La légende dorée - SAINT SÉBASTIEN ***

SAINTE AGNÈS, VIERGE

Agnès vient d'agneau, parce qu'elle fut douce et humble comme un agneau. Agnos en grec veut dire pieux, et Agnès fut remplie de piété et de miséricorde. Agnès viendrait encore de agnoscendo, connaître, parce qu'elle connut la voie de la vérité. Or, la vérité, d'après saint Augustin, est opposée à la vanité, à la fausseté et à l'irrésolution, trois vices dont Agnès sutse préserver par son courage.

Agnès; vierge d'une très haute prudence, au témoignage de saint Ambroise qui a écrit son martyre, à l'âge de treize ans souffrit la mort et gagna la vie. A ne compter que ses années elle était une enfant, mais par son esprit, elle était d'une vieillesse avancée: jeune de corps, mais vieille de coeur, belle de visage, mais plus belle encore par sa foi. Un jour qu'elle revenait des écoles, elle rencontra le fils du préfet, qui en fut épris d'amour. Il lui promit des pierreries, des richesses immenses, si elle consentait à devenir sa femme. Agnès lui répondit: «Eloigne-toi de moi, foyer de péché, aliment de crime, pâture de mort; déjà un autre amant s'est assuré de mon coeur.» Et elle commença à faire l'éloge de cet amant, de cet époux par cinq qualités exigées principalement par les épouses de leurs époux, savoir: noblesse de race, beauté éclatante, abondance de richesses, courage et puissance réelle, enfin amour éminent. «J'en aime un, dit-elle, qui est bien plus noble et de meilleure lignée que toi: sa mère est vierge, son père l'a engendré sans femme; il a des anges pour serviteurs; sa beauté fait l'admiration du (192) soleil et de la lune; ses richesses sont intarissables; elles ne diminuent jamais: Les émanations de sa personne ressuscitent les morts, son toucher raffermit les infirmes; quand je l'aime, je suis chaste, quand je  m'approche de lui, je suis pure; quand je l'embrasse, je suis vierge.

«Sa noblesse est plus éminente, sa puissance plus forte, son aspect plus beau, son amour phissuave et plus délicat que toute grâce.»

Ensuite elle exposa cinq avantages que son époux avait accordés à elle et à ses autres épouses. Il leur donne des arrhes avec l'anneau de foi; il les revêt et les orne d'une variété infinie de vertus; il les marque du sang de sa passion; il se les attache par le lien de l'amour, et les enrichit des trésors de la gloire céleste. «Celui, ajouta-t-elle, qui s'est engagé à moi par l'anneau qu'il a mis à ma main droite, et qui a entouré mon cou de pierres précieuses,  m'a revêtue d'un manteau tissu d'or, et  m'a parée d'une prodigieuse quantité de bijoux: il a imprimé un signe sur mon visage, afin que je ne prisse aucun autre amant que lui; et le sang de ses joues s'est imprimé sur les miennes. Ses chastes embrassements  m'ont déjà étreinte; déjà son corps s'est uni au mien; il  m'a montré des trésors incomparables qu'il  m'a promis de me donner, si je lui suis fidèle à toujours.» En entendant cela le jeune homme tout hors de lui se mit au lit: ses profonds soupirs indiquent aux médecins qu'il est malade d'amour; .son père en informe la jeune vierge; et sur ce qu'elle l'assure qu'il n'est pas en son pouvoir de violer l'alliance jurée à son premier époux, le préfet (193) cherche à savoir quel est cet époux que se vantait de posséder Agnès. Quelqu'un assura que l'époux dont elle parlait était J.-C., et alors le préfet voulut l'ébranler d'abord par de douces paroles et enfin par la crainte. Agnès lui dit: «Quoi que tu veuilles, fais-le; tu ne pourras pas obtenir ce que tu réclames.» Et elle se riait aussi bien de ses flatteries que de ses menaces. Le préfet lui dit: «Choisis de deux choses l'une: ou bien sacrifie à la déesse Vesta avec les vierges, si ta virginité t'est chère, ou bien tu seras exposée dans un lieu de prostitution.» Or, comme elle était noble, il ne pouvait la condamner ainsi; il allégua donc contre elle sa qualité de chrétienne. Mais Agnès répondit: «Je ne sacrifierai pas plus à tes dieux que je ne serai souillée par les actions infâmes de qui que ce soit, car j'ai pour gardien de mon corps un ange du Seigneur:»

