1964 Lumen Gentium 42


CHAPITRE VI

LES RELIGIEUX



La profession des conseils évangéliques dans l'Eglise

43 Les conseils évangéliques de chasteté vouée à Dieu, de pauvreté et d'obéissance, étant fondés sur les paroles et les exemples du Seigneur, et ayant la recommandation des apôtres, des Pères, des docteurs et des pasteurs de l'Eglise, constituent un don divin que l'Eglise a reçu de son Seigneur et que, par sa grâce, elle conserve fidèlement. L'autorité de l'Eglise, sous la conduite de l'Esprit-Saint, a veillé elle-même à en fixer la doctrine et régler la pratique, instituant même des formes de vie stables sur la base de ces conseils. Comme un arbre qui se ramifie de façons admirables et multiples dans le champ du Seigneur à partir d'un germe semé par Dieu, se développèrent ainsi des formes variées de vie solitaire ou commune, des familles diverses dont le capital spirituel profite à la fois aux membres de ces familles et au bien de tout le Corps du Christ(1). Ces familles assurent à leurs membres les secours d'une plus grande stabilité dans leur forme de vie, d'une doctrine éprouvée pour atteindre la perfection, d'une communion fraternelle dans la milice du Christ, d'une liberté fortifiée par l'obéissance afin de pouvoir remplir avec sécurité et garder fidèlement leur profession religieuse en avançant dans la joie spirituelle sur la route de la charité(2).

Cet état de vie, compte tenu de la constitution divine et hiérarchique de l'Eglise, ne se situe pas entre la condition du clerc et celle du laïc ; Dieu appelle des fidèles du Christ de l'une et de l'autre condition pour jouir dans la vie de l'Eglise de ce don spécial et servir à la mission salutaire de l'Eglise, chacun à sa manière(3).

Notes:
(1) Cf. Rosweydus, Vitae Patrum, Antwerpiae, 1628. Apophtegmata Patrum PG 65. Palladius Historia Lausiaca: PG 34,995 ss. CBUtler, Cambridge 1898 (1904). Pie XI, Const. apost. Umbratlem, 8 Juill 1924: AAS 16 (194), pp. 386-387. Pie XII, alloc. Nous sommes heureux, 11 apr. 1958: AAS 50 (1958), p.566.
(2) Paul VI, alloc. Magno gaudio, 23 mai 1964: AAS 56 (1964), p. 566.
(3) Cf. Cod. Iur. Can.
CIS 487 CIS 488. Pie XII, alloc . Annus sacer. 8 déc. 1950: AAS 43 (1951) pp. 27 a. Pie XII, Const. apost. Provida Mater, 2 fév. 1947: AAS 39 (947) pp. 120 ss.



Nature et importance de l'état religieux dans l'Eglise

44 Par les voeux ou d'autres engagements sacrés assimilés aux voeux suivant leur mode propre, le fidèle du Christ s'oblige à la pratique des trois conseils évangéliques susdits: il se livre ainsi entièrement à Dieu, aimé par-dessus tout, pour être ordonné au service du Seigneur et à son honneur à un titre nouveau et particulier. Le baptême déjà l'avait fait mourir au péché et consacré à Dieu, mais pour pouvoir recueillir en plus grande abondance le fruit de la grâce baptismale, il veut, par la profession des conseils évangéliques faite dans l'Eglise, se libérer des surcharges qui pourraient le retenir dans sa recherche d'une charité fervente et d'un culte parfait à rendre à Dieu, et il se consacre plus intimement au service divin(4). Cette consécration sera d'autant plus parfaite que des liens plus fermes et plus stables reproduisent davantage l'image du Christ uni à l'Eglise son Epouse par un lien indissoluble.

Mais comme les conseils évangéliques, grâce à la charité à laquelle ils conduisent(5), unissent de manière spéciale ceux qui les pratiquent à l'Eglise et à son mystère, leur vie spirituelle doit se vouer également au bien de toute l'Eglise. D'où le devoir de travailler, chacun selon ses forces et selon la forme de sa propre vocation, soit par la prière, soit aussi par son activité effective, pour enraciner et renforcer le règne du Christ dans les âmes, et le répandre par tout l'univers. C'est pourquoi l'Eglise défend et soutient le caractère propre des divers instituts religieux.

