La légende dorée - SAINTE PAULE *
Julien pourrait venir de jubiler et anaen haut, Julianus ou Jubilianus, qui monte au ciel avec jubilation; ou bien encore de Julius, qui commence et amie, vieillard, car il fut vieux en longanimité dans le service de Dieu; mais il commença par se connaître lui-même.
Julien fut évêque du Mans. On dit que c'est Simon le lépreux que le Seigneur guérit de sa lèpre et qui invita J.-C. à dîner. Après l'ascension de N.-S, il fut ordonné évêque du Mans parles apôtres. Il fut illustre,par ses nombreuses vertus et ressuscita trois morts, après quoi il mourut en paix. On dit que c'est ce saint Julien qui est invoqué par les voyageurs, afin qu'ils
* Le martyrologe d'Usuard, édité à Florence en 1486; est reproduit mot à mot dans la Légende du premier Julien..
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trouvent un bon gîte,: parce que c'est dans sa maison que le Seigneur fut hébergé. Mais il paraît plus certain que ce fut un autre Julien que celui-ci, savoir, celui qui tua sans le savoir son père et sa mère. Son histoire est racontée plus loin.
Il y eut un autre Julien; noble personnage de l'Auvergne, plus noble encore par sa foi et qui, poussé par le désir du martyre, s'offrit de lui-même aux persécuteurs. Crispin, personnage consulaire, envoya un de ses gens avec ordre de le tuer. A cette nouvelle Julien sortit hors de chez lui et se présenta avec intrépidité devant celui qui le cherchait et reçut incontinent le coup de la mort. On prit sa tête et on la porta à saint Ferréol, compagnon de Julien, en le menaçant de pareille mort, s'il ne sacrifiait à l'instant. Comme il ne voulait pas y consentir, on le tua et on mit dans le même tombeau la tète de saint Julien et le corps de saint Ferréol. Longtemps après, saint Mamert, évêque de Vienne, trouva le chef de saint Julien entre les mains de saint Ferréol et il était si sain et si entier qu'on eût dit qu'il avait été enseveli le jour même*. Au nombre des miracles qu'on raconte de ce saint, on cite qu'un diacre ayant volé les brebis de l'église de saint Julien et ses bergers voulant l'en empêcher, au nom de ce saint, il répondit: «Julien ne mange pas. de moutons:» Et voici que peu après, il,est saisi d'une fièvre des plus violentes qui,augmenta encore; il avoue alors qu'il est brûlé par le martyrs il se fit
* Grégoire de Tours, Martyre, vertus, et gloire de saint Julien, chap. II.
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jeter de beau sur lui pour se rafraîchir; mais aussitôt il s'éleva une si grande fumée et il sortit de son corps une telle puanteur que tous ceux qui étaient là prirent la fuite, et il mourut un instant après *. Grégoire de Tours raconte qu'un homme de la campagne voulut travailler le dimanche. A peine eut-il pris une hache pour nettoyer sa charrue, que le manche de cette hache s'attacha à sa main droite et deux ans après, il fut guéri dans l'église de saint Julien par les prières de ce bienheureux **.
Il y eut encore un autre Julien, frère de saint Jules. Ces deux frères vinrent trouver Théodore, empereur très chrétien, pour lui demander la permission de détruire les temples des idoles, partout où ils en rencontreraient et d'élever des églises à J.-C. L'empereur le fit de bon coeur et il écrivit que tous eussent à leur obéir et à les aider, sous peine d'avoir la tête tranchée. Or, les saints Julien et Jules bâtissaient une église dans un lieu qu'on appelle Gaudianum*** et que tous les passants aidaient à cette oeuvre, d'après l'ordonnance de l'empereur, quand arrivèrent trois particuliers conduisant un chariot, qui se dirent l'un à l'autre: «Quelle excuse pourrons-nous présenter pour passer librement sans être obligés de travailler ici?» Et ils dirent: «Etendons l'un de nous sur le dos
*Grégoire de Tours, Martyre, vertus et gloire de saint Julien, chap. XVII.
** Idem, Ibidem, chap. II.
*'* Il est question de ce lieu dans Grégoire de Tours au livre de saint Julien. D. Ruinart pense que c'est Jouay, près de Tours.
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dans le char et le couvrons de draps; nous dirons que nous avons un mort dans notre voiture et ainsi nous pourrons passer librement.» Alors prenant un homme, ils le mirent dans le char et lui dirent: «Ne parle pas, ferme les yeux et fais le mort jusqu'à ce que nous soyons passés.» L'ayant couvert comme un mort; ils arrivèrent auprès des serviteurs de Dieu, Julien et
Jules, qui leur dirent: «Mes petits enfants, arrêtez un instant et nous aidez un peu dans notre travail.» Ils répondirent: «Nous ne pouvons nous, arrêter ici parce que nous avons un mort dans notre char.» Saint Julien leur dit: «Pourquoi mentir ainsi, mes enfants?». Et eux de répondre: «Nous ne mentons pas, seigneur, mais il en est ainsi que nous disons.» Et saint Julien ajouta: «Qu'il en soit selon la vérité de votre dire.» Alors ces voyageurs piquèrent leurs boeufs et partirent. Quand ils furent éloignés, ils s'approchèrent du char et appelèrent leur camarade par son nom en disant: «Lève-toi à présent, et presse les boeufs pour que nous gagnions du. chemin.» Mais comme l'homme ne remuait pas, ils le secouèrent en criant: «Rêves-tu? lève-toi et pressé les boeufs.» Or, il ne répondait pas le moins du monde; alors ils s'approchèrent, le découvrirent et le trouvèrent mort. Une si grande frayeur s'empara d'eux. et d'ès autres que personne depuis n'osait mentir au serviteur de Dieu.