Le préfet ordonna alors de la dépouiller et de la mener toute nue au lupanar; Mais le Seigneur rendit sa chevelure si épaisse qu'elle était mieux couverte par ses cheveux que par ses vêtements. Et quand elle entra dans le lieu infâme, elle trouva un ange, du Seigneur qui l'attendait et qui remplit l'appartement d'une clarté extraordinaire, en même temps qu'il lui préparait une robe resplendissante de blancheur: Ainsi le lieu de, prostitution devint un lieu d'oraison; et l'on en sortait plus pur que l'on y était entré, tant cette lumière immense vous revêtait d'honneur. Or, le fils du préfet vint au lupanar avec d'autres jeunes gens et il les engagea à entrer les premiers. Mais ils n'y eurent pas plutôt mis les pieds que, effrayés du miracle, ils sortirent pleins de componction. Il les traita de (194) misérables, et entra comme un furieux: mais comme il voulait arriver jusqu'à elle, la lumière se rua sur lui, et parce qu'il n'avait pas rendu honneur à Dieu, il fut étranglé par le diable et expira. A cette nouvelle, le préfet vient tout en pleurs trouver Agnès et prendre des renseignements précis, sur la cause de la mort de son fils. Agnès lui dit: «Celui dont il voulait exécuter les volontés, s'est emparé de lui et l'a tué ; car ses compagnons, après avoir été témoins du miracle qui les avait effrayés, sont sortis sans éprouver aucun malaise.» Le préfet dit: «On verra que tu n'as pas usé d'arts magiques en cela, si tu peux obtenir qu'il ressuscite.» Agnès se met en prière, le jeune homme ressuscite et prêche publiquement la foi,en J.-C. Là-dessus, les prêtres des temples excitent une sédition parmi le peuple et crient hautement; «Enlevez cette magicienne, enlevez cette malfaitrice, qui change les esprits et égare les coeurs.» Le préfet, à la vue d'un pareil miracle, voulut la délivrer, mais craignant la proscription,;' il la confia à son suppléant; et il se retira tout triste de ne pouvoir pas la sauver. Le suppléant, qui se nommait Aspasius, la fit jeter dans un grand feu, mais la flamme, se partageant en deux, brûla le peuple séditieux qui était -à l'entour, sans atteindre, Agnès. Aspasiuslui fit alors plonger une épée dans la gorge. Ce fut ainsi que le Christ, son époux éclatant de blancheur et de rougeur, la sacra son épouse; et, sa martyre. On croit qu'elle souffrit du temps de Constantin le Grand qui monta sur le trône l'an 309 de J.-C. Quand les chrétiens et ses parents lui rendirent les derniers devoirs avec joie, c'est à peine s'ils purent (195) échapper aux païens qui les accablèrent de pierres.

Emérentienne, sa soeur de lait, vierge remplie de sainteté, mais qui n'était encore que catéchumène, se tenait debout auprès du sépulcre d'Agnès et argumentait avec force contre les gentils qui la lapidèrent mais il se fit des éclairs et un tonnerre si violent que plusieurs d'entre eux périrent, et dorénavant, on n'assaillit plus ceux qui venaient au tombeau de la sainte. Le corps d'Emérentienne fut inhumé à côté de celui de sainte Agnès. Huit jours après, comme ses parents veillaient auprès du tombeau, ils virent un choeur de vierges tout brillant d'habits d'or; au milieu d'elles ils reconnurent Agnès vêtue aussi richement et à sa droite se trouvait un agneau plus éclatant encore. Elle leur dit: «Gardez-vous de pleurer ma mort, réjouissez-vous au contraire avec moi et me félicitez de ce que j'occupe un trône de lumière avec toutes celles qui sont ici.» C'est pour cela que l'on célèbre une seconde fois la fête de sainte Agnès *. Constance, fille de Constantin, était couverte d'une lèpre affreuse et quand elle eut connu cette apparition, elle alla au tombeau de sainte Agnès; et comme sa prière avait duré longtemps, elle s'endormit: elle vit alors la sainte qui lui dit: «Constance, agissez avec constance; quand vous croirez en J.-C., vous serez aussitôt guérie.» A ces mots elle se réveilla et se trouva parfaitement saine; elle reçut le baptême et éleva une basilique sur le corps de sainte Agnès.

Elle y vécut dans la virginité et réunit autour d'elle une foule de vierges qui suivirent son exemple.

* Saint Ambroise, Bréviaire romain.

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Un homme appelé Paulin, qui exerçait les fonctions du sacerdoce dans l'église de sainte Agnès, éprouva de violentes tentations de la chair; toutefois comme il ne voulait pas offenser Dieu, il demanda au souverain pontife la permission de se marier. Le pape voyant sa bonté et sa simplicité: lui donna un anneau dans lequel était enchâssée une émeraude et lui ordonna de commander de sa part à une image de sainte Agnès, peinte en son église, de lui permettre de l'épouser. Comme le prêtre adressait sa demande à l'image, celle-ci lui présenta aussitôt l'annulaire, et après avoir reçu l'anneau, elle retira son doigt, et délivra le prêtre de ses tentations. On prétend que l'on voit encore cet anneau à son doigt. On lit cependant ailleurs que l'église de sainte Agnès tombant en ruines, le pape dit à un prêtre qu'il voulait lui confier une épouse pour qu'il en eût soin et la nourrît (et cette épouse, c'était l'église de sainte Agnès), et lui remettant un anneau; ... il lui ordonna d'épouser ladite image, ce qui eut lieu; car elle offrit son doigt et le retira. Voici ce que dit saint Ambroise de sainte Agnès dans son Livre des Vierges: «Vieillards, jeunes gens, enfants, tous chantent ses louanges: Personne n'est plus louable que celui qui peut être loué par tous. Autant de personnes, autant de panégyristes. On ne parle que pour exalter cette martyre. Admirez tous comment elle a pu rendre témoignage à Dieu, alors qu'elle ne pouvait. pas encore être maître d'elle-même en raison de son âge. Elle se comporta de manière à recevoir de Dieu ce qu'un homme ne lui durait pas confié; parce que ce qui est au-dessus de. la nature est l'oeuvre de l'auteur

