1964 Lumen Gentium 23
23 L'unité collégiale apparaît aussi dans les relations mutuelles de chacun des évêques avec les Eglises particulières et avec l'Eglise universelle. Le pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles (30). Les évêques sont, chacun pour sa part, le principe et le fondement de l'unité dans leurs Eglises particulières (31); celles-ci sont formées à l'image de l'Eglise universelle, c'est en elles et à partir d'elles qu'existe l'Eglise catholique une et unique (32). C'est pourquoi chaque évêque représente son Eglise, et, tous ensemble, avec le pape, représentent l'Eglise universelle dans le lien de la paix, de l'amour et de l'unité.
Les évêques, chacun pour sa part, placés à la tête de chacune des Eglises particulières, exercent leur autorité pastorale sur la portion du peuple de Dieu qui leur a été confiée, et non sur les autres Eglises ou sur l'Eglise universelle. Mais, comme membres du collège épiscopal et légitimes successeurs des apôtres, chacun d'entre eux est tenu, à l'égard de l'Eglise universelle, de par l'institution et le précepte du Christ, à cette sollicitude(33) qui est, pour l'Eglise universelle, éminemment profitable, même si elle ne s'exerce pas par un acte de juridiction. Tous les évêques, en effet, doivent promouvoir et sauvegarder l'unité de la foi et la discipline commune de l'ensemble de l'Eglise, former les fidèles à l'amour envers tout le Corps mystique du Christ, surtout envers ses membres pauvres, souffrants, et envers ceux qui souffrent persécution pour la justice (cf. Mt 5,10), ils doivent enfin promouvoir toute l'activité qui est commune à l'ensemble de l'Eglise, surtout en vue du progrès de la foi et pour que la lumière de la pleine vérité se lève sur tous les hommes. D'ailleurs, il est bien établi que, en gouvernant leur propre Eglise comme une portion de l'Eglise universelle, ils contribuent efficacement au bien de tout le Corps mystique qui est aussi le Corps des Eglises (34).
Le soin d'annoncer l'Evangile sur toute la terre revient au corps des pasteurs: à eux tous, en commun, le Christ a donné mandat en leur imposant un devoir commun, selon ce que déjà le pape Célestin rappelait aux Pères du Concile d'Ephèse(35). C'est pourquoi les évêques, chacun pour sa part, dans toute la mesure où l'accomplissement de sa propre charge le lui permet, doivent accepter d'entrer en communauté d'effort entre eux et avec le successeur de Pierre, à qui a été confiée, à titre singulier, la charge considérable de propager le nom chrétien(36). C'est pourquoi ils doivent, de toutes leurs forces, contribuer à fournir aux missions, et les ouvriers de la moisson et les secours spirituels et matériels, tant par eux-mêmes directement qu'en suscitant la fervente coopération des fidèles. Il faut enfin que les évêques se prêtent volontiers, selon l'antique et vénérable exemple, à fournir, dans la communion universelle de la charité, un secours fraternel aux autres Eglises, surtout les plus proches et les plus dépourvues.
La divine Providence a voulu que les Eglises diverses établies en divers lieux par les apôtres et leurs successeurs se rassemblent au cours des temps en plusieurs groupes organiquement réunis, qui, sans préjudice pour l'unité de la foi et pour l'unique constitution divine de l'Eglise universelle, jouissent de leur propre discipline, de leur propre usage liturgique, de leur patrimoine théologique et spirituel. Certaines, parmi elles, notamment les antiques Eglises patriarcales, jouèrent le rôle de "matrices" de la foi en engendrant d'autres Eglises, comme leurs filles, avec lesquelles, jusqu'aujourd'hui, un lien plus étroit de charité les relie dans la vie sacramentelle et dans le respect mutuel des droits et des devoirs(37). Cette variété des Eglises locales montre avec plus d'éclat, par leur convergence dans l'unité, la catholicité de l'Eglise indivise. De même, les Conférences épiscopales peuvent, aujourd'hui, contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement.
Notes:
(30) Cf. Conc. Vat. I, Const. Dogm. Pastor aeternus: Denz. 1821 (DS 3050 s.)
