxquels le catéchiste doit avoir recours « comme à la source de la doctrine à expliquer «. Pour l'usage de » source »comme pour la compréhension pratique de ce qui constitue l'enseignement chrétien, cette remarque me semble particulièrement
(17) . Cette crainte est rappelée par la Conférence épiscopale française. La catéchèse des enfants, texte de reférence, Le Centurion, 1980. p. 37. qui souligne, avec justesse, par ailleurs, « qu'on ne peut parler chrétiennement de Dieu créateur que dans la lumière de Jesus le Christ ressuscité «.
(18) , Sur cette problématique, voir J. Ratzinger, La mort et l'au-delò. Court traité d'espérance chrétienne, traduction française de H. Rochais. Fayard, 1979, et mon article » Entre la mort et la résurrection », Rei'ue catholique internationale Communlo, V, 3, p. 4-19 (1980).
(19) . H. Gese, cf. note 16.
(20) . C'est le mérite du texte de référence (La catéchèse des enfants) de la conférence épiscopale française d'avoir situé avec justessel'actualité du Décalogue (p. 59) . De même ce qui est dit (p. 57) de la catéchèse comme » démarche structurée sacramentellement » est en rapport avec notre propos.
(21) . Catéchisme du Concile de Trente: Art. XIJI.
(22) . Cf. note 21.
(23) . Concile de Trente : Art.. X.
Aujourd'hui, comme de tout temps, le Seigneur ne cesse de parler à son peuple. Car il l'aime. Il est un Dieu d'amour et de miséricorde. Voici ce que dit le Seigneur par la bouche de son prophète:
« Où faut-il encore vous frapper, vous qui persistez dans la rébellion? Toute tête est malade, tout coeur exténué. De la plante des pieds à la tête, rien d'intact: blessures, plaies, meurtrissures récentes, ni nettoyées, ni bandées, ni adoucies avec de l' huile... La fille de Sion va rester comme une cabane dans une vigne, comme un abri dans un champ de concombres, comme une ville sur ses gardes » (Es 1, 5-6, 8) . Oui, l'humanité et l'Eglise de cette fin de siècle - c' est-à-dire nous tous - nous portons des blessures. A peine faut-il avoir le regard d'un prophète pour s'en apercevoir. Mais le même Esaïe nous montre le thérapeute, Celui qui peut guérir tous nos maux. « Le Seigneur, homme de douleurs, familier de la souffrance, tel celui devant qui l'on cache son visage, oui méprisé, nous ne l'estimions nullement. En fait, ce sont nos souffrances qu'il a portées, ce sont nos douleurs qu'il a supportées. Mais lui, il était déshonoré à cause de nos révoltes, broyé à cause de nos perversités: la sanction, gage de paix pour nous, était sur lui et dans ses plaies se trouvait notre guérison» (Es 53, 3-5).
Notre siècle est blessé, peut-être plus que toute autre époque de l'histoire. Sa fièvre n'est pas seule-ment cçlle du corps ; c' es,t aussi une fièvre de l'es-prit et de l'âme. « Toute tête est malade, tout coeur exténué » (Es 1, 5) . Plus que jamais notre monde est à la recherche de ce « serpent d'airain fixé à une hampe » (cf. Nb 21,9) , pour avoir la vie sauve. Or,' le christianisme s'avère de plus en plus être la seule thérapeutique, capable de guérir l'homme et la société contemporaine. La foi guérit. C'est d'ail-leurs le cri par lequel Jean Paul Il a inauguré son pontificat: «N'ayez pas peur d'accueillir le Christ et d'accepter son pouvoir... N'ayez pas peur! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ... N'ayez pas peur ! Le Christ sait” ce qu'il y a dans l'homme” ! Et Lui seul le sait ! » (Jean Paul 11, Homélie de la messe d'intronisation, 22 octobre 1978 ; La Documentation Catholique, 1751, p. 915 s.).
La foi, à quoi sert-elle? C'est une question qui vit dans le coeur de beaucoup, même si elle ne monte pas toujours jusqu'aux lèvres. Un grand' : nombre de nos contemporains, surtout en Occi dent, ont déjà répondu à cette question: la foi ne sert à rien. Certes, il se pourrait que cette réponse ne soit pas définitive; elle n'en est pas moinš claire. Pour beaucoup d'hommes et de femmes de: ce siècle, la foi n'apporte rien qui puisse satisfaire leurs besoins de tous les jours Pour l'homme occl' dental, dans la large majorité des cas, la foi chrc.: tienne - comme toute religion d'ailleurs - n'apporte ni le bonheur, ni la solution de nos problèmes, la guérison ni du corps, ni du coeur.