de la nature. Dans elle, c'est un nouveau genre de martyre. Elle n'était pas préparée encore pour la souffrance, qu'elle était mûre pour la victoire: elle peut à peine combattre, qu'elle est digne de la couronne elle a été un maître consommé dans la vertu, elle dont l'âge n'avait encore pu développer le jugement. Une épouse n'eût pas dirigé ses pas vers le lit de l'époux comme cette vierge s'est présentée au supplice, joyeuse dans son entreprise, prompte dans sa démarche.» Le même saint dit dans la préface: «La bienheureuse Agnès, en foulant aux pieds les avantages d'une illustre naissance, a mérité les splendeurs du ciel;: en méprisant ce qui fait l'objet du désir des hommes, elle a été associée au partage de la puissance du roi éternel en recevant une mort précieuse pour confesser J.-C: elle mérita en même temps de lui être conforme.»





SAINT VINCENT

Vincent voudrait dire incendiant le vice, ou qui vainc les incendies, ou qui tient la victoire. En effet il incendia, c'est-à-dire il consuma les vices parla mortification de la chair; il vainquit l'incendie allumé pour son supplice en endurant lés tortures avec constance; il se tint victorieux du monde en le méprisant. Il vainquit trois fléaux qui étaient dans le monde: les fausses erreurs, les amours immondes, les craintes mondaines; par sa sagesse, sa pureté et sa constance. Saint Augustin dit que, pour vaincre le monde avec toutes ses erreurs, ses amours et ses craintes, on a et toujours on a eu pour exemples les martyres des saints.

Quelques-uns avancent que saint Augustin a recueilli les actes de son martyre mis en fort beaux verts par Prudence.