La profession des conseils évangéliques apparaît en conséquence comme un signe qui peut et doit exercer une influence efficace sur tous les membres de l'Eglise dans l'accomplissement courageux des devoirs de leur vocation chrétienne. En effet, comme le peuple de Dieu n'a pas ici-bas de cité permanente, mais est en quête de la cité future, l'état religieux, qui assure aux siens une liberté plus grande à l'égard des charges terrestres, plus parfaitement aussi: manifeste aux yeux de tous les croyants les biens célestes déjà présents en ce temps, atteste l'existence d'une vie nouvelle et éternelle acquise par la Rédemption du Christ, annonce enfin la résurrection à venir et la gloire du royaume des cieux. De plus, cet état imite de plus près et représente continuellement dans l'Eglise cette forme de vie que le Fils de Dieu a prise en venant au monde pour faire la volonté du Père et qu'il a proposée aux disciples qui le suivaient. Il fait voir enfin d'une manière particulière comment le règne de Dieu est élevé au-dessus de toutes les choses terrestres et ses nécessités les plus grandes ; il montre à tous les hommes la suréminente grandeur de la puissance du Christ-Roi et la puissance infinie de l'Esprit-Saint qui agit dans l'Eglise de façon admirable.

L'état de vie constitué par la professions des conseils évangéliques, s'il ne concerne pas la structure hiérarchique de l'Eglise, appartient donc cependant inséparablement à sa vie et à sa sainteté.

Notes:
(4) Paul VI, I.c. p. 567.
(5) Cf. S. Thomas, Summa Theol. II-II 184,3 II-II 188,2.



L'autorité de l'Eglise à l'égard des religieux

45 La fonction de la hiérarchie dans l'Eglise étant celle de pasteurs du peuple de Dieu qui conduisent aux très riches pâturages (cf. Ez 34,14), c'est à elle qu'il revient d'instituer les lois qui régleront sagement la pratique des conseils évangéliques, instrument singulier au service de la charité parfaite envers Dieu et envers le prochain(6). Suivant avec docilité les impulsions de l'Esprit-Saint, elle accueille les règles proposées par des hommes ou des femmes de premier ordre et, après leur mise au point plus parfaite, elle leur donne une approbation authentique ; enfin, avec autorité elle est là pour veiller et étendre sa protection sur les instituts créés un peu partout en vue de l'édification du Corps du Christ, afin que dans la fidélité à l'esprit de leurs fondateurs ils croissent et fleurissent.

Par ailleurs, pour qu'il soit mieux pourvu aux nécessités du troupeau du Seigneur dans son ensemble, le Souverain Pontife peut, en raison du primat qui est le sien sur l'Eglise universelle, et en considération de l'intérêt commun, soustraire tout institut de perfection et chacun de ses sujets à la juridiction des Ordinaires du lieu et se le subordonner à soi seul(7). De même ils peuvent être laissés ou confiés à la charge de leur propre autorité patriarcale. Quant aux membres des instituts, ils doivent, dans l'accomplissement de leurs devoirs envers l'Eglise selon leur forme particulière de vie, observer à l'égard des évêques, selon les lois canoniques, la révérence et l'obéissance qui leur sont dues à cause de leur autorité pastorale sur les Eglises particulières et à cause de l'unité et de la concorde nécessaires dans le travail apostolique(8).

L'Eglise n'apporte pas seulement à la profession religieuse la sanction qui lui donne la dignité d'un état canonique de vie ; par sa liturgie elle-même, elle la présente comme un état de consécration à Dieu. Elle reçoit elle-même, au nom de l'autorité que Dieu lui a confiée, les voeux de ceux qui émettent leur profession ; dans sa prière publique elle demande pour eux à Dieu les secours et la grâce, elle les recommande à Dieu et leur accorde une bénédiction spirituelle en associant leur offrande au sacrifice eucharistique.

Notes:
(6) Cf. Conc. Vat.1, schema De Ecclesia Christi cap. XV et adnot. 48: Mansi 51, 549 s. et 619 s. Léon XIII,epis. Au milieu des consolations 23 déc. 1900 ASS 33 (1900-01)p.361. Pie XII, Const. apost. Provida Mater I.c.pp. 114 s.
(7) Cf. Léon XIII, Const. Romanos Pontifices 8 mai 1881: ASS 13 (1880-81), p. 483. Pie XII, alloc. annus sacer. 8 déc. 1950: AAS 43 (1951) pp. 28 s.
(8) Cf. Pie XII, alloc. Annus sacer. I.c.p.28. Pie XII, Const. apost. Sedes Sapientiae, 31 mai 1956 AAS 48 (1956) p. 355. Paul VI I.c.pp.570-571.