On trouve encore un autre Julien qui tua son père et sa mère sans le savoir. Un jour, ce jeune noble prenait le plaisir de la chasse et poursuivait un cerf qu'il avait fait lever, quand tout à coup le cerf se (243) tourne vers lui miraculeusement et lui dit: «Tu me poursuis, toi qui tueras ton père et ta mère?» Quand Julien eut entendu cela, il fut étrangement saisi, et dans la crainte que tel malheur prédit par le cerf lui arrivât, il s'en alla sans prévenir personne, et se retira dans un pays fort éloigné, ou il se mit au service d'un prince; il se comporta si honorablement partout, à la guerre, comme à la cour, que le prince le fit son lieutenant et le maria à une châtelaine veuve, en lui donnant un château pour dot. Cependant, les parents de Julien tourmentés de la perte de leur fils, se mirent à sa recherche en parcourant avec soin les lieux où ils avaient l'espoir de le trouver. Enfin ils arrivèrent au château dont Julien était le seigneur: Pour lors saint Julien se trouvait absent. Quand sa femme les vit et leur eut demandé qui ils étaient, et qu'ils eurent raconté tout ce qui était arrivé à leur fils; elle reconnut que c'était le père et la mère de son époux, parce qu'elle l'avait entendu souvent lui raconter son histoire. Elle les reçut donc avec bonté, et pour l'amour de son mari, elle leur donne son lit et, prend pour elle une autre chambre. Le matin arrivé, la châtelaine alla à l'église; pendant ce temps, arriva Julien qui entra dans sa chambre à coucher comme pouf éveiller sa femme; mais trouvant deux personnes endormies, il suppose que c'est sa femme avec un adultère, tire son épée sans faire de bruit et les tue l'un et l'autre ensemble. En sortant de chez soi, il voit son épouse revenir de l'église; plein de surprise, il lui demande qui sont ceux qui étaient couchés dans son lit «Ce sont, répond-elle, votre père et votre mère qui vous (244) ont cherché bien longtemps et que j'ai fait mettre en votre chambre.» En entendant cela, il resta à demi mort, se mit à verser des larmes très amères et à dire «Ah! malheureux ! Que ferais-je ? J'ai tué mes bien aimés parents. La voici accomplie cette parole du cerf; en voulant éviter le plus affreux des malheurs, je l'ai accompli. Adieu donc, ma chère soeur, je ne me reposerai désormais que je n'aie su que Dieu a accepté ma pénitence. » Elle répondit: «Il ne sera pas dit, très cher frère, que je te quitterai; mais si j'ai partagé tes plaisirs, je partagerai aussi ta douleur.» Alors, ils se retirèrent tous les deux sur les bords d'un grand fleuve, où plusieurs perdaient la vie, ils y établirent un grand hôpital où ils pourraient faire pénitence; sans cesse occupés à faire passer la rivière à ceux qui se présentaient, et à recevoir tous les pauvres. Longtemps après, vers minuit, pendant que Julien se reposait de, ses fatigues et qu'il y avait grande gelée, il entendit une voix qui se lamentait pitoyablement et priait Julien d'une façon lugubre, de le, vouloir passer. A peine l'eut-il entendu qu'il se leva de suite, et il ramena dans sa maison un homme qu'il avait trouvé mourant de froid; il alluma le feu et s'efforça de le réchauffer, comme il ne pouvait réussir, dans la crainte qu'il ne vînt à mourir, il le porta dans son petit lit et le couvrit soigneusement. Quelques instants après, celui qui paraissait si malade et comme couvert de lèpre, se lève blanc comme neige vers le ciel, et dit à son hôte: «Julien, le Seigneur m'a envoyé pour vous avertir qu'il a accepté votre pénitence et que dans peu de temps tous deux vous reposerez dans le (245) Seigneur.» Alors il disparut, et peu de temps après Julien mourut dans le Seigneur avec sa femme, plein de bonnes oeuvres et d'aumônes.
Il y eut encore un autre Julien, celui-ci ne fut pas, un saint, mais un grand scélérat. C'est Julien l'apostat. Il fut d'abord moine et il affectait de grands sentiments de religion. Au rapport de maître JeanBeleth *, en sa Somme de l'Office de l'Église, une femme possédait trois pots pleins d'or; pour que, cet or ne partît pas, elle, couvrit l'orifice des pots avec de la cendre et, les donna à garder à Julien, estimé par elle comme un très saint personnage, et cela, en présence de plusieurs moines, sans, faire connaître. en aucune façon qu'il y eût là de l'or. Julien prit les pots, et y trouvant un si grand trésor, il le vola tout entier et remplit- les pots de cendre. Quelque temps après, la femme réclama son dépôt; Julien lui rendit ses cruches pleines, de cendre. Mais n'y ayant, trouvé que cette cendre, elle ne put le convaincre de vol, parce qu'elle n'avait personne capable de témoigner qu'il y eût eu de l'or, puisque les moines en présence desquels elle avait remis les vases n'avaient vu autre chose que de la cendre. Julien conserva donc cet or; l'emporta à Rome et par ce moyen, il obtint dans la suite le consulat dans cette ville; enfin il fut élevé à l'empire. Il avait été instruit dès son enfance dans l'art magique et cette science lui convenait fort. Il en conserva donc toujours des maîtres en grand nombre auprès de soi.
