Liturgiam authenticam
CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN
ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS
DE L’USAGE DES LANGUES VERNACULAIRES
DANS L’ÉDITION DES LIVRES
DE LA LITURGIE ROMAINE
CINQUIÈME INSTRUCTION
“POUR LA CORRECTE APPLICATION
DE LA CONSTITUTION SUR LA SAINTE LITURGIE”
(Const. art. 36)
Rome 2001
1 C’est une Liturgie authentique que le Saint Concile œcuménique Vatican II veut puiser dans la tradition spirituelle vivante et vénérable de l’Église, et une liturgie à la fois soigneusement préservée et adaptée avec sagesse aux situations pastorales particulières des différents peuples, de telle sorte que les fidèles, en participant pleinement d’une manière consciente et effective aux actes du culte, spécialement dans la célébration des Sacrements, aient accès à la source abondante des grâces, et à la possibilité de se conformer au contenu du mystère chrétien. 1
2 Dès lors, sous la vigilance des Souverains Pontifes, on a commencé le travail considérable de la rénovation des livres liturgiques du Rite romain, qui comprend la traduction dans les diverses langues vernaculaires, 2 de telle façon que le renouveau de la sainte Liturgie est mis en œuvre, conformément à l’une des intentions principales du Concile.
3 La renouveau de la Liturgie a eu jusqu’à maintenant des résultats positifs grâce au travail et à l’application de beaucoup, surtout des Évêques, au soin et à la vigilance desquels est confiée cette charge difficile. Ainsi, il faut beaucoup de prudence et de vigilance dans la préparation des livres liturgiques qui doivent se distinguer par leur saine doctrine, se concrétiser par une manière de s’exprimer soignée et exempte de toute arrière-pensée idéologique, et dans le même temps pourvus de toutes ces autres qualités, qui permettent à la fois de communiquer, avec assurance, à la prière, les saints mystères du salut et l’indéfectible foi de l’Église au moyen du langage humain, et aussi de rendre au Dieu Très Haut le seul culte qui soit digne de lui. 3
4 Dans ses délibérations et ses décrets, le Concile oecuménique Vatican II attribue une grande importance aux rites liturgiques, aux traditions ecclésiales et à la discipline de la vie chrétienne, appartenant en propre aux Églises particulières, spécialement Orientales, qui se distinguent par leur vénérable ancienneté, et qui donc manifestent de diverses manières une tradition venant des Apôtres et transmise par les Pères. 4 Le Concile a désiré vivement que les traditions de chacune de ces Églises particulières soient conservées intégralement ; c’est pourquoi, en demandant que les divers Rites soient revus selon la saine tradition, le Concile a établi le principe de n’introduire de modifications que dans la mesure où ces dernières sont aptes à promouvoir un développement propre et organique. 5 Une telle vigilance est clairement requise pour la conservation et la promotion authentique des rites liturgiques, des traditions ecclésiales et de la discipline de l’Église latine, spécialement de celle du Rite romain. De même, une pareille vigilance doit être observée dans l’œuvre de traduction des textes liturgiques dans les langues vernaculaires, spécialement pour le Missel Romain, afin qu’il continue à être soit un signe remarquable, soit un instrument de l’intégrité et de l’unité du Rite romain. 6
5 Il est légitime d’affirmer en toute vérité que le Rite romain constitue lui-même déjà un exemple précieux et un moyen de vraie inculturation. De fait, le Rite romain possède cette faculté tout à fait notable de pouvoir assimiler dans les textes, les chants, les gestes et les rites, empruntés aux coutumes et au génie de divers peuples et Églises particulières, autant d’Orient que d’Occident, pour en réaliser une unité appropriée et harmonieuse, qui dépasse les limites de n’importe quelle région. 7 Cette faculté est particulièrement évidente en ce qui concerne les prières, qui possèdent cette qualité de pouvoir dépasser les limites des circonstances particulières et circonscrites, de telle manière qu’elles soient des prières des chrétiens de n’importe quel lieu ou époque. L’identité et l’unité d’expression du Rite romain doivent être conservées avec beaucoup de soin dans la préparation de toutes les traductions des livres liturgiques, 8 non pas d’abord comme un monument historique, mais surtout comme une manifestation des réalités théologiques et de l’unité ecclésiale. 9 L’œuvre d’inculturation, dont la traduction dans les langues vernaculaires constitue une partie, ne doit pas être considérée comme une voie conduisant à l’introduction de nouvelles catégories ou familles de rites, mais bien au contraire, il convient de considérer toute sorte d’adaptations, introduites en réponse aux nécessités culturelles et pastorales, comme faisant partie du Rite romain, dans lequel elles doivent donc être harmonieusement insérées. 10