(31) Cf. S Cyprien, Epist. 66, 8: csel (Hartel) III, 2, p. 733: "l'évêque est dans l'Eglise, et l'Eglise est dans l'évêque".
(32) Cf. S Cyprien, Epis. 55, 24: CSEL (Hartel) p.642, lin. 13 "l'Eglise une, répartie à travers le monde entier en une multitude de membres". Epist. 36, 4: CSEL (Hartel), p. 575, lin. 20-21.
(33) Cf. Pie XII, encyc. Fidei Donum, 21 apr. 1957: AAS 49 (1957), p.237.
(34) Cf. S Hilarius Pict. In Os 14,3: PL 9, 206 ; CSEL 22, p. 86 - S. Gregoire M. moral. IV, 7, 12: PL 75, 643 C. - Basile, In. Is 15,40 PG 30, 637 c.
(35) S. Coelestinus, Epist. 18, 1-2, ad Conc. PL 50, 505 Schwaertz, acta Conc. Oec. I, 1, 1, p. 22. Cf. Benedictus XV, epist. apost. Maximum illud AAS II (1919) p. 440. Pie XII, ency Fidei Donum, I,c.
(36) Léon XIII, encyc. Grande munus, 30 sept. 1880: ASS 13 (1880) p.145. cf. Cod. CIS 1327 CIS 1350 # 2.
(37) De iuribus Sediumù patriarchalium, cf. Conc Nicaenum, can. 6 de Alexandria et Antiochia et can. 7 de Hierosolymis: Conc. Oec. Decre. p.8 - Conc. Later, IV, anno 1215, Consqtitu. V: De dignitate patriarcharum: ibid. p. 212 - Conc. Ferr. Flor. ibid. p. 504 (38).
24 Les évêques étant successeurs des apôtres reçoivent du Seigneur, à qui tout pouvoir a été donné dans le ciel et sur la terre, la mission d'enseigner; toutes les nations et de prêcher l'Evangile à toute créature, afin que tous les hommes, par la foi, le baptême et l'accomplissement des commandements, obtiennent le salut (cf. Mt 28,18 Mc 16,15-16 Ac 26,17 s.). Pour remplir cette mission, le Christ Seigneur a promis aux apôtres l'Esprit-Saint, et, le jour de Pentecôte, l'a envoyé du ciel pour que,; grâce à sa vertu, les apôtres soient ses témoins jusqu'à l'extrémité de la terre devant les nations, les peuples et les rois (cf. Ac 1,8 Ac 2,1 Ac 9,15). Cette charge, confiée par le Seigneur aux pasteurs de son peuple, est un véritable service: dans la Sainte Ecriture, il est appelé expressément "diakonia" ou ministère (cf. Ac 1,17 Ac 1,25 Ac 21,19 Rm 11,13 1Tm 1,12).
La mission canonique des évêques peut être donnée, soit par le moyen des coutumes légitimes que le pouvoir suprême et universel de l'Eglise n'a pas révoquées, ou par le moyen des lois que cette même autorité a portées ou reconnues, ou directement par le successeur de Pierre lui-même ; si celui-ci s'y oppose ou refuse la communion apostolique, les évêques ne peuvent pas être mis en charge(38).
Notes:
(38) Cf. Cod. Iuris pro Eccl. Orient. c. 216-314: de Patriarchis ; c. 324-339: de Archipiscopis maioriibus ; c. 362-391: de allis dignitaris ; in specie, c. 238 # 3; 216, 240, 251, 255: de Episcopis a Pariarcha nominandis.