* Maître Jean Beleth vivait en 1182. Il était chanoine d'Amiens.
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Il est rapporté dans l'Histoire tripartite* qu'un jour, étant encore enfant, son maître sortit et le laissa seul; il se mit à lire des évocations au démon et il se présenta devant lui une troupe infinie de ces diables, noirs comme des Ethiopiens. A cette vue Julien saisi de crainte fit aussitôt le signe de la croix, et toute cette multitude de démons s'évanouit. Il raconta tout ce qui était arrivé à son maître qui. était revenu et qui lui dit «Les démons haïssent et craignent extraordinairement le signe de la croix.» Ayant été élevé à l'empire, Julien se souvint de ce fait, et comme il voulait se livrer à la magie,, il apostasia et détruisit partout les images de la croix; autant qu'il fut en son pouvoir; il persécuta les chrétiens, dans la pensée qu'autrement les démons ne lui obéiraient en rien. Quand il descendit dans la Perse, ainsi qu'il est dit. dans la Vie des Pères **, il envoya un démon en Occident, polir qu'il lui , en rapportât une réponse; mais arrivé dans un endroit, le démon resta. immobile dix jours entiers, parce qu'il se trouvait là un moine qui priait jour et. nuit: Le diable étant revenu sans avoir accompli sa mission, Julien lui dit: «Pourquoi as-tu tant tardé?» Il répondit: «Pour pouvoir passer, j'ai attendu pendant dix jours qu'un moine qui vivait hors du cloître cessât de faire oraison; mais comme il n'en finissait pas, ce me fut impossible; alors je suis revenu sans avoir rien fait. Julien indigné dit que, quand il viendrait en ce lieu-là, il se vengerait de ce moine. Comme les diables lui pro
* Livre VI, ch. I, - Niceph., liv. X, ch. III; - Saint Grégoire de Naz., Premier discours contre Julien l'apostat.
** Livre XII, ch. II.
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mettaient la victoire sur lés Perses, son sophiste dit à un chrétien: «Que penses-tu qu'il fasse à présent, le fils du charpentier?» Et il répondit: «Il préparé un cercueil pour Julien.» On lit dans l'histoire de saint Basile, et Fulbert, évêque de Chartres, l'affirme aussi, que arrivé à Césarée de Cappadoce, saint Basile vint à sa rencontre et, lui offrit quatre pains d'orge, mais Julien refusa avec mépris de les recevoir et à la place il lui envoya du foin, en disant: «Tu nous as offert de ce qui nourrit les animaux sans raison, reprends ce que tu nous as adressé. » Basile répondit : «Nous avons vraiment envoyé de ce que nous mangeons; mais pour toi; tu nous as donné ce qui te sert à nourrir tes bestiaux.» A cela Julien irrité répondit: «Lorsque j'aurai soumis les Perses, je détruirai cette ville et, la ferai labourer pour qu'elle soit nommée le lieu où vient le froment, et non le lieu où habitent des hommes... Mais la nuit suivante, saint Basile eut, en l'église de Sainte-Marie, une vision dans laquelle lui apparut une multitude d'anges, et au milieu d'eux, debout sur un trône, une femme qui dit à ceux qui l'entouraient: «Appelez-moi vite Mercure, pour qu'il tue Julien l'apostat, cet insolent blasphémateur de mon Fils et de moi.» Or, ce Mercure était un soldat, tué par Julien lui-même en haine de la foi, enseveli dans cette église. A l'instant saint Mercure se, présenta avec ses armes qu'on conservait en ce .lieu, et reçut ordre de se préparer au combat. Basile s'étant éveillé, alla à l'endroit où saint Mercure reposait avec ses armes et ouvrant son tombeau il n'y trouva ni corps ni armes. Il s'informe auprès du gardien si personne (248) n'a emporté les armes. Celui-ci lui affirme avec serment, que le soir les armes étaient là où elles se trouvaient toujours. Basile se retira alors, et revenu le matin, il y trouva le corps avec les armes, et la lance couverte de sang. Au même instant, un soldat qui revenait de la bataille, dit: «Alors que Julien était à l'armée, voici qu'un soldat. inconnu se présenta avec ses armes et sa lance,. et pressant son cheval avec ses éperons, il se rua avec audace sur l'empereur Julien; puis brandissant sa lance avec force, il l'en perça par le milieu du corps; tout aussitôt il s'éleva en l'air et disparut.» Or, comme Julien respirait encore, il remplit sa main de son sang, dit l'Histoire, tripartite *, et le jetant en l'air, s'écria: «Tu as vaincu, Galiléen, tu as vaincu.» Et en disant ces mots il expira misérablement. Son corps fut laissé sans sépulture, et écorché par les Perses, et de sa peau, on fit un tapis pour le roi.