Et pourtant, il y a cette réponse toute simple d'une paysanne à cette question qu'on lui posait dans une enquête, faite voici quelques années:
« La religion, disait-elle, sert à rendre heureux, ou elle ne sert à rien.»
Croire est une source de bonheur et la religion peut être une cure d'oxygène pour l'homme, pro-fondement thérapeutique, pour la culture et la société.
Je me rends compte du caractère abrupt et rneme osé de cette affirmation. Elle suscitera des résistances ; chez certains, elle pourrait même causer de nouvelles blessures. Car à notre époque, que de guerisseurs du corps et de l'âme ! Et que de déceptions ! On comprend la méfiance dc l'homme contemporain.
Mais je ne reprends pas mon affirmation. La guerlson de l'homme dans sa totalité corps, Coeur et âme fait partie du noyau même du message (Je Jésus. « ... Parcourant toute la Gaulée, il enseignait dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Régne, et guérissait toute maladie et toute infirmité parmi le peuple... et on lui amena tous ceux qui souffraient, en proie à toutes sortes de maladies et de tourments : démoniaques, lunatiques, paralysés ; il les guérit» (Mt4, 23 s.).
La foi ne se réduit évidemment pas à ses vertus therapeutiques. Elle introduit aussi dans le monde invisible de la grâce. Mais la grâce a ses p rolongements dans le champ du visible et du sensible. Elle n'est jamais étrangère à l'aventure du corps de l'homme. Elle peut Je guérir, maintenant comme du temps dc l'Eglise naissante.
Le rapport entre foi chrétienne et santé de l'homme est un thème fort développé dans la littérature contemporaine. Le nombre de publications consacrées à ce sujet, ne fait qu'augmenter. Voici ce qu'écrit un auteur néerlandais, Han Fortmann «Au début de ce siècle, le sujet apparaît à peine dans la littérature ; en 1945, l'un ou l'autre auteur commence à en parler; de nos jours, les publicalions sont innombrables. Des termes comme santé' spirituelle, hygiène mentale et le vocabulaire psy-'chothérapeutiq ue tout entier appartiennent désor-, mais au langage de l'écolier moyen » u. Fwtmann, lice! de mens, p. 56)
Mais la foi serait-elle si thérapeutique que cela? En effet, il ne manque pas de faits dans l'histoire' humaine qui pourraient suggérer le contraire. Les héros de la foi et de la sainteté n'ont pas été toujours des modèles d'équilibre psychique. Que l'on' pense à Siméon le Stylite, vivant pendant plus de: quarante cinq ans sur une colonne dans le desert syrien a François d Assise qui, pousse par l'elan d un irreslstible amour baise un lepreux a une époque où toute contagion était fatale, à Philippe Neri qui ne craignait pas le ridicule a saint Benolt Labre - mort voici tout juste deux siècles cette année - qui n'était certainement pas un modèle d'hygiène à Charles de Foucauld, parcourant les rues de Nazareth et poursuivi par les enfants qui se moquaient de lui et lui jetant des pierres ; il considérait comme un honneur de pouvoir souffrir pour le Christ. Etait-il masochiste? Tout le monde sait que saint Jérôme, un des grands saints et savants de l'antiquité chrétienne, était réputé pour être un des caractères les plus difficiles de son époque ; sa lettre au jeune Augustin d'Hippone, qui lui avait envoyé en hommage un de ses premiers écrits, enlève tous les doutes à ce sujet. Il y a Thérèse de Lisieux qui, à douze ans, éclata en larmes parce que son soulier était resté vide un soir de Noël. Le Père Bruno, pendant longtemps rédacteur en chef des Études carmélitaines, cite ce mot terrible de Hildegarde von Bingen: «Dieu n'habite pas les corps bien portants. » Y a-t-il donc quelque chose qui ressemblerait à une névrose ecclésiogène? La sainteté se construit-elle sur les ruines de la santé physique ou psychique ? Et qu'on ne dise pas que ce sont les supérieurs qui favorisent cet état de chose par leur sévérité. Souvent, c'est le candidat àla sainteté lui-même qu'il faut arrêter sur le sentier rude de l'ascèse. Car le reniement dont parle l'Evangile, ne pourra être une mutilation de l'homme ; c'est un dépassement de soi dans l'amour et dans la joie. Et pour se dépasser, ne faut-il pas s'accepter soi-même d'abord paisiblement.