25 Parmi les charges principales des évêques, la prédication de l'Evangile est la première(39). Les évêques sont, en effet, les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples ; et les docteurs authentiques, c'est-à-dire pourvus de l'autorité du Christ, qui prêchent, au peuple à eux confié, la foi qui doit régler leur pensée et leur conduite, faisant rayonner cette foi sous la lumière de l'Esprit-Saint, dégageant du trésor de la Révélation le neuf et l'ancien (cf. Mt 13,52), faisant fructifier la foi, attentifs à écarter toutes les erreurs qui menacent leur troupeau( cf. 2Tm 4,1-4). Les évêques qui enseignent en communion avec le Pontife romain ont droit, de la part de tous, au respect qui convient à des témoins de la vérité divine et catholique ; les fidèles doivent s'attacher à la pensée que leur évêque exprime, au nom du Christ, en matière de foi et de moeurs, et ils doivent lui donner l'assentiment religieux de leur esprit. Cet assentiment religieux de la volonté et de l'intelligence est dû, à un titre singulier, au magistère authentique du Souverain Pontife, même lorsque celui-ci ne parle pas ex cathedra, ce qui implique la reconnaissance respectueuse de son suprême magistère, et d'adhésion sincère à ses affirmations, en conformité à ce qu'il manifeste de sa pensée et de sa volonté et que l'on peut déduire en particulier du caractère des documents, ou de l'insistance à proposer une certaine doctrine, ou de la manière même de s'exprimer.
Quoique les évêques, pris un à un, ne jouissent pas de la prérogative de l'infaillibilité, cependant, lorsque, même dispersés à travers le monde, mais gardant entre eux et avec le successeur de Pierre le lien de la communion, ils s'accordent pour enseigner authentiquement qu'une doctrine concernant la foi et les moeurs s'impose de manière absolue, alors, c'est la doctrine du Christ qu'infailliblement ils expriment(40). La chose est encore plus manifeste quand, dans le Concile oecuménique qui les rassemble, ils font, pour l'ensemble de l'Eglise, en matière de foi et de moeurs, acte de docteurs et de juges, aux définitions desquels il faut adhérer dans l'obéissance et la foi(41).
Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Eglise pour définir la doctrine concernant la foi et les moeurs, s'étend aussi loin que le dépôt lui-même de la Révélation divine à conserver saintement et à exposer fidèlement. De cette infaillibilité, le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22,32), il proclame, par un acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les moeurs(42). C'est pourquoi les définitions qu'il prononce sont dites, à juste titre, irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Eglise, étant prononcées sous l'assistance du Saint-Esprit à lui promise en la personne de saint Pierre, n'ayant pas besoin, par conséquent, d'une approbation d'autrui, de même qu'elles ne peuvent comporter d'appel à un autre tribunal. En effet, le Pontife romain ne prononce pas une sentence en tant que personne privée, mais il expose et défend la doctrine de la foi catholique(43), en tant qu'il est, à l'égard de l'Eglise universelle, le maître suprême en qui réside, à titre singulier, le charisme d'infaillibilité qui est celui de l'Eglise elle-même. L'infaillibilité promise à l'Eglise réside aussi dans le corps des évêques quand il exerce son magistère suprême en union avec le successeur de Pierre. A ces définitions, l'assentiment de l'Eglise ne peut jamais faire défaut, étant donné l'action du même Esprit Saint qui conserve et fait progresser le troupeau entier du Christ dans l'unité de la foi(44).
Lorsque le Pontife romain, ou le corps des évêques avec lui, portent une définition, ils le font conformément à la Révélation elle-même à laquelle tous doivent se tenir et se conformer, Révélation qui est transmise intégralement, sous forme écrite ou par tradition, par la succession légitime des évêques, et, avant tout, par le soin du Pontife romain lui-même ; à la lumière de l'Esprit de vérité cette Révélation est scrupuleusement conservée dans l'Eglise et fidèlement présentée(45). Pontife romain et les évêques s'appliquent avec zèle à scruter consciencieusement et à énoncer correctement cette Révélation, dans la conscience de leur devoir et de la gravité de la chose, en ayant recours aux moyens convenables (46); ils ne reçoivent, comme appartenant au dépôt divin de la foi, aucune nouvelle révélation publique(47).
Notes:
(39) Cf. Conc. Trid. Decre. de reform. sess. 5, c.2, n. 9 et sess. 24, can. 4 ; Conc. Oec. Decr. pp; 645 et 739.
(40) Cf. Conc. Vat. I Const. dogm. Dei Filius:; Denz. 1712 (DS 3011). cf. nota adiecta ad schema I de Eccl. (desumpta ex. S rob. Bellarmin) Mansi 51, 579 c ; necnon Schema reformatum Const. II de Ecclesia Christi, cum commentario Kleutgen: Mansi 53, 313 Pie IX, epist. Tuas libenter: Denz. 1683 (DS 2879).
