1964 Unitatis Redintegratio 16
16 En outre, depuis les origines, les Eglises d'Orient ont suivi une discipline propre sanctionnée par les saints Pères et par des Conciles même oecuméniques. Il n'est pas du tout contraire à l'unité de l'Eglise qu'il y ait diversité de manières et de coutumes, ainsi qu'il vient d'être mentionné; une telle diversité ajoute même à sa beauté et est une aide précieuse pour l'accomplissement de sa mission; aussi le Concile déclare-t-il, pour enlever tout doute possible, que les Eglises d'Orient, conscientes de la nécessaire unité de toute l'Eglise, ont la faculté de se régir selon leurs propres disciplines, parce que plus conformes au caractère de leurs fidèles et plus aptes à promouvoir le bien des âmes. L'observance parfaite de ce principe traditionnel qui, à vrai dire, ne fut pas toujours respectée, est l'une des conditions préalables absolument nécessaires pour rétablir l'union.
17 Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en matière de culte et de discipline doit s'appliquer aussi à la formulation théologique de la doctrine. Effectivement, dans l'effort d'approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d'exprimer les choses divines ont été différents en Orient et en Occident. Il n'est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l'un que par l'autre, si bien que ces diverses formules théologiques doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu'opposées. Quant aux traditions authentiques des Orientaux, on doit le reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans la Sainte Ecriture; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères orientaux et des auteurs spirituels; elles portent à une juste façon de vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne.
Rendant grâce à Dieu de ce que beaucoup d'Orientaux, fils de l'Eglise catholique, qui gardent ce patrimoine et désirent en vivre plus purement et pleinement, vivent déjà en pleine communion avec leurs frères qui gardent la tradition occidentale, le Concile déclare que tout ce patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et théologique, dans ses diverses traditions, fait pleinement partie de la catholicité et de l'apostolicité de l'Eglise.
18
Tout cela bien examiné, le Concile renouvelle ce qui fut déclaré par les Conciles antérieurs, ainsi que par les Pontifes romains: pour rétablir ou garder la communion et l'unité, il ne faut "rien imposer qui ne soit nécessaire" (Act. 15, 28). Il souhaite vivement que tous les efforts dorénavant tendent à réaliser peu à peu cette unité aux divers niveaux et dans les diverses formes de la vie de l'Eglise, surtout par la prière et le dialogue fraternel concernant la doctrine et les nécessités les plus urgentes du ministère pastoral de notre temps. Pareillement, le Concile recommande aux pasteurs et aux fidèles de l'Eglise catholique d'établir des relations avec ceux qui ne sont plus en Orient, mais vivent loin de leur patrie. De cette façon grandira entre eux une fraternelle collaboration: l'esprit de charité exclura toute forme de rivalité. Si l'on s'applique à cette oeuvre de toute son âme, le Concile en a l'espoir, le mur qui sépare l'Eglise d'Orient de celle d'Occident étant abattu, il n'y aura plus qu'une seule demeure, affermie sur la pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l'unité de l'une et de l'autre (27).
(27) Cf. Conc. Flor. ses. 6 (1439), Definitio Laetentur caeli:Mansi 31,1026 E.
19 Les Eglises et Communautés ecclésiales qui, à l'époque de la grande crise commencée en Occident à la fin du Moyen Age, ou dans la suite, furent séparées du Siège apostolique romain, demeurent unies à l'Eglise catholique par une affinité particulière et par des relations dues à la longue durée de vie du peuple chrétien dans la communion ecclésiastique au cours des siècles passés.
Etant donné que ces Eglises et Communautés ecclésiales, à cause de leur diversité d'origine, de doctrine et de vie spirituelle, se distinguent notablement, non seulement de nous-mêmes, mais aussi entre elles, il est très difficile de bien les définir, et nous n'en avons pas ici l'intention.
Bien que le mouvement oecuménique et le désir de paix avec l'Eglise catholique n'aient pas encore prévalu partout, nous avons l'espoir néanmoins que tous finiront par avoir ce sens de l'oecuménisme et que l'estime mutuelle ne fera que grandir.
Cependant, il faut reconnaître qu'entre ces Eglises et Communautés et l'Eglise catholique il y a des différences considérables, non seulement de caractère historique, sociologique, psychologique et culturel, mais surtout dans l'interprétation de la vérité révélée. Pour rendre plus facile, malgré ces différences, l'instauration du dialogue oecuménique, nous voulons souligner certains points qui peuvent et doivent servir de base et de point de départ à ce dialogue.
20 Nous avons en vue surtout ces chrétiens qui confessent ouvertement Jésus-Christ comme Dieu et Seigneur, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Certes, nous savons qu'elles ne sont pas légères les différences qui existent par rapport à la doctrine de l'Eglise catholique, même au sujet du Christ, Verbe incarné, et de l'oeuvre rédemptrice, et par suite au sujet du mystère et du ministère de l'Eglise, ainsi et par suite au sujet du mystère et du ministère de l'Eglise, ainsi que du rôle de Marie dans l'oeuvre du salut. Ce nous est une joie cependant de voir nos frères séparés regarder vers le Christ comme la source et le centre de la communion ecclésiale. Touchés du désir d'union avec le Christ, ils sont poussés de plus en plus à chercher l'unité et à rendre partout témoignage de leur foi parmi les nations.