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Vincent, noble par sa naissance, fut plus noble encore par sa foi et sa. religion. Il fut diacre de l'évêque Valère, et comme il s'exprimait avec plus de facilité que l'évêque, celui-ci lui confia le soin de la prédication, tandis qu'il vaquerait lui-même à la prière et à la contemplation. Le président Dacien ordonna de les traîner à Valence, et de les enfermer dans une affreuse«prison. Quand' il les crut presque morts de faim, il les fit comparaître en sa présence; mais les voyant sains et joyeux, il fut transporté de colère et parla ainsi: «Que dis-tu, Valère, toi qui, sous prétexte de religion, agis contre les décrets dès princes?» Or, comme Valère lui répondait avec trop de douceur, Vincent se mit à lui dire: «Père vénérable, veuillez ne pas parler avec tant de timidité et de retenue; expliquez-vous avec une entière liberté: si vous le permettez, père saint, j'essaierai de répondre au juge.» Valère reprit: «Depuis longtemps déjà, fils très chéri, je t'avais confié le soin de parler, maintenant encore, je te commets pour répondre de la foi, qui nous amène ici.» Alors Vincent se tourna vers Dacien: «Jusqu'alors, lui dit-il, tu n'as péroré dans tes discours que pour nier la foi, mais sache-le bien, que chez des chrétiens, c'est blasphémer et commettre une faute indigne que de refuser de rendre à la divinité l'honneur qui lui est  dû.» A l'instant Dacien irrité ordonna de mener l'évêque en exil: pour Vincent, qu'il regardait comme un arrogant et présomptueux jeune homme, afin d'effrayer les autres par., son exemple, il le condamna à être étendu sur un chevalet et à avoir tous ses membres disloqués: Quand tout son corps (199) fut brisé; Dacien lui dit: «Réponds-moi, Vincent, de quel oeil regardes-tu ton misérable corps?» Et Vincent reprit en souriant: «C'est ce que j'ai toujours désire:» Alors le président irrité le menaça de toutes sortes de tourments, s'il n'obtempérait pas à ses demandes. Vincent lui dit: «Oh! suis-je heureux! par cela même que tu penses  m'offenser davantage, c'est par là que tu commences à me faire le plus de bien. Allons donc, misérable, déploie toutes les ressources de la méchanceté; tu verras, que, quand je suis torturé, je puis, avec la force de Dieu, plus que tu ne peux toi-même qui me tortures.» A ces mots le président se mit à crier et à frapper les bourreaux à coups de verges et de bâton; et Vincent lui dit: «Qu'en, dis-tu? Dacien, voici que tu me vengés de ceux qui me torturent.» Alors le président hors de lui dit aux bourreaux : «Grands misérables, vous ne faites rien; pourquoi vos mains se lassent-elles? vous avez pu vaincre des adultérés et es parricides de manière à ce qu'ils ne pussent rien cacher au milieu des supplices que vous leur infligiez, et aujourd'hui Vincent seul a pu triompher de vos tourments!» Les bourreaux lui enfoncèrent alors des peignes de fer jusqu'au fond des côtes, de sorte que le sang ruisselait de tout son corps et, que l'on voyait ses entrailles entre les jointures de ses os. Et Dacien dit: «Aie donc pitié de toi, tu pourras alors recouvrer ta brillante jeunesse, et échapper aux tourments qui t'attendent.» Et Vincent dit: «O venimeuse langue de diable ! Je ne les crains pas tes tourments; il n'est qu'une chose que je redoute, c'est que tu paraisses vouloir t'apitoyer sur moi, car plus (200) je te vois irrité, plus, oui, plus je tressaille de joie. Je ne veux pas que tu diminues en rien ces supplices afin de te forcer à t'avouer vaincu.» Alors on l'ôta du chevalet, pour le traîner vers un brasier ardent, et il stimulait gaîment la lenteur dès bourreaux et la leur reprochait. Il monte donc lui-même sur le gril, où il est rôti, brûlé et consumé; on enfonce des ongles de fer et des lames ardentes par tous ses membres; la flamme était couverte de sang: c'étaient plaies sur plaies; en outre on sème du sel sur le feu, afin qu'il saute sur chacune de ses plaies et que la flamme pétillante le brûle plus cruellement encore. Déjà ce n'est plus dans ses membres, mais dans ses entrailles que l'on enfonce des dards; déjà ses intestins s'épanchent hors du corps. Cependant il reste immobile, les yeux tournés vers le ciel et priant le Seigneur. Les bourreaux ayant rapporté cela à Dacien: «Ah! s'écria-t-il, vous êtes vaincus; mais à présent pour qu'il vice plus longtemps dans sa torture, enfermez-le dans le plus affreux cachot; amassez-y des tessons très aigus; clouez ses pieds à un poteau; laissez-le couché sur ces tessons, sans personne pour le consoler; et quand il défaillira, mandez-le-moi.» Tout aussitôt ces ministres cruels secondent un maître plus cruel encore; mais voici que le roi pour lequel ce soldat souffre change ses peines en gloire, car les ténèbres du cachot sont dissipées par une immense lumière les pointes des tessons sont changées en fleurs d'un parfum suave; ses entraves sont déliées, et il a le bonheur d'être consolé par des anges: Comme il se promenait sur ces fleurs en chantant avec ces anges, ces modulations (201) délicieuses, et la merveilleuse odeur des fleurs se répandent au loin. Les gardes effrayés regardent à travers les crevasses du cachot; ils n'eurent pas plutôt vu ce qui se passait dans l'intérieur qu'ils se convertirent à la foi. A cette nouvelle, Dacien devenu furieux dit : «Et que lui ferons-nous encore? car nous voilà vaincus. Qu'on le porte sur un lit, qu'on le mette sur des coussins moelleux; ne le rendons pas plus glorieux, s'il arrivait qu'il mourût dans les tourments; mais lorsque ses forces seront revenues, qu'on lui inflige encore de nouveaux supplices.» Or, lorsqu'il eut été porté sur le lit moelleux, et qu'il y eût pris un peu de repos, il rendit aussitôt l'esprit, vers l'an du Seigneur 287, sous Dioclétien et Maximien. A cette nouvelle, Dacien fut grandement épouvanté, et se reconnaissant battu il dit: «Puisque je n'ai pu le vaincre vivant, je me vengerai de lui après sa mort; je me rassasierai de ce tourment, et ainsi la victoire pourra me rester.» Par les ordres donc de Dacien, son corps est exposé dans un champ pour être la pâture des oiseaux et des bêtes: mais aussitôt il est gardé par les anges et préservé des bêtes qui ne le touchèrent point. Enfin. un corbeau, naturellement vorace, chassa à coups d'ailes d'autres oiseaux plus forts que lui, et par ses morsures et ses cris, il. mit en fuite un loup qui accourait; puis il tourna la tête pour regarder fixement le saint corps, comme s'il eût été en admiration devant ses anges gardiens. Quand Dacien le sut il dit: «Je pense que je n'aurai pas le dessus sur lui, même après sa mort.» Il fait alors attacher au saint corps une meule énorme et la jeter dans la mer, afin que n'ayant pu (202) être dévoré sur la terre par les bêtes, il fût au moins la proie des monstres marins. Des matelots portent donc le corps du martyr à la mer et l'y jettent; mais il revint plus vite qu'eux au rivage; où il fut trouvé par une dame et par quelques autres qui en avaient reçu de lui révélation et qui l'ensevelirent honorablement.