6 A partir de la promulgation de la Constitution sur la Sainte Liturgie, le travail de traduction des textes liturgiques en langues vernaculaires, promu par le Siège Apostolique, a comporté la promulgation de normes, et d’avis, communiqués aux Évêques. Cependant, il est devenu évident que les traductions des textes liturgiques ont besoin, en divers endroits, d’être améliorées, soit en les corrigeant, soit en réalisant une rédaction entièrement nouvelle. 11 Les omissions et les erreurs, qui affectent jusqu’à présent les traductions en langues vernaculaires, ont constitué un obstacle au juste progrès de l’inculturation, spécialement en ce qui concerne certaines langues ; cela entrave ainsi l’aptitude fondamentale de l’Église à préparer les bases d’un renouveau à la fois plus complet, plus sain et plus authentique.
7 C’est pour cette raison qu’il apparaît nécessaire, avec l’aide de l’expérience acquise ces dernières années, d’exposer de nouveau les principes qui devront être suivis désormais dans les futures traductions, c’est-à-dire autant celles qui seront de nouveau réalisées que les corrections des textes, et aussi de préciser les normes déjà publiées en tenant compte des nombreuses questions et des circonstances, qui sont celles de notre temps. Afin que soient prises en considération l’expérience qui a été élaborée à partir de la fin du Concile, il semble à propos d’établir des orientations, pour que les tendances concernant les traductions, qui, parfois, dans le passé, se sont manifestées comme suffisamment claires, puissent être identifiées et ainsi évitées à l’avenir. En réalité, il apparaît nécessaire de réfléchir de nouveau sur la notion juste de traduction liturgique, de telle sorte que les traductions de la sainte Liturgie en langues vernaculaires soient d’une manière certaine la voix authentique de l’Église de Dieu. 12 Ainsi, cette Instruction envisage et s’efforce de préparer une nouvelle période de renouveau, qui soit conforme à la nature et à la tradition des Églises particulières, tout en maintenant avec sûreté la foi et l’unité de l’Église universelle de Dieu.
8 Les dispositions contenues dans la présente Instruction se substituent à toutes celles qui avaient été publiées antérieurement, à l’exception de l’Instruction Varietates legitimae de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, du 25 janvier 1994, à laquelle ces nouvelles normes doivent être intégrées. 13 Les normes, contenues dans cette Instruction, doivent être considérées comme applicables à la traduction des textes liturgiques du Rite romain, et, mutatis mutandis, des autres Rites de l’Église latine reconnus par le droit.
9 Dans les cas où la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, après avoir recueilli les divers avis d’Évêques intéressés, considère que cela est opportun, on réalisera un document, appelé “ratio translationis”, ce dernier, établi par l’autorité de ce même Dicastère, appliquera les principes, exposés dans cette Instruction, plus spécifiquement à une langue déterminée. Ce document contiendra, si cela convient, plusieurs autres éléments, comme, par exemple, une liste de mots de vocabulaire en langue vernaculaire avec leur équivalent en latin, la présentation des principes particuliers à appliquer pour une langue donnée, etc.
10 Le premier point qu’il convient d’examiner avec attention est le choix des langues qu’il est licite d’admettre dans les célébrations liturgiques. En effet, il convient que, dans chacun des territoires, soit élaboré un plan pastoral qui tienne compte des principaux idiomes qui y sont employés, en distinguant les langues parlées spontanément par la population, et celles, qui, du fait qu’elles n’arrivent pas à constituer un moyen naturel de communication dans le domaine pastoral, demeurent seulement un objet d’intérêt culturel. En réfléchissant sur ce plan et en le formulant, il est nécessaire de veiller à ce que, par le choix de certaines langues vernaculaires pour les introduire dans l’usage liturgique, on ne favorise pas la constitution de groupes trop restreints de fidèles, étant donné qu’il existe le danger de promouvoir la discorde entre concitoyens, au détriment de l’unité des peuples, et aussi de celle tant des Églises particulières que de l’Église universelle.