* Livre VI, ch. XLVII.
Après avoir parlé des fêtes qui tombent dans le temps contenu en partie sous le temps de la réconciliation et en partie sous le temps du pèlerinage, temps que l'Église célèbre depuis la naissance de J.-C., jusqu'à la Septuagésime, il reste à parler des fêtes qui arrivent pendant le temps de la déviation, commençant à Adam et finissant à Moïse, temps que l'Église reproduit de la Septuagésime jusqu'à, Pâques.
LA SEPTUAGÉSIME
La Septuagésime désigne le temps de la déviation, la Sexagésime le temps du veuvage, la Quinquagésime le temps de la rémission, la Quadragésime le temps de la, pénitence spirituelle. La Septuagésime commence au dimanche où l'on chante pour Introït Circumdederuntme, et finit le samedi après Pâques *. Elle a été instituée pour trois raisons que touche, en sa Somme de l'office de l'Eglise,maître Jean Belette, savoir pour la Rédemption, parce que les saints Pères ont décidé, à cause de la vénération du jour de l'Ascension, jour auquel notre nature a monté aux cieux et a été élevée au-dessus des choeurs des anges, que toujours ce cinquième jour serait fêté comme
* Dans toutes les éditions il y a bien post dans le texte, et cependant plus bas il parle d'un alleluiachanté le samedi avant Pâques.
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solennel et que le jeûne n'y serait pas observé; parce que dans la primitive Eglise; il était aussi solennel que le premier jour de la semaine. Aussi, des cette époque, avait lieu une procession solennelle pour représenter la procession des disciples ou même des anges. Delà est venu le proverbe que le dimanche était cousin du jeudi, parce que, dès l'antiquité, ils furent solennels au même titre; mais survinrent les fêtes des Saints, et comme il était préjudiciable de célébrer tant de fêtes, la solennité en a cessé. Pour remplacer ces jours, les saints Pères ont donc ajouté une semaine à l'abstinence du carême et lui ont donné le nom de Septuagésime.
La seconde raison pour laquelle la, Septuagésime a été instituée c'est pour indiquer la déviation, l'exil et la tribulation de tout le genre humain depuis Adam jusqu'à la fin du monde. Or, cet exil est accompli dans l'espace de sept jours et est renfermé dans une révolution de sept mille ans; car, par les soixante-dix jours, nous entendons soixante-dix centaines d'années. Or, depuis le commencement du monde jusqu'à. l'ascension, nous comptons six mille ans et le temps qui suit jusqu'à la fin du monde nous le renfermons dans le septième millénaire, dont Dieu seulement connaît le terme. Comme ce fut au sixième âge du monde que J.-C.. nous a délivrés de cet exil par le moyen du baptême, avec l'espoir de la récompense éternelle, en nous rendant la robe d'innocence, ce ne sera cependant qu'après avoir consommé le temps de notre exil qu'il nous décorera pleinement de l'une et de l'autre robe. C'est la raison pour laquelle, pendant le temps (251) de la déviation et de notre exil, nous mettons de côté les chants de joie, quoique cependant au samedi de Pâques nous chantions une fois l'alleluia, comme pour nous réjouir dans l'espoir de l'éternelle patrie et comme ayant recouvré la robe d'innocence au sixième âge du monde par l'entremise de J.-C. A cet alleluia on ajoute un trait, qui signifie le travail auquel nous devons nous livrer encore pour accomplir les commandements de Dieu. Le samedi après Pâques que finit la Septuagésime, ainsi qu'il a été dit plus haut,. nous chantons deux alleluia; parce que après que le monde aura` atteint sa limite, nous obtiendrons une double robe de gloire.