Grandeur de la consécration religieuse

46 Les religieux doivent tendre de tout leur effort à ce que, par eux, de plus en plus parfaitement et réellement, l'Eglise manifeste le Christ aux fidèles comme aux infidèles: soit dans la contemplation sur la montagne, soit dans son annonce du royaume de Dieu aux foules, soit encore quand il guérit les malades et les infirmes et convertit les pécheurs à une vie féconde, quand il bénit les enfants et répand sur tout ses bienfaits, accomplissant en tout cela, dans l'obéissance, la volonté du Père qui l'envoya(9).

Que tous enfin considèrent que la profession des conseils évangéliques, tout en comportant renonciation à des biens qui méritent indiscutablement l'estime, ne fait cependant nullement obstacle au progrès de la personne humaine, mais au contraire, de par sa nature, lui est du plus grand profit. En effet, les conseils volontairement embrassés selon la vocation personnelle de chacun, contribuent considérablement à la purification du coeur et à la liberté spirituelle ; ils stimulent en permanence la ferveur de la charité et surtout ils sont capables d'assurer aux chrétiens une conformité plus grande avec la condition de virginité et de pauvreté que le Christ Seigneur a voulue pour lui-même et qu'a embrassée la Vierge sa Mère ; l'exemple de tant de saints fondateurs le montre. Nul ne doit penser que par leur consécration les religieux deviennent étrangers aux hommes ou inutiles dans la cité terrestre. Car s'ils ne sont pas toujours directement présents aux côtés de leurs contemporains, ils leur sont présents plus profondément dans le coeur du Christ, coopérant spirituellement avec eux, pour que la construction de la cité terrestre ait toujours son fondement dans le Seigneur et soit orientée vers lui, pour que ceux qui bâtissent ne risquent pas de peiner en vain(10).

C'est pourquoi enfin le saint Concile approuve et loue ces hommes et ces femmes, ces frères et ces soeurs qui, dans les monastères, dans les écoles et les hôpitaux, dans les missions, apportent à l'Epouse du Christ la parure d'une constante et humble fidélité à leur consécration, et leurs services aussi généreux que largement diversifiés à tous les hommes.


Conclusion

47 Quant à tous ceux qui sont appelés à la profession des conseils, à chacun d'eux il appartient de veiller avec soin à persévérer dans la vocation à laquelle il a été appelé, et exceller toujours davantage pour une plus grande sainteté de l'Eglise, pour la plus grande gloire de l'unique et indivisible Trinité qui dans le Christ et par le Christ est la source et l'origine de toute sainteté.

Notes:
(9) Cf. Pie XII, encyc. Mystici Corporis 29 juin 1943: AAS 35 (1943) pp. 214 s.
(10) Cf. Pie XII, alloc. Annus saxer. I.c. p.30 - Alloc. Sous la maternelle protection 9 déc. 1957: AAS 5O (1958) pp. 39 c.







CHAPITRE VII

LE CARACTERE ESCHATOLOGIQUE DE L'EGLISE

EN MARCHE ET SON UNION AVEC L'EGLISE DU CIEL



48 L'Eglise, à laquelle nous sommes tous appelés dans le Christ et dans laquelle nous acquérons la sainteté par la grâce de Dieu, n'aura sa consommation que dans la gloire céleste, lorsque viendra le temps où toutes choses sont renouvelées (Ac 3,1) et que, avec le genre humain, tout l'univers lui-même, intimement uni avec l'homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le Christ sa définitive perfection (cf. Ep 1,10 Col 1,20 2P 3,10-13).

Le Christ élevé de terre a tiré à lui tous les hommes (cf. Jn 12,32 grec) ; ressuscité des morts (cf. Rm 6,9), il a envoyé sur ses apôtres son Esprit de vie et par lui a constitué son Corps, qui est l'Eglise, comme le sacrement universel du salut ; assis à la droite du Père, il exerce continuellement son action dans le monde pour conduire les hommes vers l'Eglise, se les unir par elle plus étroitement et leur faire part de sa vie glorieuse en leur donnant pour nourriture son propre Corps et son Sang. La nouvelle condition promise et espérée a déjà reçu dans le Christ son premier commencement ; l'envoi du Saint-Esprit lui a donné son élan et par lui elle se continue dans l'Eglise où la foi nous instruit même sur la signification de notre vie temporelle, dès lors que nous menons à bonne fin, avec l'espérance des biens futurs, la tâche qui nous a été confiée par le Père dans le monde et que nous faisons ainsi notre salut (cf. Ph 2,12).