(41) Cf. Cod. Iur. Can. CIS 1322-1323.
(42) Cf. Conc. Vat. I Const. dogm. Pastor Aeternus: Denz 1839 (DS 3074)
(43) Cf. explicatio Gasser in Conc. Vat. I: Mansi 1214 A.
(44) Gasser, ib. Mansi 1214 A.
(45) " " " Mansi 1215 CD 1216-1217 A.
(46) " " " Mansi 1213.
(47) Conc. Vat. I Consti. dogm. Pastor aeternus 4, Denz. 1836 (DS 3070)
26 L'évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l'Ordre, porte "la responsabilité de dispenser la grâce du suprême sacerdoce"(48), en particulier dans l'Eucharistie qu'il offre lui-même ou dont il assure l'oblation(49), et d'où vient à l'Eglise continuellement vie et croissance. Cette Eglise du Christ est vraiment présente en tous les légitimes groupements locaux de fidèles qui, unis à leurs pasteurs, reçoivent, dans le Nouveau Testament, eux aussi, le nom d'Eglises(50). Elles sont, en effet, chacune sur son territoire, le peuple nouveau appelé par Dieu dans l'Esprit-Saint et dans une grande assurance (cf. 1Th 1,5). En elles, les fidèles sont rassemblés par la prédication de l'Evangile du Christ, le mystère de la Cène du Seigneur est célébré "pour que, par le moyen de la Chair et du Sang du Seigneur, se resserre, en un seul Corps, toute fraternité(51). Chaque fois que la communauté de l'autel se réalise en dépendance du ministère sacré de l'évêque(52), se manifeste le symbole de cette charité et "de cette unité du Corps mystique sans laquelle le salut n'est pas possible"(53). Dans ces communautés, si petites et pauvres qu'elles puissent être souvent ou dispersées, le Christ est présent par la vertu de qui se constitue l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique(54). Car "la participation au Corps et au Sang du Christ n'a pas d'autre effet que de nous transformer en ce que nous recevons (55)".
Mais toute célébration légitime de l'Eucharistie est dirigée par l'évêque à qui a été confiée la charge de présenter à la Majesté divine le culte de la religion chrétienne et de le régler selon les préceptes du Seigneur et selon les lois de l'Eglise, auxquelles il apporte pour son diocèse, par son jugement particulier, les déterminations ultérieures.
Aussi, les évêques, en priant et travaillant pour leur peuple, répandent sur lui en abondance et sous des formes diverses ce qui vient de la plénitude de la sainteté du Christ. Par le ministère de la parole, ils communiquent aux croyants, en vue de leur salut (cf. Rm 1,16), la force de Dieu et, par les sacrements dont ils organisent, par leur autorité, la distribution régulière et féconde(56), ils sanctifient les fidèles. Ils règlent la célébration du baptême, où est donnée participation au sacerdoce royal du Christ. Ils sont les ministres originaires de la confirmation ; ce sont eux qui donnent les saints ordres et règlent la discipline de la pénitence et s'emploient avec zèle, par l'exhortation et l'instruction, à ce que leurs peuples prennent, dans la foi et le respect, la part qui est la leur dans la liturgie et surtout dans le saint sacrifice de la messe. Ils doivent enfin donner à ceux à la tête desquels ils sont placés, le bénéfice de leur exemple, se gardant dans leur conduite de tout mal, et autant qu'ils le peuvent, avec l'aide de Dieu, se convertissant au bien, en sorte qu'ils parviennent, avec le troupeau qui leur est confié, à la vie éternelle(57).
Notes:
(48) Oratio consecrationis episcopalis in ritu bysantino: Euchologion to mega, Romae 1873, p. 139.
(49) Cf. S Ignace M. smyrn, 8, 1 : Funk I, p. 282
(50) Cf. Ac 8,1 Ac 14,22-23 Ac 20,17 cf. passim.
(51) Cf. Oratio mozarabica: PL 96, 759 B.