La troisième raison de l'institution. de la Septuagésime, c'est qu'elle représente les soixante-dix ans pendant lesquels les enfants d'Israël restèrent en captivité à Babylone. Or, de même qu'ils mirent de côté leurs instruments de musique en disant: «Comment chanterons-nous le cantique du Seigneur sur une terre étrangère? (Ps. CXXXVI)», de même aussi nous omettons les cantiques de louanges. Mais après que Cyrus leur a eu donné la faculté de revenir; la soixantième année, ils se livrèrent à la joie; et nous aussi, au samedi de Pâques, image de nette soixantième année, nous chantons l'alleluiapour imiter leur joie. Mais cependant, comme ils eurent beaucoup, de peines à faire les préparatifs de leur retour et. à rassembler leurs bagages, nous aussi, après l'alleluia, nous ajoutons aussitôt un trait, qui est l'image du travail. Le samedi, jour où finit la Septuagésime, nous chantons deux alléluia pour figurer la joie parfaite qu'ils (252) éprouvèrent en rentrant dans leur patrie. Ce temps de captivité et d'exil des enfants d'Israël est encore l'image de notre pèlerinage; parce que délivrés après soixante ans de captivité, nous aussi, nous le serons après le sixième âge du monde. Et de même encore qu'ils travaillèrent à rassembler leur bagage,` de même aussi nous travaillons à accomplir les commandements de Dieu après notre, délivrance. Mais arrivés dans la patrie; tout travail cessera, la gloire sera parfaite et nous chanterons de corps et d'âme un double alleluia. C'est donc avec raison que, en ce temps d'exil, l'Eglise, tourmentée par une foule de tribulations et placée presque dans l'abîme du désespoir, tire des soupirs du fond du coeur pour crier dans son office: Circumdederunt megemitus mortis. Des gémissements de mort m'ont environné. En cela l'Eglise montre les tribulations multiples qu'elle;éprouve et pour la misère qui l'étreint et pour le double châtiment qu'elle reçoit, et pour a faute commise par quelques-uns de ses membrés. Mais cependant afin d'éviter le désespoir, en l'Evangile,et en l'Epître, sont proposés trois remèdes salutaires et une triple récompense. Le remède, si elle veut être parfaitement délivrée de ces misères, c'est de travailler à la vigne de son âme, en retranchant les vices et les péchés, ensuite de courir dans la carrière de la vie avec des oeuvres de pénitence; enfin de combattre avec vigueur contre toutes les tentations du démon. Que si elle le fait, elle obtiendra une triple récompense; car, à celui qui aura travaillé, sera délivré le denier; à celui qui aura bien fourni sa carrière, sera accordé le prix; à celui qui aura (253) combattu, la couronne. Or, parce que la Septuagésime est encore l'image de notre captivité, on nous propose un remède par lequel nous pouvons en être délivrés, savoir, par la course, en fuyant, par le combat, en luttant, par le denier, en rachetant.
La sexagésime commence au dimanche où l'on chante: Exurge, quareobdormis, Domine, * et finit à la quatrième férie (mercredi) après Pâques. Elle a été instituée comme remplacement, comme symbole et comme figure. Comme remplacement, parce que le pape Melchiadeet saint Silvestre établirent qu'on pourrait manger deux fois chaque samedi, de peur que par l'abstinence à laquelle les hommes ont dû se soumettre le vendredi où il faut toujours jeûner; la nature ne fût trop affaiblie. Pour remplacer ces samedis, ils ajoutèrent une semaine au carême et l'appelèrent sexagésime. L'autre raison de l'institution de la sexagésime se tire de ce qu'elle est un symbole, parce que la sexagésime signifie le temps du veuvage de l'Eglise et sa douleur de l'absence de son époux. En effet le fruit sexagénaire est attribué aux veuves **. Pour la consoler
* Introït de la messe.
** Les interprètes, sur le chapitre XIII, V. 23 de saint Mathieu, où il est parlé de ceux qui rapportent du fruit de la parole de Dieu, attribuent cent pour un aux vierges, soixante pour un
aux veuves, et trente pour un aux épouses, selon les différents degrés de mérite qu'elles ont atteint Voyez les commentateurs. Les six oeuvres de miséricorde sont: 1. donner à manger à ceux qui ont faim; 2. à boire à ceux qui ont soif; 3. visiter les malades; 4. revêtir ceux qui sont nus; 5. exercer l'hospitalité envers les pauvres; 6. enfin, ensevelir les morts.
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de l'absence de l'époux qui a été enlevé aux cieux, l'Eglise reçoit deux ailés, savoir l'exercice des six oeuvres de miséricorde, et l'accomplissement du Décalogue. De là vient le mot sexagésime qui veut dire six fois dix, en sorte que le nombre six se rapporte aux six oeuvres de miséricorde et le nombre dix au Décalogue. La troisième raison est une figure: car a sexagésime né signifie pas seulement le temps de la viduité, mais elle est encore la figure du mystère de notre rédemption: en effet par le nombre dix, on entend l'homme qui est la dixième dragme, parce qu'il a été fait pour remplacer la perte des neuf ordres angéliques. Ou bien par le nombre dix, on entend l'homme , qui est composé de quatre humeurs quant au corps, qui a trois puissances en son Cime, la mémoire, l'intelligence et la volonté, lesquelles ont été créées pour servir la très sainte Trinité, afin que nous croyions en elle avec fidélité, que nous l'aimions avec ferveur et que nous layons toujours à la mémoire. Par le nombre six, on entend les six mystères par lesquels le dixième homme a été racheté; ce sont l'incarnation, la nativité, la. passion, la descente aux enfers,, la résurrection et l'ascension au ciel. La sexagésime se prolonge jusqu'à la quatrième férie après Pâques, jour où l'on chante: Venite, benedicti patris mei*, parce que ceux
* Introït de la messe du mercredi de la semaine de Pâques.