Ainsi donc déjà les derniers temps sont arrivés pour nous 1Co 10,11. Le renouvellement du monde est irévocablmeent acquis et, en toute réalité, anticipé dès maintenant : en effet, déjà sur la terre l'Eglise est parée d'une sainteté encore imparfaite mais véritable. Cependant jusqu'à l'heure où seront réalisés les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite 2P 3,13 l'Eglise en pélerinage porte dans ses sacrements et ses institutions qui relèvent de ce temps, la figure du siècle qui passe ; elle vit elle même parmi les créatures qui gémissent présentement encore dans les douleurs de l'enfantement et attendent la manifestation des fils de Dieu Rm 8,19-22.

Ainsi donc, unis au Christ dans l'Eglise et marqués de l'Esprit-Saint, "arrhes de notre héritage" (Ep 1,14), nous sommes appelés enfants de Dieu en toute vérité, et nous le sommes (cf. 1Jn 3,1) ; mais l'heure n'est pas encore venue où nous paraîtrons avec le Christ dans la gloire (cf. Col 3,4), devenus semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu'il est (cf. 1Jn 3,2). C'est pourquoi, "tant que nous demeurons dans ce corps, nous sommes en exil loin du Seigneur" (2Co 5,6) ; possédant au-dedans de nous les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement (cf. Rm 8,23) et nous aspirons à être avec le Christ (cf. Ph 1,23). La même charité nous presse du désir de vivre davantage pour lui, qui est mort et ressuscité pour nous (cf. 2Co 5,15). Nous avons donc à coeur de plaire au Seigneur en toutes choses (Cf. 2Co 5,9) et nous endossons l'armure de Dieu afin de pouvoir tenir contre les embûches du démon et lui résister au jour mauvais (cf. Ep 6,11-13). Ignorants du jour et de l'heure, il faut que, suivant l'avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour mériter, quand s'achèvera le cours unique de notre vie terrestre (cf. He 9,27), d'être admis avec lui aux noces et comptés parmi les bénis de Dieu (cf. Mt 25,31-46) au lieu d'être, comme de mauvais et paresseux serviteurs (cf. Mt 25,7) écartés par l'Ordre de Dieu vers le feu éternel (cf. Mt 25,41), vers ces ténèbres du dehors où "seront les pleurs et les grincements de dents" (Mt 22,13 cf. Mt 25,30). En effet, avant de régner avec le Christ glorieux, tous nous devrons être mis à découvert "devant le tribunal du Christ, pour que chacun reçoive le salaire de ce qu'il aura fait pendant qu'il était dans son corps, soit en bien, soit en mal" (2Co 5,10) ; et à la fin du monde "les hommes sortiront du tombeau, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de condamnation " (Jn 5,29 cf. Mt 25,46). C'est pourquoi, estimant qu'il n'y a pas de proportion entre les peines du présent et la gloire qui doit se manifester en nous" (Rm 8,18 cf. Rm 2,11-12), nous attendons, solides dans la foi, "la bienheureuse espérance et la manifestation glorieuse de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus" (Tt 2,13) "qui transformera notre corps de misère en un corps semblable à son corps de gloire" (Ph 3,21), et qui viendra "se faire glorifier dans ses saints et admirer en tous ceux qui auront cru" (2Th 1,10).


La communion entre l'Eglise du ciel et l'Eglise de la terre

49 Ainsi donc en attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté, accompagné de tous les anges (cf. Mt 25,31) et que, la mort détruite, tout lui ait été soumis (cf. 1Co 15,26-27), les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; d'autres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d'autres enfin sont dans la gloire contemplant "dans la pleine lumière, tel qu'il est, le Dieu en trois Personnes"(1). Tous cependant, à des degrés et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit, constituent une seule Eglise et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ (cf. Ep 4,16). Donc, l'union de ceux qui sont encore en chemin, avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ, n'est nullement interrompue ; au contraire, selon la foi constante de l'Eglise, cette union est renforcée par l'échange des biens spirituels(2). Etant en effet liés plus intimement avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement toute l'Eglise en sainteté, ils ajoutent à la grandeur du culte que l'Eglise rend à Dieu sur la terre et l'aident de multiples façons à se construire plus largement (cf. 1Co 12,12-27)(3). Car, admis dans la patrie et présents au Seigneur (cf. 2Co 5,8), par lui, avec lui et en lui, ils ne cessent d'intercéder pour nous auprès du Père(4), offrant les mérites qu'ils ont acquis sur terre par l'unique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (cf. 1Tm 2,5), servant le Seigneur en toutes choses et complétant en leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de son Corps qui est l'Eglise (cf. Col 1,24)(5). Ainsi leur sollicitude fraternelle est du plus grand secours pour notre faiblesse.