Même, si au cours de l'histoire de la sainteté chrétienne, certains saints sont passés par les sentiers abrupts d'une austérité corporelle exagérée, la grande tradition de la sainteté chrétienne n'est pas passée par là. La joie qui imprègne le récit de la création dès la première page de la Bible et le fleuve d' optimisme qui traverse toute la Bible, aboutissent à Jésus qui guérit le paralytique euh même temps qu'il lui pardonne ses péchés : guéri-1 son et rémission des péchés, voilà les deux faces d'une même réalité (cf. Mt 9,1-8) . D'ailleurs le terme latin : salus, signifie guérison, bien-être, achèvement ; et la racine germanique « heil » est la base de l'adjectif « heel », qui veut dire: entier, sans défaut, complet. La foi achève l'homme jusque dans les fibres les plus profondes et les zones les plus cachées de son être. Elle redonne àl'homme sa perfection; elle le rend vraiment lui-même. Dans la première aux Corinthiens, Paul écrit ce texte surprenant : « Celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation. Voilà pourquoi il y a parmi vous tant de malades et d'infirmes et qu' un certain nombre sont morts» (1 Co Il, 30) . Certes, ce texte doit être interprété, mais pas au point qu'on lui fasse dire exactement le contraire de son sens littéral. D'ailleurs, dans un ¥rand nombre de prières après la communion, l'Eglise n'hésite pas à demander « la guérison du corps et de l'âme par la communion au corps et au sang du Seigneur ». Guérison et sacrement enfin sont inséparables dans la théologie de l'onction des malades comme dans sa liturgie. Celle-ci se réfère d'ailleurs au fameux passage de la lettre de saint Jacques : « L'un de vous est-il malade? Qu'il fasse appeler les anciens de l'Eglise et qu'ils prient après avoir fait sur lui une onction d'huile au nom du Seigneur. Lä prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur le relèvera et, s'il a des péchés à son actif, il lui sera pardonné » (Jc 5,14 s.) . Archaïsme? Régression? Ou réalité cachée et passée sous silence par un rationalisme théologique?
Terminons par un témoin peu suspect, Gustav Jung. Il écrit : «Lorsque l' un de mes patients est catholique pratiquant, je lui conseille sans exception d'aller se confesser et de communier... Pour les protestants ce n'est pas si facile, le dogme et le rituel étant devenus plus pâles au point d' avoir perdu dans une large mesure leur efficicence. J'en suis absolument convaincu qu'un grand nombre d'hommes devraient être membres de l'Eglise catholique, parce qu'ils s'y sentiraient vraiment chez eux. » Certes, Jung n'est pas infaillible et il se tient strictement sur un plan thérapeutique et pragmatique. Il se refuse d'ailleurs à se prononcer sur la question de la vérité théologique du catholicisme. C' est un simple constat de grand psychologue. Retenons donc qu'il est faux de dire que tout dogme amène au dogmatisme et tout rite au ritualisme. Dogme et rituel peuvent être profondément thérapeutiques pour l'homme qui cherche à se situer dans un monde ébranlé. Ceci vaut d'ailleurs aussi sur le plan de la civilisation, de la culture et de la Société.
Le psychiâtre hollandais, J. Van den Berg, écrit : « Il est presque sûr que les perturbations névrotiques ne se rencontraient guère en Europe avant le xviiie siècle. Avant 1733, il n'y a pas de livre de médecine qui fasse mention de névroses. Or, si elles avaient existé, leur existence aurait été facilement repérable par le médecin moyen. Même une personne non qualifiée aurait pu les remarquer sans difficulté. Mais on n'en trouve pas de trace. Certes, il ne manquait pas de personnes compliquées ou bizarres. Le personnage de Hamlet chez Shakespeare et certains personnages de Molière présentent une grande complexité. Mais un homme dont le caractère et la psychologie sont relativement compliqués, n'est pas un névrotique pour autant.»
A partir de cette époque, la situation s'est renversée. Névroses et maladies psychiques envahissent notre société comme une épidémie ; tout le monde en parle; leur accompagnement médical est devenu une charge importante pour notre société occidentale.