11 Dans le susdit plan, il faut distinguer clairement entre, d’une part, les langues qui sont généralement utilisées dans le domaine pastoral comme des moyens de communication, et, d’autre part, celles qui sont employées dans la sainte Liturgie. De même, en rédigeant le plan, il convient de soulever la question des ressources nécessaires à l’emploi d’une langue, comme par exemple le nombre des prêtres, des diacres et des collaborateurs laïcs, qui sont en mesure de se servir d’une telle langue particulière, et la disponibilité d’experts expérimentés, capables de préparer les traductions de l’ensemble des livres liturgiques du Rite romain en accord avec les principes énoncés dans le présent document, de même que la possibilité de réunir des moyens financiers et techniques pour la réalisation des traductions et l’impression des livres qui seraient vraiment dignes d’être employés dans la Liturgie.
12 De plus, il est nécessaire de distinguer, en ce qui concerne la liturgie, entre les langues et les dialectes. A cause des caractéristiques qui leur sont propres, les dialectes, qui manquent de l’appui d’une formation de base académique et culturelle, ne peuvent pas être reçus pour un usage complet dans la liturgie, car ils n’ont pas cette stabilité et cette amplitude, qui sont nécessaires, pour être reconnus comme des langues liturgiques dans des limites plus larges. Quoi qu’il en soit, il ne convient pas d’augmenter excessivement le nombre des diverses langues liturgiques. 14 Cela est nécessaire pour assurer, dans les célébrations liturgiques, une certaine unité linguistique à l’intérieur des limites d’une même nation.
13 Même si une langue n’est pas pleinement admise pour l’usage liturgique, elle n’est pas pour autant totalement exclue du domaine liturgique. Elle peut être employée au moins de temps en temps, par exemple, dans la Prière des fidèles, dans les cantiques, dans les monitions ou dans des parties de l’homélie, spécialement s’il s’agit d’un idiome propre à certains fidèles, qui participent à la célébration. Il reste qu’il est, toutefois, toujours possible d’employer la langue latine ou bien une autre langue qui est largement répandue dans le pays concerné, même si cette langue n’est pas celle de l’ensemble, ni de la majorité des fidèles qui participent la célébration liturgique en question, à condition toutefois d’éviter les risques de discorde entre les fidèles.
14 Étant donné que l’introduction des langues vernaculaires dans la Liturgie de la part de l’Église, peut avoir un effet sur la progression de telle langue particulière, ou même décider de son sort, il faut veiller à promouvoir, parmi les langues, celles qui, même si elles n’ont pas une longue tradition littéraire, sont susceptibles d’être employées par un grand nombre de personnes. Il convient d’éviter la fragmentation des dialectes, surtout au moment où un dialecte, qui est jusqu’ici une expression orale, est transposé à l’écrit. Au contraire, il est toujours préférable de favoriser et de promouvoir les variétés linguistiques communes aux communautés humaines.
15 Il revient aux Conférences des Évêques de déterminer quelles langues, employées sur leur territoire, doivent être introduites totalement ou partiellement dans la liturgie. Ces dispositions doivent recevoir la recognitio du Siège Apostolique, avant que n’importe quel travail de traduction ne soit entrepris. 15 Avant de prendre une décision à ce sujet, la Conférence des Évêques ne doit pas manquer de recueillir les avis, donnés par écrits, auprès d’experts et d’autres personnes intéressées, lesquels avis, ainsi que les autres actes, doivent être envoyés par écrit à la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, de même que le rapport dont il est fait mention ci-dessous au n. 16.