Notes:
(1) Conc. Flor. Decretum pro Graecis: Denz 693 (1305)
(2) "outre les documents plus anciens contre toute forme d'évocation des esprits, à partir d'lexandre IV"(27 sept. 1258) cf. encycl. S.S.C.S. Offici De magnetismi abusu: 4 août 1856: ASS (1865) pp. 177-178, Denz.1653-1654 (DS 2823-2825); responsionem S.S.C.S. Offici,24 avrik 1917: AAS 9 (1917)p. 268 Denz 2182 (DS 3642).
(3) "voir l'exposé sqynthétique de cette doctrine paulinienne dans": Pie XII, encyc. Mystici Corporis: AAS 35 (1943) pp. 200 et passim.
(4) Cf. i.a. S Augustin, enarr. in ps.85,24: PL 37,1099. S Hieronymus Liber contra Vigilantium 6; pl 23, 344. S.Thomas In 4m Sent. d.45 q.3.a.2. S Bonaventure, In 4m Sent. d.45 a.3.q.2. etc.
(5) Cf. Pie XII, encyc. Mystici Corporis AAS 35 (1943)p. 245.


Les rapports de l'Eglise de la terre avec l'Eglise du ciel

50 Reconnaissant dès l'abord cette communion qui existe à l'intérieur de tout le Corps mystique de Jésus-Christ, l'Eglise en ses membres qui cheminent sur la terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire des défunts(6) dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux ses suffrages, car "la pensée de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse" (2M 12,45). Quant aux apôtres et aux martyrs du Christ, qui donnèrent le témoignage suprême de la foi et de la charité dans l'effusion de leur sang, l'Eglise a toujours cru qu'ils se trouvaient dans le Christ plus étroitement unis avec nous: en même temps que la bienheureuse Vierge Marie et les saints anges, elle les a honorés avec une particulière ferveur(7), sollicitant pieusement le secours de leur intercession. A ceux-là s'en ajoutèrent bientôt d'autres, qui avaient choisi d'imiter de plus près la virginité et la pauvreté du Christ(8), d'autres enfin que l'exercice plus éclatant des vertus chrétiennes(9) et les grâces insignes de Dieu recommandaient à la pieuse dévotion et à l'imitation des fidèles(10).

En effet, de contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ, est un nouveau stimulant à rechercher la Cité à venir (cf. He 13 cf. He 11,10), et en même temps nous apprenons par là à connaître le chemin très sûr par lequel, à propos des vicissitudes du monde et selon l'état et la condition propres à chacun, il nous sera possible de parvenir à l'union parfaite avec le Christ c'est à dire à la sainteté(11). Dans la vie de nos compagnons d'humanité plus parfaitement transformés à l'image du Christ(cf. 2Co 3,18), Dieu manifeste aux hommes dans une vive lumière sa présence et son visage. En eux, Dieu lui-même nous parle, il nous donne un signe de son royaume(12) et nous y attire puissamment, tant est grande la nuée de témoins qui nous enveloppe (cf. He 12,1) et tant la vérité de l'Evangile se trouve attestée.

Mais nous ne vénérons pas seulement au titre de leur exemple la mémoire des habitants du ciel ; nous cherchons bien davantage par là à renforcer l'union de toute l'Eglise dans l'Esprit grâce à l'exercice de la charité fraternelle (cf. Ep 4,1-6). Car tout comme la communion entre les chrétiens de la terre nous approche de plus près du Christ, ainsi la communauté avec les saints nous unit au Christ de qui découlent, comme de leur source et de leur tête, toute grâce et la vie du peuple de Dieu lui-même(13). Il est donc au plus haut point convenable que nous aimions ces amis et cohéritiers de Jésus-Christ, nos frères aussi et nos insignes bienfaiteurs, que nous rendions à Dieu pour eux l'action de grâces qui leur est due(14), "que nous les invoquions avec ardeur, recourant à leurs prières, à leur secours et à leur aide pour obtenir de Dieu par son Fils Jésus-Christ, notre seul Rédempteur et Sauveur, les bienfaits dont nous avons besoin"(15). Car, par sa nature même, tout témoignage authentique d'amour que nous présentons aux habitants du ciel, tend, comme vers son terme, au Christ "couronne de tous les saints(16)" et par lui à Dieu qui est admirable en ses saints et glorifié en eux(17). C'est surtout dans la sainte liturgie que se réalise de la façon la plus haute notre union avec l'Eglise du ciel: là en effet, la vertu de l'Esprit-Saint s'exerce sur nous par les signes sacramentels ; là nous proclamons, dans une joie commune, la louange de la divine Majesté(18) ; tous, rachetés dans le sang du Christ, de toute tribu, langue, peuple ou nation (cf. Ap 5,9) et rassemblés en l'unique Eglise, nous glorifions le Dieu un en trois Personnes dans un chant unanime de louange. La célébration du sacrifice eucharistique est le moyen suprême de notre union au culte de l'Eglise du ciel, tandis que, unis dans une même communion, nous vénérons d'abord la mémoire de la glorieuse Marie toujours vierge, de saint Joseph, des bienheureux apôtres et martyrs, et de tous les saints(19).