(52) Cf. S Ignace M Smyrn 8, 1 ; Funk I, p. 282
(53) S Thomas, Summa Theol. III 73,3
(54) Cf. S Augustin, C Faustum, 12, 20: PL 42, 265 ; Serm.57, 7: PL 38, 389, etc.
(55) S. Léon M Serm. 63, 7: PL 54, 357 c.
(56) Traditio Apostolica Hippolyti 2-3 ; Botte, pp. 26-30
(57) cf. "texte de l'examen au début de la consécration épiscopale et oraison à la fin de la messe de la consécration épiscopale
27 Chargés des Eglises particulières comme vicaires et légats du Christ, les évêques les dirigent (58) par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l'exercice du pouvoir sacré, dont l'usage cependant ne leur appartient qu'en vue de l'édification en vérité et en sainteté de leur troupeau, se souvenant que celui qui est le plus grand doit se faire comme le plus petit, et celui qui commande, comme le serviteur (cf. Lc 22,26-27).
Ce pouvoir qu'ils exercent personnellement au nom du Christ est un pouvoir propre, ordinaire et immédiat: il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de l'autorité suprême de l'Eglise et, en considération de l'utilité de l'Eglise ou des fidèles, il peut être, par cette autorité, resserré en certaines limites. En vertu de ce pouvoir, les évêques ont le droit sacré, et devant Dieu le devoir, de porter des lois pour leurs sujets, de rendre les jugements et de régler tout ce qui concerne l'Ordre du culte et de l'apostolat.
La charge pastorale, c'est-à-dire le soin habituel et quotidien de leurs brebis, leur est pleinement remise ; on ne doit pas les considérer comme les vicaires des Pontifes romains, car ils exercent un pouvoir qui leur est propre et, en toute vérité, sont, pour les peuples qu'ils dirigent, des chefs(59). Ainsi, leur pouvoir n'est nullement effacé par le pouvoir suprême et universel ; au contraire, il est affermi, renforcé et défendu par lui(60), la forme établie par le Christ Seigneur pour le gouvernement de son Eglise étant indéfectiblement assurée par l'Esprit-Saint.
Envoyé par le père de famille pour gouverner les siens, l'évêque doit garder devant ses yeux l'exemple du bon Pasteur venu, non pas pour se faire servir, mais servir (cf. Mt 20,28 Mc 10,45), et donner sa vie pour ses brebis (cf. Jn 10,11). Pris parmi les hommes et enveloppé de faiblesse, il peut se montrer indulgent envers les ignorants et les égarés (cf. He 5,1-2). Qu'il ne répugne pas à écouter ceux qui dépendent de lui, les entourant comme de vrais fils et les exhortant à travailler avec lui avec ardeur. Destiné à rendre compte à Dieu de leurs âmes (cf. He 12,17), que sa sollicitude s'étende, par la prière, la prédication et toutes les oeuvres de charité, soit à eux, soit également à ceux qui ne sont pas encore de l'unique troupeau et qu'il doit considérer comme lui étant confiés dans le Seigneur. Etant comme l'apôtre Paul débiteur à l'égard de tous, qu'il soit prompt à annoncer l'Evangile à tous (cf. Rm 1,14-15) en engageant tous ses fidèles à une activité apostolique et missionnaire. Quant aux fidèles, ils doivent s'attacher à leur évêque comme l'Eglise à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père, afin que toutes choses conspirent dans l'unité(61) et soient fécondes pour la gloire de Dieu (cf. 2Co 4,15).
Notes:
(58) Benoit XIV Br. Romana Ecclesi 5 Oct. 1752 # 1 "l'évêque "l'évêque représente la figure du Christ et accomplit sa fonction" - Pie XII, encyc. Mystici Corporis 1. c. p. 211: "les évêques paissent et régissent les troupeaux qui leur sont confiés, chacun le sien"
(59) Léon XIII, encycl. Satis cognitum, 29 Juin 1896: ASS 28 (1895-96), p. 732.Idem. epist. Officio sanctissimo, 22 déc. 1887; ASS 2O (1887) p. 264. Pie IX, litt. apost. ad Episcopos Germaniae 12 mars 1875, et alloc. consist. 15 mars 1875 ; DS 3112-3117 in nova ed. tantum.