Quelque chose a donc changé. Mais quoi? Voici une hypothèse. Je l'emprunte à ce même Van den Berg. Avant le xviiie siècle, l'homme européen vivait dans un univers harmonieux, il se situait à l'intérieur d' un réseau de relations bien intégrées. Sa relation à Dieu, à l'univers, au cosmos, ses rapports avec les hommes et la société, avec lui-même, étaient bien définis. Tout avait sa place et il y avait une place pour tout. Il y avait un cadre de référence solidement établi et la religion en était le ciment. Les règles du jeu en religion - si l'on peut s'exprimer ainsi - en morale et en politique étaient bien fixées et acceptées.
A partir du xviiie siècle, les choses ont changé. Beaucoup d'auteurs parlent d'un « refoulement de la sexualité et de l'agressivité » chez l'homme des temps modernes. D'où la naissance d'un nombre considérable de névroses, identifiées plus tard par la psychanalyse. De là, disent-ils, vient cette tristesse en l'Occident.
Il est indéniable que ce refoulement a été la cause d'un certain nombre de névroses chez l'homme en Occident. Les études et la pratique clinique de ce qu'on appelle la psychanalyse ont contribué beaucoup à la guérison de l'homme et elles continueront à le faire. Personne ne niera l'importance de ce travail d'intégration des pulsions vitales dans la conscience claire, pour les faire servir àl'épanouissement de l'homme.
Mais depuis lors, la sexualité et l'agressivité ont fait un « come-back » spectaculaire: ce qui était jusqu'à une époque très récente objet d'un refoulement inconscient s'est métamorphosé en une véritable nourriture terrestre obligatoire pour tous. La sexualité a perdu son mystère pour devenir un érotisme souvent commercialisé. L' agressivité débouche dans une violence qui aveugle et détruit souvent sans motif apparent. Les deux soeurs exilées de jadis nous sont revenues comme des jumelles. Elles sont omniprésentes. Des Guten zuviel
Or, si la Sexualité et l'agressivité ne sont plus bannies de la conscience claire, si elles ne sont plus refoulées, si donc cette cause apparente de nos névroses a disparu, pourquoi ne nous portonsnous pas mieux? Car personne ne dira que l'homme occidental contemporain est un homme heureux. Certes, il y a la crise économique qui estréelle et il reste les maladies qui malgré le progrès médical réapparaissent toujours sous de nouvelles formes. Mais n'y a-t-il pas plus? Pourquoi l'hom me occidental bien portant et vivant dans des conditions de vie assez confortables, est-il si « gentiment malheureux »? Sur toute la civilisation occidentale plane cette brume légère et presque souriante de la mélancolie? La névrose est donc toujours là, elle reste ! La libération sexuelle et agressive de l'homme ne guérit pas. Pourquoi ? D'où la souffrance discrète et civilisée de l'homme contemporain.
Voici l'hypothèse de Van den Berg. Nous avons «refoulé » une autre composante de notre existence humaine de la conscience claire dans le subconscient. Comme ce fut le cas de la sexualité et de l'agressivité, nous avons refoulé le sens de Dieu et du transcendant. Quel silence autour de Dieu ànotre époque? Dans la vie courante, à table, au travail, dans la société, en un mot là où l'homme vit ses grands choix, on ne parle jamais de Dieu. Tout le domaine du religieux, de la foi, de Dieu, le domaine de la « spiritualité » est banni de la vie quotidienne, relégué en marge de l'existence; le problème de la chute et de la rédemption, de la vie et de la mort: qu'en fait-on?
C'est tout le secteur spirituel qui est refoulé maintenant. Le résultat est le même : une nouvelló névrose, celle du silence autour de Dieu. Voilà donc notre blessure profonde. L'homme contemporain refoule ce sens du tra nscendant qui précisément le constitue dans son humanité. Car la relation à Dieu est constitutive de l'homme. L'homme' dépasse infiniment l'homme, selon le mot de Pascal. Un humanisme athée, si noble soit-il, ne pourra saisir toutes les richesses de l'homme. L'homme y est comme « un torse grec, sans tête, sans bras, sans jambes, divin fragment qui chante l'hymne de la forme pure» (Théophile Gauthier) . Il ressemble à ces statues de Michel-Ange, à moitié achevées qui aspirent à sortir du marbre et à être libérées. Ainsi l'homme sans Dieu : il est incompréhensible dans sa richesse profonde. Certains de nos contemporains s'en doutent : en pleine crise du sens, ils entrevoient l'aurore. André Mairaux n'a-t-il pas dit que le xxie siècle sera métaphysique et rel igieux. Ne serait-ce pas là la névrose de notre époque : cette conspiration du silence autour de Dieu? Si nous voulons guérir, ne faudra-t-il pas recommencer à nommer Dieu tout haut, à parler de Lui et à Lui rendre grâces ?