Notes:
(6) Cf. "de nombreuses inscriptions dans les catacombes romaines"
(7) Cf. Gélase I, decretalis De libris recipienbdis, 3 : PL 59, 160, Denz. 165 (DS 353).
(8) Cf. S Méthoden symposion, VII, 3 :: GCS (Bonwetsch) p. 74.
(9) Cf. Benoit XV, décret d'approbation virtutum in Causa beatificationis et canonnizationis Servi Dei Nepomuceni Neumann: AAS 14 (1922)p. 23. Alloc. Pie XI de Sanctis: inviti all'eroismo: Discorsi t. I-III Romae 1941-42, passim. Pie XII, discorsi e radiomessaggi, t.10, 1949, pp. 37-43.
(10) cf. Pie XII, encyc. Mediator Deiu: AAS 39 (1947) p. 581.
(11) cf. He 13,7 Encycl. 44-50 ; He 11,3-40 Cf. etiam Pie XII, encyc.Mediator Dei: ASS 39 (1947), pp. 582-583.
(12) cf. Vat.I, Const. De fide catholica, cap.3,Denz.1794 (DS 3013).
(13) Cf. Pie XII, encycl. Mystici corporis: AAS 35(1943), p.216.
(14) "au sujet de la reconnaissanc envers les saints eux-mêmes" cf. E.Diehl, inscriptions latines christianae veteres, I Berolini, 1925 nn. 2008, 2382 et passim.
(15) Conc. Trid. Sess.25, de invocationne ... Sanstorum: Denz. 984 (DS 1821).
(16) Bréviaire Romain, invitatoriumù in festo Sanctorum Omnium.
(17) Cf. v.g. 2Th 1,10
(18) Conc. Vat. II, Const. Sacra Liturgia, cap. 5, SC 104.
(19) Canon Missae Romanae.




Directives pastorales

51 Cette foi vénérable de nos pères en la communion de vie qui existe avec nos frères déjà en possession de la gloire céleste, ou en voie de purification après leur mort, le saint Concile la recueille avec grande piété ; il propose à nouveau les décrets des saints Conciles: le deuxième de Nicée (20), celui de Florence (21), celui de Trente (30). En même temps, dans sa sollicitude pastorale, il exhorte tous les responsables, au cas où des abus, des excès ou des manques auraient pu ici où là s'introduire, à y porter remède avec zèle, en écartant ou corrigeant le mal, et en restaurant toutes choses de façon que le Christ et Dieu soient plus parfaitement loués. Qu'ils enseignent aux fidèles que le culte authentique des saints ne consiste pas tant à multiplier les actes extérieurs, mais plutôt à pratiquer un amour de l'Eglise, "à fréquenter les saints pour les imiter, à nous unir à eux pour avoir part à leur sort, à obtenir le secours de leur intercession"(23). Par ailleurs, qu'on montre bien aux fidèles que la fréquentation des habitants du ciel, si elle est conçue selon la pleine lumière de la foi, bien loin de diminuer le culte d'adoration rendu à Dieu le Père par le Christ dans l'Esprit, l'enrichit au contraire plus généreusement(24).

En effet lorsque la charité mutuelle et la louange unanime de la Très Sainte Trinité nous font communier les uns aux autres, nous tous, fils de Dieu qui ne faisons dans le Christ qu'une seule famille (cf.
He 3,6), nous répondons à la vocation profonde de l'Eglise, et nous prenons par avance une part déjà savoureuse à la liturgie de la gloire parfaite(25). A l'heure où le Christ apparaîtra, quand se réalisera la glorieuse résurrection des morts, la clarté de Dieu illuminera la Cité céleste et l'Agneau sera son flambeau (cf. Ap 21,24). Alors l'Eglise des saints tout entière, dans la joie suprême de la charité, adorera Dieu et "l'Agneau qui a été égorgé" (Ap 5,12), proclamant d'une seule voix: "A celui qui siège sur le trône et à l'Agneau, louange, honneur, gloire et domination dans les siècles des siècles" (Ap 5,13-14).