(60) Conc. Vat. I consti. dogm. Pastor aeternus, 3 ; Denz. 1828 (DS 3061). Cf. Relatio Zinelli.
(61) cf. S Ignace M Ad ephes. 5, 1 : Funk I, p. 216.
28 Le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jn 10,36), a, par les apôtres, fait leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, participants de sa consécration et de sa mission(62). A leur tour, les évêques ont légitimement transmis, à divers membres de l'Eglise, et suivant des degrés divers, la charge de leur ministère. C'est ainsi que le ministère ecclésiastique, institué par Dieu, est exercé ans la diversité des ordres par ceux que déjà depuis l'antiquité on appelle évêques, prêtres, diacres(63). Tout en n'ayant pas la charge suprême du pontificat et tout en dépendant des évêques dans l'exercice de leur pouvoir, les prêtres leur sont cependant unis dans la dignité sacerdotale(64) ; et par la vertu du sacrement de l'Ordre(65), à l'image du Christ prêtre suprême et éternel (He 5,1-10 He 7,24 He 9,11-28), ils sont consacrés pour prêcher l'Evangile, pour être les pasteurs des fidèles et pour célébrer le culte divin en vrais prêtres du Nouveau Testament(66). Participant, à leur niveau de ministère, de la charge de l'unique Médiateur qui est le Christ (1Tm 2,5), ils annoncent à tous la parole de Dieu. C'est dans le culte ou synaxe eucharistique que s'exerce par excellence leur charge sacrée: là, agissant en nom et place du Christ(67) et proclamant son mystère, ils réunissent les demandes des fidèles au sacrifice de leur chef, rendant présent et appliquant dans le sacrifice de la messe, jusqu'à ce que le Seigneur vienne (cf. 1Co 11,26), l'unique sacrifice du Nouveau Testament, celui du Christ s'offrant une fois pour toutes à son Père en victime immaculée (cf. He 9,11-28)(68). En faveur des fidèles pénitents ou malades, ils remplissent, à un titre éminent, le ministère de la réconciliation et du soulagement ; ils présentent à Dieu le Père les besoins et les prières des fidèles (cf. He 5,1-4). Exerçant, pour la part d'autorité qui est la leur, la charge du Christ, pasteur et chef(69), ils rassemblent la famille de Dieu, fraternité qui n'a qu'une âme(70), et, par le Christ, dans l'Esprit, ils la conduisent à Dieu le Père. Ils rendent à Dieu le Père, au milieu de leur troupeau, l'adoration en esprit et en vérité (cf. Jn 4,24). Enfin, ils peinent à la parole et à l'enseignement (cf. 1Tm 5,17), croyant en ce qu'ils trouvent, par la lecture et la méditation, dans la loi du Seigneur, enseignant ce qu'ils croient, pratiquant ce qu'ils enseignent(71).
Coopérateurs avisés de l'Ordre épiscopal(72) dont ils sont l'aide et l'instrument, appelés à servir le peuple de Dieu, les prêtres constituent, avec leur évêque, un seul presbyterium(73) aux fonctions diverses. En chaque lieu où se trouve une communauté de fidèles, ils rendent d'une certaine façon présent l'évêque auquel ils sont associés d'un coeur confiant et généreux, assumant pour leur part ses charges et sa sollicitude, et les mettant en oeuvre dans leur souci quotidien des fidèles. Sanctifiant et dirigeant, sous l'autorité de l'évêque, la portion du troupeau du Seigneur qui leur est confiée, c'est l'Eglise universelle qu'ils rendent visible aux lieux où ils sont, et c'est le Corps entier du Christ à l'édification duquel (cf. Ep 4,12) ils contribuent efficacement. Sans cesse tendus vers ce qui est le bien des fils de Dieu, ils doivent mettre leur zèle à contribuer à l'oeuvre pastorale du diocèse entier, bien mieux, de toute l'Eglise. En raison de cette participation au sacerdoce et à la mission de leur évêque, les prêtres doivent reconnaître en lui leur père et lui obéir respectueusement. L'évêque lui, doit considérer les prêtres, ses coopérateurs, comme des fils et des amis, tout comme le Christ appelle ses disciples non plus serviteurs, mais amis (cf. Jn 15,15). Tous les prêtres, par conséquent, tant diocésains que religieux, en raison de l'Ordre et du ministère, sont articulés sur le corps des évêques et, selon leur vocation et leur grâce, sont au service du bien de l'Eglise entière.
