1997 Prêtres et laïcs
LIBRERIA EDITRICE VATICANA
CITE DU VATICAN 1997
(les numéros utilisés pour délimiter ce texte n'apparaissent pas tels quels dans le texte original )
1 Il découle du mystère de l'Eglise que tous les membres du Corps mystique sont appelés à participer activement à la mission et à la construction du Peuple de Dieu, dans une communion organique des divers ministères et charismes. A cet appel ont fait souvent écho les documents du Magistère, particulièrement depuis le Concile Vatican II.(1) Les trois dernières assemblées générales ordinaires du Synode des Evêques, surtout, devaient réaffirmer l'identité propre des fidèles laïcs, des ministres sacrés et des personnes consacrées, leur commune dignité dans une diversité de fonctions. Tous les fidèles ont été encouragés à édifier l'Eglise, en collaborant en communion au salut du monde.
Il faut avoir à l'esprit l'urgence et l'importance de l'action apostolique des fidèles laïcs pour le présent et pour l'avenir de l'évangélisation. L'Eglise ne peut négliger ce type d'action, parce qu'elle est inscrite dans sa nature de Peuple de Dieu, et parce qu'elle en a besoin pour réaliser sa mission évangélisatrice propre.
L'appel fait à tous les fidèles de participer activement à la mission de l'Eglise n'est pas resté sans écho. Le Synode des Evêques de 1987 a constaté " de quelle façon l'Esprit a continué de rajeunir l'Eglise, en suscitant en elle de nouvelles énergies de sainteté avec la participation de nombreux fidèles laïcs. Nous en trouvons un témoignage entre autres, dans le nouveau style de collaboration entre prêtres, religieux et fidèles laïcs; dans la participation active à la liturgie, à l'annonce de la Parole de Dieu, à la catéchèse; dans les multiples services et tâches confiés aux fidèles laïcs et assurés par eux; dans la floraison exubérante de groupes, d'associations et de mouvements consacrés à la spiritualité et à l'engagement des laïcs; dans la participation plus large et plus marquée des femmes à la vie de l'Eglise et au développement de la société ".(2) De même, lors de la préparation du Synode des Evêques de 1994 sur la vie consacrée, s'est fait jour " partout un désir sincère d'instaurer d'authentiques rapports de communion et de collaboration entre évêques, instituts de vie consacrée, clergé séculier et laïcs ".(3) Dans l'exhortation apostolique post-synodale qui s'en suivit, le Souverain Pontife confirme l'apport spécifique de la vie consacrée à la mission et à l'édification de l'Eglise.(4)
Il y a en effet une collaboration de tous les fidèles dans chacun des deux domaines de la mission de l'Eglise: tant dans la sphère spirituelle pour porter aux hommes le message du Christ et sa grâce, que dans la sphère temporelle pour imprégner et perfectionner l'ordre des réalités du monde de l'esprit de l'Evangile.(5) Dans le premier domaine spécialement évangélisation et sanctification " l'apostolat des laïcs et le ministère pastoral se complètent mutuellement ".(6) Les fidèles laïcs des deux sexes y ont d'innombrables occasions de se rendre actifs: par un témoignage cohérent de vie personnelle, familiale et sociale; par l'annonce et le partage de l'Evangile de Jésus-Christ dans tous les milieux; par l'effort pour expliquer, défendre et appliquer correctement aux problèmes actuels les principes chrétiens.(7) En particulier, les pasteurs sont exhortés à " reconnaître et promouvoir les ministères, les offices et les fonctions des fidèles laïcs, offices et fonctions qui ont leur fondement sacramentel dans le Baptême, dans la Confirmation, et de plus, pour beaucoup d'entre eux, dans le Mariage ".(8)
(1) Cf Concile oecuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur l'Eglise Lumen gentium, LG 33 Décret sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, AA 24
(2) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 2: AAS 81 (1989), p. 396.
(3) Synode des Evêques, IXe Assemblée générale ordinaire, Instrumentum laboris, n. 73.