Voici sur ce martyr les paroles de saint Augustin Saint Vincent a vaincu en paroles, a vaincu en souffrances, a vaincu dans sa confession, a vaincu dans sa tribulation. Il a vaincu brûlé, il a vaincu noyé, il a vaincu vivant, il a vaincu mort .» Il ajoute: «Vincent est torturé pour être exercé; il est flagellé pour être instruit; il est battu pour être fortifié; il est brûlé pour être purifié.» Saint Ambroise s'exprime en ces termes dans sa préface: «Vincent est torturé, battu, flagellé, brûlé, mais il n'est pas vaincu et son courage à confesser le nom de Dieu n'est pas ébranlé: Le feu de son zèle est plus,ardent qu'un fer brûlant; il est plus lié par la crainte de Dieu que par la crainte du monde; il voulut plutôt plaire à Dieu qu'au public; il aima mieux mourir au monde qu'au Seigneur.» Saint Augustin dit encore : « Un merveilleux spectacle est sous nos yeux; c'est un juge inique, un bourreau sanguinaire; c'est un martyr qui n'a pas été vaincu, c'est le combat de la cruauté et de la piété.»

Prudence, qui brilla sous le règne de Théodore l'Ancien, en 387, dit que Vincent répondit ainsi à Dacien: «Tourments, prisons; ongles, lames pétillantes de feu, et enfin la mort qui est la dernière des peines; tout cela est jeu pour les chrétiens.» Alors Daciendit : «Liez-le, tordez-lui les bras sens dessus dessous, (203) jusqu'à ce que les jointures de ses os soient disloquées pièce par pièce, afin que, par les ouvertures des plaies, on voie palpiter son foie.» Et ce soldat de Dieu riait en gourmandant les mains ensanglantées qui n'enfonçaient pas plus avant dans ses articulations les ongles de fer. Dans sa prison, un ange lui dit «Courage, illustre martyr; viens sans crainte; viens être notre compagnon dans l'assemblée céleste: ô soldat invincible, plus fort que les plus forts; déjà ces tourments cruels et affreux te craignent et te proclament vainqueur!» Prudence s'écrie: «Tu es l'illustre par excellence; seul tu as remporté la palme d'une double victoire, tu t'es préparé deux triomphes à la fois.»





SAINT BASILE, ÉVÊQUE *

Basile a été un évêque vénérable. et un docteur distingué; sa vie a été écrite par Amphiloque **, évêque d'Icone. Il. fut révélé dans une vision à un ermite nommé Ephrem à quel degré de, sainteté Basile était arrivé. En effet, Ephrem, ravi en extase, vit une colonne

*La fête de Saint Basile a été fixée à différents jours: au 1er janvier qu'il est mort, au 14, le 1er jour libre après l'Epiphanie, au 19 du même mois, en souvenir de la miraculeuse ouverture des portes de l'église de Nicée, et aussi le 30, chez les Grecs. Elle est célébrée, dans l'église latine, le 14 juin; jour de son ordination.
** Notker, Sigebert de Gemblours,Vincent de Beauvais attribuent en effet à Amphiloque une vie de saint Basile.

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de feu qui partant de la tête du saint touchait au ciel, et il entendit une voix d'en haut qui disait: «Le grand Basile est tel que cette colonne immense que tu vois.» Il vint donc à la ville le jour de l'Epiphanie pour connaître un si grand personnage. Et en l'apercevant revêtu d'une. étole blanche, s'avançant majestueusement avec ses clercs, il dit en lui-même: «Comme je le vois, je me suis fatigué pour rien; car cet homme, qui se pose et s'entoure d'honneurs,  comment peut-il jamais être celui qui  m'est apparu? Nous, en effet, qui avons porté le poids du jour et de la chaleur, nous, ne sommes jamais parvenus à rien de pareil, et lui, dans une position et avec un éclat de ce genre, c'est une colonne de feu! Vraiment je  m'en étonne.» Mais Basile, qui connut par révélation les pensées d'Ephrem, le fit venir chez lui. L'ermite ayant été introduit vit une langue de feu qui, parlait par la bouche de Basile et il se dit: «Vraiment Basile est grand;, oui, c'est une colonne de feu. L'Esprit saint parle réellement par la bouche de Basile.» Et s'adressant à l'évêque,: «Seigneur, lui dit-il, je vous demande en grâce de m'obtenir de parler le grec.» Basile lui répondit «C'est chose difficile ce que vous demandez.» Cependant il pria pour lui et tout aussitôt, Ephrem parla le grec. Un autre ermite vit une fois Basile marchant en habits pontificaux et le méprisa, en pensant en lui-même que cet évêque se complaisait trop dans une pompe de cette nature. Et une voix se fit entendre et lui dit: «Tu te complais davantage à caresser la queue de ta chatte que Basile ne se complaît dans soir appareil.» L'empereur Valens, fauteur de l'arianisme, (205) ravit une église aux catholiques pour la donner, aux ariens. Basile le vint trouver et lui dit: «Empereur, il est écrit (Ps. XCVIII, 4): «La majesté royale éclate dans l'amour de la justice;» et ailleurs: «Le juge«ment du roi c'est la justice;» pourquoi donc avez-vous ordonné de gaîté de coeur que les catholiques fussent chassés de cette église et qu'elle fût livrée aux ariens?» L'empereur lui dit: «Tu en reviens encore à tes paroles de mépris, ô Basile, cela ne te va pas.» Basile répondit: «Il me va de mourir même pour la justice.» Alors le maître d'hôtel de l'empereur, appelé Démosthène, qui favorisait lés ariens, parla pour eux et laissa échapper un barbarisme; Basile lui dit: «Ta charge consiste à t'occuper des ragoûts de l'empereur, mais non à trancher dans les choses de la foi.» Ce qui le rendit confus et le fit taire. L'empereur dit : «Basile, va et sois juge entre les deux partis; mais ne cède pas à l'entraînement aveugle du peuple.» Basile s'en alla et dit, en présence des catholiques et des ariens, de fermer les portes de l'église, d'y apposer le sceau de chacun des partis et que celui aux prières duquel les portés s'ouvriraient, aurait la. possession de l'église. Cet arrangement fut généralement goûté. Les ariens se mirent en prières pendant trois jours et trois nuits, et quand ils vinrent aux portes de l'église, elles ne s'ouvrirent pas. Alors Basile, ayant ordonné une procession, vint à l'église et après avoir fait une prière, il toucha les portes d'un léger coup de son bâton pastoral en disant: «Levez vos portes, princes; et vous, portes éternelles, levez-vous, afin de laisser entrer le roi de gloire» (Ps. XXIII). Et tout aussitôt elles (206) s'ouvrirent. On entra en rendant grâces à Dieu, et l'église resta la propriété des catholiques. Or, l'empereur, pour céder à Basile; exigea de lui beaucoup de promesses, d'après l'Histoire tripartite: «Ceci n'appartient qu'aux enfants, répondit Basile, car ceux qui se nourrissent des. paroles de Dieu ne souffrent pas qu'on altère même une seule syllabe des dogmes divins.» Alors l'empereur fut indigné, et ainsi qu'il est dit dans le même ouvragé, comme il voulait écrire la sentence de son exil, une première, une seconde et une troisième plume, se brisèrent; ensuite sa main fut saisie d'un grand tremblement, et il déchira la feuille de papier tout en colère.