Nous souffrons tous dans ce domaine de la spiritualité ; et nous en portons les traces. Celui qui souffre en ce domaine n' est pas malade dans son corps. Mais il lui manque la joie toute simple: il est « gentiment triste ». La nouvelle névrose est spirituelle. C'est là qu'il faut guérir.
La réalité fondamentale que Jésus vient révéler aux hommes est celle de la paternité de Dieu, d'un Dieu d'amour qui est Père. Déjà l'Ancien Testament parle de Dieu comme d'un Père: Père du peuple, du Roi, des justes. Mais il n'en reste pas moins vrai que cette révélation du Père est la mission propre de Jésus et constitue le coeur même du Nouveau Testament. Les presmiers auteurs chrétiens ont conservé le mot «Abba - Père », comme ils l'avaient recueilli de la bouche de Jésus; ils n'ont pas trouvé nécessaire de le traduire. Même saint Paul, qui n'a jamais connu le Christ dans la chair, a conservé ce mot, tellement il était propre àJésuS(Rm8, 15 ;Ga4,6).
Les études psychologiques nous ont montré la structure et le caractère constitutif des liens avec le père dans la genèse de l'homme ; elles en ont décrit la pathologie. L'homme, en effet, a été souvent profondément marqué, même blessé en ce domaine. Il n'est pas facile pour un enfant d'atteindre l'âge adulte, ayant trouvé une relation au père qui soit libératrice et épanouissante. Ceci vaut d'ailleurs autant pour la genèse de l'humanité tout entière. Depuis le début des temps modernes, la relation au Dieu, Père de l'humanité, souffre viol ence. Et la dépendance filiale de Dieu, vécue par la religion se voit taxée de régression pathologique. Et il est indéniable que la religion elle aussi connaît sa pathologie : un Dieu - Père peut écraser les fils. L' homme se tourne alors vers la rébellion ; il voudra s'émanciper de ce lien oppressif qui le lie à un Dieu oppresseur. Pour ceux qui sont plus faibles, la religion tournera à l'angoisse. Nietzsche a vécu ce drame. Il en a conclu que l'accès de l'humanité à l'âge adulte implique la mort de Dieu. Depuis lors, la mort de Dieu est devenue un thème classique en Occident.
L'époque que nous vivons a éliminé Dieu dans une large mesure de la culture, de la pensée, de la société. Des générations entières ont combattu l'idée même de l'existence de Dieu. L'épanouissement de l'homme, le progrès de la civilisation étaient à ce prix. Il n'y a pasde place pour deux rois de l'univers: Dieu et l'homme. On a tiré le rideau du ciel, bouché tous les trous du firmament, oublié l'envers du décor. Dieu était mort, l'homme pouvait naître. Désormais la route qui mène au bonheur était devant nous, largement ouverte.
Mais tout cela s'est-il vérifié depuis lors? L'homme est-il devenu vraiment plus épanoui, plus heureux, plus humain, après cette longue période d'athéisme, impošé ou librement recherché?