16 Quant à la décision de la Conférence des Évêques concernant l’introduction d’une langue vernaculaire dans la Liturgie, il est nécessaire que les dispositions suivantes soient observées : 16
a) Pour qu’un décret soit légitime, il est requis le vote des deux tiers des suffrages à bulletins secrets, de la part de ceux qui, dans la Conférence des Évêques, ont voix délibérative.
b) Tous les actes, qui doivent être approuvés par le Siège Apostolique, rédigés en double exemplaire, et munis de la signature du Président et du Secrétaire de la Conférence, ainsi du sceau de cette dernière, doivent être transmis à la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements. Ces actes doivent contenir :
i) Les noms des Évêques ou bien de ceux qui sont assimilés aux Évêques par le droit, présents à la séance;
ii) un compte-rendu des décisions;
iii) le résultat du vote pour chacun des décrets, comprenant le nombre des votants et les suffrages favorables, défavorables, ainsi que les abstentions;
iv) la présentation détaillée des différentes parties de la Liturgie dont il est décidé qu’elles peuvent être prononcées dans la langue vernaculaire;
c) Dans une relation particulière, on fera la présentation de la langue vernaculaire en question, ainsi que les motivations en faveur de son introduction dans la Liturgie.
17 En ce qui concerne l’usage des langues artificielles, qui de temps en temps est proposé, l’approbation des textes, de même que la concession de la faculté en vue de leur usage dans les célébrations liturgiques sont strictement réservés au Saint-Siège. Cette faculté n’est accordée que dans des circonstances particulières et en raison du bien pastoral des fidèles, après avoir consulté les Évêques les plus concernés par le cas. 17
18 Pour les célébrations qui s’adressent à des gens d’une autre langue, comme les étrangers, les migrants, les pèlerins, etc., il est permis, avec la permission de l’Évêque diocésain, qu’une telle célébration de la sainte Liturgie ait lieu dans la langue vernaculaire connue de ces personnes, en utilisant un livre liturgique approuvé par l’autorité compétente, et qui a reçu la recognitio du Siège Apostolique. 18 Si on a recours à ces célébrations plus fréquemment et de façon régulière, l’Évêque diocésain doit envoyer un bref rapport à la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, pour exposer les circonstances, le nombre des participants et les livres liturgiques qui sont utilisés.
19 Les paroles de la Sainte Ecriture, ainsi d’ailleurs que les autres paroles, qui sont employées dans les célébrations liturgiques, spécialement dans la célébration des sacrements, ne doivent pas être considérées en premier lieu comme si elles étaient en quelque sorte le reflet des dispositions interieures des fidèles, mais elles expriment des vérités, qui dépassent les limites imposées par le temps et le lieu. De fait, c’est par ces paroles que Dieu s’entretient avec l’Epouse de son Fils bien-aimé, que l’Esprit Saint introduit les fidèles dans la connaissance de la vérité tout entière, et fait que la parole du Christ réside en eux avec toute sa richesse, et aussi que l’Église transmet sans cesse tout ce qu’elle est, et tout ce en quoi elle croit, en adressant les prières de tous les fidèles à Dieu le Père par le Christ et dans l’Esprit Saint. 19
20 Les textes liturgiques du Rite romain latin, tout en puisant dans l’expérience qu’a eue l’Église de la transmission de la foi, qu’elle a reçue des Pères, sont aussi le fruit du récent renouveau liturgique. Afin qu’un tel patrimoine et tant de richesses soient conservés et transmis au long des siècles, on doit prêter attention en premier lieu au principe suivant lequel la traduction des textes de la Liturgie romaine ne sont pas une oeuvre de créativité, mais qu’il s’agit plutôt de rendre de façon fidèle et exacte le texte original dans une langue vernaculaire. Même s’il est permis de recourir à des mots, de même qu’à la syntaxe et au style, qui peuvent produire un texte facile à comprendre dans la langue du peuple, et qui soit conforme à l’expression naturelle d’une telle langue, il est nécessaire que le texte original ou primitif soit, autant que possible, traduit intégralement et très précisément, c’est-à-dire sans omission ni ajout, par rapport au contenu, ni en introduisant des paraphrases ou des gloses; il importe que toute adaptation au caractère propre et au génie des diverses langues vernaculaires soit réalisée sobrement et avec prudence. 20