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qui s'exercent aux oeuvres de miséricorde mériteront d'entendre ces mêmes paroles: «Venez les bénis de mon père», comme l'assure J.-C. lui-même, alors que la porte sera ouverte à l'épouse qui jouira des embrassements de l'époux. L'épître de la messe apprend à l'Eglise à supporter avec patience, à l'exemple de saint Paul, l'absence de l'époux: l'évangile à se livrer sans relâche à la semence des bonnes oeuvres. Aussi quand dans son désespoir elle criait *: «Circumdederunt me... des gémissements de mort m'ont environnée», aujourd'hui qu'elle a repris du calme, elle demande, en son office, d'être aidée dans ses tribulations et d'en être délivrée, lorsqu'elle dit: «Exurge, Domine, Seigneur, levez-vous...» et ce mot Exurge, levez-vous, elle le répète trois fois de suite, car dans l'Eglise, il s'en trouve qui sont accablés par les adversités, mais qui n'en sont pas abattus; d'autres sont accablés et abattus tout à la fois; quelques-uns enfin ne sont ni abattus, ni accablés; mais parce qu'ils ne sont pas exposés à l'adversité, il y a péril qu'ils ne soient brisés par la prospérité; l'Eglise crie donc: «Que le Seigneur se lève,» en faveur des premiers, pour les conforter; alors qu'ils paraissent endormis en ne les soustrayant pas à leur position. Elle crie: «Seigneur, levez-vous», en faveur des seconds afin qu'il les convertisse, parce qu'il paraît avoir détourné d'eux son visage, alors qu'il les rejette en quelque sorte. Elle crie: «Que le Seigneur se lève», en faveur des troisièmes, en les aidant dans la prospérité et en les délivrant.
* A l'introït de la messe de la Septuagésime.
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La Quinquagésime commence au jour où l'on chante Esto mihi in Deum protectorem,etc, et finit le jour même de Pâques. Elle a été instituée comme supplément, comme signe, et- comme figure. Comme supplément, comme nous devons jeûner quarante jours pour imiter J.-C. et qu'il se trouve seulement trente-six jours de jeûne, puisque la règle générale est de lie jeûner pas le dimanche, en signe de joie et par respect pour la résurrection, alors, à l'exemple de J.-C., qui, le jour même de la résurrection, a mangé par deux fois: 1. quand il est entré, les portes étant fermées, dans le lieu où étaient les apôtres, qui lui offrirent un morceau de poisson et un rayon de miel, et 2. avec les disciples d'Emmaüs, d'après l'opinion de,quelques-uns; alors, pour suppléer à ces dimanches, on ajouta: quatre jours. Et en outré, les clercs, convaincus qu'ils doivent l'emporter, en sainteté sur le reste du peuple, comme ils le surpassent par le sacrement de l'Ordre qui leur a été conféré, commencent à jeûner et à faire abstinence deux jours avant; ce qui fait une semaine entière; delà le nom de quinquagésime: et c'est, au témoignage de saint Ambroise, le pape Télesphore qui l'a ainsi réglé. L'autre raison est celle de la signification ou signe: la quinquagésime signifie le temps de rémission, c'est-à-dire, de pénitence où tout est semis. Or, la cinquantième année était celle du jubilé, ou de rémission, parce qu'alors les dettes étaient remises, (257) les esclaves étaient rendus à la liberté, et tous rentraient dans leurs biens. Cela laisse voir que par la pénitence les dettes des péchés sont remises; tous sont délivrés de l'esclavage du démon et rentrent en possession des célestes demeurés. La troisième raison est celle de la figure: car la quinquagésime n'est pas seulement la figure du temps de rémission, mais encore de l'état de béatitude. En la cinquantième année; les esclaves étaient rendus à la liberté; cinquante jours après que l'agneau eut été immolé, la loi a été donnée; cinquante jours après Pâques, le saint Esprit fut envoyé, donc ce nombre représente la béatitude, puisque avec lui vient l'acquisition: de la liberté, la connaissance de la vérité, et la perfection de la charité. En l'épître et en l'évangile de ce jour, trois choses nous sont représentées comme nécessaires, pour perfectionner: oeuvres de la pénitence, savoir, la charité dont les qualités nous sont exposées dans l'épître. Le souvenir de la Passion et la foi de l'aveugle guéri sont racontés dans l'Evangile. La foi en effet rend les pauvres elles-mêmes agréables à Dieu; elle est de nature à l'apaiser, parce que sans la foi il est impossible de plaire à Dieu; et le souvenir de la passion du Seigneur les rend faciles. Ce qui fait dire à saint Grégoire: «Si nous avons présente à la mémoire la Passion de J.-C., il n'y a rien que nous ne supportions avec égalité d'âme. La charité ranime continuellement nos oeuvres, parce que l'amour de Dieu, dit saint Grégoire, ne saurait être oisif; dès lors qu'il existe, il fait opérer de grandes choses; mais il cesse d'être, dès lors qu'il cesse d'agir.» Et , de même qu'au commencement, l'Eglise comme remplie de désespoir (258) criait: «Circumdederunt me gemitus mortis *, des gémissements de mort m'environnent,» peu après, revenant à elle, elle réclamait du secours, aujourd'hui elle a conçu de la confiance, et dans l'espoir d'obtenir le: pardon pour la pénitence, elle prie et dit: «Esto mihi in Deum protectorem**, soyez-moi un Dieu qui me protège;» et alors elle demande protection, force, refuge et direction. Tous ses enfants sont ou en grâce, ou en faute, ou dans le malheur, ou dans la prospérité. Pour ceux qui sont en, grâce, elle réclame la force, afin qu'ils soient corroborés en la grâce; pour ceux qui sont en état de faute, elle demande que Dieu soit leur refuge; pour ceux qui sont dans le malheur, elle implore sa protection, afin qu'ils soient protégés dans leurs tribulations; pour ceux qui sont dans la prospérité, elle demande direction, c'est-à-dire qu'ils se laissent conduire sans résistance par la main de Dieu. On a dit plus haut que la quinquagésime finissait au jour de Pâques, parce que la pénitence nous fait ressusciter à une nouvelle vie. Dans ce temps, on récite plus souvent qu'en tout autre, le Psaume L: Miserere, mei, Deus, qui est un psaume de pénitence, et de rémission.