Un homme vénérable, appelé Eradius *, avait une fille unique qu'il se proposait de consacrer au Seigneur; ruais le diable, ennemi du genre humain, ayant connaissance de cela, embrasa d'amour pour la jeune fille un des esclaves de cet Eradius. Ayant donc reconnu comme impossible que lui, qui était esclave, pût obtenir les faveurs d'une si noble personne, il alla trouver un magicien en lui promettant une grande somme d'argent; s'il voulait lui venir en aide. Le magicien lui dit: «Moi, je ne saurais faire cela; mais, si tu. veux, je t'adresserai au diable mon maître; et si tu exécutes ses prescriptions; tu obtiendras ce que tu désires.» Et le jeune homme répondit:  «Je ferai tout ce que tu me diras.» Le magicien rédigea une lettre pour le diable et la transmit par le jeune homme;elle était conçue en ces termes: «Maître, comme je dois

* Hincmar le nomme Proterius.

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m'employer avec soin et promptitude à retirer tout le monde possible de la religion des chrétiens et à amener ces hommes à faire ta volonté, afin que ton parti se multiplie tous les jours, je t'ai adressé ce jeune. homme qui brûle d'amour pour une jeune fille et je demande que ses désirs soient accomplis, pour en retirer moi-même de la gloire et pouvoir dans la suite en récolter d'autres.» Il lui donna la lettre, il lui dit: «Va, et à telle heure de la nuit, tiens-toi debout sur le tombeau d'un gentil, et là appelle les démons avec grands cris, lance ce papier en l'air et incontinent ils t'apparaîtront.» Il y alla, cria les démons et jeta la lettre en l'air. Et voici que se présente le prince des ténèbres entouré d'une multitude de démons.. Après avoir lu la lettre, il dit au jeune homme: «Crois-tu en moi, pour que j'exécute ce que tu veux?» «Maître, je crois, dit-il.» Le diable reprit:  « Renies-tu aussi J.-C.?» Il dit: «Je renie.» «Vous autres chrétiens, continua le diable, vous êtes des perfides; parce que si vous avez besoin de moi, vous me venez trouver; mais quand vous avez réalisé vas désirs, aussitôt vous me reniez, et vous revenez à votre Christ; et lui, parce qu'il est très clément, il. vous reçoit. Mais si tu veux que j'accomplisse ta volonté, fais-moi un écrit de ta main par lequel tu confesses renoncer au Christ, au baptême, à la profession; chrétienne, que tu es à mon service, condamnable avec moi au jugement.» Celui-ci fit aussitôt de sa main un écrit par, lequel il renonçait au Christ, et s'engageait au service du diable. Tout de suite celui-ci appela les esprits qui sont chargés de se mêler de la fornication, en leur (208) ordonnant d'aller auprès de la dite fille,  et d'enflammer son coeur d'amour pour le jeune homme. Ils . le firent et embrasèrent son coeur au point qu'elle se roulait à terre et s'adressait à son père avec des cris lamentables: «Ayez pitié de moi, père, ayez pitié de moi, parce que je suis cruellement tourmentée d'amour pour cet esclave qui vous appartient. Ayez pitié de votre sang; témoignez-moi un amour de père, et mariez-moi à ce jeune homme que j'aime et pour lequel je suis torturée; sinon, dans peu de temps vous me verrez mourir et vous en répondrez pour moi au jour du jugement.» Or, son père lui répondit en poussant des cris de douleur: «Hélas, malheureux que je suis! Qu'est-il donc arrivé à ma fille? Qui  m'a volé mon trésor? Quel est celui qui a éteint la douce lumière,de mes yeux? Je voulais, moi, t'unir à l'époux céleste; je comptais être sauvé par toi, et tu fais la folie de te livrer à un amour libertin; ma fille, permets, comme je l'avais résolu, que je t'unisse au Seigneur, n'accable pas ma vieillesse d'une douleur qui  m'emportera dans le tombeau.» Mais elle criait en disant «Mon père, accomplissez vite mon désir, ou, dans peu de temps vous me verrez mourir.» Or, comme elle pleurait très amèrement et qu'elle était presque folle, son père, tout désolé et séduit par les conseils de ses amis, fit ce qu'elle voulait, et la maria à son esclave, en lui donnant tous es biens: «Va, lui dit-il, va, ma fille, tu es vraiment misérable.» Mais lorsque les époux demeurèrent ensemble, le jeune homme ne mettait pas le pied à l'église, ne faisait pas le signe de