Notes:
(20) Conc. Nicée II, VII: Denz 302 (DS 600).
(21) Conc. Florence Decretum pro Graecis: Denz 693 (DS 1304)
(22) Conc. Trente Sess. 25 De invocatione, veneratione et reliquiis Sanctorum et sacris imaginibus: Denz 984-988 (DS 1821-1824); sess. 25, Decretum de purgatorio: Denz 983 (DS 1820); Sess. 6 Decretum de iustificatione, can. 30: Denz 840 (DS 1580)
(23) "Préface pour la fête des saints accordée à certains diocèses"
(24) Cf. S Pierre Canisius, catechismau Maior seu Summa Doctrinae christianae, cap. III (ed. F Streicher) Pars I,pp. 15-16,n.44 et pp. 100-101, n.49.







CHAPITRE VIII

LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE MERE DE

DIEU DANS LE MYSTERE DU CHRIST ET DE L'EGLISE



I. Introduction

La Sainte Vierge dans le mystère du Christ

52 Ayant résolu, dans sa très grande bonté et sagesse, d'opérer la Rédemption du monde, Dieu "quand vint la plénitude du temps, envoya son Fils né d'une femme ... pour faire de nous des fils adoptifs" (Ga 4,4-5). C'est ainsi que son Fils, "à cause de nous les hommes et pour notre salut, descendit du ciel et prit chair de la Vierge Marie par l'action du Saint-Esprit"(1). Ce divin mystère de salut se révèle pour nous et se continue dans l'Eglise, que le Seigneur a établie comme son Corps et dans laquelle les croyants, attachés au Christ chef et unis dans une même communion avec tous ses saints, se doivent de vénérer, "en tout premier lieu la mémoire de la glorieuse Marie, toujours vierge, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ(2).

Notes:
(1) Credo in Missa Romana: Symbolum Constantiinopolitanum: Mansi 3,566. Cf. Conc Ephèse ib. 4, 1130 (necnon ib. 2, 665 et 4, 1071). Conc. Chalcédoine, ib. 7, 111-116. Conc. Const. II, ib. 9; 375-396.
(2) "Canon de la messe romaine"




La Sainte Vierge et l'Eglise

53 La Vierge Marie en effet, qui, lors de l'Annonciation faite par l'ange, reçut le Verbe de Dieu à la fois dans son coeur et dans son corps, et présenta au monde la vie, est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur. Rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien étroit et indissoluble, elle reçoit cette immense charge et dignité d'être la Mère du Fils de Dieu, et, par conséquent, la fille de prédilection du Père et le sanctuaire du Saint-Esprit, don d'une grâce exceptionnelle qui la met bien loin au-dessus de toutes les créatures dans le ciel et sur la terre. Mais elle se trouve aussi, comme descendante d'Adam, réunie à l'ensemble de l'humanité qui a besoin de salut ; bien mieux, elle est vraiment "Mère des membres "du Christ"... ayant coopéré par sa charité à la naissance à la naissance dans l'Eglise des fidèles qui sont les membres de ce Chef"(3). C'est pourquoi encore elle est saluée comme un membre suréminent et absolument unique de l'Eglise, modèle et exemplaire admirables pour celle-ci dans la foi et dans la charité, objet de la part de l'Eglise catholique, instruite par l'Esprit-Saint, d'un sentiment filial de piété, comme il convient pour une mère très aimante.

Notes:
(3) S Augustin, De S Virgiunitate, 6: PL 4O, 399.


Intention du Concile

54 Aussi, présentant la doctrine de l'Eglise en laquelle le divin Rédempteur opère notre salut, le saint Concile se propose de mettre avec soin en lumière, d'une part le rôle de la bienheureuse Vierge dans le mystère du Verbe incarné et du Corps mystique, et d'autre part les devoirs des hommes rachetés envers la Mère de Dieu, Mère du Christ et Mère des hommes, des croyants en premier lieu ; le Concile toutefois n'a pas l'intention de faire au sujet de Marie un exposé doctrinal complet, ni de trancher les questions que le travail des théologiens n'a pu encore amener à une lumière totale. Par conséquent, demeurent légitimes les opinions qui sont librement proposées dans les écoles catholiques au sujet de celle qui occupe dans la Sainte Eglise la place la plus élevée au-dessous du Christ et nous est toute proche(4).

Notes:
(4) Cf. Paul VI, Alloc. au Concile, le 4 Déc. 1963:AAS 56 (1964) p.37.