Au contraire, l'homme a perdu son âme; le monde est devenu froid. Lorsque le Père s'en va, les enfants ont froid. Quand Dieu disparaît, les hommes cherchent d'autres sources de chaleur. Mais où les trouver? Car il n'y a plušde Père et nous sommes tous orphelins. Voici un texte prophétique. Il est tiré du livre L'Adolescent de Dostoïevski, écrit il y a presque cent cinquante ans, àl'aube de ce siècle d'humanisme athée : « Les hommes, écrit-il, devenus orphelins, se serraient aussitôt les uns contre les autres, plus étroitement et plus affectueusement ; ils se prendraient les mains, comprenant que désormais ils sont tout les uns pour les autres. Alors disparaîtrait la grande idée d'immortalité, et il faudrait la remplacer; tout ce grand excès d' amour pour Celui qui était l'immortalité se détournerait sur la nature, le monde, les hommes, chaque brin d'herbe... Ils s'éveilleraient et se hâteraient de s'embrasser les uns les autres, se dépêcheraient d'aimer, sachant que leurs jours sont éphémères et que c'est tout ce qui leur reste. Ils travailleraient les uns pour les autres; et chacun donnerait tout à tous et par là serait heureux. Chaque enfant saurait et sentirait que tout homme sur terre lui est un père et une mère. »
Oui, quand le père disparaît, les enfants grelottent de froid. Que Dieu s' en aille et nous voici en plein hiver. Toute notre civilisation est comme refroidie ; l'amour aussi. Le contact entre les races et les langues s'est raidi ; il y a si peu de solidarité, de chaleur dans la société; il n' y a que le bruit sourd et métallique du conflit ou le silence de la méfiance. Nous sommes comme des oiseaux en hiver. En attendant, nous nous rassemblons autour des rares sources de chaleur, ces derniers endroits retranchés de notre c ivilisation, où il reste un peu de flamme sous les braises ; ce sont l'amour et la fête, souvent poussés au paroxysme de la fièvre érotique ou de l'orgie. Mais tout cela ne nous rend pas la chaleur. Les feux sont éteints au propre comme au figuré. Où donc est le soleil? Où donc est Dieu ? Car sans Lui tout feu n'est qu'un feu de paille : il ne dure qu'un instant, pas de quoi réchauffer vraiment les enfants. -
Lorsque le soleil disparaît, l'homme change. Toutes nos relations changent, même celles qui nous relient à la nature ; les plantes et les animaux se font soudain l' objet d'une immense tendresse écologique. Nous essayons de reconstituer la nature. D'abord violentée, elle reçoit maintenant de nos mains un semblant d'ordre ; c'est le jardin japonais: deux cerisiers, trois cailloux dans une flaque d'eau et quelque part le bruit rassurant d'une fontaine. Mais tout cela ne nous réchauffe pas ni ne guérit notre solitude. il faut trouver autre chose. Oui, il faut retrouver l' enfance et la relation filiale au Père. Et c'est possible. De cette affirmation de soi prométhéenne àl'aurore de l'âge adulte de notre civilisation, peut émerger une seconde naïveté, une spontanéité reconquise. Cette seconde enfance ne sera pas identique à la première, car elle aura passé par l'âge de la critique. Elle sera autre. Mais elle retrouvera la joie et la simplicité de l' enfance, enrichies cette fois des fruits de la souffrance. Jésus dit : « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume » (Mt 18,3) . La véritable enfance est donc devant nous, il faut la demander, l'accueillir comme une grâce. Voilà ce qui peut nous guérir: le sens de notre filiation divine retrouvé, l'entrée dans une seconde enfance, le passage de la science à la sagesse, de la tête au coeur.
Redécouvrir Dieu comme un Père et entrer avec le Christ dans cette expérience filiale, c'est cela la foi chrétienne et elle est profondément thérapeutique pour notre civilisation. En Occident, la croissance incontrôlée du moi s'est développée en cancer. Le sens de Dieu est entré en crise et par le fait même l'homme a perdu son identité et sa joie. Car toute atteinte portée à Dieu blesse l'homme dans sa nature profonde. Elle rend triste.
Le texte de Dostoïevski est prophétique encore sur un autre point. Il semble suggérer que l'absence du Père commun se traduit par une recherche frénétique de fraternité et de cohésion parmi les enfants orphelins. La disparition de la dimension verticale aboutit à une exaltation des relations horizontales. La chaleur du soleil doit être remplacée par la chaleur du nid. En effet, depuis la disparition de Dieu, jamais on n'a assisté comme aujourd'hui à une telle recherche de communication, de solidarité, de planification de la société et du monde. Le « nous » engloutit le « moi »sous prétexte de le sauver ou de le protéger. Cette recherche fiévreuse de toutes formes de communautés, grandes et petites, serait-elle si étrangère àl'effacement du Père ? La fraternité universelle est-elle possible en l'absence d'un Père commun? L'ignorance du Père oblige les hommes à se prouver les uns aux autres qu'ils appartiennent à la même famille. C' est une preuve à fournir à chaque instant.
Transmettre - a) Les quatre composantes maîtresses