*Introït de la septuagésime.
**Introït de la quinquagésime.
La quadragésime commence au dimanche où l'on chante: Invocavit me ****. L'Eglise, jusqu'alors accablée
*** Vulgairement carême.
**** Introït du 1er dimanche de carême.
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d'une multitude de tribulations, s'était écriée: Circumdederunt me, etc. *, et qui avait respiré en invoquant du secours quand elle disait. Exurge** et Esto mihi in Deum protectorem ***, montre aujourd'hui qu'elle a été exaucée puisqu'elle dit: «Elle m'a invoqué, et je l'exaucerai; je la sauverai et la comblerai de gloire, je la comblerai de jours.» Observons que le carême contient quarante-deux jours, en comptant les dimanches; si on retranche les six dimanches, il reste trente-six jours d'abstinence qui forment la- dixième partie de toute l'année; l'année étant de 365 jours dont 36 est le dixième mais on ajoute les quatre jours qui précèdent pour avoir le nombre sacré de 40 jours que le Sauveur a consacrés par son jeûne. Or, pourquoi ce nombre de 40 passé dans le jeûne? On peut en apporter trois raisons. La première est de saint Augustin. C'est parce que saint Mathieu énumère quarante générations en la généalogie de J.-C. Le Seigneur est descendu à nous en passant par quarante générations, afin que nous montions vers lui par quarante jours de jeûne. Le même père en assigne une autre raison. Afin d'arriver au terme de la cinquantaine; il faut ajouter un dixième au quadragénaire, parce que pour arriver au bienheureux repos, il nous faut travailler pendant tout le temps de la vie présente: Aussi le Seigneur est-il resté 40 jours avec ses disciples et le dixième jour suivant, il envoya le saint Esprit Paraclet ou consolateur. Maître Prévost assigne une troisième raison en
* Introït du dimanche de la septuagésime.
** Introït du dimanche de la sexagésime.
*** Introït du dimanche de la quinquagésime.
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sa Somme des offices: «Le monde, dit-il, est divisé en quatre parties, et l'année en quatre saisons; et il y a quatre éléments et quatre complexions. Or, nous avons transgressé,la loi nouvelle qui se compose des quatre évangiles, et la loi ancienne qui contient dix commandements: il faut donc que dix soit multiplié par quatre pour avoir 40, c'est-à-dire, que nous accomplissions, pendant toute cette vie, les commandements de la loi ancienne et de la nouvelle. Nous avons déjà dit que notre corps est composé de quatre éléments qui ont en nous, pour ainsi dire, quatre sièges, car le feu domine en nos yeux, l'air en la langue et les oreilles, l'eau dans les organes sexuels, la terre en nos mains et les autres membres. En nos yeux réside la curiosité; en la langue et les oreilles, les bouffonneries; dans les organes sexuels, la volupté; dans les mains et les autres membres, la cruauté. Le publicain les confesse et les avoue tontes quatre. Il se tient au loin pour confesser la luxure, qui est fétide: comme s'il disait: « Je n'ose approcher, Seigneur, de peur de sentir mauvais à votre odorat.» Il n'ose lever les yeux au ciel pour confesser sa curiosité. Quand il se frappe la poitrine de la main, il confesse la cruauté. Quand il dit: «Pardonnez-moi, Seigneur, je suis un pécheur», il avoue la bouffonnerie, car ordinairement on appelle les bouffons des pécheurs ou plutôt des lécheurs (Maître Prévost). Saint Grégoire, en ses homélies, donne quatre autres raisons: «Pourquoi, dit-il, observer quarante jours d'abstinence, si ce n'est parce que le décalogue n'a d'efficacité que par les quatre livres du saint évangile? Ce corps, mortel que nous avons est (261) formé de quatre éléments et par les voluptés de ce même corps, nous violons les commandements du Seigneur. Or, puisque nous avons méprisé les commandements, du décalogue par les désirs de la chair, il était juste que nous affligions cette même chair quatre fois . dix fois. A dater de ce jour jusqu'à Pâques, il y a six semaines ou bien 42 jours; en retranchant de cette abstinence les six jours de dimanche, il en reste trente-six; or, comme l'année se compose de 363 jours nous donnons à Dieu comme la dîme de notre année. Pourquoi maintenant ne pas garder le jeûne à l'époque où jeûna J.-C. qui. le commença immédiatement après son baptême? Pourquoi le continuons-nous plutôt jusqu'à Pâques? Maître Jean Beleth en assigne,quatre raisons dans sa Somme de l'office *, La première est que si nous voulons ressusciter avec J.-C. parla raison qu'il a souffert pour nous lui-même,mous devons aussi souffrir avec lui nous-mêmes. La seconde raison est pour imiter les enfants d'Israël, qui, à leur, sortie d'Egypte en premier lieu, et, à leur sortie de Babylone, en second lieu, célébrèrent la Pâque à chaque fois; de même aussi, pour les imiter, nous jeûnons à cette époque, pour mériter de sortir de l'Egypte et de la Babylonie, afin de passer de ce monde en la terre de l'héritage éternel. La troisième raison est que, au printemps, l'ardeur des passions nous brûle le plus souvent; il convient donc de jeûner en cette saison pour pouvoir maîtriser le corps. La quatrième raison, c'est que de suite après le jeûne, nous devons recevoir le corps du Seigneur.