21 L'amour et la vénération - presque le culte - de nos frères pour l'Ecriture Sainte les portent à l'étude constante et diligente du texte sacré: l'Evangile "est en effet la force de Dieu opérant le salut pour tout croyant, pour le Juif d'abord et puis pour le Grec" Rm 1,16.
Invoquant l'Esprit-Saint, c'est dans les Ecritures mêmes qu'ils cherchent Dieu comme celui qui leur parle par le Christ qu'avaient annoncé les prophètes et qui est le Verbe de Dieu incarné pour nous. Ils y contemplent la vie du Christ, ainsi que les enseignements et les faits accomplis par le divin Maître pour le salut des hommes, surtout les mystères de sa mort et de sa résurrection.
Mais, si les chrétiens séparés de nous affirment l'autorité divine des Saints Livres, ils ont une opinion différente de la nôtre (et différente aussi entre eux), au sujet de la relation entre Ecritures et Eglise. Dans celle-ci, selon la foi catholique, le magistère authentique occupe une place particulière pour l'explication et la prédication de la parole de Dieu écrite.
Cependant, les paroles divines sont, dans le dialogue lui-même, des instruments insignes entre les mains puissantes de Dieu pour obtenir cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes.
22 Par le sacrement de baptême, toutes les fois qu'il est conféré comme il convient selon l'institution du Seigneur et reçu avec les dispositions intérieures requises, l'homme est incorporé vraiment au Christ crucifié et glorifié, il est régénéré pour participer à la vie divine, selon le mot de l'Apôtre: "Vous êtes ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la force de Dieu, qui l'a ressuscité d'entre les morts" Col 2,12 (28).
Le baptême est donc le lien sacramentel d'unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui. Cependant, le baptême, de soi, n'est que le commencement et le point de départ, car il tend tout entier à l'acquisition de la plénitude de la vie du Christ. Il est donc destiné à la totale profession de foi, à la totale intégration dans l'économie du salut, telle que le Christ l'a voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique.
Bien qu'elles n'aient pas avec nous la pleine unité dont le baptême est la source et bien que nous croyions que, en raison surtout de l'absence du sacrement de l'ordre, elles n'ont pas conservé la substance propre et intégrale du mystère eucharistique, cependant les communautés ecclésiales séparées de nous, lorsqu'elles célèbrent à la sainte Cène le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, professent que la vie consiste dans la communion au Christ et attendent son retour glorieux. Il faut donc que la doctrine sur la Cène du Seigneur, les autres sacrements, le culte et les ministères de l'Eglise, fasse l'objet du dialogue.
(28) Cf. Rm 6,4.
23 La vie chrétienne de ces frères se nourrit de la foi au Christ, elle bénéficie de la grâce du baptême et de la prédication de la parole de Dieu. Elle se manifeste dans la prière privée, la méditation biblique, la vie de la famille chrétienne, le culte de la communauté rassemblée pour la louange de Dieu. Par ailleurs, leur culte comporte plus d'une fois des éléments remarquables de l'antique liturgie commune.
La foi au Christ produit des fruits de louange et d'action de grâces pour les bienfaits reçus de Dieu. A cela s'ajoute en sens très vif de la justice et une sincère charité à l'égard du prochain. Cette foi agissante a même provoqué l'institution de beaucoup d'oeuvres pour le soulagement de la misère spirituelle et corporelle, pour l'éducation de la jeunesse, pour l'amélioration des conditions sociales de vie, pour l'établissement partout d'une paix stable.
Même si parmi les chrétiens, beaucoup n'entendent pas de la même manière que les catholiques l'Evangile dans les questions morales et n'admettent pas les mêmes solutions des bien difficiles problèmes de la société d'aujourd'hui, néanmoins, ils veulent, comme nous, s'attacher à la parole du Christ comme à la source de la force chrétienne et obéir au précepte apostolique: "Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père" Col 3,17. C'est ici que le dialogue oecuménique sur l'application morale de l'Evangile peut commencer.
24 Après avoir exposé brièvement les conditions d'exercice de l'action oecuménique et indiqué les principes qui doivent la diriger, nous tournons maintenant avec confiance nos regards vers l'avenir. Le Concile exhorte les fidèles à s'abstenir de toute légèreté, de tout zèle imprudent, qui pourraient nuire au progrès de l'unité. Leur activité oecuménique ne peut être, en effet, que pleinement et sincèrement catholique, c'est-à-dire fidèle à la vérité reçue des apôtres et des Pères, et conforme à la foi que l'Eglise catholique a toujours professée: elle tend à cette plénitude en laquelle, au cours des âges, le Seigneur veut que son Corps grandisse.
25 Le Concile souhaite instamment que les initiatives des enfants de l'Eglise catholique progressent unies à celles des frères séparés, sans mettre un obstacle quelconque aux voies de la Providence et sans préjuger des impulsions futures de l'Esprit-Saint. Au surplus, le Concile déclare avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l'unité d'une seule et unique Eglise du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines. C'est pourquoi il met entièrement son espoir dans la prière du Christ pour l'Eglise, dans l'amour du Père à notre égard, et dans la puissance du Saint esprit: "L'espérance ne déçoit point: car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné" Rm 5,5.
Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères. Et nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 21 Novembre 1964.
Moi, PAUL, évêque de l'Eglise catholique.
(Suivent les signatures des Pères)
1964 Unitatis Redintegratio 16