S. Léon, textes choisis - A L'EMPEREUR LÉON, TOUJOURS AUGUSTE

A L'ÉVEQUE ANATOLIUS

Si vous aviez pris la résolution ferme et irrévocable de donner tous vos jours au salut commun, ces choses qui vous ont causé tant de chagrin ne vous seraient certainement pas arrivées. Nous n'avions aucune raison de dédaigner votre amitié; loin de là, nous aurions pris plaisir, dans notre amour pour la paix et dans notre zèle pour la foi, à vous prêter un bras secourable dans les premiers temps de votre épiscopat, désireux que nous étions d'avoir pour compagnon de nos travaux un frère semblable à ses dignes prédécesseurs: nous aurions voulu trouver réunies en vous la science de Jean, la vigueur d'Atticus, l'habileté de Proclus et la foi du bienheureux Flavien; nous aurions souhaité de vous voir veiller avec zèle à ce que personne n'attaquât la foi catholique, à ce que personne n'osât violer les saints canons des pères de Nicée. Mais après qu'on eut, comme vous le savez, porté aux canons cette atteinte qui a occasionné un grand scandale dans toutes les Églises, que pouvions faire de plus convenable et de plus humble que de vous engager, par des lettres dictées par un esprit tout fraternel, à ne point partager ces prétentions? En ne me répondant pas, vous vous êtes privé vous-même de notre correspondance. Mais si nous ne vous avons plus écrit, nous avons engagé, par de fréquentes lettres, notre prince très clément et gardien de la foi à vous persuader de faire pour la paix des Églises, que vous savez vous être très nécessaire, ce que vous voulez bien faire aujourd'hui; et nous en rendons d'ineffables actions de grâces à ce vertueux prince, qui, inspiré par le saint Esprit, dont les vertus l'animent, a daigné s'occuper de la paix des évêques, sachant que les prières qu'on ferait en sa faveur lui seraient plus profitables, si les serviteurs du vrai Dieu étaient tous unis par les liens de la véritable paix.

Vous m'apprenez que vous avez fait certains changements dans les offices des clercs de l'Église de Constantinople, que vous avez rendu au prêtre Aétius votre affection et vos bonnes grâces, et que vous avez privé André de l'archidiaconat; ces nouvelles me font plaisir, parce qu'elles prouvent que votre jugement, comme je le désirais, s'est redressé et s'est rendu recommandable. Après la correction, on doit oublier ce qui paraissait condamnable: nous oublierons donc que vous avez relevé les espérances des hérétiques, en conférant des dignités à quelques-uns d'entre eux, et en vous montrant injuste à l'égard du bienheureux Flavien, de sainte mémoire, puisque vous avez réparé vos fautes d'une manière glorieuse, comme je l'ai voulu, et que l'ordre a été rétabli. Si André, que vous avez justement privé de l'archidiaconat, et Eufratas, qui, comme nous l'avons découvert, s'est porté l'injuste accusateur du bienheureux Flavien, condamnent par écrit et d'une manière positive l'hérésie d'Eutychès et les exécrables dogmes de Nestorius, vous les ordonnerez prêtres, afin qu'ils sentent tout l'avantage de s'être convertis à la foi catholique. Vous conférerez auparavant la dignité d'archidiacre à une personne éprouvée et qui soit capable de la remplir, c'est-à-dire, dont la réputation soit pure de toute tache d'hérésie. Vous pourrez conserver dans leurs fonctions tous ceux qui, coupables comme André, solliciteront leur grâce en donnant une profession de foi et en condamnant leurs erreurs; mais n'oubliez pas que vous ne devez élever aux premières dignités ecclésiastiques que des hommes d'une foi éprouvée.

Quant à ce qu'on a voulu faire pour augmenter votre puissance, et sans participation, dites-vous, vous auriez pu éviter de partager cette faute, de la manière la plus efficace et la plus sincère, en ne vous en rapportant point aux seuls témoignages des clercs, qui ne pouvaient rien faire sans votre permission; car de même qu'on se laisse aller à écouter de mauvais conseillers, de même on se laisse persuader de commettre une faute. Mais nous sommes satisfaits, très cher frère, de vous voir condamner à cette heure ce qui, dans le temps, n'aurait jamais dû recevoir votre approbation. Votre volonté ferme de retourner aux bons principes, dont l'empereur très chrétien se rend caution, nous suffit, et votre repentir ne nous paraît point trop tardif, puisqu'un si grand prince s'en constitue le défenseur. Éloignez donc de votre coeur ce désir ambitieux qui n'a point été satisfait et qui a causé notre dissension. Les décrets providentiels des saints pères garantissent d'une manière suffisante à tous les évêques leurs droits et leurs antiques privilèges. Gardez l'amour de la charité du Christ, qu'Il grandisse dans votre coeur; nous vous y avons exhorté bien souvent avec notre frère et collègue Julien, catholique des plus fidèles, dont les talents pourront vous aider dans vos travaux et concourir à la conservation de la foi. Enfin, nous vous exhortons et nous vous avertissons avant tout d'entretenir la paix dans l'Église du Seigneur, en observant avec fidélité ceux des canons de Nicée qui concernent les privilèges et le rang d'honneur des évêques. La charité régnera inviolable parmi les prêtres du Seigneur, s'ils mettent tous le même zèle à conserver intacts les décrets des saints pères.

Fait le quatrième jour des calendes de juin, sous le consulat des très illustres Aétius et Studius.




S. Léon, textes choisis - A L'EMPEREUR LÉON, TOUJOURS AUGUSTE