(4) Cf Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), VC 47: AAS 88 (1996), p. 420.
(5) Cf Conc. oecum. Vat. II, Décret Apostolicam actuositatem, AA 5
(6) Ibid., AA 6
(7) Cf ibid
(8) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 23: AAS 81 (1989), p. 429.
2 En réalité, la vie de l'Eglise dans ce domaine a connu, surtout depuis la remarquable impulsion donnée par le Concile Vatican II et le magistère pontifical, une surprenante floraison d'initiatives pastorales.
Aujourd'hui en particulier, la tâche prioritaire de la nouvelle évangélisation, qui mobilise le Peuple de Dieu tout entier, demande aux prêtres le " premier rôle qui leur est particulier "; elle demande en même temps que l'on retrouve une pleine conscience du caractère séculier de la mission du laïc.(9)
Cette entreprise ouvre tout grands aux fidèles laïcs des horizons immenses, dont certains restent à explorer: l'engagement au milieu du siècle, dans le monde de la culture, de l'art et du spectacle, de la recherche scientifique, du travail, des moyens de communication, de la politique, de l'économie, etc.; elle leur demande de créer intelligemment les conditions permettant toujours plus sûrement à ces domaines de trouver en Jésus-Christ leur plénitude de sens.(10)
Dans ce vaste domaine, ou le travail spécifiquement spirituel ou religieux et la consecratio mundi vont de concert, il existe un champ particulier, celui qui concerne le ministère sacré du clergé, à l'exercice duquel les fidèles laïcs hommes et femmes , peuvent être appelés à apporter leur aide, comme aussi naturellement les membres non-ordonnés des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique. C'est à ce domaine particulier que le Concile Vatican II fait référence quand il enseigne: " Pour finir, la Hiérarchie confie aux laïcs certaines tâches qui sont plus intimement liées aux devoirs des pasteurs, comme dans la proposition de la doctrine chrétienne, dans certains actes liturgiques ou dans le soin des âmes ".(11)
C'est bien parce qu'il s'agit de tâches plus intimement liées aux devoirs des pasteurs qui, pour être tels, doivent être revêtus du sacrement de l'Ordre , que l'on demande à tous ceux qui y sont impliqués d'une façon ou d'une autre un zèle particulier, afin de bien préserver tant la nature et la mission du ministère sacré que la vocation et le caractère séculier des fidèles laïcs. En effet collaborer ne signifie pas se substituer.
(9) Cf Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 31 Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici, CL 15: l.c., pp. 413-416.
(10) Cf Conc. oecum. Vat. II, Const. pastorale sur l'Eglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, GS 32
(11) Conc. oecum. Vat. II, Décret Apostolicam actuositatem, AA 24
3 Nous devons constater avec une vive satisfaction que dans beaucoup d'Eglises particulières, la collaboration des fidèles non-ordonnés au ministère pastoral du clergé s'effectue de manière très positive: avec abondance de bons fruits, dans le respect des limites fixées par la nature des sacrements et par la diversité des charismes et des fonctions ecclésiales; pour faire face aux situations d'absence ou de rareté des ministres sacrés, on met en oeuvre des solutions généreuses et intelligentes.(12) De cette façon, on a rendu manifeste cet aspect de la communion en vertu duquel certains membres de l'Eglise s'emploient avec sollicitude à remédier dans la mesure ou cela leur est possible, n'étant pas munis du caractère du sacrement de l'Ordre , à des situations d'urgence et de besoins persistants, dans certaines communautés.(13) Ces fidèles sont appelés et députés pour assumer des tâches précises, aussi importantes que délicates, soutenus par la grâce du Seigneur, accompagnés par les ministres sacrés et bien accueillis par les communautés auxquelles ils prêtent leur service. Les pasteurs sacrés sont profondément reconnaissants pour la générosité avec laquelle de nombreuses personnes consacrées et fidèles laïcs se proposent pour ce service spécifique, accompli avec un fidèle sensus Ecclesiae et un dévouement édifiant. La gratitude et l'encouragement concernent particulièrement ceux qui accomplissent ces tâches dans des situations de persécution de la communauté chrétienne, dans des contextes de mission, qu'ils soient territoriaux ou culturels, là ou l'Eglise est encore faiblement implantée et ou la présence du prêtre n'est encore que sporadique.(14)
Ce n'est pas le lieu pour approfondir toute la richesse théologique et pastorale du rôle des fidèles laïcs dans l'Eglise. Elle a déjà été amplement illustrée par l'Exhortation apostolique Christifideles laici.