Une intime fraternité lie entre eux tous les prêtres en raison de la communauté d'ordination et de mission: cette fraternité doit se manifester spontanément et volontiers sous forme d'aide mutuelle tant spirituelle que matérielle, tant pastorale que personnelle, dans les réunions et la communion de vie, de travail et de charité.
De leurs fidèles qu'ils ont engendrés spirituellement par le baptême et l'enseignement (cf. 1Co 4,15 1P 1,23), les prêtres doivent avoir, dans le Christ, un souci paternel. Se faisant l'exemple du troupeau (1P 5,3), ils doivent diriger et servir leurs communautés locales, de telle sorte qu'elles puissent être dignes de recevoir le nom qui marque l'unique peuple de Dieu en sa totalité: l'Eglise de Dieu (cf. 1Co 1-2 2Co 1,1 cf. passim). Qu'ils se souviennent qu'ils doivent, par leur comportement quotidien et leur sollicitude, montrer aux fidèles et aux infidèles, aux catholiques et aux non-catholiques, le visage d'un ministère vraiment sacerdotal et pastoral, et rendre à tous le témoignage de la vérité et de la vie ; être également comme de bons pasteurs en quête (cf. Lc 15,4-7) de ceux qui, malgré le baptême reçu dans l'Eglise, ont abandonné la pratique des sacrements ou même la foi.
Et comme le genre humain, aujourd'hui de plus en plus, tend à l'unité civile, économique et sociale, les prêtres ont le devoir d'autant plus pressant d'unir leurs préoccupations et leurs moyens sous la conduite des évêques et du Souverain Pontife, pour écarter toute forme de division et amener l'humanité entière à l'unité de la famille de Dieu.
Notes:
(62) cf. S Ignace M Ad Ephes 6, 1 ; Funk I p. 218.
(63) Cf. Conc. Trid. Sess. 23, De sacr. Ord. c. 2 Denz. 958 (DS 1765) ; et can. 6: Denz. 966 (DS 1776).
(64) Cf. Innocent I, Epist. ad Decentiumù: PL 2O, 554 A ; Mansi 3, 1029 ; Denz. 98 (DS 215): "Tout en appartenant au sacerdoce au titre du second ordre, les prêtres n'ont pas la charge suprême du pontificat " S. Cyprien, Epist. 61, 3 :: CSEL (Hartel), p. 696.
(65) Cf. Conc. Trid. I. c. Denz. 956a-968 (DS 1763-1778), et in specie can. 7: Denz. 967 (DS 1777). Pie XII, Const. apost. Sacramentum Ordinis: Denz. 2301 (DS 3857-3861).
(66) Cf. Innocent I, 1.c. S Grégoire de Naz. apol. II, 22: PG 35, 432 B Dionysius, Ecc. Hier. 1, 2 : PG 3, 372 D
(67) Cf. Conc. Trid. sess. 22: Denz. 940 (DS 1743). Pie XII, encyc. mediator Dei, 20 Nov. 1947 ; AAS 39 (1947), p. 553 ; Denz. 2300 (DS 3850).
(68) Cf. Cf. Conc. Trid. sess. 22: Denz 938 (DS 1739-1740). Conc. Vat. II, Cons. De Sacra Liturgia, SC 7 SC 47.
(69) Cf. Pie XII, encyc. Mediator Dei, I, c. sub. n. 67
(70) Cf. S Cyprien, Epis. 11, 3: PL 4, 242 B ; CSEL (Hartel) II, 2, p.497.
(71) "ordination des prêtres, à l'imposition des vêtements)
(72) " " " , préface consécratoire"
(73) Cf. S Ignace M. Philad. 4: Funk I, p. 266 S Cornelius I, apud S Cyprien Epis. 48, 2: CSEL (Hartel) III, 2, p. 610.