la croix sur lui, ni ne se recommandait à Dieu; cela fut (209) remarqué de certaines personnes, qui dirent à son épouse «Sais-tu que celui que tu as choisi pour ton mari n'est pas chrétien et qu'il ne va pas à l'église.» A cette nouvelle, elle ressentit une grande crainte, et se jetant par terre, elle se luit à se déchirer avec les ongles, à se frapper la poitrine et à dire: « Ah! que je suis malheureuse ! pourquoi suis-je née? et que ne suis-je morte en venant au monde!» Ayant rapporté à son mari ce qu'elle avait entendu, et celui-ci, lui assurant qu'il n'en était rien, mais que tout ce qu'elle avait appris était faux: «Si tu veux, dit-elle, que je te croie, demain, nous irons tous deux à l'église.» Le mari, voyant qu'il ne pouvait dissimuler plus longtemps, raconta exactement à sa femme tout ce qui s'était passé. Quand elle eut entendu cela elle se mita gémir, alla de suite trouver saint Basile et lui raconta tout ce qui était arrivé à son mari et à elle. Basile fit venir l'époux et apprit tous ces détails de sa bouche: «Mon fils, lui dit-il, voulez-vous revenir à Dieu?» Il répondit : «Oui, Seigneur; mais c'est impossible, car je suis engagé au diable, j'ai renié J.-C., j'ai écrit l'acte de mon reniement et l'ai donné au diable.» Basile lui dit «N'aie pas d'inquiétude; le Seigneur est débonnaire, et accueillera ton repentir.» Aussitôt il prit le jeune homme, lui fit le signe de la croix sur le front, et l'enferma l'espace de trois jours; après lesquels il le vint trouver, et lui dit: « Comment te trouves-tu, mon fils?» «Seigneur, lui répondit-il, j'éprouve un grand accablement; je ne puis supporter les cris, les terreurs, les machinations des démons, qui, mon écrit à la main,  m'accusent en me disant: « C'est, toi qui (210) es venu à nous, ce n'est pas nous qui sommes venus «à toi.» Et saint Basile dit: «Ne crains rien, mon fils; seulement, crois.» Il lui donna un peu à manger;. puis faisant encore le signe de la croix sur son front il le renferma de nouveau, et pria pour lui. Quelques jours après, il vint le voir et lui dit: «Comment te trouves-tu, mon fils?» Il répondit: «Mon père, j'entends au loirs leurs cris et, leurs menaces, mais je ne les vois point.» Il lui donna encore un peu de nourriture, le signa, ferma sa porte, se retira, pria pour lui et quarante jours après il revint et lui dit: «Comment te trouves-tu?» Il répondit: «Saint homme de Dieu, je me trouve bien; aujourd'hui dans une vision, je vous ai vu combattre pour moi et vaincre le diable.» Après quoi Basile le fit sortir, convoqua le clergé, les religieux et le peuple, et les avertit tous de prier pour le jeune homme qu'il conduisait à l'église en le tenant par la main. Et voilà que le diable avec une multitude de démons vint à sa rencontre et se saisissant d'une manière invisible de ce jeune homme, il s'efforçait de l'arracher des mains de saint Basile. Le jeune homme se mit à crier: «Saint homme de Dieu, aidez-moi.» Et le malin l'assaillit avec une si grande véhémence qu'en traînant le jeune homme, il entraînait aussi le saint qui lui dit: «Infâme, n'est-ce pas assez pour toi de ta perte, que tu oses encore tenter la créature de mon Dieu?» Mais le diable lui dit et beaucoup l'entendirent : «Tu me portes préjudice, ô Basile.» Alors tous crièrent : «Kyrie eleison, Seigneur, ayez pitié de nous.» Et Basile dit: «Que le Seigneur te confonde, diable.» Celui-ci reprit: «Tu me portes préjudice, ô Basile; ce (211) n'est pas moi qui ai été le, chercher, mais c'est lui qui est venu à moi; il a renié son Christ et s'est donné à moi: voici son écrit; je le tiens à la main.» Basile dit: «Nous ne cesserons de. prier jusqu'à ce que tu rendes l'écrit.» Et à la prière de Basile qui tenait les mains levées vers le ciel, la cédule, que les assistants voyaient portée en l'air, vint se mettre dans les mains du saint évêque, qui, en la recevant, dit au jeune homme: «Reconnaissez-vous cette écriture, mon frère?» Il répondit: «Oui, elle est de ma main.» Et Basile, déchirant l'acte, conduisit le jeune homme à l'église, le rendit digne de participer au saint mystère, et après lui avoir donné de, bons conseils et suggéré un plan de vie, il le remit à sa femme *.