(12) Cf Jean-Paul II, Allocution au Symposium sur la " Collaboration des laïcs au ministère pastoral des prêtres " (22 avril 1994), n. 2: L'Osservatore Romano, 23 avril 1994.
(13) Cf CIC 230 CIC 517 CIC 861 CIC 910 CIC 943 CIC 1112 Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 23 cf. note 72: AAS 81 (1989), p. 430.
(14) Cf Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), RMi 37: AAS 83 (1991), pp. 282-286.
4 Le but de ce document est simplement de fournir une réponse claire et autorisée aux pressantes et nombreuses demandes parvenues à nos Dicastères de la part d'évêques, de prêtres et de laïcs qui, confrontés à de nouvelles formes d'activité " pastorale " des fidèles non-ordonnés, dans le contexte des paroisses et des diocèses, ont demandé des éclaircissements.
Fréquemment en effet il s'agit de pratiques qui, bien que nées dans des situations d'urgence et de précarité, et souvent instaurées avec le désir de fournir une aide généreuse à l'activité pastorale, peuvent avoir des conséquences gravement néfastes pour la juste compréhension de la vraie communion ecclésiale. Ces pratiques sont en réalité plus particulièrement présentes dans quelques régions, avec parfois de grandes différences à l'intérieur d'une même région.
Cependant, elles rappellent à leur grave responsabilité pastorale ceux, et spécialement les évêques,(15) qui sont préposés à la promotion et à la garde de la discipline universelle de l'Eglise; celle-ci se base sur quelques principes doctrinaux déjà clairement énoncés par le concile oecuménique Vatican II(16) et par le magistère pontifical qui lui fait suite.(17)
Un travail de réflexion a été réalisé au sein de nos Dicastères. Des représentants des épiscopats les plus concernés par ce problème ont participé à un symposium réuni sur ce thème, et finalement une ample consultation a été menée auprès de nombreux présidents de conférences d'Evêques, d'autres prélats et d'experts dans les diverses disciplines ecclésiastiques et provenant de divers lieux. Il en est résulté une claire convergence dans le sens précis de la présente Instruction: elle ne prétend pourtant pas être exhaustive, autant parce qu'elle se limite à considérer les cas actuellement les plus connus, que parce que ces cas se présentent dans une variété extrême de circonstances particulières.
L'application fidèle du texte, rédigé sur la base sûre du magistère extraordinaire et ordinaire de l'Eglise, est confiée aux évêques, mais il est porté à la connaissance également des prélats chargés des circonscriptions ecclésiastiques qui ne connaissent pas de telles pratiques abusives mais qui pourraient être concernées par elles à brève échéance, en raison de la rapidité actuelle de propagation des faits.