* Ch. LXXVII.
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Or, comme les enfants d'Israël, avant de manger l'agneau pascal, se mortifiaient et mangeaient des laitues sauvages et amères, de même nous aussi, nous devons nous affliger parla pénitence avant que nous puissions manger dignement l'agneau de la vie.
JEUNE DES QUATRE-TEMPS
Ce fut le pape Calixte * qui institua les jeûnes des quatre-temps. On les observe quatre fois l'an aux quatre saisons, et pour bien des motifs: 1.le printemps est chaud et humide, l'été chaud et sec, l'automne froid et sec, l'hiver froid et humide: or, nous jeûnons au printemps, pour tempérer en nous l'humeur nuisible, qui est la luxure; à l'été, pour châtier la chaleur préjudiciable qui est l'avarice; à l'automne, pour tempérer la sécheresse de l'orgueil; à l'hiver, pour adoucir le froid de l'infidélité et de la malice. 2. Nous jeûnons quatre fois l'an et le premier de ces jeûnes a lieu en mars, savoir dans la première, semaine de carême, pour amollir en nous les vices, parce qu'on ne saurait les détruire entièrement; ou plutôt encore pour faire germer en nous les vertus. L'été ont lieu les seconds, dans la semaine de la Pentecôte, parce qu'alors est venu le Saint-Esprit et que nous devons être fervents dans le Saint-Esprit. Les troisièmes jeûnes s'observent en septembre, avant la fête de Saint-Michel, parce qu'on fait alors la récolte des fruits et que nous devons
* Dist. LXVI.
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rendre à Dieu les fruits des bonnes oeuvres. En décembre arrivent les quatrièmes, parce que les herbes meurent en cette saison 'et que nous devons mourir au monde. 3. Pour imiter les juifs. Ceux-ci jeûnaient quatre fois l'an, savoir, avant Pâques, avant la Pentecôte, avant la Scénophégie, on le dressement des tentes (fête des Tabernacles), en septembre, et avant la dédicace, en décembre. 4. Parce que l'homme est composé de quatre éléments quant au corps, et de trois puissances qui sont la rationnelle, la concupiscible, et l'irascible, quant à l'âme. Afin donc de les modérer en nous, nous jeûnons quatre fois l'an pendant trois jours pour rapporter le. nombre quatre au corps et le nombre trois à l'âme. Toutes ces raisons sont de M. Beleth *. 5. Saint Jean Damascène dit que le sang augmente en hiver, la bile en été, la mélancolie en automne, et le flegme en hiver. On jeûne en conséquence au printemps, pour débiliter en nous le sang de la concupiscence et de la folle joie; le sanguin en effet est libidineux et gai; au printemps, pour affaiblir en nous la bile de l'emportement et de la fausseté, le bilieux est naturellement colère et faux en automne, pour calmer la mélancolie de la cupidité et de la tristesse; le mélancolique en effet est naturellement cupide et triste; à l'hiver, pour diminuer le flegme de la stupidité et de la paresse, car le flegmatique est stupide et paresseux. 6. Le printemps est comparé à l'air, l'été au feu, l'automne à la terre, l'hiver à l'eau, nous jeûnons donc au printemps, pour dompter en nous l'air de l'élevation
* Chap. CXXXIV.
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et de l'orgueil; en été, pour éteindre en nous le feu de la cupidité et de l'avarice; à l'automne, pour vaincre la terre de froideur spirituelle et de ténébreuse ignorance; à l'hiver, pour détruire l'eau de la légèreté et de l'inconstance. 7. Le printemps a rapport à l'enfance, l'été à l'adolescence , l'automne à la maturité ou âge viril, l'hiver à la vieillesse; alors nous jeûnons au printemps afin d'être enfants par 1'innocence; à l'été, pour devenir jeunes parla constance et forts à éviter l'incontinence; à l'automne, pour devenir mûrs en modestie; à l'hiver, pour devenir vieux par la prudence et l'honnêteté de la vie; ou plutôt encore, nous jeûnons en hiver pour satisfaire en ce que nous avons offensé le Seigneur pendant les quatre autres âges. 8. Cette raison est de Guillaume d'Auxerre. Nous jeûnons aux quatre temps de l'année pour nous amender des fautes commises pendant ces quatre saisons. Ces jeûnes sont de trois jours pour satisfaire en un jour pour les fautes commises dans un mois. On jeûne le mercredi, jour où le Seigneur a été trahi par Judas; le vendredi, jour de son crucifiement, le samedi, jour où il resta dans le tombeau, et parce que les apôtres étaient dans la tristesse de la mort de leur Seigneur et maître.
La légende dorée - SAINTE PAULE *