Une femme, qui avait commis beaucoup de péchés, les inscrivit -sur une feuille volante, en réservant le plus grave pour la Fit; elle donna cet écrit à saint Basile, et lui recommanda de prier pour elle, pour effacer ces péchés par ses oraisons. Après qu'il eut prié, et que la femme eut ouvert son écrit, elle trouva toutes ses offenses effacées à la réserve de la plus énorme. Elle dit à Basile: «Ayez pitié de moi, serviteur de Dieu, et obtenez pardon pour celle-là comme vous l'avez obtenu pour les autres.»Basile lui dit: «Femme, retirez-vous de moi, parce que je suis un pécheur ayant besoin d'indulgence aussi bien que vous.» Et comme elle insistait, il lui dit: «Allez trouver le saint homme Ephrem, et il pourra obtenir pour vous ce que vous

* Hincmar de Reims rapporte ce fait dans son livre sur le Divorce de Lothaire (Interrogatio XV) et le, tire d'Amphiloque, évêque d'Icone.

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demandez.» Elle alla donc trouver le saint homme Ephrem, et après lui avoir avoué pourquoi saint Basile l'avait adressée à lui: «Retirez-vous, lui dit-il, car je suis un pécheur; mais, ma fille, retournez vers Basile; lui qui vous a obtenu le pardon des autres péchés, aura encore le pouvoir de l'obtenir pour celui-ci: Hâtez-vous, vite, pour le trouver en vie.» Elle arrivait à la ville, qu'on portait Basile au tombeau; Alors elle se mit à crier après. lui et à dire: «Que Dieu voie et juge entrevous et moi; car quand vous pouviez me réconcilier avec Dieu vous-même, vous  m'avez adressé à un autre.» Puis elle jeta son écrit sur le cercueil, et le reprenant un instant après, elle l'ouvrit, et trouva le péché entièrement effacé. Aussi rendit-elle à Dieu d'immenses actions de grâce, avec tous ceux qui se trouvaient là *.

Avant que cet homme de Dieu trépassât, et quand il était atteint de la maladie dont il mourut, il: se trouvait un juif appelé Joseph, médecin consommé, que l'homme de Dieu aimait avec prédilection, parce qu'il prévoyait devoir le convertir à la foi; il le manda auprès de lui, comme s'il avait besoin de son ministère. Or, Joseph tâta le pouls de Basile et reconnut que le saint était près de mourir: il dit alors aux gens de la maison: «Préparez tout ce qui est nécessaire pour sa sépulture, car il va expirer à l'instant.» Basile, qui entendit cela, lui dit: «Tu ne sais ce que tu dis. » Joseph répartit: «Seigneur, le soleil se couchera aujourd'hui et, croyez-moi, vous mourrez: au soleil

* Siméon Métaphraste

couchant.» Basile lui dit: «Que diras-tu, si je ne meurs pas aujourd'hui?» Joseph répondit: «Cela n'est pas possible, Seigneur.» Basile reprit: «Et si je vis encore demain jusqu'à la sixième heure, que feras-tu?» et Joseph dit: «Si vous allez jusqu'à cette heure, je mourrai moi-même.» Basile dit: «Eh bien, meurs donc au péché pour vivre à J.-C.» Joseph répondit: «Je comprends ce que vous dites; si vous vivez jusqu'à cette heure, je ferai ce à quoi vous  m'exhortez.» Alors saint Basile, qui, selon les lois naturelles, devait mourir à l'instant, obtint néanmoins du Seigneur un délai de mort, et il vécut jusqu'à la neuvième heure du lendemain.» Joseph, qui vit cela, en fut dans la stupeur et crut à J.-C. Alors Basile, par force de caractère, surmonta la faiblesse du corps; il se leva de son lit, alla à l'église et baptisa Joseph de sa main; après quoi, il revint à sa couche et tout aussitôt il rendit heureusement son âme à Dieu. Il florissait vers l'an du Seigneur 380.






La légende dorée - SAINT SÉBASTIEN ***