Avant de répondre aux cas concrets qui nous sont parvenus, il paraît nécessaire de rappeler quelques éléments théologiques brefs et essentiels sur le sens de l'Ordre sacré dans la constitution de l'Eglise. Ils sont susceptibles d'aider à une meilleure compréhension des motifs de la discipline ecclésiastique, qui entend promouvoir, dans le respect de la vérité et de la communion ecclésiale, les droits et les devoirs de tous, en vue du " salut des âmes qui doit toujours être dans l'Eglise la loi suprême ".(18)
(15) Cf CIC 392
(16) Cf surtout Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium Const. Sacrosanctum ConciliumDécret Presbyterorum Ordinis et Décret Apostolicam actuositatem
(17) Cf surtout les Exhortations apostoliques post-synodales Christifideles laici et Pastores dabo vobis
(18) CIC 1752
5 Le Christ Jésus, Souverain et Eternel prêtre, a voulu que son unique et indivisible sacerdoce soit participé par son Eglise. C'est elle le Peuple de la Nouvelle Alliance, dans lequel, " par la régénération et l'onction du Saint-Esprit, les baptisés sont consacrés pour former un temple spirituel et un sacerdoce saint, pour offrir, à travers toutes les activités du chrétien, des sacrifices spirituels et faire connaître les hauts faits de Celui qui, des ténèbres, les a appelés à son admirable lumière (cf 1P 2,4-10) ".(19) " Il n'y a donc qu'un seul Peuple choisi par Dieu: 'un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême' (Ep 4,5) ; la dignité des membres est commune en raison de leur régénération dans le Christ, la grâce des fils est commune, la vocation à la perfection est commune ".(20) Alors " qu'a cours entre eux tous une vraie égalité quant à la dignité et à l'action commune à tous les fidèles concernant l'édification du Corps du Christ ", certains sont constitués, par volonté du Christ, " docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour les autres ".(21) Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, " bien qu'ils diffèrent selon l'essence et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l'un à l'autre; l'un et l'autre, en effet, chacun selon son mode propre, participent de l'unique sacerdoce du Christ ".(22) Il règne entre eux une unité efficace, parce que l'Esprit Saint unifie l'Eglise dans la communion et le service et lui garantit divers dons hiérarchiques et charismatiques.(23)
La différence essentielle entre le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel ne réside donc pas dans le sacerdoce du Christ, qui demeure toujours unique et indivisible, ni non plus dans la sainteté à laquelle sont appelés tous les fidèles: " Le sacerdoce ministériel, en effet, ne signifie pas en soi un degré plus élevé de sainteté par rapport au sacerdoce commun des fidèles; mais, par le sacerdoce ministériel, les prêtres ont reçu du Christ, par l'Esprit, un don spécifique, afin de pouvoir aider le peuple de Dieu à exercer fidèlement et pleinement le sacerdoce commun qui lui est conféré ".(24) Dans l'édification de l'Eglise, Corps du Christ, la diversité des membres et des fonctions est en vigueur, mais il n'y a qu'un seul Esprit, qui pour l'utilité de l'Eglise distribue ses divers dons avec une largesse proportionnée à sa richesse et aux nécessités des services (cf 1Co 12,1-11) .(25)
La diversité concerne le mode de participation au sacerdoce du Christ, et elle est essentielle en ce sens que " alors que le sacerdoce commun des fidèles se réalise dans le déploiement de la grâce baptismale, vie de foi, d'espérance et de charité, vie selon l'Esprit, le sacerdoce ministériel est au service du sacerdoce commun, il est relatif au déploiement de la grâce baptismale de tous les chrétiens ".(26) Par conséquent, " le sacerdoce ministériel diffère essentiellement du sacerdoce commun des fidèles parce qu'il confère un pouvoir sacré pour le service des fidèles ".(27) Dans ce but le prêtre est exhorté à " croître dans la conscience de la profonde communion qui le relie au peuple de Dieu " pour " susciter et développer la coresponsabilité dans une même et unique mission de salut en valorisant avec empressement et de bon coeur tous les charismes et les fonctions que l'Esprit répartit aux croyants pour la construction de l'Eglise ".(28)
(19) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 10
(20) Ibid., LG 32
(21) Ibid
(22) Ibid., LG 10
(23) Cf ibid., LG 4
(24) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), PDV 17: AAS 84 (1992), p. 684.
(25) Cf Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 7
(26) Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 1547
(27) Ibid., CEC 1592
(28) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), PDV 74: AAS 84 (1992), p. 788.