21 Surtout dans les cas des traductions destinées aux peuples qui ont été conduits récemment à la foi du Christ, l’exactitude et la fidélité au texte primitif demanderont parfois que des termes déjà en usage soient employés dans un sens nouveau, que des mots et des locutions nouvelles soient créés, que des expressions trouvées dans les textes originaux soient adoptées en les rendant au moyen d’une orthographe et d’une prononciation adaptée à la langue vernaculaire, 21 ou que soient employées les tournures de la langue qui expriment intégralement le sens de la locution latine, même si elles diffèrent de cette même langue latine par les paroles ou la syntaxe. Des décisions de ce genre, surtout parce qu’il s’agit d’une question de grande importance, doivent être soumises à la considération de tous les Évêques intéressés avant d’être incorporés dans le texte définitif. De plus, il faut en donner l’explication détaillée dans le rapport mentionné au n. 79.On fera particulièrement attention à la question de l’introduction des mots qui proviennent des religions païennes. 22
22 Les adaptations des textes réalisées selon les articles 37-40 de la Constitution Sacrosanctum Concilium (SC 37-40), doivent être considérées comme répondant aux vraies exigences culturelles et pastorales, et non pas comme dérivant d’un simple souhait d’introduire des éléments nouveaux ou de la variété. De telles adaptations ne peuvent être considérées non plus comme des moyens employés en vue de modifier les éditions typiques ou changer l’ensemble des énoncés théologiques, mais, au contraire, il faut que ces adaptations soient régies par les normes et les critères qui sont énoncés dans l’Instruction Varietates legitimae. 23 C’est pourquoi les traductions en langue vernaculaire des livres liturgiques, qui sont transmises à la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements pour recevoir la recognitio, doivent contenir, en plus de la traduction même, dans laquelle seront insérées les adaptations explicitement prescrites dans les éditions typiques, les seules adaptations ou changements qui ont déjà obtenu l’accord écrit de ce même Dicastère.
23 Dans les traductions des textes de composition ecclésiastique, même s’il est utile d’examiner les sources de ces textes, et de recourir à ces instruments fournis par l’histoire et les autres sciences, il faut néanmoins toujours que ce soit le texte de l’édition typique latine, qui soit traduit chaque fois que, dans le texte biblique ou liturgique, on se sert de mots venant d’autres langues anciennes (comme par exemple, les mots Alleluia et Amen, les mots araméens contenus dans le Nouveau Testament, ou bien les mots grecs du Trisagion, qui sont prononcés dans les Improperia du Vendredi Saint, et le Kyrie eleison de l’Ordinaire de la Messe, sans compter les nombreux noms propres), il faut examiner s’il convient de les conserver tels quels dans une nouvelle traduction en langue vernaculaire, au moins comme une possibilité parmi d’autres. Bien plus, le respect attentif du texte original imposera même parfois que l’on procède de cette manière.
24 De plus, il n’est pas licite de faire des traductions à partir d’autres traductions, déjà réalisées en d’autres langues, car il faut les effectuer directement à partir des textes originaux, à savoir de ceux qui sont rédigés en latin pour les textes liturgiques de composition ecclésiastique, et aussi, selon le cas, de l’hébreu, de l’araméen, ou du grec, en ce qui concerne les textes des Saintes Ecritures. De même, en réalisant des traductions de la Sainte Bible en vue d’un usage liturgique, on doit normalement consulter le texte de la Néo-Vulgate promulguée par le Siège Apostolique, afin de se conformer à la tradition d’interprétation qui est propre à la Liturgie Latine, comme, par ailleurs, cela est stipulé dans la présente Instruction. 24
25 Afin que le contenu du texte original soit accessible même aux fidèles qui n’ont pas eu de formation intellectuelle spécialisée, et soit compris par ces derniers, il convient que les traductions soient réalisées à l’aide de mots qui soient facilement compréhensibles, mais qui en même temps respectent la dignité et la beauté ainsi que le contenu doctrinal exact des textes. 25 En employant les mots de louange et d’adoration, qui incitent à une attitude de révérence et de gratitude envers la majesté de Dieu, sa puissance, sa miséricorde, et sa nature transcendante, les traductions contribuent à combler la faim et la soif du Dieu vivant, éprouvées par le peuple de notre temps, tout en contribuant en même temps à la dignité et à la beauté de la célébration liturgique. 26
26 La caractéristique des textes liturgiques d’être un instrument très puissant pour inculquer la foi et les mœurs chrétiennes dans la vie des fidèles, 27 doit être respectée avec grand soin dans les traductions. De même, la traduction des textes doit être conforme à la saine doctrine.