29 Au degré inférieur de la hiérarchie, se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains "non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du service (74)." La grâce sacramentelle, en effet, leur donne la force nécessaire pour servir le peuple de Dieu dans la "diaconie" de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l'évêque et son presbyterium. Selon les dispositions prises par l'autorité qualifiée, il appartient aux diacres d'administrer solennellement le baptême, de conserver et distribuer l'Eucharistie, d'assister, au nom de l'Eglise, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Ecriture, d'instruire et exhorter le peuple, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. Consacrés aux offices de la charité et d'administration, les diacres ont à se souvenir de l'avertissement de saint Polycarpe: "être miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s'est fait le serviteur de tous"(75).
Comme la discipline actuellement en vigueur dans l'Eglise latine rend difficile, en plusieurs régions, l'accomplissement extrêmement nécessaire à la vie de l'Eglise, le diaconat pourra, dans l'avenir, être rétabli en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie. C'est à la compétence des groupements territoriaux d'évêques, sous leurs formes diverses, qu'il appartient, avec l'approbation du Souverain Pontife, de décider de l'opportunité, quant aux principes et quant aux lieux, et pour le soin des âmes, de l'institution de ces diacres. Si le Pontife romain y consent, ce diaconat pourra être conféré à des hommes mûrs, même mariés, ainsi qu'à des jeunes gens aptes à cet office, mais pour lesquels la loi du célibat doit demeurer ferme.
Notes:
(74) Constitutiones Ecclesiae aegytiacae, III, 2 : Funk, Didasca lia, II, p. 103 - Statuta Eccl. Ant. 37-41 ; Mansi 3, 954.
(75) S Polycarpe, Ad Ph 5,2: Funk I, p. 300 "l'auteur dit: "Le Christ s'est fait le diacre - serviteur - de tous"" Cf. Didaché, 15, 1 : ib. p. 32. S Ignace M Trall. 2, 3 : ib. p. 242. Constitutiones Apostolorum, 8, 28, 4: Funk, Didascalia.
30 Le saint Concile, ayant précisé les fonctions de la hiérarchie, se plaît à tourner sa pensée vers la condition de ces chrétiens qui portent le nom de laïcs. Si, en effet, tout ce qui a été dit du peuple de Dieu concerne à titre égal laïcs, religieux et clercs, cependant aux laïcs, hommes et femmes, en raison de leur condition et de leur mission, reviennent en particulier un certain nombre de choses dont les circonstances spéciales à notre temps obligent d'étudier de plus près les fondements. Les pasteurs sacrés savent bien l'importance de la contribution des laïcs au bien de l'Eglise entière. Ils savent qu'ils n'ont pas été eux-mêmes institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l'ensemble de la mission salutaire de l'Eglise à l'égard du monde, leur tâche magnifique consistant à comprendre leur mission de pasteurs à l'égard des fidèles et à reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l'unité apporte son concours à l'oeuvre commune. "Il faut, en effet, que tous, par la pratique d'une charité sincère, nous grandissions de toutes manières vers celui qui est la tête, le Christ dont le corps tout entier, grâce à tous les ligaments qui le desservent, tire cohésion et unité et, par l'activité assignée à chacun de ses organes, opère sa propre croissance pour s'édifier lui-même dans la charité" (Ep 4,15-16).
31 Sous le nom de laïcs, on entend ici l'ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l'Ordre sacré et de l'état religieux sanctionné dans l'Eglise, c'est-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l'Eglise et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien.
Le caractère séculier est le caractère propre et particulier des laïcs. En effet, même si parfois ils peuvent se trouver engagés dans les choses du siècle, même en exerçant une profession séculière, les membres de l'Ordre sacré restent, en raison de leur vocation particulière, principalement et expressément ordonnés au ministère sacré ; les religieux, de leur côté, en vertu de leur état, attestent d'une manière éclatante et exceptionnelle que le monde ne peut se transfigurer et être offert à Dieu en dehors de l'esprit des Béatitudes. La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu. Ils vivent au milieu du siècle, c'est-à-dire engagés dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée. A cette place, ils sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit évangélique, et pour manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie, rayonnant de foi, d'espérance et de charité. C'est à eux qu'il revient, d'une manière particulière, d'éclairer et d'orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu'elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur.
1964 Lumen Gentium 23