6 On peut synthétiser ainsi les caractéristiques qui différencient le sacerdoce ministériel des évêques et des prêtres du sacerdoce commun des fidèles, et qui tracent donc aussi les limites de la collaboration de ceux-ci au ministère sacré:
a) le sacerdoce ministériel a sa racine dans la succession apostolique, et est doté d'un pouvoir sacré,(29) lequel consiste dans la faculté et la responsabilité d'agir en la personne du Christ Tête et Pasteur.(30)
b) il fait des ministres sacrés les serviteurs du Christ et de l'Eglise, par le moyen de la proclamation avec autorité de la parole de Dieu, de la célébration des sacrements et de la conduite pastorale des fidèles.(31)
Poser les fondements du ministère ordonné dans la succession apostolique, en tant que ce ministère continue la mission reçue des apôtres de la part du Christ, est un point essentiel de la doctrine ecclésiologique catholique.(32)
Le ministère ordonné, par conséquent, est constitué sur le fondement des apôtres pour l'édification de l'Eglise:(33) " il est totalement au service de l'Eglise elle-même ".(34) " Intrinsèquement lié à la nature sacramentelle du ministère ecclésial est son caractère de service. En effet, entièrement dépendants du Christ qui donne mission et autorité, les ministres sont vraiment "esclaves du Christ" (Rm 1,1) , à l'image du Christ qui a pris librement pour nous "la forme d'esclave" (Ph 2,7) . Parce que la parole et la grâce dont ils sont les ministres ne sont pas les leurs, mais celles du Christ qui les leur a confiées pour les autres, ils se feront librement esclaves de tous ".(35)
(29) Cf Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 10 LG 18 LG 27 LG 28 Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, PO 2 PO 6 CEC 1538 CEC 1576
(30) Cf Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), PDV 15: AAS 84 (1992), p. 680; Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 875
(31) Cf Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 16: l.c., pp. 681-684; Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 1592
(32) Cf Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 14-16: l.c., pp. 678-684; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Sacerdotium ministeriale (6 août 1983), III, 2-3: AAS 75 (1983), pp. 1004-1005.
(33) Cf Ep 2,20 Ap 21,14
(34) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), PDV 16: AAS 84 (1992), p. 681.
(35) Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 876
7 Les fonctions du ministère ordonné, prises dans leur ensemble, constituent, en raison de leur unique fondement,(36) une unité indivisible. Comme dans le Christ,(37) il n'y a en effet qu'une unique racine de l'action de salut, signifiée et réalisée par le ministre dans l'accomplissement des fonctions d'enseigner, de sanctifier et de gouverner les autres fidèles. Cette unité qualifie essentiellement l'exercice des fonctions du ministère sacré, lesquelles sont toujours, sous divers aspects, un exercice du rôle du Christ Tête de l'Eglise.
Si donc l'exercice par le ministre ordonné du munus docendi, sanctificandi et regendi constitue la substance du ministère pastoral, les diverses fonctions des ministres sacrés forment une indivisible unité et ne peuvent être comprises séparément les unes des autres; au contraire, elles doivent être considérées dans leur réciprocité et leur complémentarité. Ce n'est que pour certaines d'entre elles, et dans une certaine mesure, que d'autres fidèles non-ordonnés peuvent coopérer avec les pasteurs, s'ils sont appelés à cette collaboration par l'autorité légitime et selon les modalités requises. En effet le Christ " dans son corps, c'est-à-dire dans l'Eglise, dispose continuellement les dons des services par lesquels, en Sa vertu, nous contribuons au salut les uns des autres ".(38) " L'exercice d'une telle fonction ne fait pas du fidèle laïc un pasteur: en réalité, ce qui constitue le ministère, ce n'est pas l'activité en elle-même, mais l'ordination sacramentelle. Seul le sacrement de l'Ordre confère au ministre ordonné une participation particulière à la fonction du Christ Chef et Pasteur et à son sacerdoce éternel. La fonction exercée en tant que suppléant tire sa légitimité formellement et immédiatement de la délégation officielle reçue des pasteurs et, dans l'exercice concret de cette fonction, le suppléant est soumis à la direction de l'autorité ecclésiastique ".(39)
Il faut réaffirmer cette doctrine parce que certaines pratiques, destinées à suppléer aux faibles effectifs des ministres ordonnés au sein de la communauté, ont pu en certains cas faire pression sur une conception du sacerdoce commun des fidèles qui en arrive à rendre confus son caractère et sa signification spécifique. Cela favorise entre autre la diminution du nombre des candidats au sacerdoce, et obscurcit la spécificité du séminaire comme lieu typique de la formation du ministre ordonné. Il s'agit de phénomènes intimement liés, et il faudra méditer convenablement sur leur relation pour en tirer de sages conclusions pratiques.