27 Même s’il faut éviter d’employer des mots ou des expressions qui, en raison de leur caractère trop inusité ou étrange, empêchent une compréhension facile, tout aussi bien, il convient de considérer les textes liturgiques comme la voix de l’Église en prière plutôt que celle des groupes particuliers ou celle des individus, et c’est pour cette raison qu’il faut que les termes employés soient libres de toute adhésion trop étroite à des modes d’expression du moment. Si des mots ou des expressions, qui diffèrent du langage commun ou quotidien, peuvent parfois être employés dans les textes liturgiques, il en résulte souvent qu’ils sont plus faciles à mémoriser et qu’ils expriment plus efficacement les réalités d’en-haut. Bien plus, il semble que l’observance des principes contenus dans cette Instruction pourra servir afin que, progressivement, dans chaque langue vernaculaire, un style sacré soit élaboré, et reconnaissable comme un langage proprement liturgique. Ainsi, il peut arriver qu’une certaine manière de s’exprimer qui, dans le langage quotidien est considérée un peu obsolète, puisse continuer à être employée dans le contexte liturgique. De la même façon, dans la traduction des passages de la Bible, qui contiennent un vocabulaire ou des expressions particulièrement inélégants, il serait inopportun et inconsidéré d’éliminer cette caractéristique. Ces principes affranchissent la liturgie du besoin de révisions fréquentes, nécessitées par l’emploi d’expressions, qui ont ensuite disparu de la langue courante du peuple.
28 La Sainte liturgie s’adresse non seulement à l’intelligence de l’homme, mais encore à toute sa personne, qui est le sujet d’une pleine et consciente participation dans la célébration liturgique. Ainsi, les traducteurs doivent laisser les symboles et les images contenus dans les textes, ainsi que les actions rituelles parler d’eux-mêmes, et non chercher à rendre trop explicite ce qui est implicite dans le texte original. C’est pour cette raison qu’il convient d’éviter avec prudence d’ajouter aux textes des explications qui n’existent pas dans l’édition typique. En outre, il faut veiller à ce que dans les éditions en langue vernaculaire, soient conservés au moins quelques textes en langue latine, puisés en particulier dans l’inestimable trésor du chant grégorien, que l’Église reconnaît comme propre à la Liturgie romaine, et qui, toutes choses d’ailleurs égales, doit occuper la principale place dans les actions liturgiques. 28 En effet, ce chant possède une grande capacité pour élever l’esprit de l’homme vers les réalités d’en-haut.
29 C’est la tâche des homélies et de l’enseignement catéchétique d’expliquer le sens des textes liturgiques, 29 dans lesquels la position de l’Église est clairement mise en lumière, tant à l’égard des membres des Églises particulières ou des communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, que des membres des communautés juives et des adeptes des autres religions, de même qu’à l’égard de la véritable dignité et égalité de tous les hommes. 30 Il appartient pareillement aux catéchistes et à celui qui tient l’homélie, de transmettre une interprétation authentique du texte, en excluant tout préjudice, toute discrimination injuste basée sur des considérations de personnes, de sexe, de condition sociale, d’origine raciale ou d’autres raisons, car de telles attitudes sont totalement absentes dans les textes de la Sainte Liturgie. Bien qu’une telle considération soit parfois utile, dans le but de choisir entre diverses traductions éprouvées d’une locution, elle ne peut pourtant pas justifier une modification du texte biblique ou liturgique qui a été dûment promulgué.