II. Rôle de la Bienheureuse Vierge dans l'économie du salut

La Mère du Messie dans l'ancien Testament

55 Les Saintes Ecritures de l'ancien et du Nouveau Testament et la Tradition vénérable mettent dans une lumière de plus en plus grande le rôle de la Mère du sauveur dans l'économie du salut et le proposent pour ainsi dire à notre contemplation. Les livres de l'Ancien Testament décrivent l'histoire du salut et la lente préparation de la venue du Christ au monde. Ces documents primitifs, tels qu'ils sont lus dans l'Eglise et compris à la lumière de la révélation postérieure et complète, font apparaître progressivement dans une plus parfaite clarté la figure de la femme, Mère du Rédempteur. Dans cette clarté, celle-ci se trouve prophétiquement esquissée dans la promesse d'une victoire sur le serpent faite à nos premiers parents tombés dans le péché (cf. Gn 3,15). De même, c'est elle, la Vierge, qui concevra et enfantera un fils auquel sera donné le nom d'Emmanuel (cf. Is 7,14 cf. Mi 5,2-3 Mt 1,22-23). Elle occupe la première place parmi ces humbles et ces pauvres du Seigneur qui espèrent et reçoivent le salut de lui avec confiance. Enfin, avec elle, la fille de Sion par excellence, après la longue attente de la promesse, s'accomplissent les temps et s'instaure l'économie nouvelle, lorsque le Fils de Dieu prit d'elle la nature humaine pour libérer l'homme du péché par les mystères de sa chair.


Marie à l'Annonciation

56 Mais le Père des miséricordes a voulu que l'Incarnation fût précédée par une acceptation de la part de cette Mère prédestinée, en sorte que, une femme ayant contribué à l'oeuvre de mort, de même une femme contribuât aussi à la vie. Ce qui est vrai à un titre exceptionnel de la Mère de Jésus donna au monde la vie, la vie même qui renouvelle tout, et fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d'une si grande tâche. Rien d'étonnant, par conséquent, à ce que l'usage se soit établi chez les saints Pères, d'appeler la Mère de Dieu la Toute Sainte, indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l'Esprit-Saint, et formée comme une nouvelle créature(5). Enrichie dès le premier instant de sa conception d'une sainteté éclatante absolument unique, la Vierge de Nazareth est saluée par l'ange de l'Annonciation, qui parle sur l'Ordre de Dieu, comme "pleine de grâce" (cf. Lc 1,28).Au messager céleste elle fait elle-même cette réponse: "Voici la servante du Seigneur, qu'il en soit de moi selon ta parole" (Lc 1,38). Ainsi Marie, fille d'Adam, donnant à la parole de Dieu son consentement, devient Mère de Jésus et, épousant à plein coeur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l'oeuvre de son Fils, pour servir, dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant au mystère de la Rédemption. C'est donc à juste titre que les saints Pères considèrent Marie comme apportant au salut des hommes non pas simplement la coopération d'un instrument passif aux mains de Dieu, mais la liberté de sa foi et de son obéissance. En effet, comme dit saint Irénée, "par son obéissance elle est devenue, pour elle-même et pour tout le genre humain, cause de salut(6)". Aussi avec lui, bon nombre d'anciens Pères disent volontiers dans leurs prédications: "Le noeud dû à la désobéissance d'Eve, s'est dénoué par l'obéissance de Marie ; ce que la vierge Eve avait noué par son incrédulité, la Vierge Marie l'a dénoué par sa foi(7)" ; comparant Marie avec Eve, ils appellent Marie "la Mère des vivants(8)" et déclarent souvent: "par Eve la mort, par Marie la vie(9)".

Notes:
(5) Cf. S Germain Cont. Hom. in Annunt. Deiparae: PG 98, 328 A; In Dorm 2: col. 357. Anastasius Antioc. Serm. 2 de de Annunt.2: PG 89, 1377 serm. 3,2 col. 1388 C S Andreas Cret.Can. in B.V. Nat. 1, col. 812 A ; Hom. in dorm. 1: col. 1068 C S Sophronius, or. 2 in in Annunt, 18: PG 87 (3) 3237 BD.
(6) S Irénée, Adv. Haer. III 22,4: PG 7,959 A; Harvey 2, 123.
(7) ibbidem ; Harvey 2, 124.
(8) S Epiphanus, Haer 78, 18: PG 42, 728 CD 729
(9) S Hieronymus, Epis. 22, 21: PL 22, 408. Cf. S Augustin, Sserm.0 51, 2, 3,: PL 38, 335: serm. 232, 2 col. col. 1108. S Cyrillus Hieros, catec. 12,15PG 33, 741 S.Jean Chrisosthome, in Ps 44,7 PG 55, 193. S Damascène, Hom. 2 in in dorm. B.M.V. 3: PG 96, 728.




1964 Lumen Gentium 42