(36) Cf Catéchisme de l'Eglise catholique, CEC 1581
(37) Cf Jean-Paul II, Lettre Novo incipiente (8 avril 1979), n. 3: AAS 71 (1979), p. 397.
(38) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 7
(39) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 23: AAS 81 (1989), p. 430.
8 Une communauté de fidèles, pour pouvoir être appelée Eglise et pour l'être vraiment, ne peut faire découler sa direction de critères d'organisation de nature associative ou politique. Toute Eglise particulière doit au Christ sa direction, parce que c'est Lui qui à la base a concédé à cette Eglise le ministère apostolique. De ce fait, aucune communauté n'a le pouvoir de se donner à elle-même cette direction,(40) ni de l'établir au moyen d'une délégation. L'exercice du munus de magistère et de gouvernement requiert en effet sa détermination canonique ou juridique de la part de l'autorité hiérarchique.(41)
Le sacerdoce ministériel est par conséquent nécessaire à l'existence même de la communauté en tant qu'Eglise: " On ne doit donc pas considérer le sacerdoce ordonné comme s'il était (...) postérieur à la communauté ecclésiale, comme si celle-ci pouvait être comprise comme étant déjà constituée sans ce sacerdoce ".(42) En effet, si dans la communauté le prêtre fait défaut, elle se trouve privée de l'exercice et de la fonction sacramentelle du Christ Tête et Pasteur, essentielle pour la vie même de la communauté ecclésiale.
Le sacerdoce ministériel est donc absolument irremplaçable. On en déduit aussitôt la nécessité d'une pastorale des vocations pleine de zèle, bien ordonnée et continuelle, afin de donner à l'Eglise les ministres dont elle a besoin; on en déduit également la nécessité de réserver une formation soignée à ceux qui dans les séminaires se préparent à recevoir le presbytérat. Toute autre solution pour faire face aux problèmes dus au manque de ministres sacrés ne peut être que précaire.
" Le devoir de favoriser les vocations revient à la communauté chrétienne tout entière, qui doit s'en acquitter avant tout par une vie pleinement chrétienne ".(43) Tous les fidèles en sont coresponsables, en contribuant à encourager l'acquiescement à la vocation sacerdotale, en suivant toujours plus fidèlement Jésus-Christ, et en se dégageant de l'indifférence de leur milieu, surtout dans les sociétés fortement marquées par le matérialisme.
(40) Cf Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Sacerdotium ministeriale, III, 2: l.c., p. 1004.
(41) Cf Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, Nota explicativa praevia, n. 2.
(42) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 16: l.c., p. 682.
(43) Conc. oecum. Vat. II, Décret sur la formation des prêtres Optatam totius, OT 2
9 Dans les documents conciliaires, parmi les divers aspects de la participation à la mission de l'Eglise des fidèles non-revêtus du caractère de l'Ordre, on envisage leur collaboration directe aux tâches spécifiques des pasteurs.(44) En effet, " lorsque la nécessité ou l'utilité de l'Eglise l'exigent, les pasteurs peuvent, selon les normes établies par le droit universel, confier aux fidèles laïcs certaines fonctions connexes à leur propre charge de pasteurs, mais qui n'exigent pas le caractère de l'Ordre ".(45) Cette collaboration a ensuite été réglée par la législation post-conciliaire et, de façon particulière, par le nouveau Code de Droit Canonique.