30 Dans beaucoup de langues, on trouve des noms et des pronoms, qui présentent la même forme pour les deux genres, et expriment conjointement masculin et féminin. La demande d’une modification de cet usage ne doit pas nécessairement être admis comme si cela constituait la conséquence ou la manifestation d’un vrai progrès dans la forme actuelle de la langue en question. Même s’il est nécessaire de faire attention, dans la catéchèse, à ce que les mots appartenant à cette catégorie soient correctement compris dans leur sens “inclusif”, cependant il n’est souvent pas possible que, dans les traductions, d’autres mots soient employés sans porter préjudice aux nuances exactes du texte, ni à la relation harmonieuse des divers mots ou locutions, ni à l’équilibre qui existe entre eux. A titre d’exemple, si le texte originel emploie un mot unique pour exprimer le lien entre un seul homme et l’unité, ainsi que l’universalité de la famille ou communauté humaine (comme les mots hébreu adam, grec anthropos, latin homo), il faut conserver cette manière de s’exprimer du texte dans la langue d’origine dans la traduction. Comme il advint en d’autres périodes de l’histoire, l’Église doit prendre des décisions en toute liberté en ce qui concerne l’usage de la langue, en prenant comme point de référence avant tout sa mission doctrinale, et sans se soumettre à des normes linguistiques imposées de l’extérieur, et qui seraient au détriment de cette mission.
31 En particulier: les dispositions qui consistent à recourir systématiquement à des solutions inconsidérées doivent être évitées, de même que la substitution improvisée des mots, le changement du singulier au pluriel, la séparation d’un mot unique exprimant une réalité collective dans les deux genres masculin et féminin, ou l’introduction de termes impersonnels ou abstraits, de tels procédés peuvent tous avoir comme résultat de ne pas rendre le sens plein d’un mot ou d’une expression du texte original. Les solutions de ce genre comportent le danger d’introduire des difficultés d’ordre théologique ou anthropologique dans les traductions. Voici les autres normes particulières :
a) Quand il s’agit de Dieu tout puissant et de chacune des personnes de la Très Sainte Trinité, il faut respecter la vérité de la tradition et la pratique habituelle de chaque langue concernant le genre à attribuer.
b) Il convient de prendre un soin particulier à traduire fidèlement et exactement la locution composée : “Filius hominis” (Fils de l’Homme). La grande importance christologique et typologique de cette locution exige même qu’on adopte résolument une locution composée telle qu’elle puisse être comprise dans le cadre de toutes les traductions.
c) Le mot “Patres” (Pères), qui apparaît dans de nombreux passages de la Bible et dans des textes liturgiques de composition ecclésiastique, doit être rendu en employant, dans les langues vernaculaires, un mot masculin adéquat, qui puisse se référer, selon le contexte, soit aux Patriarches, ou aux rois du peuple élu de l’Ancien Testament, soit aux Pères de l’Église.
d) Autant que cela s’avère possible, dans une langue vernaculaire déterminée, l’usage du pronom féminin est préférable au neutre, s’il se rapporte à l’Église.
e) Les termes exprimant les affinités familiales ou d’autres relations significatives, comme “frater” (frère), “soror” (sœur) etc., qui sont clairement selon le contexte au masculin ou au féminin, doivent être transcrits de cette manière dans la traduction.
f) Le genre grammatical des anges, des démons et des dieux et déesses païens est rendu, dans langue vernaculaire, en tenant compte du texte original, quand cela s’avère possible.
g) Dans toutes les questions de ce genre, il convient d’appliquer les principes exposés aux nn. 27 et 29 .
32 Il n’est pas permis dans la traduction de restreindre dans des limites plus strictes la pleine signification du texte d’origine. En plus, les expressions qui coïncident avec des publicités commerciales ou à des propos insérés dans des projets politiques et idéologiques, à des manières de s’exprimer caduques ou de caractère régional, ou bien encore à des termes, dont le sens est ambigu, doivent être évitées. Étant donné que les manuels de style scolaire ou des ouvrages semblables sont parfois favorables à ces tendances, ils ne peuvent être considérés comme déterminants pour les traductions liturgiques. Au contraire, les ouvrages, que l’on considère comme des “classiques” dans chacune des langues vernaculaires, peuvent être utiles pour fournir un modèle approprié quant aux mots et aux usages à employer.
33 L’emploi des majuscules dans les textes liturgiques de l’édition typique en langue latine et aussi dans la traduction liturgique de la Sainte Bible - soit à titre honorifique, soit pour un motif concernant le sens théologique - doit être conservé dans la langue vernaculaire, du moins autant que la structure de cette même langue le permette.
Liturgiam authenticam