Celui-ci se réfère d'abord aux obligations et aux droits de tous les fidèles;(46) puis au titre suivant, consacré aux obligations et droits des fidèles laïcs, il traite non seulement de ceux propres à leur condition séculière,(47) mais aussi d'autres tâches ou fonctions qui ne leur reviennent pas de façon exclusive. Parmi elles, certaines reviennent à n'importe quel fidèle, ordonné ou non;(48) d'autres au contraire se situent dans la lignée d'un service direct au ministère sacré des fidèles ordonnés.(49) Les fidèles non-ordonnés ne détiennent aucun droit à exercer ces dernières tâches ou fonctions, mais ils ont " capacité à être admis par les Pasteurs sacrés à des offices ecclésiastiques et à des charges qu'ils peuvent exercer selon les dispositions du droit ",(50) ou bien " par défaut de ministres (...) ils peuvent suppléer à certains de leurs offices (...) selon les dispositions du droit ".(51)
Afin qu'une telle collaboration prenne harmonieusement sa place dans la pastorale ministérielle, il est nécessaire que pour éviter des déviations pastorales et des abus disciplinaires, les principes doctrinaux soient clairs et que par conséquent, avec une détermination cohérente, on suscite dans toute l'Eglise une application attentive et loyale des dispositions en vigueur, sans étendre abusivement le domaine de l'exception aux cas qui ne peuvent en relever.
Si des abus et des transgressions existent en quelque lieu, que les pasteurs mettent en oeuvre les moyens nécessaires et opportuns pour empêcher catégoriquement leur propagation, et pour éviter de porter dommage à la bonne compréhension de la nature même de l'Eglise. En particulier, ils voudront bien appliquer les normes disciplinaires déjà établies, qui apprennent à connaître et à respecter dans les faits la distinction et la complémentarité de fonctions vitales pour la communion ecclésiale. Ensuite, là ou de telles transgressions sont déjà répandues, il devient absolument impossible de retarder encore l'intervention responsable de l'autorité dont c'est le devoir; par cette intervention, elle devient vrai artisan de communion, laquelle ne peut se bâtir exclusivement qu'autour de la vérité.
Communion, vérité, justice, paix et charité sont des termes interdépendants.(52)
A la lumière de ces principes, on indique ci-dessous les remèdes qui conviennent pour faire face aux abus signalés à nos Dicastères. Les dispositions qui suivent sont tirées de la normative de l'Eglise.
(44) Cf Conc. oecum. Vat. II, Décret Apostolicam actuositatem, AA 24
(45) Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 23: AAS 81 (1989), p. 429.
(46) Cf CIC 208-223
(47) Cf ibid., CIC 225 CIC 226 CIC 227 CIC 231
(48) Cf CIC 225 CIC 228 CIC 229 CIC 231
(49) Cf ibid., CIC 230, dans le cadre de la liturgie; CIC 228 pour d'autres domaines du ministère sacré; ce dernier paragraphe s'étend encore à d'autres sphères, en dehors du ministère des clercs.
(50) Ibid., CIC 228
(51) Ibid., CIC 230 cf CIC 517 CIC 776 CIC 861 CIC 910 CIC 943 CIC 1112.
(52) Cf Sacrée Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Instruction Inaestimabile donum (avril 1980), introduction: AAS 72 (1980), pp. 331-333.
10 Le Saint-Père, dans le discours adressé aux participants au symposium sur la " Collaboration des fidèles laïcs au ministère presbytéral ", a souligné la nécessité d'éclaircir et de distinguer les diverses acceptions prises par le mot " ministère " dans le langage théologique et canonique.(53)
1. " Depuis un certain temps, s'est établi l'usage d'appeler ministères non seulement les officia (offices) et les munera (charges) exercés par les pasteurs en vertu du sacrement de l'Ordre, mais aussi ceux qu'exercent des fidèles non-ordonnés en vertu du sacerdoce baptismal. La question de vocabulaire devient encore plus complexe et délicate quand est reconnue à tous les fidèles la possibilité d'exercer en tant que suppléants, par délégation officielle accordée par les pasteurs certaines fonctions plus spécifiques des clercs, mais qui n'exigent pourtant pas le caractère de l'Ordre. Il faut reconnaître que le langage devient incertain, confus, et donc inutile pour exprimer la doctrine de la foi, chaque fois que, de quelque manière que ce soit, est voilée la différence "d'essence et pas seulement de degré" qui existe entre le sacerdoce baptismal et le sacerdoce ordonné ".(54)
2. " Ce qui a permis, dans quelques cas, l'extension du terme ministère aux munera propres aux fidèles laïcs, c'est le fait qu'eux aussi, à leur mesure, sont une participation à l'unique sacerdoce du Christ. Les officia, qui leur sont confiés temporairement, sont au contraire exclusivement le résultat d'une délégation de l'Eglise. Seule une constante référence à l'unique source que constitue le "ministère du Christ" (...) permet, dans une certaine mesure, d'appliquer aussi aux fidèles laïcs le terme de ministère, sans ambiguïté: c'est-à-dire sans qu'il soit perçu et vécu comme une aspiration indue au ministère ordonné, ou comme une érosion progressive de sa spécificité.
Dans ce sens originel, le terme ministère (servitium) exprime simplement l'oeuvre par laquelle les membres de l'Eglise prolongent, pour elle-même et pour le monde, "la mission et le ministère du Christ". Quand au contraire, le terme est spécifié dans le rapport et la comparaison entre les divers munera et officia, il convient alors d'avertir clairement que c'est seulement en raison de l'Ordination sacrée qu'il acquiert cette plénitude et cette univocité de sens que la tradition lui a toujours attribué ".(55)
3. Le fidèle non-ordonné peut être appelé génériquement " ministre extraordinaire " seulement quand il est appelé par l'autorité compétente à accomplir, uniquement dans des fonctions de suppléance, les charges considérées par le can. CIC 230,(56) et par les canons CIC 943 et CIC 1112. Naturellement on peut utiliser le terme concret qui détermine canoniquement la fonction confiée, comme par exemple catéchiste, acolyte, lecteur, etc.
La députation temporaire dans les actions liturgiques considérées par le can. CIC 230 ne confère aucune dénomination spéciale au fidèle non-ordonné.(57)
Il n'est donc pas licite de faire prendre à des fidèles non-ordonnés la dénomination de " pasteur ", d'" aumônier ", de " chapelain ", de " coordinateur ", de " modérateur " ou autres dénominations qui, quoi qu'il en soit, pourraient confondre leur rôle avec celui du pasteur, qui est uniquement l'évêque et le prêtre.(58)
(54) Ibid.
(55) Cf Jean-Paul II, Allocution au Symposium sur la " Collaboration des fidèles laïcs au Ministère presbytéral " (22 avril 1994), n. 3: l.c.
(56) Cf Commission pontificale pour l'interprétation authentique du Code de Droit Canonique, Réponse (juin 1988): AAS 80 (1988) p. 1373.
(57) Cf Conseil pontifical pour l'interprétation des Textes Législatifs, Réponse (11 juillet 1992): AAS 86 (1994) pp. 541-542. Quand on prévoit une cérémonie pour confier à des assistants pastoraux une charge de coopération au ministère des clercs, que l'on évite de faire coïncider ou d'unir ce rite avec une cérémonie d'ordination sacrée, comme aussi de célébrer un rite analogue à celui de l'acolytat ou du lectorat.
(58) Il faut inclure parmi ces exemples toutes les expressions qui en d'autres langues pourraient, de façon analogue ou équivalente, signifier un rôle directif de conduite, ou de vicariété envers cette direction.
1997 Prêtres et laïcs